Chapitre 14
Tumeurs du système nerveux central – Hypertension et hypotension intracrâniennes
Tumeurs intracrâniennes
Approche générale des tumeurs cérébrales
Épidémiologie: Environ 17 000 nouvelles tumeurs primaires du cerveau et nouveaux cancers du système nerveux sont diagnostiqués chaque année aux États-Unis ; la fréquence des tumeurs du système nerveux central (SNC) est ainsi deux fois supérieure à celle de la maladie de Hodgkin et atteint environ un tiers de celle du mélanome. En revanche, les métastases intracrâniennes sont cinq fois plus fréquentes que les tumeurs cérébrales primaires. Plus de 120 types de tumeurs cérébrales primaires proviennent des cellules qui composent le SNC (tableau 14-1). En pratique clinique, outre la classification des tumeurs par leur cellule d’origine, il est souvent utile de classer une tumeur intracrânienne en fonction de son site, par exemple les tumeurs de la région pinéale ou les tumeurs hypophysaires et suprasellaires.
Tableau 14-1
Classement des tumeurs du cerveau par l’Organisation mondiale de la santé*
Tumeurs des tissus neuroépithéliaux
Tumeurs neuronales et mixtes glioneuronales
Tumeurs parenchymateuses pinéales
Tumeurs de nerfs crâniens et spinaux
Schwannome
Neurofibrome
Tumeurs des méninges
Méningiome
Hémangiopéricytome
Hémangioblastome
Lymphomes primitifs du système nerveux central
Tumeurs des cellules germinales
Germinome
Carcinome embryonnaire
Tumeur du sac vitellin (tumeur du sinus endodermique)
Choriocarcinome
Tératome
Tumeurs mixtes des cellules germinales
Kystes et lésions de type tumoral
Kyste de la fente de Rathke
Kyste épidermoïde
Kyste dermoïde
Kyste colloïde du troisième ventricule
Tumeurs de la région sellaire
Adénome hypophysaire
Cancer de l’hypophyse
Craniopharyngiome
Tumeurs métastatiques
*Classification abrégée et modifiée de l’Organisation mondiale de la santé.
Physiopathologie: Contrairement aux tumeurs provenant d’autres sites corporels, celles qui se développent dans le cerveau montrent peu de différence clinique entre les formes bénignes et malignes. La croissance des tumeurs cérébrales est restreinte au SNC ; elles métastasent rarement, sinon jamais, dans d’autres organes. Dans le SNC, une tumeur maligne a de fortes caractéristiques pathologiques : invasion tissulaire locale, néovascularisation, nécrose régionale et atypie cytologique. Ces propriétés favorisent la croissance des cellules malignes et donc une expansion rapide avec, souvent, une récidive peu après le traitement. Les tumeurs dépourvues de ces caractéristiques histologiques agressives sont de préférence classées comme étant de grade inférieur plutôt que de grade bénin. De nombreuses tumeurs de bas grade continuent à croître dans le SNC, causant des troubles neurologiques progressifs, et certaines peuvent acquérir un phénotype cancéreux au fil du temps. Les tumeurs de bas grade qui se transforment en tumeurs de haut grade sont principalement les tumeurs intra-axiales, qui ne peuvent pas être guéries par résection en raison de leur infiltration diffuse du cerveau. Presque toutes les tumeurs vraiment bénignes du SNC sont extra-axiales, comme les méningiomes et les neurinomes de l’acoustique, qui peuvent être guéris par résection chirurgicale complète.
Manifestations cliniques: Une tumeur cérébrale peut se manifester par deux types de symptomatologie, le patient pouvant montrer l’un des deux ou les deux simultanément. Les symptômes généraux, qui reflètent généralement une augmentation de la pression intracrânienne (PIC), accompagnent souvent les tumeurs cérébrales ; ils comprennent des maux de tête, de la léthargie, un changement de personnalité, des nausées et des vomissements. Les symptômes de latéralisation reflètent une localisation spécifique de la tumeur ; ils se manifestent par une hémiparésie, une aphasie, des déficits hémisensoriels, des troubles du champ visuel et des convulsions (tableau 14-2).
Tableau 14-2
Manifestations cliniques focales de tumeurs du cerveau
Convulsions motrices focales (controlatérales)
Aphasie expressive (côté dominant)
Troubles de la marche, incontinence
Aphasie réceptive (côté dominant)
Désorientation spatiale (côté non dominant)
Dysfonctionnement sensoriel cortical (controlatéral)
Épilepsie partielle complexe (psychomotrice)
Crises épileptiques généralisées
Auras visuelles complexes et olfactives
Trouble du langage (côté dominant)
Environ 35 % des tumeurs cérébrales se manifestent d’abord par des céphalées. Elles sont plus fréquentes chez les patients jeunes que chez les patients âgés ; les patients dont la tumeur croît rapidement en souffrent plus souvent que ceux dont les tumeurs évoluent lentement (fig. 14-1). Des anomalies mentales et cognitives (aphasie, alexie, agnosie, etc.) peuvent être le reflet d’une tumeur locale ou d’une dégradation générale (léthargie, confusion, difficulté à trouver les mots, apathie, etc.). Environ un tiers des patients atteints de tumeurs cérébrales ont des convulsions et cellesci sont particulièrement fréquentes comme premier et seul symptôme d’une tumeur de bas grade. Les convulsions, qui sont focales parce qu’elles proviennent du site de la tumeur, peuvent rester limitées (par exemple sous forme de crise motrice focale), ou elles peuvent se généraliser et causer une syncope, parfois si rapidement que le patient, ou même un témoin attentif, ne remarque pas le caractère focal initial.
Imagerie: L’imagerie par résonance magnétique (IRM) est de loin supérieure à la tomodensitométrie (TDM) et doit être utilisée dès qu’une tumeur intracrânienne est suspectée. L’IRM doit être réalisée avec et sans injection intraveineuse de gadolinium. Une IRM bien effectuée détecte toute tumeur intracrânienne et si elle s’avère normale, elle exclut tout néoplasme. L’IRM de certaines tumeurs extra-axiales (par exemple neurinome de l’acoustique, méningiome) est si typique que la confirmation histologique n’est pas nécessaire (tableau 14-3). Une lésion infiltrante non rehaussée par le produit de contraste, visible surtout en T2 ou sur des séquences FLAIR (fluid-attenuated inversion recovery), est plus compatible avec un gliome de bas grade (fig. 14-2), tandis qu’une lésion rehaussée par le produit de contraste avec un foyer de nécrose centrale et un œdème autour est plus susceptible d’être un glioblastome ou éventuellement une métastase cérébrale. Bien que ces diagnostics doivent être confirmés histologiquement, les images préopératoires influent sur le choix du type d’intervention et de l’approche chirurgicale de la lésion.
Fig. 14-2 Gliome.
Gliome de bas grade en imagerie par résonance magnétique (IRM). À gauche, pondération en T2 ; à droite, image pondérée en T1, contraste au gadolinium avec rehaussement minimal. Les images sont typiques de cette tumeur, qui est détectée de plus en plus souvent par IRM chez des patients épileptiques. Beaucoup sont invisibles sur les clichés tomodensitométriques.
Autres examens: L’électroencéphalographie (EEG) est rarement nécessaire au diagnostic ou au traitement des tumeurs cérébrales. Elle peut parfois être utile chez un patient en état de stupeur prolongé ou inexpliqué et chez qui un état de mal épileptique non convulsif est envisagé. L’EEG sert souvent à la surveillance peropératoire ; elle permet de guider la résection du cortex épileptogène adjacent ou présent dans le tissu tumoral.
Diagnostic différentiel: Les patients qui se présentent avec des symptômes d’élévation de la PIC ou l’apparition de nouveaux symptômes neurologiques centraux tels qu’une hémiparésie ou une crise d’épilepsie doivent être hospitalisés pour examen immédiat. La neuro-imagerie montre une masse, et les caractéristiques radiographiques restreignent le diagnostic différentiel (tableau 14-4). Des tumeurs extra-axiales, comme un méningiome ou neurinome de l’acoustique, peuvent être confondues avec une métastase durale. Quand elles impliquent le lobe temporal, des tumeurs intra-axiales de bas grade, qui ne sont pas rehaussées à l’IRM, ont été confondues avec des infections comme l’encéphalite herpétique. Des tumeurs intra-axiales rehaussées par le produit de contraste peuvent être confondues avec un accident vasculaire cérébral, un abcès ou une plaque de démyélinisation focale. Un infarctus subaigu peut montrer, contrairement aux tumeurs cérébrales, un rehaussement rapide du contraste, principalement dans la substance blanche et habituellement sous la forme d’une circonvolution ; parfois, cependant, l’imagerie ne peut distinguer les deux pathologies. Les abcès cérébraux ont généralement une paroi rehaussée plus mince qu’une tumeur maligne, mais à l’IRM les deux se ressemblent parfois. Malgré des examens minutieux, des patients considérés comme porteurs d’un gliome malin se sont révélés, lors de l’intervention chirurgicale, être atteints d’un abcès cérébral. Une seule grande plaque de démyélinisation peut aussi être confondue radiologiquement avec une tumeur cérébrale, et parfois le diagnostic ne peut être établi que par biopsie.
Types particuliers de tumeur cérébrale
Tumeurs extra-axiales primitives
Les tumeurs extra-axiales primitives les plus fréquentes sont les méningiomes, les adénomes hypophysaires et les névromes de l’acoustique. Ces tumeurs se développent dans la cavité intracrânienne, mais ne sont pas des tumeurs du tissu cérébral. Presque toutes sont bénignes ; puisque le cerveau est rarement envahi, l’excision complète permet souvent une guérison avec récupération complète de la fonction neurologique. Ces tumeurs causent des symptômes neurologiques et des signes en comprimant le cerveau sous-jacent, mais l’œdème cérébral est rare ; les glucocorticoïdes ont donc un rôle limité.
Méningiomes
Épidémiologie: Les méningiomes sont généralement bénins. Entre 5 et 10 % sont des variantes atypiques ou malignes avec une évolution plus agressive. Les méningiomes sont plus fréquents chez les femmes, peuvent être multiples chez environ 10 % des patients atteints de méningiome sporadique, et font parfois partie d’un syndrome familial. Ils se produisent avec une fréquence accrue chez les patients atteints de neurofibromatose de type 2.