Chapitre 14 Histoire de la chirurgie du décollement de la rétine
« Les grandes inventions sont rarement le fait de concepts totalement nouveaux. Elles sont presque toujours basées sur des réflexions dont le potentiel n’a pas été complètement exploité. » Charles Schepens.
La « préhistoire » : 1852-1919
En 1852, deux ans après l’introduction de l’ophtalmoscope par Helmholtz, eut lieu la première description d’un décollement de rétine, suivie un an plus tard par celle d’une déchirure de la rétine par Coccius. De Wecker (1870) [3], puis Leber (1882) émirent l’hypothèse que la déchirure serait secondaire à des tractions du vitré et que le vitré liquéfié passant par la déchirure produirait le décollement.
Aucune des premières chirurgies du décollement de rétine ne traitait la déchirure (Kittel, 1860 ; Meyer, 1871 ; Ohm, 1811 ; Müller, 1803). En 1812, Vail [14] réalisa une revue de ces chirurgies : le succès étant d’un pour mille, il concluait en l’absence de méthode réellement valable.
Jules Gonin : la première chirurgie rationnelle (1919)
En 1906, Jules Gonin conclut que seule l’étude des causes du décollement permettrait d’en découvrir le traitement [11]. Après douze ans d’observation patiente, il confirma les théories de De Wecker et Leber sur la responsabilité de la déchirure dans le décollement de rétine. En 1919, il présenta le premier succès chirurgical après drainage du liquide sous-rétinien associé à une adhérence choriorétinienne (fig. 14-1). La procédure de Gonin consistait à repérer soigneusement la déchirure, dont la localisation était marquée sur la sclère exposée après désinsertion de la conjonctive. Une incision radiaire de la sclère, sur 2 mm à 3 mm, était pratiquée en arrière de la déchirure, jusqu’à l’espace sousrétinien, permettant de drainer le liquide sous-rétinien. Puis, un cautère de Paquelin (pointe métallique chauffée à blanc) était introduit dans la sclérotomie à une profondeur de 3 mm à 4 mm et laissé en place deux à trois secondes dans le but de cautériser directement la déchirure et créer ainsi une adhérence choriorétinienne. Cette technique fut ensuite l’objet de nombreuses publications [4], reconnues par la communauté internationale (fig. 14-2).
Modifications de la technique de Gonin
Les échecs de cette procédure étaient très souvent liés à la difficulté de localiser précisément la déchirure, qui était repérée à l’ophtalmoscope monoculaire, sans indentation. De plus, la rétinopexie était ponctuelle. Les modifications de la technique de Gonin eurent surtout pour but d’étendre la zone d’adhérence choriorétinienne autour de la déchirure.
DIATHERMIE DE SURFACE
En 1932, indépendamment, Larsson [6] et Weve développèrent des électrodes dont l’extrémité avait une forme de bulbe. Plusieurs applications sclérales étaient réalisées dans le quadrant de la déchirure, créant ainsi une large zone d’adhérence choriorétinienne. Cette méthode, plus efficace que celle de Gonin et présentant moins de complications, devint la méthode de rétinopexie de choix pendant trente ans, associée plus tard aux techniques d’indentation.
PREMIÈRE CRYOAPPLICATION
En 1933, Bietti [1] décrivit pour la première fois l’usage de froid pour créer l’adhérence choriorétinienne. Il appliquait un crayon de neige carbonique de façon similaire à la diathermie de surface. Ce principe ne devint populaire que trente ans plus tard [7]. En 1965, Amoils développa une cryode où l’expansion brutale de gaz permettait une chute rapide de la température. La simplicité de la cryoapplication et le respect de la sclère — à la différence de la diathermie, nécrosant la sclère — firent que cette méthode s’imposa jusqu’à nos jours.