14: Embolies de Cholestérol

Chapitre 14 Embolies de Cholestérol



La maladie des embolies de cholestérol se définit comme une ischémie tissulaire en rapport avec l’occlusion des petites artères par des microemboles athéromateux, en provenance de plaques athéroscléreuses proximales. Ces emboles peuvent intéresser des organes multiples (embolies de cholestérol systémiques) ou seulement la peau des membres inférieurs.


La migration de microemboles athéromateux paraît fréquente, mais le plus souvent asymptomatique, de découverte autopsique. Lorsqu’elle est symptomatique, comme l’aorte est la source principale de plaques athéroscléreuses, elle s’exprime le plus souvent par des signes cutanés (les classiques « orteils bleus »), rénaux ou digestifs. Elle témoigne alors d’une gravité particulière de la maladie athéroscléreuse comme le montre la mortalité élevée constatée dans le suivi de ces patients. Le diagnostic n’est pas toujours facile, notamment dans les formes rénales ou digestives pures. Le traitement fait appel à la chirurgie du site emboligène lorsqu’il est parfaitement identifié et si l’état clinique du malade le permet. Sinon, le traitement médical comprend des mesures symptomatiques pures, dont la seule qui fait l’objet d’un consensus est l’arrêt des traitements anticoagulants.



PHYSIOPATHOLOGIE


L’origine des embolies est une plaque athéroscléreuse située le plus souvent dans l’aorte sous rénale, parfois thoracique, ou au niveau des grosses artères des membres inférieurs : artères iliaques, fémorales ou poplitées. Le mécanisme invoqué est l’ulcération de la plaque provoquant une fragmentation des débris lipidiques de la plaque. Cette « bouillie athéromateuse » est protégée de la circulation par un thrombus fibrinoplaquettaire. Soit spontanément, soit à la suite d’une agression de la paroi, soit en raison d’un traitement anticoagulant, le thrombus se dissout et la bouillie athéromateuse migre vers l’aval [1]. En raison de la petite taille des débris lipidiques, ils vont obstruer des artérioles de 100 à 500 μm de diamètre.


L’artériole atteinte est le siège de plusieurs événements physiopathologiques [2]. Après occlusion partielle ou complète par le cristal de cholestérol, se développe en 24 à 48 heures une infiltration de monocytes, macrophages et cellules géantes, suivie d’une prolifération endothéliale et d’une fibrose intravasculaire. Les cristaux de cholestérol sont difficilement nettoyés par les macrophages et peuvent rester visibles plusieurs mois.


Le degré de sévérité variable explique la diversité des tableaux cliniques. En cas d’oblitération incomplète, les embolies de cholestérol peuvent être asymptomatiques ou donner des symptômes fugaces. Si l’ischémie tissulaire est le mécanisme principal des lésions, une intervention du système inflammatoire est probable. Les macrophages, qui possèdent des récepteurs pour les LDL cholestérol, sont activés, et sécrètent des cytokines telles le TNF alpha et l’interleukine 1, responsables des signes généraux [3]. Une activation du système du complément est évoquée [4]. Le siège du site emboligène explique les localisations cliniques : aux membres inférieurs exclusivement en cas de site artériel proximal ou aortique sous rénal, aux membres inférieurs et aux artères viscérales rénales et digestives en cas de site aortique plus haut situé (aorte suprarénale ou thoracique), au cerveau en cas de site carotidien, brachiocéphalique ou de la crosse de l’aorte [5].



ÉPIDÉMIOLOGIE


L’incidence des embolies de cholestérol a été estimée à partir d’études anatomopathologiques. Ainsi, aux Pays-Bas, où il existe un registre national des données anatomopathologiques, 833 diagnostics entre 1973 et 1994 ont été colligés, ce qui équivaut à une incidence (prouvée histologiquement) de 6 à 7 cas par million d’habitants [6]. Les embolies de cholestérol sont trouvées dans 0,3 % des autopsies.


En raison de l’augmentation de l’espérance de vie, des pathologies vasculaires athéromateuses et des procédures vasculaires, c’est une pathologie qui ne peut qu’augmenter en fréquence [1].


Il existe un sex ratio en faveur des hommes dans toutes les études : 77 % [7], 73 % [6], 70 % [8], 83 % dans la série récente d’atteintes rénales de Scolari [9], d’âge moyen 65 ans. Ces patients ont des pathologies vasculaires préexistantes dans 70 à 90 % des cas : hypertension artérielle, coronaropathie, artériopathie des membres inférieurs, anévrisme aortique, maladie cérébrovasculaire, insuffisance rénale.


Même si des embolies de cholestérol (EC) peuvent survenir spontanément, des facteurs prédisposants sont trouvés dans plus de la moitié des cas, avec des chiffres encore plus élevés (77 à 96 %) dans les séries récentes [9, 10] (tableau 14-1). L’étiologie la plus fréquente est le cathétérisme artériel.



Les délais entre le geste et les EC sont variables : de quelques heures à plusieurs semaines, en moyenne 49 jours dans la série de Belenfant [10] et jusqu’à 5 mois [11].



MANIFESTATIONS CLINIQUES


Elles dépendent de l’importance des embolies et du type de territoire atteint (tableau 14-2).



Les symptômes le plus fréquemment retrouvés sont les signes cutanés, avec une fréquence supérieure à 70 % dans les séries récentes prospectives. En premier lieu, il s’agit du livedo reticularis, 49 % chez Falanga [12], 74 % dans la série espagnole de Jucgla [13]. Le livedo reticularis se définit comme une érythrocyanose disposée en réseau, comme les mailles d’un filet [14]. Il correspond histologiquement à une dilatation des plexus veinulaires secondaire à l’oblitération d’une artériole cutanée. D’apparition brutale aux membres inférieurs, il est bilatéral dans 90 % des cas, s’étendant aux cuisses chez 60 % des malades, au tronc chez 38 %. Il peut être limité aux plantes des pieds.


Les gangrènes sont la deuxième manifestation rencontrée (35 %). Dans plus de 90 % des cas, il s’agit de gangrènes d’orteils, bilatérales chez la moitié des patients.


La simple cyanose, qui correspond à la description classique des « orteils bleus » (28 %), le plus souvent bilatérale, peut intéresser les orteils (80 % des cas) ou le reste du pied (20 %).


Des ulcérations cutanées touchant les orteils ou les pieds, des nodules des jambes et des cuisses, des lésions purpuriques ressemblant à une vascularite, sont plus rarement rencontrés (respectivement 16 %, 10 %, 9 %). La biopsie cutanée est assez performante. L’image histologique est celle de fentes biconvexes en forme d’aiguilles optiquement vides si le fixateur utilisé est un solvant des graisses.


D’autres manifestations, moins classiques, ont été rapportées : des hémorragies sous-unguéales multiples touchant les mains et les pieds, des nodules et plaques du pied avec une histologie de pseudo-lymphome évoluant de façon chronique (4 ans) et dont le diagnostic a été redressé par la découverte des empreintes des cristaux sur une coupe histologique.



Dans Le Rein


Les cristaux se logent dans les artères arquées, interlobulaires et dans les artérioles terminales. Des localisations dans les capillaires glomérulaires ont été anecdotiquement rapportées. À la phase aiguë, ces oblitérations sont responsables d’infarcissements localisés. À la phase chronique, la prolifération endothéliale, la fibrose concentrique des vaisseaux, la réaction à cellules géantes entretiennent l’ischémie, qui conduit à la hyalinisation glomérulaire, à l’atrophie tubulaire et à terme à l’insuffisance rénale. Le degré de développement de l’insuffisance rénale dépend de la sévérité et de la répétition des embolies.


L’incidence de l’atteinte rénale est diversement appréciée selon les études. Sur une série de 334 biopsies rénales effectuées chez des patients de plus de 65 ans, 14 cas (4, 2 %) étaient retrouvés [15].


Pour Mayo, l’athéro-embolie rénale concernerait 4 % des consultations de néphrologie des patients hospitalisés [16]. Après cathétérisme artériel, l’atteinte rénale est estimée entre 0,06 et 0,2 % [17].


Dans la série de Belenfant [10], les EC représentaient entre 6 et 10 % des causes d’insuffisance rénale aiguë observées dans l’unité de soins continus de néphrologie. La manifestation clinique la plus fréquente est l’hypertension artérielle, labile ou accélérée, (48 %), occasionnellement maligne. L’insuffisance rénale subaiguë ou aiguë s’observe essentiellement dans les formes iatrogéniques [9] et s’aggrave par paliers sur une période de plusieurs semaines. La protéinurie est en général modérée, aux alentours de 1 g/L, et une hématurie microscopique est fréquente [10]. Un œdème pulmonaire est associé chez 61 % des patients de la série de Bellenfant [10]. L’insuffisance rénale aiguë peut être aiguë, oligurique, conduisant dans 40 % des cas à la dialyse. Les chiffres de dialyse définitive sont variables selon les séries : 32 % pour Bellenfant [10], 71 % pour Scolari [9].


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Jul 3, 2017 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on 14: Embolies de Cholestérol

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