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Lupus érythémateux
Le lupus érythémateux est une maladie comportant une large gamme de manifestations allant des lésions isolées persistantes du lupus érythémateux chronique aux lésions polymorphes généralisées du lupus érythémateux subaigu en passant par les atteintes multiples de différents organes du lupus érythémateux systémique. Le lupus correspond à un dysfonctionnement des cellules T provoquant une activation des cellules B et produisant une variété d’autoanticorps dirigés contre les antigènes du noyau des cellules tels que l’ADN, l’ARN et les complexes de ribonucléoprotéines.
Se méfier des variantes lupiques induites par des médicaments ; les manifestations cliniques et les constatations biologiques sont similaires au lupus idiopathique. Ces variants incluent les trois types de lupus décrits ci-dessus induits par des médicaments. Les médicaments les plus souvent associés aux lupus systémiques induits par des médicaments sont l’hydralazine, le procaïnamide, l’isoniazide, la méthyldopa, la chlorpromazine, la quinidine et la minocycline. Le lupus érythémateux systémique induit par des médicaments épargne en général les reins et le système nerveux central.
Aperçu du traitement
Rechercher les associations médicamenteuses, et quand c’est possible, supprimer les médicaments suspects qui peuvent déclencher la maladie.
Un élément essentiel du traitement consiste à prendre l’habitude d’utiliser un écran solaire et d’éviter au maximum le soleil.
Les écrans solaires à utiliser doivent pouvoir servir de barrière contre le rayonnement ultraviolet A à large spectre.
Une supplémentation en vitamine D doit être prescrite aux patients qui peuvent avoir un taux bas de vitamine D en raison de la protection solaire.
Un arrêt du tabac doit être encouragé afin d’obtenir un meilleur contrôle de la maladie. Une moins bonne réponse au traitement existe chez les fumeurs.
Il existe plusieurs possibilités de traitement. L’utilisation d’un topique seul ou associé à un agent systémique dépend du niveau d’intensité et de gravité de la maladie et des autres états pathologiques présents.
Les immunomodulateurs récents tels que la crème de pimecrolimus (non disponible en France) ou la pommade de tacrolimus (Protopic®) peuvent être des apports thérapeutiques utiles. Les deux médicaments sont appliqués quotidiennement sur les lésions cutanées pendant une période prolongée et peuvent constituer un traitement topique de première ligne privilégié pour les lésions faciales (il n’y a pas d’autorisation de mise sur le marché [AMM] en France dans cette indication [NdT]).
Les traitements classiques comprennent les corticoïdes topiques ou intralésionnels, les rétinoïdes et le traitement antipaludéen par voie orale.
Les corticoïdes topiques peuvent faire l’objet d’une utilisation intermittente en application deux fois par jour pendant 2 semaines et en alternance avec des hydratants pendant une semaine.
Les corticoïdes injectables peuvent être injectés dans les lésions provoquées par le lupus érythémateux chronique.
L’hydroxychloroquine à une dose de 200 à 400 mg une fois par jour est un traitement oral efficace utilisé dans la plupart des cas. L’effet du médicament s’observe en 4 à 8 semaines. Des examens ophtalmiques peuvent être nécessaires.
D’autres traitements pouvant être envisagés dans le cas du lupus érythémateux cutané comprennent : la dapsone à une dose de 25 à 200 mg une fois par jour (particulièrement utile pour le lupus érythémateux bulleux, ou pour les vascularites du lupus érythémateux, ou bien pour la vascularite urticarienne associée au lupus érythémateux subaigu et les aphtes) ; le thalidomide à une dose de 50 à 300 mg une fois par jour au moment du coucher ; la sulfasalazine à une dose de 1,5 à 2 g une fois par jour ;
la prednisone à une dose de 0,5 à 1,5 mg/kg une fois par jour ; les rétinoïdes, par exemple : l’acitrétine à une dose de 10 à 50 mg une fois par jour ou l’isotrétinoïne à une dose de 1 mg/kg une fois par jour ; l’azathioprine ; le méthotrexate ; le mycophénolate mofétil ; et le cyclophosphamide.
Les immunoglobulines G par voie intraveineuse (IGVI) à haute dose (1 g/kg une fois par jour pendant 2 jours consécutifs sur un mois) peuvent être utilisées en cas d’échec des autres agents. Dans ce cas, le traitement est onéreux et la durée de la réponse est limitée.
Des perfusions d’anticorps monoclonaux ont agi avec succès dans le traitement de patients ayant un lupus érythémateux sévère et réfractaire.
Des maladies cutanées variées se présentent souvent au cours d’une atteinte systémique chez les patients ayant un lupus érythémateux. Un traitement systémique immunosuppresseur est nécessaire pour traiter cette forme de lupus.
Lupus érythémateux chronique ou discoïde
Le lupus érythémateux chronique est la forme la plus courante de lupus cutané. Les lésions peuvent être localisées ou étendues et consistent en des papules ou des plaques érythémateuses squameuses. Elles comportent souvent une atrophie centrale et sont cicatricielles.
Les lésions de lupus érythémateux chronique ne sont pas toujours « discoïdes ».
Anamnèse
Le lupus érythémateux chronique est plus fréquent chez les femmes.
Il est probablement plus répandu chez les personnes à peau noire.
L’incidence de la maladie est plus prononcée après la quarantaine.
Les traumatismes et le rayonnement ultraviolet peuvent initier et aggraver les lésions.
Une photosensibilité est présente chez 50 % des patients ayant un lupus érythémateux chronique.
L’incidence de l’atteinte systémique est très faible et un lupus érythémateux disséminé se développe dans 1 à 5 % des cas seulement. Les patients ayant une atteinte cutanée étendue sont plus à risque de maladie systémique.
L’alopécie cicatricielle est définitive.
Un lupus érythémateux chronique de cause médicamenteuse est rare et peut être provoqué par les inhibiteurs du TNF-α.
Le lupus érythémateux discoïde pédiatrique n’est pas habituel mais est associé à un lupus érythémateux systémique quand les lésions sont diffuses.
Manifestations cutanées
Les lésions peuvent se manifester sur n’importe quelle zone corporelle, mais le cuir chevelu, le visage et les oreilles sont les régions les plus couramment atteintes.
Le lupus érythémateux chronique débute sans signes fonctionnels par des plaques de surface plane comportant des squames fermement adhérentes. Elles sont bien limitées, surélevées, de couleur rouge ou violacée, avec une dimension qui varie entre 1 et 2 cm.
Les bouchons folliculaires sont proéminents et, si on enlève la squame, on trouve sous la surface une lésion qui ressemble à une moquette pénétrée par de nombreuses pointes de colle.
L’atrophie épidermique produit une surface lisse et blanche ou d’une apparence ridée.
Les lésions peuvent être hypertrophiques ou verruqueuses et elles peuvent impliquer les paumes des mains et les plantes des pieds ou les muqueuses buccales.
Les lésions durent pendant des mois. Elles disparaissent spontanément ou elles évoluent vers une atrophie plus poussée pour finalement former des cicatrices déprimées, lisses, blanches ou hyperpigmentées avec des télangiectasies et une alopécie cicatricielle.
L’atteinte du cuir chevelu débute par un érythème, des squames et des obstructions folliculaires.
La destruction des follicules pileux provoque une alopécie cicatricielle irréversible. La perte de cheveux suit une distribution non systématisée.
Le lupus érythémateux chronique induit par un médicament peut présenter des lésions discoïdes classiques ou des lésions de lupus tumidus. Des anticorps antinucléiques sont positifs dans les deux tiers des cas.
Traitement
Le traitement initial comprend des corticoïdes topiques, des corticoïdes intralésionnels, des antipaludéens (par exemple l’hydroxychloroquine à une dose de 200 mg deux fois par jour), ou l’acitrétine 50 mg par jour. L’hydroxychloroquine et l’acitrétine sont aussi efficaces, mais l’acitrétine a plus d’effets secondaires. Les traitements alternatifs incluent la dapsone et les corticoïdes oraux. Les cas difficiles sont traités par méthrotrexate, azathioprine, thalidomide ou isotrétinoïne. L’utilisation d’un écran solaire est un aspect essentiel du traitement. Certains patients peuvent bien réagir à la pommade de tacrolimus (Protopic®) mais il n’y a pas d’AMM dans cette indication en France. Un écran solaire rémanent à large spectre doit être appliqué quotidiennement.
Lupus cutané chronique. Plaques rouges et squames. Les lésions ne se sont pas encore cicatricielles.
Lupus érythémateux subaigu
Le lupus érythémateux subaigu est une forme de lupus érythémateux typiquement caractérisée par des lésions psoriasiformes ou des lésions annulaires non cicatricielles disposées sur les zones d’exposition au soleil.
La maladie est plus fréquente chez les femmes blanches, jeunes ou d’âge moyen.
Anamnèse
La plupart du temps, l’affection se manifeste par une éruption soudaine suite à une exposition au soleil et, souvent, l’atteinte cutanée s’accroît avec le temps.
Les lésions se manifestent sur la partie supérieure du tronc, sur la nuque, sur la partie supérieure du dos et les épaules, sur les faces d’extension des bras, sur le visage et sur le dos des mains.
Les manifestations systémiques sont plus limitées et moins graves que dans le lupus érythémateux aigu et elles peuvent passer inaperçues.
Les lésions cutanées isolées peuvent durer pendant des mois.
Cette affection a tendance à devenir chronique et récurrente, avec des poussés pendant le printemps et l’été ou suite à une exposition prolongée au soleil.
Le lupus érythémateux subaigu de cause médicamenteuse est la variété de lupus liée à un médicament la plus fréquente. Les patients sont souvent plus âges que ceux qui ont un lupus érythémateux subaigu idiopathique. Il est semblable cliniquement et sérologiquement au lupus érythémateux subaigu idiopathique, mais plus souvent atteint aussi les jambes et peut avoir une présentation bulleuse. Une arthrite, une sérite ou une atteinte organique majeure est habituellement absente. L’évolution après le début du traitement dure 4 à 20 semaines. Les médicaments associés à un lupus érythémateux subaigu incluent les bloqueurs des canaux calciques, les inhibiteurs de l’angiotensine convertase, les diurétique thiazidiques, la terbinafine, les statines, le tamoxifène, les inhibiteurs de la pompe à protons, un antidépresseur, le bupropopion, les AINS piroxicam et naproxène, l’interféron β, le docexatel et les anti-TNF.
Manifestations cutanées
Elles se présentent schématiquement de deux façons : papulosquameuse et polycyclique annulaire. Les lésions annulaires polycycliques peuvent comporter une desquamation légère.
Les lésions se manifestent sur la partie du tronc qui est exposée au soleil et elles sont rarement observées en dessous de la taille.
Une hypopigmentation grise et des télangiectasies sont observées au centre des lésions annulaires. Cet état s’accentue au fur et à mesure que les lésions disparaissent. L’hypopigmentation prend des mois pour s’effacer, mais les télangiectasies perdurent.
Les bouchons cornés, les plaques hyperkératosiques adhérentes, les cicatrices et l’atrophie cutanée ne sont pas des éléments prédominants, car ces manifestations caractérisent plutôt les lésions discoïdes.
D’autres observations comprennent la photosensibilité chez 70 à 90 % des patients, des télangiectasies périunguéales, un lupus érythémateux chronique et une vascularite nécrosante.
Les autres variantes de lupus érythémateux subaigu comprennent le lupus érythémateux néonatal, le lupus lié à un déficit en fraction C2 du complément, le lupus érythémateux subaigu médicamenteux et le lupus tumidus.
Examens de laboratoire
Le titre des anticorps antinucléaires est élevé dans 50 à 72 % des cas.
Le titre des anticorps anti-Ro (anti-SS-A) est élevé dans 50 à 100 % des cas. Les patients qui ont des anticorps anti-Ro/SSA ont un risque accru de nouvelles maladies auto-immunes et de lupus érythémateux subaigu induit par les médicaments.
Les anticorps anti-La (anti-SS-B) sont positifs chez moins de patients, coexistent plus souvent avec les anticorps anti-Ro (anti-SS-A) et ne sont généralement pas présents comme anticorps isolés.
Une leucopénie est présente chez 25 à 50 % des patients ayant un lupus érythémateux subaigu.
Discussion
Les patients ayant un lupus érythémateux subaigu ne répondent pas aux critères du lupus érythémateux disséminé, bien que l’atteinte ne soit pas strictement cutanée. Certains patients ont une atteinte rénale ou neurologique et d’autres manifestations systémiques telles que la fatigue ou des arthralgies. Une atteinte hématologique accompagnée de leucopénie, une diminution du niveau du complément et une lymphopénie peuvent aussi se manifester. Le pronostic global du lupus érythémateux subaigu est meilleur que celui du lupus érythémateux aigu.
Les mères ayant des anticorps Ro peuvent transmettre un lupus au nouveau-né par l’intermédiaire du passage transplacentaire des anticorps. L’incidence de cette transmission a été de l’ordre de 7,6 % dans une étude. Il y a un risque très faible de bloc auriculoventriculaire chez le nouveau-né.
Lupus néonatal
Le lupus néonatal est acquis sous l’action des anticorps maternels transmis au fœtus par voie transplacentaire et en particulier les anticorps anti-Ro/SS-A. Le nourrisson manifeste après la naissance des lésions cutanées lupiques. Il peut également avoir un bloc cardiaque auriculoventriculaire congénital. Une thrombopénie est présente dans 10 à 20 % des cas.
Les lésions cutanées provoquées par le lupus néonatal sont des plaques annulaires recouvertes par des squames fines qui disparaissent spontanément en quelques semaines ou en quelques mois. Elles peuvent laisser des télangiectasies résiduelles, une atrophie bénigne ou des séquelles pigmentaires. Une biopsie cutanée permet de visualiser des modifications cutanées de lupus. Des anticorps anti-Ro sont présents chez la plupart des nouveau-nés et chez leur mère.
Un bloc cardiaque complet, irréversible chez les enfants qui ont un lupus néonatal, peut entraîner une morbidité et une mortalité significatives. Un pacemaker est nécessaire en cas de bloc cardiaque complet.
Une mère dont un enfant a un lupus néonatal court un risque accru d’avoir ultérieurement d’autres enfants ayant cette affection. Il est conseillé de lui demander une consultation prénatale précoce et une expertise en obstétrique pour grossesse à haut risque.
La protection contre le soleil, y compris les antisolaires à large spectre, est une mesure essentielle contre le lupus néonatal. Les corticoïdes topiques peuvent être utiles. Les immunomodulateurs topiques tels que le tacrolimus ou le pimecrolimus peuvent accélérer la disparition des lésions (il n’y a pas d’AMM en France dans cette indication).