13: Maladies des noyaux de la base

13 Maladies des noyaux de la base


Les maladies étudiées dans ce chapitre sont causées par des lésions ou un dysfonctionnement prédominant sur les noyaux de la base. Dans un grand nombre de cas, il s’agit de maladies neurodégénératives, avec au premier rang, la maladie de Parkinson.



Maladie de Parkinson


La maladie de Parkinson idiopathique doit être distinguée des syndromes parkinsoniens liés à des maladies neurodégénératives plus diffuses et de syndromes parkinsoniens symptomatiques. Sa prévalence est évaluée à 150/100 000, ce qui en fait la maladie neurodégénérative la plus fréquente après la maladie d’Alzheimer.



Neuropathologie






Étiologie



Forme sporadique


La plupart des cas sont sporadiques.


La prévalence de la maladie augmente avec l’âge, touchant 1 à 2 % de la population après soixante-cinq ans. Le vieillissement est responsable d’une diminution progressive du nombre des neurones dopaminergiques du locus niger. Cependant, cette décroissance physiologique ne suffit pas à rendre compte de la maladie qui résulte de la sommation de facteurs de risque, génétiques et environnementaux.


Même en l’absence de transmission mendélienne bien déterminée, il est plus fréquent de trouver un cas de maladie de Parkinson dans la famille d’un sujet atteint que dans une population contrôle. Ces faits suggèrent l’existence de facteurs génétiques de susceptibilité.


Parmi les facteurs environnementaux, le rôle de substances utilisées dans l’industrie et surtout de pesticides utilisés dans l’agriculture est soupçonné.Une corrélation négative a été trouvée avec la consommation de tabac. Un regain d’intérêt pour la théorie toxique a été apporté par la connaissance des syndromes parkinsoniens induits par le MPTP (méthyl-phényl-tétrahydropyridine). Le MPTP est un produit obtenu lors de la synthèse de drogues illicites. Chez l’homme, il peut induire un syndrome parkinsonien sévère sensible à la L-dopa. L’examen du cerveau dans de tels cas montre une perte des neurones dopaminergiques de la substance noire. Les études pharmacologiques réalisées chez le singe ont montré que l’effet du MPTP est bloqué par les inhibiteurs de la MAO B, qui est nécessaire pour la transformation du MPTP en MPP  +, qui est en fait le principe toxique. Dans les neurones dopaminergiques, le MPP + se lie avec la neuromélanine qui le libère progressivement. Il est ensuite capté par les mitochondries, où il inhibe le complexe I de la chaîne respiratoire et les mécanismes de réduction des radicaux libres, dont l’accumulation serait responsable des lésions neuronales. Des substances environnementales, telles que la roténone, pourraient avoir des propriétés comparables au MPTP.



Formes familiales


Cinq à dix pour cent des cas de maladie de Parkinson surviennent sous une forme familiale avec une transmission qui peut être autosomique dominante ou récessive.





Physiopathologie


La maladie de Parkinson résulte principalement de la dégénérescence des neurones dopaminergiques de la substantia nigra pars compacta (SNc) dont les projections se font sur le striatum (fig. 13.2). La voie nigro-striée dopaminergique exerce une influence modulatrice sur le striatum qui est la porte d’entrée du système des noyaux de la base. À la sortie du système, un déficit dopaminergique striatal a pour conséquence un renforcement de l’action inhibitrice exercée par le pallidum interne (GPi) et la substance noire réticulée (SNr), sur le thalamus moteur et ses projections corticales. Ce fait peut rendre compte d’un symptôme majeur, l’akinésie, et de sa correction par l’administration de L-dopa ou d’agonistes dopaminergiques, ou par des interventions portant sur le noyau sous-thalamique ou sur le pallidum interne, visant à réduire l’activité inhibitrice exercée par ce dernier sur le thalamus. Cependant, il ne rend pas compte du fait que les dyskinésies sont améliorées par une lésion portée sur le GPi, alors que théoriquement elles devraient être aggravées.


image

Figure 13.2 Physiopathologie de la maladie de Parkinson.


Les connexions représentées en noir sont des voies inhibitrices. Les connexions représentées par un double trait sont excitatrices. La largeur des flèches traduit le degré relatif de leur activité.


Au cours de la maladie de Parkinson, la défaillance des neurones dopaminergiques de la substance noire pars compacta (SNc) a une double conséquence sur les neurones effecteurs du putamen.


A. Les récepteurs D2 ne sont plus inhibés. L’inhibition gabaergique sur les neurones du globus pallidus externe (GPe) est augmentée. De ce fait, l’inhibition gabaergique du noyau sous-thalamique (NST) par les neurones du GPe est diminuée. L’excitation glutamatergique exercée par le NST sur le globus pallidus interne (GPI) et sur la substance noire pars reticulata (SNr) est augmentée. Les neurones du GPI et de la SNr exercent une puissante inhibition gabaergique sur les noyaux thalamiques ventro-latéral oral (VLo), ventral antérieur (VA) et centre médian qui adressent normalement une excitation tonique au cortex frontal moteur (CM), prémoteur (PM) et à l’aire motrice supplémentaire (AMS).


B. Les récepteurs D1 ne sont plus excités. L’inhibition gabaergique qu’ils exercent sur le GPI et sur la SNr est réduite. Ceci contribue à renforcer l’action inhibitrice de ces dernières structures sur les noyaux thalamiques.


Au total, le complexe Gpi/SNr, dont l’excitation est augmentée et l’inhibition diminuée, renforce son action inhibitrice sur les noyaux thalamiques.


Sur certains points, le schéma physiopathologique illustré par la figure 13.2 est contesté :





Le tremblement est relativement indépendant des autres éléments du syndrome parkinsonien. Au cours des interventions stéréotaxiques, une activité rythmée à la fréquence du tremblement est enregistrée dans le noyau ventral intermédiaire (VIM) du thalamus et la destruction ou la stimulation à haute fréquence de ce noyau fait disparaître le tremblement dans l’hémicorps controlatéral. Le VIM appartient à une boucle dont l’activité, lorsqu’elle est libérée, est responsable de divers types de tremblements.



Étude clinique



Troubles moteurs


La maladie de Parkinson est avant tout une maladie de la motricité. Le début est insidieux. Il est habituellement unilatéral, et les signes restent longtemps asymétriques, pouvant réaliser le tableau d’un hémiparkinson. Les trois signes cardinaux classiques sont le tremblement de repos, l’akinésie et la rigidité auxquels il faut ajouter les troubles axiaux.




Le syndrome akinéto-rigide


Le diagnostic risque d’être moins facilement évoqué lorsque le patient consulte pour des troubles mal définis en relation avec le syndrome akinéto- rigide. Dans de tels cas, les plaintes peuvent être des douleurs qui peuvent orienter le patient vers un rhumatologue, de la fatigue, une réduction de l’activité, une difficulté dans l’exécution de certains mouvements, notamment les mouvements alternatifs rapides, une modification de l’écriture. L’attention doit alors être attirée par la présentation du malade et notamment par des éléments tels qu’amimie, rareté du clignement, attitude en légère flexion d’un membre supérieur, diminution du ballant d’un membre supérieur lors de la marche. L’examen recherche alors systématiquement l’akinésie et la rigidité.



Akinésie

L’akinésie est responsable d’une rareté (hypokinésie) et d’une lenteur des mouvements (bradykinésie). Le parkinsonien est un sujet immobile dont l’expression gestuelle est réduite ; il est économe de ses gestes qu’il doit vouloir et penser. L’akinésie se traduit au niveau du visage par une amimie, une rareté du clignement. L’appauvrissement de la mimique, lorsqu’il est à forte prédominance unilatérale, peut donner l’impression d’une parésie faciale, mais la mimique volontaire est conservée. La parole est souvent assourdie, monotone, entrecoupée d’accélérations au cours desquelles elle devient difficilement compréhensible. L’exploration du champ visuel est assurée par les seuls mouvements des globes oculaires sans déplacements de la tête. Lors de la marche, l’akinésie est responsable d’une perte du ballant des bras. Le patient a des difficultés à effectuer les mouvements alternatifs rapides. Il peut avoir constaté ces faits dans la vie courante (par exemple, difficultés pour se brosser les dents) et cela peut être mis en évidence lors de l’examen par diverses épreuves : pianotement, marionnettes, tapotement de l’index sur le pli de flexion du pouce, tapotement du pied, montrant que l’amplitude des mouvements diminue rapidement pour parfois aboutir à un blocage complet. L’écriture est souvent perturbée, avec une tendance à la micrographie. L’akinésie, lorsqu’elle est importante et à très forte prédominance unilatérale, peut être parfois prise à tort pour une hémiparésie, mais la force musculaire n’est pas diminuée et il n’y a pas de syndrome pyramidal.


Sous l’influence d’une émotion, l’akinésie peut laisser place de façon transitoire à des kinésies paradoxales. L’akathisie est un trouble observé chez certains malades qui, malgré leur akinésie, sont incapables de rester immobiles et présentent une sorte de piétinement sur place.




Troubles axiaux


Il s’agit d’un ensemble de troubles dont l’apparition est habituellement plus tardive et qui sont peu influencés par le traitement :



image déficit des ajustement posturaux et tendance à une dystonie en flexion du cou, du tronc et des membres (fig. 13.3). Dans les cas extrêmes, la flexion en avant du tronc est très marquée (camptocormie), s’accentuant lors de la marche, s’atténuant en décubitus dorsal. Une camptocormie peut être observée indépendamment de l’existence d’une maladie de Parkinson en relation avec une dystonie ou avec des altérations dégénératives ou inflammatoire des muscles paravertébraux ;




Diagnostic


Le diagnostic de la maladie de Parkinson est clinique. En l’absence d’éléments atypiques, il peut être porté avec une quasi-certitude lorsque les signes cardinaux (bradykinésie, rigidité, tremblement de repos) sont présents et que le reste de l’examen neurologique est normal, en dehors d’un réflexe nasopalpébral inépuisable et d’une hyposmie/anosmie pouvant être précoce, précédant même les autres manifestations neurologiques. Un signe de Babinski isolé ne permet pas de récuser le diagnostic lorsque par ailleurs la symptomatologie est caractéristique. Le début unilatéral et la réponse à la L-dopa sont des arguments supplémentaires. La présence, à un stade précoce de l’évolution, d’une détérioration intellectuelle, de troubles sévères de la posture et de la marche entraînant des chutes, de troubles des mouvements oculaires, de troubles végétatifs sévères sont autant d’éléments qui doivent faire douter du diagnostic de maladie de Parkinson idiopathique et faire évoquer une autre affection neurodégénérative.


Certains tremblements (tremblement essentiel, tremblement dystonique) comportent parfois une composante de repos qui peut rendre difficile la distinction avec un tremblement parkinsonien. Dans ces cas il est utile de recourir au DAT-SPECT qui mesure le transporteur de la dopamine dans les terminaisons présynaptiques du striatum. Cet examen est anormal lorsqu’il existe une perte de neurones dopaminergiques nigro-striés. Le DAT-SPECT est normal dans le tremblement essentiel et le tremblement dystonique. Il est normal aussi dans les syndromes parkinsoniens induits par les neuroleptiques.





Traitement



Médicaments




L-dopa


Le traitement de la maladie de Parkinson a été transformé par l’introduction de la L-dopa (tableau 13.II) qui, à la différence de la dopamine, passe la barrière sang-cerveau. Dans le cerveau, la L-dopa est convertie en dopamine par la dopa décarboxylase. Cette conversion augmente les concentrations de dopamine dans le système nerveux central, mais aussi à la périphérie, ce qui est responsable d’effets secondaires. Pour éviter cette conversion périphérique, on associe la L-dopa à un inhibiteur de la décarboxylase qui ne pénètre pas dans le cerveau. Cet inhibiteur est le bensérazide dans le Modopar et la carbidopa dans le Sinemet. L’effet thérapeutique du Modopar et du Sinemet est comparable. Les effets secondaires le plus fréquemment rencontrés sont l’hypotension orthostatique et, en début de traitement, les troubles digestifs à type de nausées et de vomissements. Dans de tels cas, on peut associer de la dompéridone (Motilium), qui est un inhibiteur dopaminergique périphérique. Le traitement doit être instauré progressivement en s’en tenant à la plus petite dose efficace.


Tableau 13.II Les différentes formes de L-dopa















DCI Spécialité Teneur en L-dopa
Lévodopa + bensérazide Modopar 62,5
Modopar 125
Modopar LP 125
Modopar 125 dispersible
Modopar 250
50 mg
100 mg
100 mg
100 mg
200 mg
Lévodopa + carbidopa Sinemet 100
Sinemet LP 100
Sinemet LP 200
Sinemet 250
100 mg
100 mg
200 mg
250 mg

La L-dopa non transformée en dopamine est métabolisée par la COMT (catechol-O-méthyltransférase). L’association à la L-dopa d’un inhibiteur de la COMT (entacapone) augmente la demi-vie de la L-dopa et stabilise son taux plasmatique. Une préparation associant entacapone 200 mg, carbidopa et L-Dopa à différentes posologies est disponible sous le nom de Stalevo).


Les mélanomes semblent plus fréquents chez les parkinsoniens que dans la population générale. Le rôle de la L-dopa, qui stimule la mélanogénèse, a été envisagé, mais n’est pas généralement retenu.



Agonistes dopaminergiques


Ces médicaments agissent directement sur les récepteurs dopaminergiques du striatum. Les premiers utilisés étaient des dérivés de l’ergot de seigle ; ils ont été supplantés par des dérivés non ergotés (tableau 13.III)


Tableau 13.III Agonistes dopaminergiques







































DCI Présentation Posologie moyenne
Bromocriptine (Parlodel) Comprimés 2,5 mg
Gélules 5 et 10 mg
10 à 40 mg/24 heures
Lisuride (Dopergine) Comprimés 0,2 et 0,5 mg 0,8 à 1,5 mg/24 heures
Pergolide (Célance)* Comprimés à 0,05; 0,25 et 1 mg 1,50 à 3 mg/24 heures
Ropinirole (Requip) Comprimés à 0,25 ; 0,50 ; 1 ; 2,5 mg et formes LP 2 ; 4 ; 8 mg 3 à 24 mg/24 heures
Pramipexole (Sifrol) Comprimés à 0,18 ; 0,26 ; 0,52 ; 0,7 mg (forme base) et formes LP à 0,26 ; 0,52 ; 1,05 ; 2,10 mg. 1 à 3 mg (forme base)
Rotigotine (Neupro) Dispositif transdermique à 2 ; 4 ; 6 ; 8 mg 6 à 8 mg/24 heures
Piribédil (Trivastal) Comprimés à 20 mg et LP 50 mg 50 à 250 mg
Apomorphine (Akinéton) Voie sous-cutanée
Auto-injection par stylo lors des phases « off »
 

* Surveillance échographique cardiaque nécessaire.


Ces médicaments comprennent la bromocriptine, le lisuride et le pergolide qui sont des dérivés de l’ergot de seigle, le ropinirole, le pramipexole, la rotigotine et le piribédil qui ne sont pas des dérivés de l’ergot de seigle.


La demi-vie des agonistes dopaminergiques est plus longue que celle de la L-dopa. Certains effets secondaires périphériques (nausées, vomissements) peuvent être prévenus par l’association à la dompéridone. L’efficacité des agonistes dopaminergiques est moindre que celle de la L-dopa mais l’apparition des complications motrices est plus tardive. L’effet secondaire le plus gênant est représenté par les troubles psychiques. Les agonistes dopaminergiques dérivés de l’ergot comportent un risque faible de fibrose (rétropéritonéale, pleuro-pulmonaire, valvulopathie) qui doit être connu. Les agonistes non dérivés de l’ergot de seigle, mieux tolérés, sont actuellement les plus utilisés.


Stay updated, free articles. Join our Telegram channel

Tags:
May 23, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on 13: Maladies des noyaux de la base

Full access? Get Clinical Tree

Get Clinical Tree app for offline access