Chapitre 13 La construction de la professionnalité en psychiatrie
Un outil nécessaire : le tutorat
Spécificité de la psychiatrie
Pour autant, on peut considérer comme étant propre à la psychiatrie :
• d’apaiser les troubles de la pensée et du comportement et d’aider à un réaménagement du fonctionnement psychique et émotionnel du sujet et de sa vie sociale ;
• de veiller à la sécurité du patient et à celle de son entourage du fait de son état de santé ;
• la « personne » du soignant est fortement interpellée par la relation instaurée ;
• la rencontre clinique et son nécessaire questionnement régulier, répété… ;
• une temporalité particulière qui évolue de la crise à la chronicité.
Comme on l’a vu dans cet ouvrage, la spécificité de la psychiatrie s’appuie sur :
• la confrontation troublante avec les désordres psychiques ;
• le primat de la relation de soin ;
• la nécessaire temporalité : le temps requis pour comprendre, analyser, construire et restituer du sens ;
• l’anosognosie fréquente des malades ;
• une interaction entre 3 données que sont : le contexte psychosociologique, le processus de soin, le travail institutionnel ;
La combinaison de ces caractéristiques fonde une dimension énigmatique à la pratique en psychiatrie et Yvan Halimi1 a l’habitude de rappeler que « l’énigme est structurelle en psychiatrie ».
Cette considération mérite un temps de réflexion.
Nous verrons plus loin combien cette part d’énigme va structurer une didactique particulière.
Dès lors, peuvent être proposées des caractéristiques de « l’énigme » :
• une relative mise en échec de la rationalité ;
• une étiologie multifactorielle qui complexifie la prise en charge ;
• les effets aléatoires des processus thérapeutiques ;
• l’incertitude des résultats cliniques ;
• la singularité de l’expression symptomatologique ;
Et probablement bien d’autres choses encore…
Le face-à-face clinique | La mise en sens |
---|---|
Qu’est-ce que le malade me dit ? Qu’est-ce qu’il donne à voir ? Quelle est sa demande ? De quoi souffre-t-il ? Quels sont sa maladie, son traitement ? Quelles ont été les prises en charge antérieures ? Quelle est la prise en charge actuelle ? | Le contexte de la situation Le message verbal, sa teneur, son implicite Le message infra-verbal, la charge émotionnelle Les attitudes comportementales Les connaissances cliniques et thérapeutiques |
Pourquoi il me dit ça ? Quelle est son intention ? | L’intention L’histoire de la relation de soin La charge transférentielle Les mécanismes de défense et le type de relation d’objet |
Qu’est-ce que ça me fait ? Qu’est-ce qu’il appelle en moi ? Qu’est-ce qu’il me fait porter ? | Le ressenti La résonance Le mécanisme projectif, le clivage et les autres mécanismes de défense |
Que dois-je écouter ? Comment vais-je écouter ? Qu’est-ce que j’ai à dire ? Comment vais-je me positionner ? Qu’est-ce que je vais en faire ? | La contenance La disponibilité intérieure L’empathie, l’écoute, la concentration Le travail psychique et l’élaboration La restitution |
Quel est le projet de soin ? Qu’est-ce que l’institution induit ? Qu’est-ce qu’il fait jouer à l’équipe ? | Le contexte de la prise en charge Le vécu de l’équipe face au patient La culture institutionnelle et de métier Le projet de soin |
Rencontre avec cette spécificité
La formation polyvalente (déclinée à travers les deux derniers programmes d’études infirmières2) combine des savoirs rationnels, opérationnels, à des techniques le plus souvent maîtrisables et des pratiques généralement codifiées.
La professionnalisation en psychiatrie
Par quelle compétence, par quelle posture s’exprime-t-elle ?
Peut-on parler de compétence, si oui, sur quel mode ?
L’exercice en psychiatrie met en résonance ces 3 champs de manière irréductible.
La posture réflexive se développe dans une réflexion rétrospective sur l’action.
Les compétences prévalentes à développer sont d’ordre relationnel et personnel.