11: La psychothérapie institutionnelle

Chapitre 11 La psychothérapie institutionnelle




La psychothérapie institutionnelle


La majeure partie de nos services se réclame encore du courant de la thérapie institutionnelle qui a « organisé » le dispositif de soin psychiatrique actuel. Il est donc important de nous interroger sur la nature, les fondements et les processus engagés dans ce fonctionnement soignant « porté » par l’institution.



La notion de psychothérapie institutionnelle


La psychothérapie institutionnelle peut se définir comme un ensemble d’actions à visée psychothérapique, organisé au sein d’un fonctionnement groupal prenant en compte dans sa structuration même la valeur thérapeutique intrinsèque de l’institution. Bien entendu il ne s’agit pas de dire que l’institution soigne seule, ni de comparer la réalité d’un bâtiment à l’apport relationnel d’une personne. Il s’agit plus simplement de désigner sous ce terme l’utilisation thérapeutique coordonnée d’un dispositif réel (murs, organisation, matériel…), humain (soignants, auxiliaires, patients…) et symbolique (cadre, activité de pensée…) dans un but défini, connu de tous : soigner.


L’histoire de la thérapie institutionnelle est aussi riche que complexe. Nous renvoyons le lecteur plus particulièrement intéressé par cette question à l’excellent ouvrage de P. Chanoit intitulé La psychothérapie institutionnelle. Ce dernier explique comment, après plusieurs siècles d’hésitations entre la répression de la folie et sa tolérance en fonction des époques et des cultures, la fin du XVIIIe et le XIXe ont vu apparaître la notion de « traitement moral » des maladies mentales. Les saignées, camisoles, fauteuils tournants, ont laissé place à l’importance de l’accompagnement humain de ces patients et à la création autour d’eux d’environnements institutionnels propres à leur apporter apaisement et réconfort.


En France, c’est Pinel, aidé de son infirmier Pussin qui incarne ce tournant. En « libérant les aliénés de leurs chaînes », il engage la psychiatrie française vers une autre voie, celle d’une évolution du cadre de vie des aliénés et celle des échanges thérapeutiques dans l’institution. Esquirol, un de ses élèves montrera que « l’asile d’aliénés est un merveilleux instrument de soin dans les mains d’un médecin habile ». Un psychiatre allemand, Hermann Simon, théorisera ce mouvement au début du XXe siècle en insistant sur l’intérêt des « thérapeutiques actives » dans la mobilisation des patients.


La Seconde Guerre mondiale va impulser une dynamique encore plus forte dans le développement des thérapies institutionnelles pour trois raisons convergentes. La première est que la famine qui a sévi dans les hôpitaux psychiatriques pendant la guerre, a « tué » plusieurs dizaines de milliers de malades, entraînant après guerre un sursaut de conscience (culpabilisée) à l’égard du sort des malades mentaux. La seconde est liée aux bombardements de certains hôpitaux qui ont permis « l’évasion » d’un important nombre de patients. Or, la surprise a été de constater que nombre d’entre eux ont été retrouvés plus tard, insérés familialement ou plus socialement, sans poser de problèmes majeurs de comportement, alors même que la perception de leur aliénation antérieure n’avait pas laissé soupçonner une issue si positive. Le dernier facteur déterminant a été l’expérience de l’hôpital psychiatrique de Saint-Alban (Lozère) qui a vu ses murs accueillir de nombreux intellectuels (médecins, philosophes, psychanalystes) qui vont renforcer le courant de réforme initié avant guerre par Balvet.


Les premières journées psychiatriques nationales (1945) vont dresser le constat des expériences des uns et des autres, en y mêlant les apports étrangers. Les bases de la thérapie institutionnelle sont alors posées :



De nombreuses applications de ces principes institutionnels suivront. La sectorisation sera, elle-même, pour une grande part, guidée par le courant de thérapie institutionnelle.


Actuellement, la situation est un peu plus floue. La majeure partie des services de psychiatrie reconnaissent leur assise institutionnelle. Certains se revendiquent clairement de ce courant. Mais de plus en plus de services semblent considérer leur accroche institutionnelle comme un « fait » naturel et automatique, oubliant par là même que la thérapie institutionnelle n’est pas qu’une affaire de dispositif. Il ne suffit pas de travailler ensemble pour mettre en travail l’institutionnel. Pas plus qu’il ne suffit d’ailleurs de mettre ensemble quelques patients avec un soignant pour faire de la thérapie de groupe !


Force est de constater que l’avènement d’une psychiatrie plus biologique et plus comportementale a contribué à la dilution de certains concepts institutionnels. Cette évolution regrettable rend le travail des équipes difficile. En effet, même quand le médecin n’est pas intéressé par l’institutionnel, il n’en reste pas moins que les mouvements psychiques groupaux auront lieu et qu’au final, le patient qui garde toujours une appétence relationnelle, se tournera vers les mêmes soignants : ceux qui sont là toute la journée, ceux qui lui paraissent les plus proches, les infirmiers. Alors peut-être que l’enjeu des années à venir est celui d’une nouvelle révolution de la thérapie institutionnelle : celle de sa reprise en main dans le soin par les infirmiers, qui passe nécessairement par un engagement, une réflexion et une théorisation plus forte de notre profession.



Les processus de la thérapie institutionnelle


La thérapie institutionnelle repose sur de nombreux processus que nous avons décrits dans notre partie consacrée au soin relationnel. La question de l’institutionnel est en effet indissociable de la question du relationnel dès que l’on tente de théoriser les soubassements du soin d’équipe en psychiatrie.


Racamier propose d’ailleurs une définition intéressante du soin institutionnel. Pour lui :



Le tout, se déroulant dans un cadre à géométrie variable, adapté à la problématique de chaque patient. Ce qui rejoint notre développement du chapitre 4 sur la relation, base du soin infirmier.


Azoulay (1996) propose quant à lui une réflexion liant l’institutionnel à plusieurs concepts clés que nous allons reprendre en les mettant en parallèle avec les différentes notions que nous avons développées dans ce livre.





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May 13, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on 11: La psychothérapie institutionnelle

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