11: La protection juridique du malade mental (loi 2007-308 du 5 mars 2007)


La protection juridique du malade mental (loi 2007-308 du 5 mars 2007)



Le malade mental, en raison de sa pathologie, est vulnérable dans la vie sociale. Une des fonctions du droit est d’apporter un équilibre, voire la meilleure égalité possible entre les citoyens. Il n’est donc pas étonnant de trouver dans l’arsenal législatif un certain nombre de textes destinés à assurer cet équilibre en protégeant le mieux possible les personnes les plus faibles. De nombreux textes existent en droit français qui assurent cette protection et cherchent à s’adapter à chaque type de situation. Dans un court ouvrage comme celui-ci, il n’est pas possible de tous les passer en revue. On doit cependant retenir que le Code civil affirme « pour faire un acte valable, il faut être sain d’esprit » (art. 414-1). Ainsi chacun a-t-il la possibilité de démontrer à posteriori que l’acte qu’il a réalisé doit être annulé faute d’avoir été capable de discerner correctement ce qu’il faisait. Il faut alors cependant intenter une action devant un tribunal dans un délai de 5 ans et apporter les preuves de l’insanité d’esprit, ce qui n’est pas simple. On peut également retenir que la loi cherche à sanctionner les abus de faiblesse et de vulnérabilité. Elle le fait dans un texte général (art. 223-15-2 CP) et dans un texte particulier inscrit dans le code de la consommation et réprimant spécifiquement les abus commis par des professionnels dans le démarchage à domicile (art. L122-8 du Code de la consommation). Cependant, la protection du malade mental repose essentiellement sur une loi qui organise une protection à priori pour les personnes qui, bien qu’étant majeures (c’est-à-dire ayant 18 ans révolus), présentent une altération importante de leurs facultés mentales. Cette loi a été promulguée le 5 mars 2007 et est applicable depuis le 1er janvier 2009 (Fossier et al., 2009 et 2011). La réforme de la loi précédente (3 janvier 1968) était nécessaire du fait de l’évolution en nombre et en qualité des populations qui justifiaient de cette mesure de protection, mais aussi afin de mieux maîtriser les aspects financiers et l’organisation de cette protection qui touche maintenant dans notre pays près d’un million de personnes.



Principes généraux de la loi



Les trois concepts qui guident le juge




• Le principe de nécessité : la loi s’applique quand est démontrée une altération des facultés qui met la personne dans l’impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts. La protection devient donc nécessaire mais elle est limitée dans le temps en fonction de l’état de la personne.


• Le principe de subsidiarité. Une mesure de protection n’est ouverte qu’à la condition qu’aucun autre moyen de protection soit suffisant. Un régime n’est mis en place que si on peut démontrer que le régime limitant la liberté n’est pas suffisant. C’est ainsi que le juge vérifiera avant de prononcer une mesure que des figures juridiques comme la gestion d’affaire (art. 1371 et suivants du Code civil), la procuration ou le mandat (art. 1984 et suivants du Code civil) ou encore le régime matrimonial ne peuvent pas apporter une protection suffisante.


• Le principe de proportionnalité. Il a la même logique que le précédent. Le juge doit démontrer que la mesure qu’il prend est proportionnée à l’état du sujet et à la diminution de son autonomie.






Les responsabilités


On retrouve d’abord des éléments concernant la responsabilité civile de la personne protégée. Prévue auparavant par l’article 489-2 du Code civil, elle est désormais exposée dans l’article 414-3 : « celui qui a causé un dommage à autrui alors qu’il était sous l’empire d’un trouble mental n’en est pas moins obligé à réparation ». Le Code civil veut que toute personne qui subit un préjudice lié à l’action d’autrui puisse en demander réparation. Peu importe l’état mental de l’auteur des faits au moment de ceux-ci. C’est une conception logique. En effet, autant il ne sera pas justifié de sanctionner un sujet qui n’a pas compris ce qu’il était en train de réaliser (c’est le principe d’irresponsabilité en droit pénal), autant il serait illogique de ne pas permettre à une personne qui a subi un dommage de la part d’une autre, privée de discernement, de ne pas obtenir une réparation alors qu’elle pourrait l’obtenir si le dommage provenait d’un autre individu. Ce principe général a une conséquence pratique évidente : la nécessité de la mise en place d’une assurance de responsabilité adaptée aux majeurs protégés.


C’est aussi la responsabilité des organes de fonctionnement. Le tuteur, curateur ou mandataire encourt une responsabilité en cas de mauvais fonctionnement lorsqu’il est mis en évidence des fautes de sa part, les curateurs ayant une responsabilité moindre. Elle n’est engagée que lorsque l’on démontre ce que le droit appelle un dol ou une faute lourde.



Une protection renforcée du logement


Enfin comme en 1968, le législateur a prévu une protection renforcée du logement. Celui-ci, ainsi que les meubles dont il est garni, doivent être conservés à la disposition de la personne, aussi longtemps qu’il est possible (art. 426 du Code civil). Lorsque la personne n’a plus intérêt à vivre dans son logement, c’est le juge qui peut donner l’autorisation d’en disposer. La loi prévoit désormais que lorsque la disposition du logement a pour finalité le placement de l’intéressé dans un établissement, cela ne peut se faire qu’après avis d’un médecin inscrit sur la liste prévue à l’article 431 du Code civil. Dans tous les cas, les souvenirs et les objets à caractère personnel et ceux qui sont indispensables aux personnes handicapées doivent être gardés à la disposition du patient.


Ces divers principes s’appliquent quel que soit le régime de protection choisi.



Les différents régimes de protection


C’était une des raisons de modifier la loi du 3 janvier 1968. En effet, les dispositions de celle-ci se superposaient à celles d’une loi ultérieure concernant la tutelle aux prestations sociales adultes (TPSA) et il fallait mieux différencier ce qui était de l’ordre des problèmes de santé et du registre de difficultés sociales. Par ailleurs, dans la droite ligne d’autres lois qui permettent au sujet de maîtriser le mieux possible son avenir, une mesure spécifique a été introduite visant à permettre à une personne de choisir d’une certaine manière celui ou celle qui aura la possibilité de le prendre en charge lorsque son autonomie aura disparu. C’est le mandat de protection future. On peut donc dire qu’il existe maintenant six régimes possibles de protection.



La mesure d’accompagnement social personnalisée (MASP)


Elle est prévue aux articles L271-1 et suivants du Code de l’action sociale et de la famille (CASF). C’est une mesure à caractère social qui résulte d’un contrat entre un individu et la collectivité publique représentée par le président du Conseil général. Les frais de fonctionnement sont en principe à la charge de l’intéressé. Le contrat peut être mis en place pour toute personne majeure dont la santé ou la sécurité est menacée par les difficultés qu’elle éprouve à gérer ses ressources. Elle n’est ouverte qu’à des personnes percevant des prestations sociales (ex. : AAH, RSA, allocation parent isolé). Le contrat est conclu pour 6 mois renouvelables, sans que sa durée totale puisse excéder 4 ans. Il prend fin lorsque l’état de la personne est amélioré ou au contraire s’il s’aggrave et qu’une mesure plus contraignante est nécessaire.



La mesure d’accompagnement judiciaire (MAJ)


Sur le fond elle n’est pas différente de la précédente mais elle a un caractère autoritaire décidé par le tribunal. Dans le principe, les frais sont également à la charge du majeur protégé. Comme la précédente, elle n’entraîne aucune incapacité dans la vie civile et ne suppose pas la constatation d’une altération des facultés mentales mais simplement la difficulté à gérer ses ressources. Elle est sollicitée par le procureur de la République qui saisi le juge des tutelles, c’est ce dernier qui fixe la durée de la mesure qui ne peut excéder 2 ans et est renouvelable une fois.


Ces deux mesures qui sont sous la responsabilité et le financement des Conseils généraux sont très inégalement appliquées sur le territoire en fonction de critères politicoadministratifs.



Le mandat de protection future (MPF)


C’est une des innovations de la loi. Il est prévu aux articles 477 et suivants du Code civil. Il vient combler une sorte de vide juridique puisqu’auparavant il n’était pas possible de désigner par avance une personne chargée de sa protection dans le cas où on perdrait son autonomie. Il est également ouvert aux parents prenant en charge un enfant gravement handicapé, ce qui leur permet de déterminer qui s’occupera de ce dernier après leur mort.


Toute personne majeure, y compris lorsqu’elle est sous curatelle, a la possibilité de rédiger un tel mandat. C’est également le cas pour le dernier vivant des père et mère ayant la charge matérielle et affective d’un enfant majeur ayant perdu son autonomie. Dans ce second cas, le mandat doit obligatoirement être signé devant notaire. Dans le premier il peut s’agir d’un acte sous seing privé qui fait intervenir simplement un avocat ou respecte les conditions d’un texte préétabli rédigé par le Conseil d’État (arrêté du 30 novembre 2007).


Le choix du mandataire est totalement libre, il doit cependant avoir accepté le mandat. Celui-ci est mis à exécution lorsque le mandant a perdu son autonomie. Ceci se fait par déclaration au greffe du tribunal d’instance avec présentation d’un certificat médical établi par un des médecins spécialistes inscrit sur la liste spéciale établie par le procureur de la République (art. 431 du Code civil). On notera que la loi n’a en revanche pas prévu la nécessité d’un examen lors de la signature du mandat.


Les effets du mandat sont inscrits dans celui-ci. Chacun peut ainsi les choisir, les faire porter sur des actes à caractères patrimoniaux ou des actes à caractère personnel (cf. infra). Ils peuvent être plus ou moins larges ou limités. Le mandat fonctionne comme n’importe quelle procuration. Le mandataire devra rendre compte de sa gestion à un notaire si celui-ci a rédigé l’acte ou au juge qui a toujours le pouvoir de mettre fin au mandat s’il estime que celui-ci est insuffisant.


La main levée du mandat est prévue par l’article 483 du Code civil si le sujet a recouvré ses facultés personnelles, s’il est décédé, si le mandataire décède ou encore sur décision du juge qui placera la personne sous une mesure plus complète (tutelle ou curatelle).

Stay updated, free articles. Join our Telegram channel

May 10, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on 11: La protection juridique du malade mental (loi 2007-308 du 5 mars 2007)

Full access? Get Clinical Tree

Get Clinical Tree app for offline access