109: Prise en charge de la douleur aiguë

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Prise en charge de la douleur aiguë



La douleur est un symptôme fréquent chez l’enfant, pouvant être secondaire à un simple traumatisme (bobos de tous les jours) ou survenant dans un contexte plus grave. Pour l’enfant, la douleur constitue une agression qu’il ne comprend pas toujours. Lors d’une douleur aiguë s’ajoute une anxiété, une peur qui peuvent majorer le vécu de la douleur ce d’autant que l’enfant n’aura pas toujours les moyens cognitifs de comprendre ce qui se passe.


L’évaluation de la douleur est difficile chez l’enfant car elle se fait avec des outils différents de ceux de l’adulte ; ils doivent être adaptés à la fois à l’âge de l’enfant – il s’agira, selon les cas, d’une auto- ou d’une hétéroévaluation – et au contexte – douleur aiguë ou douleur itérative et douleur prolongée. Il faudra également apprécier le retentissement global de cette douleur sur l’enfant et son entourage Si la douleur est très intense, il est licite de débuter un traitement avant de faire une évaluation précise.


Il convient de rechercher la cause de la douleur – et traiter cette cause fera partie intégrante de la prise en charge – ainsi que le ou les mécanismes physiopathologiques en jeu. Ils peuvent être évidents mais, parfois, c’est l’interrogatoire, amenant à une description du ressenti, qui permet de définir le type de douleur : nociceptive, neuropathique, médiée par le sympathique ou psychogène (qui doit rester un diagnostic d’élimination).


Enfin, il faut traiter la douleur elle-même, non seulement par des moyens médicamenteux mais aussi en associant les techniques non médicamenteuses d’autant qu’un enfant va y adhérer plus facilement qu’un adulte. Parfois ce traitement est à débuter à l’arrivée aux urgences, afin de calmer la douleur de l’enfant et pouvoir dans un deuxième temps l’évaluer.



Définitions


La douleur est une sensation subjective, qui se définit selon l’International Association for the Study of Pain (IASP) comme « une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable associée à un dommage tissulaire réel ou virtuel ou décrite en termes d’un tel dommage ». Cette définition correspond mieux à l’adulte et au grand enfant en raison du terme « expérience ». Chez le nouveau-né, le prématuré et le jeune enfant, la définition suivante : « La douleur est une qualité inhérente à la vie qui apparaît tôt dans l’ontogenèse pour servir comme signal d’alarme d’une lésion tissulaire » est plus adaptée.


La douleur comporte quatre composantes interactives :



• une composante sensori-discriminative, permettant de coder la qualité, l’intensité, la localisation des messages nociceptifs. La description de cette composante passe par le langage, que l’enfant ne possède pas toujours ;


• une composante affective-émotionnelle, conférant à la douleur sa tonalité désagréable, pénible et pouvant se prolonger vers des états émotionnels comme l’anxiété voire la dépression ;


• une composante cognitive englobant les processus mentaux susceptibles d’influencer la perception de la douleur et les réactions comportementales qu’elle détermine : processus d’attention, de distraction, valeurs données à la douleur, anticipations, références à des expériences passées, etc. ;


• une composante comportementale avec les manifestations verbales et non verbales de la personne qui souffre et qui peut être modifiée par les expériences antérieures, le milieu ethnofamilial, les standards sociaux, le sexe, etc.


En situation d’urgence, l’angoisse de l’enfant, de ses parents et les expériences passées peuvent majorer le vécu de la douleur.



Types de douleur


On distingue quatre différents types de douleurs :



• la douleur nociceptive liée à une lésion tissulaire, de rythme mécanique ou inflammatoire et de topographie non neurologique. Il s’agit par exemple, d’une douleur post-traumatique (brûlure, fracture, plaie, etc.), rhumatismale (lombalgie, arthrite, etc.) ou viscérale (gastrite, appendicite, pleurésie, etc.) ;


• la douleur neuropathique liée à une atteinte d’une racine ou d’un tronc nerveux, comportant des accès paroxystiques sur fond permanent et associée, dans 85 % des cas, à un déficit sensitif et/ou des paresthésies. La douleur se traduit par une sensation de brûlures, de picotements avec des décharges électriques (douleur post-zostérienne, lésions nerveuses périphériques ou centrales) ;


• la douleur médiée par le système nerveux sympathique : elle est plus rare et elle est souvent initiée par un traumatisme, une stimulation nociceptive ou des phénomènes de stress ;


• la douleur psychogène ou idiopathique survenant sans mécanisme nociceptif ou neuropathique et associée à une sémiologie psychopathologique particulière. La description de la douleur est souvent riche, imprécise et varie dans le temps.


Le mécanisme de la douleur est important à comprendre car il permet de mettre en place un traitement plus approprié :




Conduite à tenir



Diagnostic de douleur selon l’âge de l’enfant


Le plus souvent l’enfant arrive aux urgences avec une douleur aiguë. Celle-ci est une douleur « parlante », elle sert de « signal d’alarme ». On trouve alors :



Mais lorsque la douleur est prolongée, récurrente ou chronique, les modifications du comportement sont plus insidieuses, avec l’apparition progressive d’une réduction des activités de l’enfant.


Quelles que soient les circonstances d’une douleur, il est fondamental d’établir une relation de confiance avec l’enfant. Pour cela, il est nécessaire d’entrer en contact, avec lui et sa famille, sur un mode qui va dépendre de son âge, son développement cognitif et du contexte. Il faut lui faire comprendre que nous avons confiance en lui : « Je crois ce que tu me dis » et l’aider à parler de sa douleur, même s’il ne l‘exprime pas spontanément : « Je pense que tu as mal ; peux-tu m’aider, et me raconter ce qui se passe ? ».


Les questions posées à l’enfant doivent être aussi ouvertes que possible, lui permettant une liberté dans le choix de ses réponses. On peut lui demander aussi de comparer sa douleur actuelle à d’autres douleurs qu’il a pu avoir.


La situation dans laquelle se trouve l’enfant, son état émotionnel (angoisse, phobies), le contexte familial, ses expériences passées, peuvent majorer le vécu de la douleur. Il est important de rassurer l’enfant en lui expliquant les choses de manière simple.


Chez les plus grands et les adolescents, un moment d’entretien sans les parents est souhaitable, permettant un échange plus ouvert.


On cherchera à faire préciser :



L’examen clinique doit être bien conduit, permettant d’évaluer la douleur et d’en rechercher l’étiologie. On demande toujours à l’enfant son accord pour l’examiner et on commencera l’examen avec précaution, en allant des zones les moins douloureuses vers les plus algiques : toucher, palper les os, la peau, les muscles. L’hostilité lors de l’examen clinique chez un enfant reposé, non fébrile et bien nourri peut être un signe de douleur.



Évaluation de l’intensité de la douleur



Avant 4 ans


L’évaluation passe essentiellement par une « hétéroévaluation » utilisant des scores comportementaux associés ou non à des critères physiologiques. Différentes échelles de douleur aiguë sont à notre disposition (tableau 109.1) : l’échelle EVENDOL (EValuation ENfant DOuLeur, figure 109.1), adaptée aux urgences, est celle qu’il faut privilégier. Dans le cadre d’une douleur aiguë évoluant depuis plusieurs heures, on peut utiliser l’échelle DEGR (échelle Douleur Enfant Gustave Roussy) et chez un enfant douloureux porteur d’un cancer, on peut utiliser la DEGR ou l’HEDEN (HEtéroévaluation Douleur Enfant). On peut également demander aux parents d’évaluer la douleur de leur enfant en utilisant une échelle d’auto-évaluation (échelle numérique [EN] ou échelle visuelle analogique [EVA]) ou une échelle plus adaptée comme la PPPM (Parents’ Post-operative Pain Measure) utilisée dans les pays anglo-saxons dans le cadre des douleurs postopératoires.


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May 14, 2017 | Posted by in PÉDIATRIE | Comments Off on 109: Prise en charge de la douleur aiguë

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