109 La douleur est un symptôme fréquent chez l’enfant, pouvant être secondaire à un simple traumatisme (bobos de tous les jours) ou survenant dans un contexte plus grave. Pour l’enfant, la douleur constitue une agression qu’il ne comprend pas toujours. Lors d’une douleur aiguë s’ajoute une anxiété, une peur qui peuvent majorer le vécu de la douleur ce d’autant que l’enfant n’aura pas toujours les moyens cognitifs de comprendre ce qui se passe. La douleur est une sensation subjective, qui se définit selon l’International Association for the Study of Pain (IASP) comme « une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable associée à un dommage tissulaire réel ou virtuel ou décrite en termes d’un tel dommage ». Cette définition correspond mieux à l’adulte et au grand enfant en raison du terme « expérience ». Chez le nouveau-né, le prématuré et le jeune enfant, la définition suivante : « La douleur est une qualité inhérente à la vie qui apparaît tôt dans l’ontogenèse pour servir comme signal d’alarme d’une lésion tissulaire » est plus adaptée. La douleur comporte quatre composantes interactives : • une composante sensori-discriminative, permettant de coder la qualité, l’intensité, la localisation des messages nociceptifs. La description de cette composante passe par le langage, que l’enfant ne possède pas toujours ; • une composante affective-émotionnelle, conférant à la douleur sa tonalité désagréable, pénible et pouvant se prolonger vers des états émotionnels comme l’anxiété voire la dépression ; • une composante cognitive englobant les processus mentaux susceptibles d’influencer la perception de la douleur et les réactions comportementales qu’elle détermine : processus d’attention, de distraction, valeurs données à la douleur, anticipations, références à des expériences passées, etc. ; • une composante comportementale avec les manifestations verbales et non verbales de la personne qui souffre et qui peut être modifiée par les expériences antérieures, le milieu ethnofamilial, les standards sociaux, le sexe, etc. On distingue quatre différents types de douleurs : • la douleur nociceptive liée à une lésion tissulaire, de rythme mécanique ou inflammatoire et de topographie non neurologique. Il s’agit par exemple, d’une douleur post-traumatique (brûlure, fracture, plaie, etc.), rhumatismale (lombalgie, arthrite, etc.) ou viscérale (gastrite, appendicite, pleurésie, etc.) ; • la douleur neuropathique liée à une atteinte d’une racine ou d’un tronc nerveux, comportant des accès paroxystiques sur fond permanent et associée, dans 85 % des cas, à un déficit sensitif et/ou des paresthésies. La douleur se traduit par une sensation de brûlures, de picotements avec des décharges électriques (douleur post-zostérienne, lésions nerveuses périphériques ou centrales) ; • la douleur médiée par le système nerveux sympathique : elle est plus rare et elle est souvent initiée par un traumatisme, une stimulation nociceptive ou des phénomènes de stress ; • la douleur psychogène ou idiopathique survenant sans mécanisme nociceptif ou neuropathique et associée à une sémiologie psychopathologique particulière. La description de la douleur est souvent riche, imprécise et varie dans le temps. • antalgiques pour les douleurs nociceptives ; • antidépresseurs tricycliques associés ou non à des anticonvulsivants pour les douleurs neuropathiques ; • anti-inflammatoires lors des phénomènes inflammatoires (douleurs postopératoires, angines, otites, arthrites, etc.) ; • antispasmodiques pour les spasmes abdominaux ; Diagnostic de douleur selon l’âge de l’enfant • des modifications physiologiques non spécifiques liées au stress : hypertension artérielle, augmentation de la fréquence cardiaque et respiratoire, diminution de la saturation en oxygène ; • des modifications comportementales : pleurs, cris, agitation, réactions du visage (rougeur ou pâleur) du corps, impotence fonctionnelle, protection d’une zone douloureuse, etc. On cherchera à faire préciser : • les circonstances de survenue de la douleur, son mode d’évolution ; • ses caractéristiques qualitatives et son intensité ; • l’influence éventuelle de différents facteurs : mouvement ou repos, froid ou chaud, détente ou stress, horaire, traitements reçus ; • l’existence d’une anomalie de la sensibilité, par l’examen neurologique : hyper- ou hypoalgésie, hyperpathie, allodynie, dysesthésies ; • les répercussions de la douleur sur la vie de l’enfant (bouger, jouer, dormir, parler, manger) et sur sa famille, les bénéfices secondaires éventuels. L’examen clinique doit être bien conduit, permettant d’évaluer la douleur et d’en rechercher l’étiologie. On demande toujours à l’enfant son accord pour l’examiner et on commencera l’examen avec précaution, en allant des zones les moins douloureuses vers les plus algiques : toucher, palper les os, la peau, les muscles. L’hostilité lors de l’examen clinique chez un enfant reposé, non fébrile et bien nourri peut être un signe de douleur. L’évaluation passe essentiellement par une « hétéroévaluation » utilisant des scores comportementaux associés ou non à des critères physiologiques. Différentes échelles de douleur aiguë sont à notre disposition (tableau 109.1) : l’échelle EVENDOL (EValuation ENfant DOuLeur, figure 109.1), adaptée aux urgences, est celle qu’il faut privilégier. Dans le cadre d’une douleur aiguë évoluant depuis plusieurs heures, on peut utiliser l’échelle DEGR (échelle Douleur Enfant Gustave Roussy) et chez un enfant douloureux porteur d’un cancer, on peut utiliser la DEGR ou l’HEDEN (HEtéroévaluation Douleur Enfant). On peut également demander aux parents d’évaluer la douleur de leur enfant en utilisant une échelle d’auto-évaluation (échelle numérique [EN] ou échelle visuelle analogique [EVA]) ou une échelle plus adaptée comme la PPPM (Parents’ Post-operative Pain Measure) utilisée dans les pays anglo-saxons dans le cadre des douleurs postopératoires. Tableau 109.1 Échelles d’évaluation de l’intensité douloureuse et seuils indicatifs de traitement chez l’enfant
Prise en charge de la douleur aiguë
Définitions
Types de douleur
Conduite à tenir
Évaluation de l’intensité de la douleur
Échelles d’hétéroévaluation
Âges
Seuils de traitement
EVENDOL : évaluation enfant douleur (aux urgences)
0-6 ans
4 sur 15
DEGR : Douleur Enfant Gustave Roussy
2-6 ans
10 sur 40
HEDEN : hétéroévaluation douleur enfant
2-6 ans
3 sur 10
PPPM : Parents’ Post-operative Pain Measure
> 1 an
6 sur 15
Échelles d’hétéroévaluation pour enfants handicapés
Âges
Seuils de traitement
DESS : douleur enfant San Salvadour
6 sur 10
NCCPC-R : Non Communicating Children Pain Checklist-Revised
7 sur 30
Échelles d’autoévaluation
Âges
Seuils de traitement
Échelle des jetons (« Poker Chip Tool »)
3-4 ans
2 jetons sélectionnés
Échelle des visages (FPS-R : Face Pain Scale-Revised)
4-12 ans
4 sur 10 (3e visage)
EVA : échelle visuelle analogique
> 6 ans
30 sur 100
EN : échelle numérique
> 8 ans
3 sur 10 Stay updated, free articles. Join our Telegram channel
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