100: Intoxications aiguës

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Intoxications aiguës




Définition


Ce texte n’a pas la prétention de se substituer à un précis de toxicologie. Le but est de mettre en évidence les particularités de certaines intoxications, surtout chez l’enfant âgé de moins de 6 ans.


Les expositions à des substances toxiques sont fréquentes chez l’enfant : 60 à 100 000 cas par an en France. Parmi ces expositions, l’incidence d’une intoxication augmente avec l’âge : elle est attendue dans 8 % des cas avant 12 ans et 18 % des cas chez l’enfant plus âgé. La mortalité globale par intoxication est plus faible chez l’enfant que chez l’adulte (0,03 % versus 0,3 %) mais dépend de l’âge (0,003 % avant l’âge de 6 ans) et surtout des substances impliquées.


Six spécialités ont été impliquées dans des intoxications fatales par ingestion de faible dose chez le jeune enfant (< 6 ans) (1cp ou 1 cuillérée) : les antidépresseurs tricycliques, les antipsychotiques, les anticalciques, les dérivés contenant de la quinine, les opiacés et les hypoglycémiants oraux.


Les intoxications sont le plus souvent accidentelles (93 %) avec un seul produit le plus souvent connu.


Seules les intoxications accidentelles les plus fréquentes seront détaillées. Nous avons regroupé dans le tableau 100.1 les principaux antidotes dont il sera fait mention dans ce chapitre.




Principales intoxications accidentelles de l’enfant



Intoxications d’origine médicamenteuse



Paracétamol





Risque toxique:



• Pas de risque toxique si :



• Utilisation du nomogramme de Rumack-Matthew (figure 100.1).




– Il n’est pas utilisable :



– Lorsque le nomogramme ne permet pas d’apprécier le risque toxique, il faut envisager un traitement quelle que soit la paracétamolémie.


– Pour des raisons pharmacocinétiques, le nomogramme ne permet pas d’évaluer la toxicité d’une paracétamolémie prélevée avant la 4e heure post-ingestion. En revanche, chez le nourrisson et l’enfant de moins de 6 ans intoxiqués avec une suspension (uniquement la galénique SIROP), le risque toxique peut s’évaluer sur une paracétamolémie prélevée à la 2e heure post-ingestion (paracétamolémie toxique > 225 μg/mL).




Conduite à tenir pratique:




Ingestion < 8 heures:



• Avant la 8e heure post-ingestion, la NAC sera administrée après obtention de la paracétamolémie et vérification qu’elle est en zone toxique sur le nomogramme.


• Enfant < 6 ans, cas d’une dose ingérée toxique (≥ 250 mg/kg) :



• Enfant ≥ 6 ans, cas d’une dose ingérée toxique (≥ 150 mg/kg) :




Ingestion > 8 heures ou d’heure inconnue:



• Débuter NAC dans tous les cas et stop si paracétamolémie faite entre H4 et H15 en zone non toxique sur nomogramme. La NAC doit être poursuivie tant que la paracétamolémie est en zone toxique (par rapport à l’heure de prélèvement) et/ou que persiste une augmentation des transaminases hépatiques.


• En l’absence de notion d’heure de prise, faire 2 paracétamolémies (P1 et P2) à 4 h d’intervalle : si P2 < moitié de P1 = peu ou pas de risque hépatique.


• Administration de la NAC (tableau 100.2) :






Anti-inflammatoires non stéroïdiens


Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) appartiennent à une classe thérapeutique composée de différentes familles, représentant un groupe de médicaments très hétérogènes. Leur toxicité est modérée à l’exception de l’acide méfénamique et de la phénylbutazone.


L’absorption digestive des AINS est rapide (1 à 4 heures). Après une biotransformation hépatique en dérivés inactifs, l’élimination est urinaire sous forme active ou métabolisée selon les molécules. Leur demi-vie est variable (1 à 3 heures pour le kétoprofène, 50 à 70 heures pour les oxicams). La plupart des AINS inhibent les deux cyclo-oxygénases (Cox-1 et Cox-2). La plupart de leurs effets indésirables sont liés à l’inhibition de Cox-1. Les AINS de nouvelle génération, inhibiteurs sélectifs de Cox-2, ont une absorption digestive rapide (2 à 3 heures). Le célécoxib (Celebrex®) a une demi-vie d’élimination de l’ordre de 8 à 12 heures.



Risque toxique:



Ibuprofène: L’ingestion d’une dose inférieure à 200 mg/kg entraîne peu de symptômes. L’ingestion de dose supérieure à 400 mg/kg soit un flacon entier d’Advil® sirop pédiatrique (20 mg/mL, flacon de 200 mL) ou un flacon entier de Nurofen® sirop enfant (20 mg/mL, 150 mL par flacon) par un enfant de poids ≤ 10 kg est susceptible d’entraîner une intoxication grave avec coma, convulsions, collapsus cardio-vasculaire, acidose métabolique. L’ingestion d’une dose supérieure ou égale à 100 mg/kg (adulte 3 g) justifie une surveillance jusqu’à H4 post-ingestion. Passé ce délai, si l’enfant est asymptomatique, un retour à domicile est autorisé. En cas d’ingestion d’une forme à libération prolongée, la surveillance post-ingestion est de 12 heures. Des effets secondaires idiosyncrasiques (indépendants de la dose) ont été rapportés : bradycardie, perturbations de la fonction hépatique.




Manifestations cliniques:





Conduite à tenir:





Benzodiazépines et apparentés (zolpidem, zopiclone)


C’est une intoxication fréquente et généralement peu grave. Le mode de révélation habituelle est une ataxie aiguë chez un enfant non fébrile et sans antécédents, décrite souvent comme un trouble de la marche.


La dose toxique dépend du profil pharmacologique des molécules et est variable en fonction de chaque benzodiazépine (BZP) :



Certaines BZP ont des demi-vies très longues (prazépam-Lysanxia® 65 heures clorazépam-Tranxène® 40 heures, clonazépam-Rivotril® 32-38 heures, nitrazépam-Mogadon® 25 heures, bromazépam-Lexomil® 20 heures).





Conduite à tenir:



Si le patient a ingéré d’autres médicaments à dose toxique avec un risque de convulsions (antidépresseurs polycycliques, antiépileptiques, etc.), l’emploi du flumazénil est contre-indiqué.



Médicaments à visée ORL


Les produits les plus fréquemment impliqués sont les sirops antitussifs, les vasoconstricteurs nasaux (imidazolés) et l’ensemble des médications contenant de l’éphédrine ou de la phényléphrine ou de la pseudo-éphédrine.






Médicaments cardiotoxiques



Antidépresseurs tricycliques (AD3C):





Manifestations cliniques: Les signes cliniques débutent 1 à 3 heures post-ingestion et les signes anticholinergiques (tachycardie sinusale, mydriase bilatérale, rétention urinaire, confusion, délire, hallucinations, iléus intestinal, sécheresse des muqueuses) précèdent les autres troubles neurologiques ou cardio-vasculaires graves.


L’intensité du syndrome anticholinergique ne préjuge pas de la gravité. La sécheresse cutanéo-muqueuse est souvent plus marquée chez le jeune enfant que chez l’adulte.


Les autres manifestations cliniques neurologiques (agitation, hallucinations, convulsions, coma, syndrome pyramidal), cardio-vasculaires (hypotension, hypertension initiale, choc cardiogénique), respiratoires (hypoventilation), hyperthermie ou électriques (onde T plate puis allongement du QT, bloc intraventriculaire-élargissement des QRS, arythmie ventriculaire, asystolie) sont identiques à celles de l’adulte. Le risque de convulsion est plus élevé chez l’enfant, les convulsions sont plus précoces (dans l’heure qui suit l’ingestion).


Les anomalies ECG ont une valeur prédictive sur la gravité de l’intoxication. Une valeur de QRS supérieure à 160 ms expose à un risque élevé de troubles du rythme.



Conduite à tenir pratique:



• Hospitalisation :



• Débuter alcalinisation pour valeur de QRS > 120 ms. Les volumes recommandés en cas d’alcalinisation sont égaux à 1-2 mL/kg (BiNa 8,4 %) pour les enfants de moins de 20 kg, au-delà des perfusions de 100 à 250 mL sont recommandées et un pH cible de 7,5-7,55. La surveillance de la kaliémie au cours de l’alcalinisation est recommandée.


• Si convulsions : benzodiazépines en 1re intention, éviter phénytoïne (effet proarythmogène et inotrope négatif).


• En cas d’arythmie ventriculaire : alcalinisation. Si inefficace lidocaïne 1 mg/kg, sulfate de magnésium 50 mg/kg (2 g maximum par injection), correction de l’hypoxie et de l’acidose, choc électrique externe si mauvaise tolérance hémodynamique. L’amiodarone n’est pas indiquée car elle majore les troubles du rythme.


• En cas de fibrillation ventriculaire : la réanimation sera prolongée, une assistance circulatoire extracorporelle est indiquée.


• Hémoperfusion sur colonne de charbon et plasmaphérèse sont efficaces. L’hémodialyse ou l’hémoperfusion sur résine ne le sont pas.



Antidépresseurs non tricycliques: Leur toxicité cardio-vasculaire est moindre comparée à celle des AD3C. Les publications pédiatriques concernent la fluoxétine (Prozac®), la paroxétine (Deroxat®) et le citalopram (Séropram®).


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May 14, 2017 | Posted by in PÉDIATRIE | Comments Off on 100: Intoxications aiguës

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