100 Seules les intoxications accidentelles les plus fréquentes seront détaillées. Nous avons regroupé dans le tableau 100.1 les principaux antidotes dont il sera fait mention dans ce chapitre. Intoxications d’origine médicamenteuse • L’intoxication par le paracétamol courante chez l’enfant est potentiellement grave en raison du risque d’insuffisance hépatique. • Le risque toxique est plus élevé chez le grand enfant et l’adolescent (saturation de la glycuronoconjugaison) que chez le nourrisson (sulfoconjugaison plus développée). • L’absorption digestive au niveau du grêle est très rapide et le pic de concentration plasmatique est atteint en moins d’une heure après ingestion. En cas de surdosage, le pic plasmatique est atteint à la 2e heure en cas d’ingestion excessive d’une forme liquide chez les enfants âgés de moins de 6 ans, à la 4e heure dans tous les autres cas. – Dose ingérée < 250 mg/kg chez enfant < 6 ans avec mono-intoxication : corollaire – l’ingestion d’un flacon de Doliprane® (paracétamol 2,4 g/flacon de 100 mL) chez un enfant dont le poids est supérieur à 10 kg n’est pas une dose toxique. – Dose ingérée < 150 mg/kg chez enfant > 6 ans et adolescent avec mono-intoxication. • Utilisation du nomogramme de Rumack-Matthew (figure 100.1). – lors d’intoxications polymédicamenteuses qui peuvent majorer la toxicité du paracétamol ; – lors de prises régulières et prolongées de paracétamol à forte dose thérapeutique ou de malnutrition sévère (anorexie mentale) (déplétion des stocks hépatiques du glutathion). – Lorsque le nomogramme ne permet pas d’apprécier le risque toxique, il faut envisager un traitement quelle que soit la paracétamolémie. – Pour des raisons pharmacocinétiques, le nomogramme ne permet pas d’évaluer la toxicité d’une paracétamolémie prélevée avant la 4e heure post-ingestion. En revanche, chez le nourrisson et l’enfant de moins de 6 ans intoxiqués avec une suspension (uniquement la galénique SIROP), le risque toxique peut s’évaluer sur une paracétamolémie prélevée à la 2e heure post-ingestion (paracétamolémie toxique > 225 μg/mL). Manifestations cliniques: Les premiers symptômes apparaissent avant la 14e heure : vomissements et/ou douleurs abdominales. Pendant cette phase, les bilans biologiques hépatiques et l’hémostase sont normaux. Les symptômes s’amendent dans les 2 jours. Au 3e jour, les anomalies biologiques hépatiques sont maximales. À partir du 4e jour, la cytolyse hépatique s’améliore et se normalise dans les 15 jours. Certains développeront une hépatite fulminante. • Évaluation du risque toxique. • Lavage gastrique : inefficace car l’absorption digestive est très rapide. • Charbon activé : inutile avant 6 ans ; intérêt chez l’adolescent et grand enfant si vu dans les 2 heures suivant ingestion mais attention la prise de charbon activé gêne la prise orale de NAC. • Avant la 8e heure post-ingestion, la NAC sera administrée après obtention de la paracétamolémie et vérification qu’elle est en zone toxique sur le nomogramme. • Enfant < 6 ans, cas d’une dose ingérée toxique (≥ 250 mg/kg) : – faire paracétamolémie à H2 si prise d’une forme sirop, sinon à H4 ; – si paracétamolémie à H2 > 225 μg/mL, faire NAC. Idem si paracétamolémie en zone toxique sur le nomogramme à H4. • Enfant ≥ 6 ans, cas d’une dose ingérée toxique (≥ 150 mg/kg) : – charbon 1 g/kg si enfant vu avant H2. Si la paracétamolémie s’avère ultérieurement en zone toxique il faudra prescrire la NAC par voie IV ; – sinon paracétamolémie à H4 et débuter NAC si paracétamolémie en zone toxique ; – si poly-intoxication avec inducteurs enzymatiques associés : débuter NAC jusqu’au résultat de la paracétamolémie de H4 : si paracétamolémie non toxique, stop NAC. Ingestion > 8 heures ou d’heure inconnue: • Débuter NAC dans tous les cas et stop si paracétamolémie faite entre H4 et H15 en zone non toxique sur nomogramme. La NAC doit être poursuivie tant que la paracétamolémie est en zone toxique (par rapport à l’heure de prélèvement) et/ou que persiste une augmentation des transaminases hépatiques. • En l’absence de notion d’heure de prise, faire 2 paracétamolémies (P1 et P2) à 4 h d’intervalle : si P2 < moitié de P1 = peu ou pas de risque hépatique. • Administration de la NAC (tableau 100.2) : Tableau 100.2 (a)Chez l’enfant pesant moins de 20 kg, le volume de dilution de la NAC sera adapté selon la recommandation suivante et pour un protocole d’administration sur 20 heures : 150 mg/kg dilué dans 3 mL/kg de glucosé 5 %, puis 50 mg/kg dilué dans 7 mL/kg de glucosé 5 % sur 4 heures, puis 50 mg/kg dilué dans 7 mL/kg de glucosé 5 % sur 8 heures et renouvelé à la même posologie sur les 8 heures restantes pour un total de 300 mg/kg sur 20 heures Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) appartiennent à une classe thérapeutique composée de différentes familles, représentant un groupe de médicaments très hétérogènes. Leur toxicité est modérée à l’exception de l’acide méfénamique et de la phénylbutazone. Ibuprofène: L’ingestion d’une dose inférieure à 200 mg/kg entraîne peu de symptômes. L’ingestion de dose supérieure à 400 mg/kg soit un flacon entier d’Advil® sirop pédiatrique (20 mg/mL, flacon de 200 mL) ou un flacon entier de Nurofen® sirop enfant (20 mg/mL, 150 mL par flacon) par un enfant de poids ≤ 10 kg est susceptible d’entraîner une intoxication grave avec coma, convulsions, collapsus cardio-vasculaire, acidose métabolique. L’ingestion d’une dose supérieure ou égale à 100 mg/kg (adulte 3 g) justifie une surveillance jusqu’à H4 post-ingestion. Passé ce délai, si l’enfant est asymptomatique, un retour à domicile est autorisé. En cas d’ingestion d’une forme à libération prolongée, la surveillance post-ingestion est de 12 heures. Des effets secondaires idiosyncrasiques (indépendants de la dose) ont été rapportés : bradycardie, perturbations de la fonction hépatique. Intoxication massive: Elle expose : • au risque d’insuffisance rénale aiguë (propioniques, oxicams) ; • à la survenue d’un coma convulsif (avec les fénamates, les dérivés indoliques et les oxicams) ; • à la survenue de troubles cardio-vasculaires (hypo- ou d’hypertension artérielle), des troubles de l’hémostase, d’hémorragies digestives ; • à la survenue secondaire (entre J2 et J7) d’une aplasie médullaire avec les pyrazolés. Intoxication mineure: Elle bénéficie d’un traitement symptomatique et préventif des troubles digestifs par la prescription d’un pansement digestif protecteur. Tout enfant symptomatique indépendamment de la dose ingérée nécessite une surveillance en milieu hospitalier avec contrôle du temps de prothrombine, du bilan électrolytique et du pH sanguin. • elle est supérieure à 7-10 mg/kg (500 mg adulte) pour le diazépam (Valium®), clorazépam (Tranxène®), chlordiazépoxide (Librax®, Limbitrol® [attention association avec amitriptyline]) ; • elle est supérieure à 1 cp/10 kg (10 fois la dose thérapeutique) pour les dérivés à activité hypnotique marquée. Manifestations cliniques: Elles sont dominées par les effets neurologiques (somnolence, coma, hypotonie, agitation paradoxale parfois) et à forte dose, des effets respiratoires (dépression) et cardio-vasculaires (hypotension). Détection biologique: La mise en évidence des benzodiazépines apparentées (zolpidem, zopiclone) nécessite de bien spécifier la molécule dans le screening toxicologique où la seule mention « benzodiazépines » est insuffisante (molécules non détectées par anticorps antibenzodiazépines) et risque d’aboutir à une recherche négative (faux négatifs). Certaines BZP qui ont des taux toxiques sériques inférieurs à la limite de détection de la méthode ne seront pas retrouvées (alprazolam-Xanax®, bromazépam-Lexomil®, lorazépam-Témesta® et triazolam- Halcion®) sans une recherche spécifique. • En l’absence de dépression respiratoire, l’enfant symptomatique sera surveillé en milieu hospitalier pendant la durée de la demi-vie d’élimination de la molécule et jusqu’à disparition des symptômes dans les autres cas. • En cas de dépression respiratoire, l’antidote spécifique : le flumazénil-Anexate® sera utilisé par voie IV à la posologie de 10 μg/kg (0,2-0,3 mg chez adulte) (renouvelable une à deux fois toutes les 60 secondes jusqu’à reprise d’une ventilation spontanée efficace) ; en cas d’échec une posologie de 10 μg/kg/h sera débutée ainsi que la recherche d’autres toxiques éventuellement impliqués. Sirops antitussifs: Ils peuvent être dangereux par la prise excessive de dérivés opiacés comme le dextrométhorphane ou par la présence d’antihistaminiques de type dyphenhydramine ou du diménhydrinate comme le Nausicalm®. Ces derniers, à dose toxique, peuvent entraîner agitation, convulsions, myosis et arythmie. Les recommandations sont de surveiller en milieu hospitalier avec réalisation d’un ECG (mesure du QT) toute ingestion de dimenhydrinate ≥ 7,5 mg/kg quel que soit l’âge, ou d’au moins 300 mg en une prise à partir de l’âge de 6 ans. Vasoconstricteurs nasaux: Les vasoconstricteurs nasaux contenant des dérivés de l’imidazoline (naphazoline par exemple) entraînent une stimulation α-adrénergique centrale qui s’exprime par : pâleur extrême, hypotonie, hypothermie, myosis ou mydriase, aréflexie, apnée par dépression centrale et hypertension majeure. La prise en charge des enfants symptomatiques est faite en réanimation. Antidépresseurs tricycliques (AD3C): Risque toxique de l’amitriptyline (Laroxyl®): La dose thérapeutique recommandée chez l’enfant est de 1,5 à 5 mg/kg/j. La dose toxique chez l’enfant est supérieure à 5 mg/kg (> 500 mg chez adulte) et le pronostic vital mis en jeu pour des doses supérieures ou égales à 15 mg/kg ( > 2 g chez adulte). La plus petite dose d’amitriptyline impliquée dans un décès chez l’enfant était égale à 15 mg/kg. Un ou deux comprimés peuvent être à l’origine d’intoxications graves. Risque toxique de la nortriptyline (Motival®), de la désipramine (Pertofran®): La dose toxique de la nortriptyline (Motival®), de la désipramine (Pertofran®) est supérieure à 2,5 mg/kg, celle de la trimipramine (Surmontil®) et de la protriptyline supérieure à 1 mg/kg. La plus faible dose d’imipramine suivie d’un décès chez l’enfant était égale à 20 mg/kg. Manifestations cliniques: Les signes cliniques débutent 1 à 3 heures post-ingestion et les signes anticholinergiques (tachycardie sinusale, mydriase bilatérale, rétention urinaire, confusion, délire, hallucinations, iléus intestinal, sécheresse des muqueuses) précèdent les autres troubles neurologiques ou cardio-vasculaires graves. Les autres manifestations cliniques neurologiques (agitation, hallucinations, convulsions, coma, syndrome pyramidal), cardio-vasculaires (hypotension, hypertension initiale, choc cardiogénique), respiratoires (hypoventilation), hyperthermie ou électriques (onde T plate puis allongement du QT, bloc intraventriculaire-élargissement des QRS, arythmie ventriculaire, asystolie) sont identiques à celles de l’adulte. Le risque de convulsion est plus élevé chez l’enfant, les convulsions sont plus précoces (dans l’heure qui suit l’ingestion). – pour toute dose ingérée inconnue avec une surveillance de 6 heures minimum ; – de tout enfant symptomatique quelle que soit la dose et de toute dose ingérée toxique pour la molécule en cause ; – en USI ou en réanimation de toute intoxication avec troubles neurologiques et/ou cardio-vasculaires ou signes ECG précessifs. • Débuter alcalinisation pour valeur de QRS > 120 ms. Les volumes recommandés en cas d’alcalinisation sont égaux à 1-2 mL/kg (BiNa 8,4 %) pour les enfants de moins de 20 kg, au-delà des perfusions de 100 à 250 mL sont recommandées et un pH cible de 7,5-7,55. La surveillance de la kaliémie au cours de l’alcalinisation est recommandée. • Si convulsions : benzodiazépines en 1re intention, éviter phénytoïne (effet proarythmogène et inotrope négatif). • En cas d’arythmie ventriculaire : alcalinisation. Si inefficace lidocaïne 1 mg/kg, sulfate de magnésium 50 mg/kg (2 g maximum par injection), correction de l’hypoxie et de l’acidose, choc électrique externe si mauvaise tolérance hémodynamique. L’amiodarone n’est pas indiquée car elle majore les troubles du rythme. • En cas de fibrillation ventriculaire : la réanimation sera prolongée, une assistance circulatoire extracorporelle est indiquée. • Hémoperfusion sur colonne de charbon et plasmaphérèse sont efficaces. L’hémodialyse ou l’hémoperfusion sur résine ne le sont pas. Antidépresseurs non tricycliques: Leur toxicité cardio-vasculaire est moindre comparée à celle des AD3C. Les publications pédiatriques concernent la fluoxétine (Prozac®), la paroxétine (Deroxat®) et le citalopram (Séropram®). • Fluoxétine : cette molécule est peu toxique, son index de mortalité faible. Des doses ingérées inférieures ou égales à 5 mg/kg ou < à 60 mg chez un enfant de moins de 6 ans peuvent être surveillées à domicile en présence d’un adulte responsable. • Paroxétine : des ingestions inférieures ou égales à 120 mg chez des enfants âgés de 5 ans n’ont pas entraîné de symptômes. • Citalopram : un cas d’intoxication par une dose inconnue de citalopram chez un nourrisson de 10 mois a été rapporté car traduite par un état de mal convulsif sans anomalies cardio-vasculaires et un taux circulant de citalopram à H1 égal à 1 400 ng/mL.
Intoxications aiguës
Définition
Principales intoxications accidentelles de l’enfant
Paracétamol
Voie orale
Voie intraveineuse (diluée dans du G5 %)(a)
Protocole sur 21 heures
140 mg/kg pour 1re prise
70 mg/kg/4 h prises suivantes pendant 72 h
Diluer dans du jus de fruit car mauvais goût
150 mg/kg (max. 15 g) sur 1 heure (perfusion lente réduit risque allergique)
50 mg/kg (max. 5 g) sur 4 heures suivantes
100 mg/kg (max. 10 g) sur 16 heures restantes puis relais oral jusqu’à 72e heure
Protocole sur 48 heures
140 mg/kg IV sur 30 minutes
70 mg/kg toutes les 4 heures (12 doses)
Anti-inflammatoires non stéroïdiens
Benzodiazépines et apparentés (zolpidem, zopiclone)
Médicaments à visée ORL
Médicaments cardiotoxiques
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