10: Manifestations Microcirculatoires des Connectivites Hors Sclérodermie

Chapitre 10 Manifestations Microcirculatoires des Connectivites Hors Sclérodermie



Sous le terme de connectivites, on sous-entend habituellement des maladies systémiques auto-immunes du tissu conjonctif. Si l’on prend la classification statistique internationale des maladies et des problèmes de santé connexes dans sa 10e révision (classification CIM-10), il faut y inclure des affections diverses comme la sclérodermie systémique, le lupus érythémateux systémique, la dermatomyosite, le syndrome de Gougerot-Sjögren, mais aussi les vascularites des petits et des gros vaisseaux, la pseudo-polyarthrite rhizomélique, le syndrome de Schulman, le syndrome de Sharp, la polyarthrite rhumatoïde, la polychondrite atrophiante, ainsi que la sarcoïdose et diverses affections systémiques.


Ce chapitre aborde les manifestations microcirculatoires des connectivites hors sclérodermie mais aussi hors vascularite systémique puisque cela fait l’objet d’un chapitre à part. Nous nous limiterons aux connectivites usuelles : lupus érythémateux systémique, syndrome de Gougerot-Sjögren, dermatomyosite, syndrome de Sharp ou connectivites mixtes.



PHÉNOMENÉ DE RAYNAUD [1]


Le phénomène de Raynaud est un trouble vasomoteur caractérisé par une ischémie paroxystique des extrémités. Sa prévalence est estimée dans la population générale à environ 5-10 % mais il s’agit aussi de la manifestation microcirculatoire la plus fréquente des connectivites.


Le diagnostic de phénomène de Raynaud est un diagnostic d’interrogatoire. La crise est favorisée par l’exposition au froid ou le simple changement de température. Un facteur mécanique intervient souvent (pression digitale, contact avec un objet froid). L’humidité est un facteur favorisant fréquemment retrouvé. Le stress, la contrariété ou l’émotion peuvent suffire au déclenchement d’une crise.


La crise de Raynaud se décompose classiquement en trois phases mais la phase syncopale peut être isolée :


la première phase est syncopale (fig. 10-1) liée à une vasoconstriction digitale et à l’occlusion des sphincters précapillaires aboutissant à une véritable exclusion du lit capillaire. Les doigts sont blancs, livides et froids donnant une impression de doigt mort. À ce stade, il y a souvent une hypo voire une anesthésie digitale. Cette phase dure généralement quelques minutes. Elle peut rarement atteindre une heure ;




L’interrogatoire et l’examen clinique permettent le plus souvent de repérer rapidement le phénomène de Raynaud lié à une connectivite. Par prévalence décroissante, on peut citer les connectivites suivantes (à l’exclusion de la sclérodermie systémique vue dans un autre chapitre) :







Si le phénomène de Raynaud est quasi constant au cours du syndrome de Sharp, la présence d’anticorps antinucléaires de type U1-RNP fait partie intégrante du diagnostic. Au cours du syndrome de Sharp, l’aspect capillaroscopique est habituellement celui observé au cours de la sclérodermie systémique avec à des degrés divers une raréfaction du nombre des capillaires, un flou de la toile de fond, des hémorragies capillaires, des dystrophies capillaires avec surtout des mégacapillaires (microangiopathie organique). Au cours du lupus érythémateux systémique, il a été rapporté quelques anomalies mais qui n’ont aucune spécificité [2] : zones avasculaires, dystrophies, capillaires géants. La présence de capillaires dilatés au cours du lupus est habituellement le témoin de l’existence d’anticorps U1-RNP associés. En cas de phénomènes thrombotiques digitaux liés à la présence d’anticorps antiphospholipides, on peut alors retrouver en capillaroscopie des hémorragies capillaires. Au cours du syndrome de Gougerot-Sjögren, la capillaroscopie périunguéale est habituellement normale ou montre des aspects non spécifiques de dystrophies mineures, parfois quelques hémorragies péricapillaires. La présence de mégacapillaires doit faire discuter l’existence d’un syndrome de chevauchement avec la sclérodermie systémique. Au cours de la dermatomyosite, l’aspect capillaroscopique est volontiers de type sclérodermique (avec microangiopathie organique et mégacapillaires). La polyarthrite rhumatoïde ne s’accompagne pas quant à elle d’anomalie capillaroscopique particulière.


Tout phénomène de Raynaud tardif n’est pas à rattacher à une connectivite, les autres causes sont nombreuses et doivent avoir été éliminées (tableau 10-1).


Tableau 10-1 Principales causes des phénomènes de Raynaud secondaires.



























CONNECTIVITES





CAUSES MÉDICAMENTEUSES ET TOXIQUES










ARTÉRIOPATHIES OBLITÉRANTES




VASCULARITES



ARTÉRIOPATHIES PROFESSIONNELLES OU DE LOISIRS


HÉMOPATHIES ET TROUBLES DE L’HÉMOSTASE



CAUSES ENDOCRINIENNES



AUTRE Hypertension artérielle pulmonaire primitive

Le phénomène de Raynaud des connectivites hors sclérodermie systémique ne se complique qu’exceptionnellement de troubles trophiques. La survenue d’une ulcération pulpaire au cours du syndrome de Sharp peut être le signe de son évolution vers une authentique sclérodermie systémique. Au cours du lupus systémique, la survenue de troubles trophiques distaux est en général la conséquence d’une thrombose des collatérales digitales liée à un syndrome des antiphospholipides. Au cours du syndrome de Gougerot-Sjögren, l’apparition de troubles trophiques distaux doit faire évoquer une vascularite sur cryoglobulinémie. Au cours de la dermatomyosite, on peut parfois observer des nécroses cutanées et des ulcérations digitales, il s’agit habituellement de lésions de vascularite qui doit faire craindre le caractère paranéoplasique de la myopathie inflammatoire. Cependant, il peut aussi s’agir d’un syndrome de chevauchement avec une autre connectivite, notamment la sclérodermie systémique (scléromyosite). Au cours de la polyarthrite rhumatoïde, les troubles trophiques distaux sont exceptionnels, reflétant habituellement la survenue d’une vascularite rhumatoïde.


Le phénomène de Raynaud des connectivites hors sclérodermie systémique nécessite rarement un traitement pharmacologique. Les mesures préventives sont habituellement très efficaces : protection contre le froid, vis-à-vis de l’humidité, port de gants de soie sous des gants de laines ou des polaires, bonne isolation des pieds et port de vêtements chauds en multicouches en protégeant le cou et la tête. Le tabac doit être arrêté car il contribue au refroidissement digital. Il peut arriver que certains médicaments prescrits aggravent le phénomène de Raynaud comme l’utilisation des β-bloquants (même en collyre), les dérivés de l’ergot de seigle, l’interféron α etc. Dans ce cas, c’est l’évaluation du rapport bénéfice/risque qui détermine la poursuite ou non du médicament aggravant. Si les mesures précédentes sont insuffisantes et si le phénomène de Raynaud est invalidant, on peut alors prescrire un inhibiteur calcique en première intention. L’iloprost IV est réservé aux formes qui se compliqueraient d’ischémie digitale [3]. Le phénomène de Raynaud est rarement le symptôme inaugural des connectivites à l’exception de la sclérodermie systémique et du syndrome de Sharp, où le phénomène de Raynaud peut précéder de plusieurs années les autres signes de la maladie.

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Jul 3, 2017 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on 10: Manifestations Microcirculatoires des Connectivites Hors Sclérodermie

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