Chapitre 10 Manifestations Microcirculatoires des Connectivites Hors Sclérodermie
Sous le terme de connectivites, on sous-entend habituellement des maladies systémiques auto-immunes du tissu conjonctif. Si l’on prend la classification statistique internationale des maladies et des problèmes de santé connexes dans sa 10e révision (classification CIM-10), il faut y inclure des affections diverses comme la sclérodermie systémique, le lupus érythémateux systémique, la dermatomyosite, le syndrome de Gougerot-Sjögren, mais aussi les vascularites des petits et des gros vaisseaux, la pseudo-polyarthrite rhizomélique, le syndrome de Schulman, le syndrome de Sharp, la polyarthrite rhumatoïde, la polychondrite atrophiante, ainsi que la sarcoïdose et diverses affections systémiques.
PHÉNOMENÉ DE RAYNAUD [1]
Si le phénomène de Raynaud est quasi constant au cours du syndrome de Sharp, la présence d’anticorps antinucléaires de type U1-RNP fait partie intégrante du diagnostic. Au cours du syndrome de Sharp, l’aspect capillaroscopique est habituellement celui observé au cours de la sclérodermie systémique avec à des degrés divers une raréfaction du nombre des capillaires, un flou de la toile de fond, des hémorragies capillaires, des dystrophies capillaires avec surtout des mégacapillaires (microangiopathie organique). Au cours du lupus érythémateux systémique, il a été rapporté quelques anomalies mais qui n’ont aucune spécificité [2] : zones avasculaires, dystrophies, capillaires géants. La présence de capillaires dilatés au cours du lupus est habituellement le témoin de l’existence d’anticorps U1-RNP associés. En cas de phénomènes thrombotiques digitaux liés à la présence d’anticorps antiphospholipides, on peut alors retrouver en capillaroscopie des hémorragies capillaires. Au cours du syndrome de Gougerot-Sjögren, la capillaroscopie périunguéale est habituellement normale ou montre des aspects non spécifiques de dystrophies mineures, parfois quelques hémorragies péricapillaires. La présence de mégacapillaires doit faire discuter l’existence d’un syndrome de chevauchement avec la sclérodermie systémique. Au cours de la dermatomyosite, l’aspect capillaroscopique est volontiers de type sclérodermique (avec microangiopathie organique et mégacapillaires). La polyarthrite rhumatoïde ne s’accompagne pas quant à elle d’anomalie capillaroscopique particulière.
Tout phénomène de Raynaud tardif n’est pas à rattacher à une connectivite, les autres causes sont nombreuses et doivent avoir été éliminées (tableau 10-1).
CONNECTIVITES | |
CAUSES MÉDICAMENTEUSES ET TOXIQUES | |
ARTÉRIOPATHIES OBLITÉRANTES | |
VASCULARITES | |
ARTÉRIOPATHIES PROFESSIONNELLES OU DE LOISIRS | |
HÉMOPATHIES ET TROUBLES DE L’HÉMOSTASE | |
CAUSES ENDOCRINIENNES | |
AUTRE | Hypertension artérielle pulmonaire primitive |
Le phénomène de Raynaud des connectivites hors sclérodermie systémique nécessite rarement un traitement pharmacologique. Les mesures préventives sont habituellement très efficaces : protection contre le froid, vis-à-vis de l’humidité, port de gants de soie sous des gants de laines ou des polaires, bonne isolation des pieds et port de vêtements chauds en multicouches en protégeant le cou et la tête. Le tabac doit être arrêté car il contribue au refroidissement digital. Il peut arriver que certains médicaments prescrits aggravent le phénomène de Raynaud comme l’utilisation des β-bloquants (même en collyre), les dérivés de l’ergot de seigle, l’interféron α etc. Dans ce cas, c’est l’évaluation du rapport bénéfice/risque qui détermine la poursuite ou non du médicament aggravant. Si les mesures précédentes sont insuffisantes et si le phénomène de Raynaud est invalidant, on peut alors prescrire un inhibiteur calcique en première intention. L’iloprost IV est réservé aux formes qui se compliqueraient d’ischémie digitale [3]. Le phénomène de Raynaud est rarement le symptôme inaugural des connectivites à l’exception de la sclérodermie systémique et du syndrome de Sharp, où le phénomène de Raynaud peut précéder de plusieurs années les autres signes de la maladie.