Chapitre 10 L’exploration fonctionnelle du cerveau
Inauguré avec les premiers travaux des physiologistes du système nerveux central, ce secteur de la recherche s’est véritablement développé à partir des années cinquante avec les découvertes des principales molécules psychotropes et l’identification de certains des effets biochimiques de celles-ci (que l’on a trop rapidement voulu transformer en connaissance de leurs « mécanismes d’action »). La psychiatrie biologique des années 1960–70 a été porteuse d’immenses espoirs concernant l’identification de variables biologiques susceptibles d’être des traits de vulnérabilité ou de celles permettant d’assurer un suivi de l’évolution des troubles. Différentes théories neurobiologiques se sont succédées, dont la complexité s’est considérablement accrue avec les progrès des connaissances en matière d’activité enzymatique, de fonctionnement des membranes cellulaires, des régulations hydroélectrolytiques, des modulations neuroendocriniennes, avec l’identification aussi d’un nombre sans cesse croissant de neuropeptides.
10.2 Électroencéphalographie et psychiatrie
À l’heure de l’imagerie cérébrale, la place de l’EEG en psychiatrie mérite d’être soulevée dans la mesure où cet examen n’est effectivement plus l’examen de choix pour mettre en évidence des anomalies cérébrales lésionnelles. L’EEG reste cependant un examen simple, anodin, aisément réalisable même chez les sujets agités. Cela permet dans bien des cas et à peu de frais de mettre en évidence une pathologie organique cérébrale, en vue de réorienter le patient et d’entreprendre les investigations nécessaires. L’EEG permettrait de dépister 50 % des atteintes cérébrales organiques génératrices de troubles psychiatriques isolés. Cela incite à une pratique plus systématique de l’EEG. Il reste notamment l’examen de référence pour le diagnostic des épilepsies dont les manifestations peuvent parfois prendre le masque d’une pathologie psychiatrique. Il apporte également des arguments précieux dans certaines situations diagnostiques difficiles dans le cadre des démences et du vieillissement pathologique par exemple.
L’American Psychiatric Association a proposé des recommandations pour les caractéristiques techniques auxquelles devraient répondre les examens EEG en psychiatrie [2]. Ces recommandations insistent sur la nécessité d’utiliser des techniques accessibles à la plupart des laboratoires, sur l’impérieuse nécessité d’une formation adaptée dont les besoins sont très grands dans toutes les structures de psychiatrie aussi bien aux États-Unis semble-t-il qu’en France et en Europe en général, sur l’importance de la détection des activités lentes et de se mettre dans des conditions techniques qui permettent de les recueillir au mieux.
Retard mental
L’EEG permet de mettre en évidence des anomalies qui peuvent faire suspecter une pathologie cérébrale organique à l’origine de la déficience mentale. L’EEG peut aussi déceler des anomalies épileptiques fréquemment associées aux infirmités motrices cérébrales. Il n’existe cependant pas de corrélation stricte entre le degré de retard mental et l’importance d’éventuelles anomalies de l’EEG. Les pathologies infantiles de type hypsarythmie ou petit mal variant, où l’aggravation de l’EEG va de pair avec une accentuation de la détérioration mentale, sont une exception.
À l’inverse, des sujets atteints de débilité mentale sévère peuvent avoir un EEG tout à fait normal [18].
Dans les cas de syndrome de Down on observe, chez 20 à 30 % des sujets seulement, des anomalies EEG qui sont non spécifiques [7].
Troubles de l’attention
Des anomalies EEG quantitatives, avec notamment une augmentation de l’activité thêta ou une diminution de l’activité alpha et/ou bêta, ont été reportées dans les troubles de l’apprentissage chez l’enfant avec des activités thêta ou alpha en excès chez les enfants présentant des troubles de l’attention isolés ou des troubles de l’attention avec une hyperactivité [6]. Ces anomalies lentes seraient diffuses, continues ou intermittentes et s’estomperaient avec l’âge.
Des anomalies paroxystiques proches d’anomalies comitiales et une hypersensibilité à la stimulation lumineuse intermittente ont également été décrites. L’intérêt de l’EEG est, là encore, l’aide au dépistage d’une pathologie organique, notamment épileptique, susceptible de répondre à une thérapeutique adaptée. L’EEG conventionnel a été rapporté comme anormal chez 30 à 60 % des enfants avec des troubles de l’attention avec hyperactivité ou avec troubles de l’apprentissage [18].
En EEG numérisé, les anomalies rencontrées chez les enfants ayant des troubles de l’apprentissage sont proportionnelles à la gravité de ces troubles. Nombre de ces enfants montrent des signes EEG de dysfonctionnement cortical, notamment des activités thêta frontales ou un alpha en excès ainsi qu’une hypercohérence et une forte incidence d’asymétrie interhémisphérique [1].
Troubles de l’humeur
L’apport de l’électroencéphalographie conventionnelle dans cette indication est relativement décevant, excepté pour la mise en évidence de perturbations révélatrices d’une pathologie cérébrale exprimée par une symptomatologie d’allure dépressive. Ceci concerne surtout les syndromes dépressifs du sujet âgé : un EEG ralenti, avec une fréquence du rythme dominant postérieur se situant dans la bande thêta, parfois associé à quelques anomalies lentes en bouffées, traduit immanquablement une pathologie cérébrale organique, le plus souvent une démence de type Alzheimer ou artériopathique dont la première manifestation a été la dépression.
Certaines particularités ont été décrites, notamment la plus grande incidence d’anomalies EEG chez les déprimés sans antécédents familiaux ou encore l’aspect de B-Mitten (mitaines de type B), décrit par F.A. Struve et D.R. Becka dans la schizophrénie mais sans confirmation définitive. Certaines études (revue in [5]) ont rapporté une augmentation des puissances alpha et bêta chez les patients atteints de psychose maniacodépressive, ainsi qu’une augmentation de l’alpha dans les dépressions endogènes.
D’autres patterns particuliers ont été relevés dans les troubles de l’humeur comme les Small Scharp Spikes , les complexes pointes-ondes à 6 cycles/s et les pointes positives, notamment chez les sujets avec idées suicidaires. Ces aspects EEG particuliers ne sont cependant pas spécifiques et peuvent être observés dans nombre d’autres pathologies.
L’électroencéphalographie quantitative a permis de mieux décrire des anomalies de l’EEG qui sont difficiles à évaluer en EEG conventionnel [3]. Nombre d’auteurs s’accordent à trouver certaines modifications EEG chez les sujets déprimés : diminution de la puissance alpha, notamment sur les régions frontotemporales, augmentation de puissance totale sur les mêmes régions [12].
La dépression primaire serait corrélée à une augmentation de la puissance delta et le ralentissement psychomoteur à une augmentation des puissances delta et thêta [14]. Par ailleurs, le rapport gauche/droite de l’amplitude moyenne intégrée est corrélé négativement avec le degré de sévérité de la dépression. Pour L.S. Prichep et al. [16], l’analyse statistique systématique d’un certain nombre de paramètres EEG (méthode neurométrique) permet de catégoriser correctement 83 % des déprimés ainsi que 89 % des sujets normaux contrôles. La cohérence et l’asymétrie sont les plus pertinents des 11 paramètres utilisés pour cette discrimination, la cohérence frontale suffisant à elle seule à classer 70 % des déprimés. Cette même méthode permet aussi de distinguer patients unipolaires (87 %) et bipolaires (entre 85 et 90 %). Certaines épreuves d’activation à partir d’une situation émotionnelle ou d’épreuves verbales ou visuospatiales peuvent déceler des différences significatives entre déprimés et normaux, suggérant des mécanismes psychopathologiques hétérogènes. Tous ces résultats soulignent l’intérêt de l’EEG quantitative :
• sur le plan diagnostique comme argument supplémentaire de décision et complément de l’analyse clinique ;
• pour une analyse plus détaillée des principaux syndromes en comparant les données EEG aux différents symptômes, ouverture vers une approche « transnosographique » nécessaire à une meilleure compréhension des troubles de l’humeur ;
• sur le plan physiopathologique en corrélant certains résultats avec les données anatomofonctionnelles en neuro-imagerie, neuropsychologiques et neurochimiques.
Psychoses – Schizophrénies
Des perturbations assez variées de l’EEG conventionnel ont été rapportées dans les schizophrénies : ralentissement global avec des aspects dits « dysrythmiques », diminution de l’activité alpha, anomalies de type épileptique, augmentation de rythmes lents thêta, activités dites choppy activity avec un alpha rare ou absent, une augmentation des rythmes bêta et une diminution de la fréquence moyenne alpha ou encore tracé d’aspect dit hypernormal avec un alpha très synchronisé et régulier [18].
Pour K.S. Kendler et P. Hays [13], l’EEG est plus volontiers normal dans les cas familiaux de schizophrénie et perturbé dans les cas sporadiques. Il peut donc être anormal chez les schizophrènes en dehors de tout traitement neuroleptique, ce qui a été considéré par certains comme une preuve d’un dysfonctionnement cérébral dans cette affection.
D’autres particularités EEG ont été signalées, notamment des aspects en mitaine de type B (B-Mitten) décrits par F.A. Struve et D.R. Becka [19] dont la signification clinique ou physiopathologique reste inconnue mais qui se rencontreraient surtout dans les affections psychotiques à prédominance affective et indiqueraient un meilleur pronostic. En fait la diminution de l’alpha est bien l’aspect classique le plus connu des modifications EEG chez les schizophrènes ainsi que l’altération de la fréquence moyenne de l’alpha et la diminution de sa réactivité.
C. Shagass [17] a montré la valeur discriminative de l’EEG pour différencier les sujets normaux de schizophrènes avérés ou latents, avec une sensibilité de 60 % et une spécificité proche de 80 %. En revanche, la différenciation EEG entre schizophrénie et manie ou dépression majeure semble plus difficile.
Anxiété
Les caractéristiques EEG des états anxieux sont bien connues et tout à fait visibles en EEG conventionnel : désorganisation voire disparition du rythme alpha avec parfois augmentation de l’alpha lent ; importante activité bêta diffuse et notamment du bêta rapide [5]. Cet aspect du tracé semble lié aux mécanismes mêmes de l’état anxieux et se normalise après l’accès.
Somatisation type « conversion »
L’EEG est surtout utile pour dépister d’éventuelles pathologies organiques responsables de troubles psycho-comportementaux atypiques, notamment épileptiques. Les enregistrements EEG ambulatoires et la vidéo-EEG sont ici particulièrement utiles, notamment lorsque l’on sait que certaines épilepsies avec troubles comportementaux peuvent s’accompagner d’un EEG normal. Seule la visualisation de la vidéo par un épileptologue permet alors souvent le diagnostic. Un EEG normal ne permet donc pas à lui seul d’éliminer l’organicité d’un trouble d’apparence psychiatrique. La vidéo-EEG permet aussi de reconnaître des manifestations pseudo-critiques d’origine psychiatrique ou autre chez d’authentiques épileptiques (crises non épileptiques).
Obsessions, compulsions
La revue des résultats des explorations neurophysiologiques dans les troubles obsessionnels compulsifs indique le caractère inconstant et aspécifique des anomalies rapportées avec l’EEG conventionnel (notamment des aspects de comitialité) [10].
Autisme
L’EEG comporte assez fréquemment des anomalies chez les patients autistes. L’incidence moyenne de ces anomalies est de 50 % mais avec des variations extrêmes selon les études (de 10 à 83 %). Il est difficile de faire la part de ce qui peut être rattaché aux symptômes de « l’autisme » proprement dit et de ce qui relève d’anomalies cérébrales associées.
Anorexie mentale
Au cours de l’anorexie mentale des anomalies de l’activité de fond de l’EEG ont été relevées dans certaines études jusqu’à 60 % des patients. Ces anomalies ont le plus souvent été rapportées à des désordres métaboliques consécutifs à l’anorexie. Des activités paroxystiques sont cependant observées dans 12 % des cas.
Troubles des conduites sociales
Alors que l’EEG conventionnel n’a permis d’identifier aucune anomalie spécifique pour les troubles des conduites sexuelles, il peut présenter un intérêt dans d’autres troubles du comportement.
En dehors des cas où existe une pathologie tumorale ou comitiale, aucune particularité EEG stable n’est observée chez les joueurs pathologiques, les kleptomanes, les pyromanes, les impulsifs, les déviants sociaux ou criminels. Chez les sujets psychopathes, on peut rencontrer dans 48 à 75 % des cas, des tracés dits « immatures » sans que l’on ait établi de relation précise entre les aspects EEG et la gravité du comportement antisocial : augmentation des rythmes thêta, sensibilité à l’hyperpnée, persistance d’ondes lentes postérieures [5] ; ralentissement focal temporal voire alpha variant, qui pour ces deux derniers peuvent faire suspecter une épilepsie. Aucune de ces anomalies n’est cependant spécifique. Elles s’observent en effet chez 5 à 15 % des sujets normaux [5].
L’isolement prolongé paraît bien induire un ralentissement du rythme alpha.
Confusion mentale
Un tracé EEG altéré au cours d’une confusion mentale doit faire suspecter l’organicité du trouble et faire pratiquer un examen d’imagerie en urgence, sachant que scanner et IRM (imagerie par résonance magnétique) peuvent apporter des indications chacun dans son domaine. Certaines étiologies spécifiques et cérébrales comme une encéphalite herpétique sont seules suspectées à l’EEG (anomalies temporales unilatérales plus rarement bilatérales).
Le tracé EEG est normal dans les bouffées délirantes ainsi que dans les stupeurs mélancoliques ; une altération du tracé EEG concomitante de troubles du comportement du post-partum ne permet pas de poser un diagnostic de psychose puerpérale et impose la recherche d’une pathologie cérébrale (thrombophlébite cérébrale ou autre). L’état de mal épileptique non convulsif à expression confusionnelle peut conduire à un diagnostic psychiatrique erroné et ne peut être diagnostiqué que par l’EEG qui est seul capable de distinguer une des trois formes : diffuse, frontotemporale, frontale uni ou bilatérale.
Démences et vieillissement cérébral
L’EEG du sujet âgé normal garde des caractéristiques peu différentes de ce que l’on peut observer chez les sujets plus jeunes [5, 15]. Des particularités telles que le ralentissement du rythme de fond, des rythmes lents à prédominance antérieure gauche, longtemps considérées comme non pathologiques à cet âge, permettent en fait d’individualiser les sujets à risque d’involution cérébrale, chez qui les capacités cognitives s’avèrent être la limite inférieure de la norme [15]. L’EEG est donc un très bon reflet de l’état du parenchyme cérébral et de ses capacités fonctionnelles.
Les démences de type Alzheimer sont marquées par un ralentissement du rythme de base postérieur, une diminution du rythme bêta, une augmentation des rythmes lents thêta puis delta, qui deviennent prédominants au fur et à mesure que la démence s’aggrave (figure 10.1). La corrélation avec le déficit cognitif est incertaine lorsque celui-ci est léger, plus étroite lorsqu’il est modéré ou sévère (score du Mini Mental State ou test de Folstein : MMS < 23).
Les études d’EEG quantitatives [9, 15] permettent de cerner avec plus d’objectivité et de précision les modifications liées à la démence. La variabilité des aspects de l’EEG est vraisemblablement liée à des sous-groupes différents dans cette pathologie. Il a été ainsi montré qu’une fréquence moyenne (inférieure ou égale à 8,5) et un rapport des puissances alpha/thêta (inférieur à 1–1,3) permettent de séparer sujets contrôles et patients atteints de démence probable avec une spécificité de 100 % et une sensibilité de l’ordre de 60 %.
Cette sensibilité n’est pas très différente d’autres investigations paracliniques utilisées pour le diagnostic des démences notamment le SPECT (Single Photon Emission Computed Tomography). Le PET-scan serait un examen plus sensible au stade précoce des démences mais n’est pas accessible en clinique courante.
• une maladie de Pick où l’EEG reste longtemps normal, ce qui est d’emblée évocateur devant une symptomatologie à dominante frontale ;
• la maladie de Creutzfeldt-Jakob ou les autres encéphalopathies spongiformes, démences d’évolution volontiers rapide où l’EEG révèle une activité périodique caractéristique.
Addiction
L’EEG du sujet éthylique indemne de complication cérébrale grave est en général normal. Au cours des intoxications aiguës, des éléments lents peuvent être observés qui sont peu spécifiques en dehors des états comateux où l’EEG reflète le trouble de la vigilance. Dans l’épilepsie liée à l’intoxication éthylique, l’EEG est le plus souvent normal entre les crises. La présence d’anomalies EEG surtout focalisées, entre des crises ou lors d’ivresses aiguës, doit toujours faire suspecter une lésion cérébrale, notamment un hématome sous-dural. Le delirium tremens entraîne peu ou pas de modifications de l’EEG. Tout ralentissement de l’EEG dans le cadre d’un sevrage doit faire évoquer une pathologie surajoutée : encéphalopathie de Gayet-Wernicke ou hépatique, hématome sous-dural. Le ralentissement du rythme de base qui peut se rencontrer dans l’alcoolisme chronique est en relation avec l’atrophie cérébrale.
Psychopharmacologie
Il est impossible d’interpréter correctement un EEG sans connaître les médicaments pris par le patient et leur posologie, y compris les quelques jours ou semaines avant le tracé. Les principales substances susceptibles de modifier le tracé EEG sont les neuroleptiques, les anxiolytiques, les hypnotiques, les antidépresseurs, les anticholinergiques et le lithium [4].
Neuroleptiques
Les neuroleptiques entraînent des activités lentes thêta et delta diffuses qui prennent volontiers un aspect polymorphe et aigu (figure 10.2). Elles s’effacent à l’ouverture des yeux, augmentent sous hyperpnée et s’estompent nettement sous stimulation lumineuse intermittente. Ces trois caractéristiques permettent de rattacher les rythmes lents à leur origine médicamenteuse. Un ralentissement du rythme alpha postérieur (< 8 Hz) est fréquent. Enfin, des activités paroxystiques typiques (pointes, pointes-ondes) ou moins typiques (éléments lents, amples et aigus) peuvent survenir, soit spontanément, soit lors des épreuves d’activation, notamment sous stimulation lumineuse intermittente. Elles traduisent une hyperexcitabilité induite par les neuroleptiques avec un abaissement du seuil convulsif. Cela peut, dans certains cas, justifier une couverture anticomitiale pendant la durée du traitement neuroleptique. Un traitement anticonvulsivant devient obligatoire lorsque cette hyperexcitabilité a eu une traduction clinique.
Figure 10.2 Effets EEG des neuroleptiques : femme, 40 ans.
Antécédent de bouffée délirante à l’âge de 20 ans. Tableau de délire mystique et de persécution. Traitement : Largactil (chlorpromazine), Zyprexa (olanzapine), Théralène (alimémazine).
Dans le syndrome malin des neuroleptiques, l’EEG est volontiers ralenti.
Antidépresseurs
Aux doses usuelles l’effet des antidépresseurs tricycliques et apparentés est modeste, marqué par une discrète augmentation d’amplitude du rythme alpha qui apparaît un peu plus aigu et parfois par des rythmes lents (thêta), notamment pour les posologies élevées. Quelle que soit la posologie et en règle générale chez des sujets prédisposés, ces substances peuvent induire spontanément ou lors des épreuves d’activation des activités comitiales : pointes, pointes-ondes typiques ou moins typiques, le plus souvent diffuses, parfois focalisées [4]. Ces anomalies traduisent une hyperexcitabilité avec abaissement du seuil convulsif et nécessitent de s’assurer de l’absence de lésion cérébrale sous-jacente et peuvent justifier soit de cesser le traitement, soit d’instituer un traitement anticomitial tant que seront poursuivis les antidépresseurs.
Lithium
Lithium (Téralithe, Neurolithium)Aux doses thérapeutiques le lithium modifie peu le tracé EEG ; parfois il ralentit discrètement l’activité de base postérieure. La survenue d’ondes lentes diffuses doit faire craindre un surdosage en sachant qu’il n’y a aucune relation entre le taux sanguin de lithium (plasmatique ou globulaire) et les effets EEG. Toute modification du tracé EEG chez un sujet sous lithium signe un effet toxique du produit et doit faire diminuer ou arrêter la lithiothérapie même si la lithémie est dans les zones dites thérapeutiques. La normalisation du tracé apparaît alors en quelques jours, parallèlement à l’amélioration clinique.
Benzodiazépines et autres sédatifs
Les benzodiazépines, anxiolytiques et hypnotiques, les barbituriques, le méprobamate induisent des activités rapides abondantes proportionnelles à la posologie, d’abord sur les régions antérieures, puis sur tout le scalp pour les doses usuelles [8]. Lorsque les rythmes rapides sont très abondants, l’activité alpha postérieure peut disparaître. Lors de la stimulation lumineuse intermittente, les benzodiazépines provoquent des réponses aiguës qui n’ont pas de signification pathologique. Lorsque la dose est plus importante, apparaissent des activités lentes thêta centrales puis plus diffuses, qui signent un début de surdosage et vont, en général, de pair avec des troubles de vigilance. À un stade de plus, le tracé devient plus lent encore. En pratique, l’apparition des activités lentes doit inciter à diminuer la posologie. Les benzodiazépines modifient l’architecture du sommeil, notamment en diminuant les durées de sommeil lent profond stade IV et de sommeil paradoxal.
Électroencéphalogramme quantifié et médicaments
L’EEG quantifié permet une analyse plus fine du signal électrique et des effets des médicaments. Des études pharmaco-électroencéphalographiques [11] ont établi des profils EEG types qui permettent de classer les psychotropes. L’EEG est surtout utile lors du développement des nouvelles molécules en psychopharmacologie (pharmacocinétique, délai d’action, équivalences galéniques).
Sismothérapie
L’EEG est systématique avant une cure de sismothérapie pour dépister d’éventuelles anomalies contre-indiquant cette thérapeutique. La sismothérapie pourrait être moins efficace lorsqu’existent des anomalies EEG [18].
Lors des sismothérapies unilatérales, l’efficacité semble corrélée à la généralisation de la crise et à sa durée (en général 25 à 90 s). Si les paroxysmes induits durent plus longtemps, la sismothérapie devient moins efficace et les effets secondaires, notamment confusion mentale et amnésie, plus fréquents. Le monitoring EEG au cours des sismothérapies permet un meilleur contrôle de ces facteurs. L’EEG doit se normaliser en quelques jours à 3 mois après une sismothérapie : la persistance d’anomalies dans l’intervalle des séances peut justifier l’interruption de la cure afin de s’assurer de l’absence de lésion cérébrale.
Potentiels évoqués
L’application de l’étude des potentiels évoqués en psychiatrie a été relativement décevante depuis leur découverte dans les années 1960, notamment en ce qui concerne la variation contingente négative et la P300. Ceci s’explique, en grande partie, par la grande variabilité des réponses d’un sujet à un autre mais également chez un même sujet et également par les limites pas toujours précises entre catégories diagnostiques en psychiatrie.
Actuellement les potentiels évoqués sont surtout utilisés dans leur modalité tardive (ou cognitive) pour essayer de comprendre les perturbations des processus cognitifs et attentionnels au cours de certaines pathologies psychiatriques (P300, N400, Mismatch Negativity, Processing Negativity) (figure 10.3).