La violence est un processus complexe et multiforme. En effet, même si la première chose qu’évoque le mot violence est sa traduction réelle au travers des coups et des hématomes, n’oublions pas que cette dernière ne s’exprime que parfois de cette manière. En effet, la violence naît d’un noyau psychique universel qui peut prendre toutes les formes, des plus concrètes aux plus abstraites ou symboliques. C’est pourquoi toute approche de cette problématique se doit de considérer conjointement les composantes réelles, fantasmatiques et symboliques de la violence qui sont autant de facettes indissociables du même objet : la pulsionnalité violente.
Ainsi, nous pouvons considérer que la violence est un fait (concret, psychique, imaginaire, moral…) né d’une interaction reposant sur une base pulsionnelle particulière qui lui donne son sens et qui génère chez la victime un vécu douloureux d’effraction (physique ou psychique).
La violence est un fait (concret, psychique, imaginaire, moral…) :
La violence peut prendre de nombreuses formes. Elle peut être physique (coups), psychique (harcèlement), verbale (insultes), matérielle (dégradation), sexuelle (attouchements) ou institutionnelle (positions paradoxales imposées). Sa force naît pour une part de sa forme mais aussi de son effet. Est violent ce qui fait violence.
Le soin en psychiatrie nous expose ainsi, à des degrés différents, à ces multiples formes de violence qui se trouvent d’ailleurs souvent intriquées les unes aux autres.
La violence naît d’une interaction :
La violence est une interaction complexe qui est déterminée par de nombreux facteurs (fig. 10-1). Sa prise en charge et sa compréhension requièrent donc une interrogation des différents niveaux interactionnels impliqués dans la situation que l’on met en travail. La complexité de cette interaction a amené Laurent Morasz à proposer dans son ouvrage l’utilisation d’une grille d’analyse des comportements violents (la grille en 9 points) destinée à guider et à systématiser la pensée des équipes lors de la survenue d’un événement violent.
Cette interaction repose sur une base pulsionnelle particulière :
Un des facteurs déterminants de la fréquence des mouvements violents en psychiatrie est l’implication des carences préconscientes dans la tendance à l’agir (c’est ce que nous avons décrit dans la première partie de ce livre). Mais au-delà de cette « sensibilité » à l’acting liée à un fonctionnement psychique de type limite ou psychotique, il est important de distinguer chez nos patients deux mouvements pulsionnels différents : la violence fondamentale et l’agressivité.
La violence fondamentale (décrite par J. Bergeret) est une pulsion primaire purement défensive. Elle ne vise pas un objet au sens propre (tel que l’autre) mais est avant tout destinée à protéger l’individu qui l’éprouve. Dans ce cas les passages à l’acte ne visent pas une victime pour ce qu’elle est, mais pour éloigner le danger qu’elle incarne.
L’agressivité est une pulsion plus secondarisée. Elle naît de l’intrication pulsionnelle entre le courant libidinal et la violence fondamentale pour aboutir à une pulsionnalité différenciée caractérisée par un plaisir ou un désir d’attaquer ou de nuire. Dans cette dynamique l’autre est attaqué pour ce qu’il est et ce qu’il représente pour le sujet.
Cette distinction est indispensable dans l’approche clinique des comportements violents. En la comprenant, nous pouvons en effet spécifier nos réponses, nuancer nos vécus et adapter nos positionnements.
La violence a un sens à chaque fois original :
À côté de cette distinction pulsionnelle, il est également indispensable de distinguer les différentes dynamiques violentes. En effet, à chaque structure psychopathologique correspond un profil prévalent de passages à l’acte. Ainsi il n’y a rien de commun entre le passage à l’acte d’un patient limite, exprimant une rage narcissique liée au vécu d’effondrement dépressif que lui renvoie toute référence à des limites et celui d’un patient schizophrène qui attaque un soignant, à l’issue d’une construction délirante évoluant depuis plusieurs jours. La connaissance du lien entre psychopathologie et acting permet de mieux les prévenir et de mieux les traiter. Elle soutient également la compréhension individuelle, base du travail d’infirmier en psychiatrie que nous pouvons avoir de ces patients et de la souffrance qui les étreint.
Elle génère chez la victime un vécu d’effraction :
L’infirmier en psychiatrie est donc placé à la croisée de différentes dynamiques violentes. À la violence agie (ou criée…) se mêle en effet une violence plus insidieuse : celle du côtoiement quotidien de la souffrance que nous avons décrit dans le chapitre 4.
Le professionnel du soin psychique est en effet confronté à deux risques violents distincts :
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