10 Exanthèmes et réactions médicamenteuses
Éruptions virales non spécifiques
Un exanthème est une éruption apparaissant en tant que symptôme d’une maladie systémique. Un exanthème viral est une éruption causée par une infection virale.
Beaucoup de virus produisent des éruptions semblables, d’où l’expression « éruption virale non spécifique ».
Anamnèse
Les éruptions virales non spécifiques correspondent aux exanthèmes viraux les plus courants et sont difficiles à diagnostiquer.
Les éléments du passé médical tels que la saison, les antécédents d’exposition et l’épidémiologie locale et régionale sont extrêmement importants pour l’examen d’un patient soupçonné d’avoir un exanthème viral.
La plupart des exanthèmes viraux non spécifiques de l’hiver sont causés par les virus respiratoires ; en été et en automne, ils sont causés par des entérovirus.
Exemples de virus capables de causer des exanthèmes viraux non spécifiques : les entérovirus non poliomyélitiques (entérovirus, virus Coxsackie, échovirus), le virus d’Epstein-Barr, les herpèsvirus humains 6 et 7, le parvovirus B19, et les virus respiratoires (rhinovirus, adénovirus, para-influenza, virus syncytial respiratoire et virus de la grippe).
Manifestations cutanées
L’entérovirus non poliomyélitique peut provoquer des macules et des papules érythémateuses diffuses.
Ces virus entraînent parfois des éruptions pétéchiales qui peuvent ressembler à une méningococcie.
Le virus d’Epstein-Barr provoque des pharyngites et des éruptions morbilliformes (5 à 15 %), vésiculeuses, urticariennes et pétéchiales. Un œdème périorbital survient chez 35 % des patients atteints par ce virus. Chez 90 à 100 % des patients, des macules et des papules érythémateuses ou cuivrées apparaissent 1 à 2 jours après un traitement par amoxicilline. Cette éruption n’est pas associée à une allergie à l’amoxicilline.
Tous les virus respiratoires peuvent provoquer des macules roses diffuses et des papules coalescentes formant des plaques. Beaucoup de patients infectés par un adénovirus développent une kératoconjonctivite très contagieuse.
L’acrodermatite pustuleuse de l’enfance (syndrome de Gianotti-Crosti) est un exanthème viral caractérisé par des papules monomorphes et discrètes ou des vésicules pouvant fusionner sur le visage, les membres et les fesses.
L’exanthème unilatéral latérothoracique (exanthème périflexural asymétrique, ou APEC [asymmetric periflexural exanthem]) est une éruption se produisant sur la partie latérale du thorax, près de l’aisselle. Parfois, cet exanthème viral s’étend ensuite de l’autre côté du thorax et aux membres.
Le syndrome pustuleux-purpurique en gants et chaussettes est une éruption autolimitée aiguë, caractérisée par un érythème pétéchial des paumes et des plantes. Les patients ayant ce syndrome peuvent avoir de la fièvre et des symptômes ressemblant à la grippe. La grande majorité de cas sont causés par le parvovirus B19.
Manifestations non cutanées
Les manifestations non cutanées varient selon le virus en cause. La plupart des infections virales sont accompagnées de fièvre et de signes généraux.
Les entérovirus non poliomyélitiques provoquent de la fièvre, des douleurs abdominales et des vomissements. Il peut y avoir atteinte de plusieurs organes, impliquant le système nerveux central, les poumons et le cœur. Ces virus peuvent imiter une affection bactérienne grave.
Le virus d’Epstein-Barr peut provoquer de la fièvre, un mal de gorge, une lymphadénopathie, des douleurs abdominales, des myalgies et une hépatosplénomégalie.
Évolution et pronostic
La plupart des exanthèmes viraux non spécifiques sont autolimités et guérissent en 1 à 2 semaines.
L’éruption du syndrome de Gianotti-Crosti peut durer jusqu’à 8 semaines.
Considérations pédiatriques
• Les exanthèmes viraux sont extrêmement courants dans l’enfance et peuvent être difficiles à distinguer des réactions médicamenteuses morbilliformes.
• L’exanthème dû à la vaccination contre la rougeole apparaît chez 5 % de ceux qui reçoivent le vaccin.
• La maladie de Kawasaki doit être envisagée chez de jeunes enfants ayant des exanthèmes et une fièvre prolongée.
Roséole infantile (ou Exanthème subit)
La roséole infantile est un exanthème viral caractérisé par une fièvre élevée suivie de l’apparition soudaine d’une éruption diffuse accompagnant la baisse de la fièvre.
Anamnèse
La roséole infantile se manifeste chez les nourrissons âgés de 6 mois à 3 ans, avec une incidence maximale à 6 mois.
Elle est provoquée par les herpèsvirus humains 6 et 7.
La plupart des cas surviennent au début du printemps, bien que la roséole infantile puisse se produire à n’importe quel moment de l’année.
La période d’incubation est de 12 jours (entre 5 et 15 jours).
Les nourrissons semblent en bonne santé, mais ont une fièvre élevée (jusqu’à 41 °C).
Manifestations cutanées
Au cours des 2 jours suivant la défervescence, de petites macules roses en amande apparaissent sur le cou, le tronc, les parties proximales des membres et le visage.
L’éruption n’est pas prurigineuse et ne s’estompe pas avant plusieurs jours ou une semaine.
Un œdème des paupières est observé chez 30 % des enfants.
La grande majorité des patients ont des papules roses sur la luette et le palais mou.
Manifestations non cutanées
Une irritabilité peut se manifester chez près de 14 % des patients.
Des adénopathies cervicales postérieures, occipitales et auriculaires postérieures sont courantes.
Les fontanelles encore non fermées sont parfois tendues.
Les complications incluent des crises convulsives fébriles, une méningite aseptique, une hémiplégie et une encéphalite.
Examens de laboratoire et explorations
Une leucocytose apparaît en même temps que la fièvre.
Une leucopénie accompagnée de granulocytopénie et une lymphocytose relative apparaissent au fur et à mesure que la température augmente. Elles persistent jusqu’à la disparition de l’éruption.
Un test sérologique est disponible, mais n’est pas clairement utile.
Les résultats de la biopsie cutanée ne sont pas spécifiques.
Évolution et pronostic
Les prodromes incluent l’apparition soudaine d’une fièvre élevée, jusqu’à 41 °C.
La plupart des enfants paraissent inexplicablement en bonne santé, malgré la fièvre élevée.
La roséole est une des causes principales de crises convulsives fébriles, des visites au service des urgences et d’hospitalisations.
Traitement
Le paracétamol et l’ibuprofène sont des antipyrétiques efficaces.
Les sujets immunodéprimés ou les enfants ayant une affection grave peuvent avoir besoin d’un traitement antiviral.
Conseils et recommandations
Chez les nourrissons ayant des convulsions fébriles, on doit suspecter des infections par les herpèsvirus de types 6 et 7, même en l’absence d’exanthème.
Les personnes ayant le syndrome d’immunodéficience acquise peuvent avoir une atteinte généralisée multisystémique. Les patients greffés peuvent faire l’objet d’une réactivation du virus latent.
Mégalérythème épidémique
Le mégalérythème épidémique, également connu sous le nom d’érythème infectieux, de cinquième maladie ou de syndrome des joues giflées, est un exanthème viral fréquent occasionnant une rougeur vive des joues et un érythème réticulé des bras.
Anamnèse
Le mégalérythème épidémique survient en hiver et au printemps. Il survient par épidémies de collectivités.
Il est provoqué par le parvovirus B19 et est transmis par l’intermédiaire des sécrétions respiratoires, du sang ou par transmission verticale de la mère au fœtus.
Les taux d’attaque maximaux se produisent chez les enfants âgés entre 5 et 14 ans.
Lors des épidémies, 60 % des écoliers et 30 % des adultes non immunisés acquièrent l’infection.
L’infection asymptomatique est courante.
La période d’incubation est de 4 à 14 jours.
Les symptômes prodromiques sont généralement légers ou absents. Le prurit, une fièvre peu élevée, un malaise et un mal de gorge précèdent l’éruption dans environ 10 % des cas. Il n’y a pas de lymphadénopathie. Les personnes âgées peuvent se plaindre de douleurs articulaires.
Manifestations cutanées
Il y a un érythème facial – aspect de joues giflées. Les papules rouges situées sur les joues fusionnent rapidement en quelques heures. Elles forment des plaques rouges, légèrement œdémateuses, chaudes et ressemblant à un érysipèle. Elles sont symétriques sur les deux joues et épargnent le pli nasolabial et la région péribuccale (pâleur péribuccale). L’aspect de joues giflées s’estompe en 4 jours.
Environ 2 jours après l’éruption en « joues giflées », il apparaît un érythème en « filet » sur les parties proximales des membres. Celui-ci s’étend au tronc et aux fesses. Il s’estompe en 6 à 14 jours.
Pendant les 2 à 3 semaines suivantes, l’éruption s’estompe et réapparaît dans les zones précédemment atteintes. Les facteurs tels que la lumière du soleil, l’eau chaude et la fatigue physique et émotionnelle aggravent l’éruption.
L’éruption disparaît sans desquamation ni pigmentation. Les paumes des mains et les plantes des pieds sont épargnées.
Manifestations non cutanées
Adultes
Les femmes peuvent développer un prurit et une arthrite. L’intensité du prurit peut être faible à intense ; il est localisé ou généralisé.
Les femmes peuvent développer une polyarthrite migratoire symétrique, modérée à grave (notamment des petites articulations des mains et des genoux), semblable à l’arthrite rhumatoïde. La durée de l’arthrite varie de 2 semaines à 4 ans.
Les hommes ne développent généralement pas d’arthrite.
L’arthrite est précédée d’une éruption maculeuse non spécifique, contrairement à l’éruption typique en mailles.
Les symptômes ressemblant à la grippe et aux douleurs articulaires coïncident avec la production d’anticorps de type IgG (18 à 24 jours après l’exposition), suggérant le rôle important des complexes immuns dans les cas d’atteinte extracutanée.
Enfants
À la différence des femmes adultes qui souffrent généralement d’arthrite et d’arthralgies, seulement 8 à 10 % des enfants développent des symptômes articulaires.
Chez les enfants, les grosses articulations sont plus souvent atteintes que les petites. Les genoux sont les articulations les plus couramment atteintes (82 %), suivies des chevilles, des poignets, des coudes, du cou, des mains et des pieds, des hanches, des épaules et des articulations sternoclaviculaires.
La durée des symptômes articulaires est habituellement de moins de 4 mois. Mais certains patients ont une arthrite persistante pendant des périodes prolongées (2 à 13 mois), remplissant les critères de l’arthrite rhumatoïde juvénile.
Grossesse
Environ 60 % des femmes enceintes sont immunisées contre le parvovirus B19.
Quand l’infection survient pendant la grossesse, seulement 30 à 40 % se plaignent de signes d’infection aiguë (arthralgies et éruption).
Le risque global de perte fœtale est de 8 à 10 %. Il est le plus élevé lorsque l’infection se produit avant 20 semaines de gestation, étant donné que la plupart des pertes fœtales se produisent entre 20 et 28 semaines de gestation.
Un fœtus atteint peut développer une anémie, un arrêt cardiaque, un épanchement pleural ; il peut aussi survenir un hydramnios et une anasarque fœtoplacentaire non immune.
De façon générale, la grande majorité des mères infectées par le parvovirus B19 donnent naissance à terme à des nourrissons en bonne santé.
Examens de laboratoire et explorations
La détection des anticorps sériques antiparvovirus B19 de type IgM se fait par immunodétection enzymatique, qui est l’indicateur le plus sensible d’une infection aiguë par le parvovirus B19 chez les hôtes immunocompétents. Ces anticorps persistent jusqu’à 6 mois.
La PCR (polymerase chain reaction) est la méthode la plus sensible pour détecter le parvovirus B19. C’est la méthode privilégiée chez les immunodéprimés. Cette technique peut être utilisée pour examiner le sang fœtal et maternel, ainsi que le liquide amniotique.
Les femmes enceintes exposées doivent subir un test sérologique.
Des échographies fœtales régulières doivent être effectuées chez toutes les femmes enceintes infectées par le parvovirus B19.
Maladie de Kawasaki
La maladie de Kawasaki, également connue sous le nom de syndrome adénocutanéomuqueux, est une vascularite aiguë multisystémique d’origine inconnue, se manifestant chez les nourrissons et les enfants en bas âge.
Les manifestations cardiovasculaires sont les causes principales de la morbidité à court et à long termes.
Cette affection existe dans le monde entier, sous forme endémique et épidémique ; elle se rencontre le plus couramment au Japon.
Elle affecte les enfants âgés de 7 semaines à 12 ans (moyenne de 2,6 ans) ; les cas adultes sont rarement rapportés.
Le diagnostic est souvent porté avec retard chez les patients de moins de 6 mois ou de plus de 5 ans.