Chapitre 1 Le fonctionnement psychologique normal
Le développement psychique normal
L’approche descriptive
Les stades de développement décrits ci-dessous ne répondent pas véritablement à une réalité biologique ou psychologique, mais à une commodité de description en fonction de la prévalence de certains modes de fonctionnement qui s’interpénètrent entre eux1. Chacun de ces stades va organiser un peu plus à chaque fois la personnalité de l’enfant, tout en laissant des traces qui continueront plus tard à s’exprimer (par exemple sous la forme de traits de caractères ou de symptômes).
Le stade anal (deuxième année de vie)
Ce stade est caractérisé par un plaisir pulsionnel lié à l’excitation de la muqueuse ano-recto-sigmoïdienne par la défécation d’abord, puis par la rétention. Mais l’objet pulsionnel n’est pas que le boudin fécal. Il comprend aussi la mère et plus généralement l’entourage par la recherche d’une pression relationnelle sur les objets et les personnes. Lors de ce stade, l’enfant consolide la frontière entre l’intérieur et l’extérieur, entre le soi et le non-soi. Il prend plaisir à la manipulation des objets extérieurs (mère et substituts) dans une attitude active. Ce stade permet d’éprouver des sentiments de maîtrise et de découverte de la possession, dans un mouvement d’individuation le distinguant de la dépendance vitale caractérisant le stade oral. C’est ce que décrit Freud dans le jeu de la bobine2 (Fort-Da) qui symbolise la présence et l’absence de la mère et signe l’accès à une certaine maîtrise symbolique.
Le stade phallique (troisième année de vie)
Le stade phallique peut se décrire sous quatre axes qui témoignent de la vie pulsionnelle de l’enfant à ce stade de maturation psychique. Il s’agit (Houser, 1993) de :
• l’érotisme urétral qui repose sur le plaisir lié à la miction. C’est le plaisir actif d’uriner (signification phallique active) mais aussi celui plus passif du « laisser couler » dans un abandon des contrôles. Ce contrôle entraîne une fierté en cas de réussite ou une honte en relation avec la réaction des parents en cas d’échec de celui-ci ;
• la masturbation infantile qui découle de l’excitation naturelle de la miction dans une recherche de répétition sensorielle.
• la curiosité sexuelle infantile qui soutient, elle, la découverte de la différence des sexes. L’enfant prend conscience de cette différence ou plutôt de la présence ou de l’absence de pénis. Le stade phallique est en quelque sorte le déni de cette différence. Le garçon pense que tout le monde l’a (le pénis) et la fille va imaginer la poussée ultérieure du clitoris ou prendre des attitudes phalliques (brutalité, conduites dangereuses, allures masculines…) pour compenser son absence.
• les théories sexuelles infantiles développées par l’enfant concernent autant la fécondation (fécondation orale par ingestion ou baiser, rôle de la miction, exhibition, échange du pénis contre un enfant…), que la naissance (anale, ombilicale ou par extraction forcée du corps…).
L’approche dynamique
Les enjeux de la psychogenèse
Les enjeux de la psychogenèse sont ainsi de permettre la différenciation Moi/ non-Moi (différenciation de l’objet3) dans l’expérience de l’alternance présence-absence tout en permettant à l’enfant d’acquérir une capacité propre de pensée par étayage (appui) sur l’appareil psychique de son environnement maternel (ou ses substituts). Cette « mise à l’intérieur » des capacités de pensée de la mère au sein de l’espace psychique de l’enfant est décrite sous le terme « d’introjection de l’objet contenant optimal ». Cette introjection permet la mise en volume de l’appareil psychique de l’enfant qui continuera ensuite à se développer pour aboutir à un fonctionnement psychique stable assuré par l’équilibre entre des instances psychiques structurées (Çà, Moi, Surmoi) que nous décrirons plus loin. Dans la mesure où toutes les modalités de cette structuration psychique ne peuvent être développées ici, nous allons nous centrer sur les deux processus fondamentaux que sont, pour le bébé, la perception de l’altérité et l’acquisition d’un « appareil à penser ses pensées ».