Chapitre 1
Anomalies de la face
L’étude de la face fœtale est au mieux réalisée lors de l’échographie morphologique de 22 semaines d’aménorrhée. Néanmoins même si l’étude est moins complète, certains éléments sont devenus grâce à l’évolution de la technologie (sonde de fréquence plus élevée, voie vaginale, mode volumique), accessibles dès le 1er trimestre. Au 3e trimestre, l’étude de la face est soumise aux aléas de la position fœtale. Dans tous les cas, les conditions techniques vont conditionner la qualité des éléments recueillis. L’existence d’une anomalie faciale doit toujours faire poser la question de son caractère isolé ou non, car elle représente une porte d’entrée non négligeable de nombreux syndromes ou anomalies génétiques.
Comment mener l’examen de la face fœtale ? (figure 1.1)
Figure 1.1 Éléments explorables au niveau de la face.
a : œil : cavités orbitaires, contenu, paupières. b : étage moyen : pyramide nasale, fosses nasales, narines, philtrum, lèvres, maxillaire, palais. c : oreille : externe et interne. d : menton. (Clichés M.-C. Aubry)
Pathologie des cavités orbitaires et de leur contenu
Anomalies de la distance interorbitaire (figure 1.2)
Hypertélorismes
Ils doivent faire rechercher une encéphalocèle antérieure (à travers l’ethmoïde, le sphénoïde) ou l’existence d’une anomalie faciale notamment une fente, une dysplasie frontonasale. De nombreux syndromes peuvent s’accompagner d’un hypertélorisme : Noonan, Larsen, Rubinstein-Taybi, Robinow, Pallister-Killian, Opitz G, syndrome oro-palato-digital, Neu-Laxova, Golabi-Rosen, branchio-oculo-facial, acrocallosal mais aussi des craniosténoses (Crouzon, Apert, Pfeiffer). L’exposition fœtale aux rétinoïdes, à l’aminoptérine peut être à l’origine d’hypertélorisme.
Des anomalies chromosomiques peuvent être retrouvées : délétion 4p-, monosomie (5 p- (cri du chat), tétrasomie 12p, trisomie 13, 18, trisomie 19p, trisomie 22 partielle.
Anomalies du contenu orbitaire
Anophtalmie et microphtalmie (figure 1.3)
Il n’est pas habituel de mesurer en routine les diamètres des orbites, et l’étude de celle-ci ne figure pas dans les recommandations du Comité technique de l’échographie. Le diagnostic est évident en cas d’anophtalmie ou de microphtalmie majeure, on est alors en présence d’une orbite de taille nettement inférieure à celle habituellement observée pour un âge gestationnel donné ou devant l’impossibilité de visualiser une ou des cavités orbitaires. Le diagnostic peut être beaucoup plus difficile dans des formes mineures en l’absence de mesure systématique. L’étude des orbites au 3e trimestre peut se révéler impossible compte tenu de la position fœtale. Un autre facteur peut entrer en ligne de compte : l’âge gestationnel de constitution de la microphtalmie, certaines ne se révélant que tardivement (défaut de croissance). Les microphtalmies peuvent se voir dans un certain nombre d’anomalies chromosomiques au 1er rang la trisomie 13 mais aussi trisomie 18, trisomie 9, dans certaines duplications, délétions et translocations. Des mutations du gène SOX2 et du gène SIX 6 ont été identifiées comme à l’origine d’anophtalmie et d’autres gènes PAX6… peuvent être impliqués dans des cas d’anophtalmie microphtalmie. Des étiologies infectieuses (rubéole, toxoplasmose, CMV, varicelle) et l’exposition pendant la grossesse à la warfarine, thalidomide peuvent être impliquées. De nombreux syndromes (CHARGE, Fanconi, Fraser avec cryptophtalmie, Fryns, Goldenhar…) peuvent comporter une anophtalmie/microphtalmie, ce qui implique un bilan complet et la réalisation d’un caryotype. Il existe également des formes familiales.
Cataracte (figure 1.4)
C’est la plus fréquente des malformations oculaires congénitales (30/100 000 naissances). Les cristallins sont visibles sous forme de petits cercles anéchogènes en coupe frontale et de deux traits échogènes (face antérieure et postérieure) sur des coupes axiales. Au 3e trimestre, leur accessibilité est souvent limitée par la position fœtale.
Figure 1.4 Cataracte.
Cataracte complète (a), cataracte partielle : aspect normal des cristallins (b), plan dans lequel est visible la cataracte (même patient) (c). (Clichés M.-C. Aubry)
Il faut savoir que s’il est possible d’affirmer la cataracte in utero, l’éliminer semble plus difficile car il existe une potentialité de développement tardif de la cataracte voire post-natal. Les étiologies sont des cataractes génétiques héréditaires ou non, associées à des syndromes polymalformatifs (polymalformation oculaire ou polymalformations générales) enfin des cataractes par embryofœtopathie. La recherche d’autres anomalies échographiques doit être minutieuse, la vérification de la sérologie de la patiente pour la rubéole (voire CMV, toxoplasmose, varicelle herpès) est nécessaire, la complexité et les nombreux syndromes susceptibles de comporter une cataracte impose une pluridisciplinarité exemplaire.
Certaines entités rares (figure 1.5)
Certaines entités rares peuvent parfois être accessibles en échographie, persistance et hyperplasie du vitré primitif, décollement de rétine, des kystes colobomiques. Ces anomalies doivent faire rechercher d’autres anomalies de l’œil et un bilan morphologique détaillé à la recherche d’anomalies extraoculaires, notamment cérébrales. La mise en évidence d’un colobome rétinien est possible par la technique du fond d’œil virtuel (mode volumique), elle dépendra de l’importance de ce colobome. Son association à d’autres anomalies pourra être un appoint dans le diagnostic du syndrome CHARGE.