Chapitre 1 Anatomie de la face
La face est une structure anatomique composite constituée par des couches superposées de tissus mous reliés par des structures de connexion. L’ensemble de ces structures forment un masque souple responsable de l’expression du visage. Ce masque facial repose sur une architecture rigide ostéocartilagineuse qui lui confère sa forme générale. Cette description anatomique descriptive traditionnelle est actuellement optimisée par le concept de l’anatomie topographique tridimensionnelle fonctionnelle initiée par les travaux de Salmon [1], reprise et précisée par Taylor et Houseman [2,3] qui créent le concept d’angiosomes. La notion de pédicules vasculaires y prend une part prépondérante. Ainsi, cette nouvelle anatomie fonctionnelle tridimensionnelle régionale devient la base fondamentale de toutes les procédures chirurgicales ou de radiologie interventionnelle. Elle autorise le label anatomique de masque facial, notion retrouvée lors des développements récents des greffes de face.
Anatomie descriptive des plans superficiels formant le masque facial
Enveloppe faciale
L’enveloppe faciale est une structure anatomique faite de couches superposées. Il est classique et simple de reconnaître (figures 1.1 et 1.2), de la surface vers la profondeur : la peau, le tissu gras sous-cutané, le système musculo-aponévrotique superficiel (SMAS), l’espace sous-SMAS qui peut être graisseux ou simplement cellulaire décollable et finalement la région viscérale recouverte du fascia facial profond ou du périoste selon les régions.
Le SMAS et les muscles ostéocutanés de la mimique envoient des expansions fibreuses vers le derme profond (figures 1.3 et 1.4) ; ces septums fibreux connectent les trois couches anatomiques superficielles et divisent les lobules graisseux sous-cutanés.
Structure de la peau
La structure de la peau du visage est très différente selon les zones anatomiques concernées. Les rides qui la marquent reconnaissent des origines diverses selon les régions : rides d’expression dues directement à l’action des muscles de la mimique, en particulier dans les régions périorificielles ; rides gravitationnelles de ptose par accumulation au niveau du pli nasolabial ou de la bajoue ; rides d’héliodermie sur la peau de la joue.
Pannicule adipeux sous-cutané
Ce pannicule est fondamental dans l’apparence du visage auquel il apporte son volume et ses reliefs. Sa présence est essentielle à l’apparence de la peau à laquelle il confère tout son éclat. Son absence est responsable de l’adhérence de la peau aux plans sous-jacents au niveau des paupières ou des lèvres et peut conduire à des difficultés opératoires lors des décollements chirurgicaux ; au contraire, son hypertrophie, par exemple dans la joue ou sur les pommettes (aire zygomatique), le fait surnommer malar fat pad (figure 1.5) ou cheek fat pad par les Anglo-Saxons qui l’individualisent artificiellement du reste de la graisse superficielle dans les aires esthétiques correspondantes. Par des phénomènes de mode, on analyse parfois localement et isolément la ptose de cette graisse, considérée à tort comme flottante sous la peau, oubliant tout le système de liaison transgraisseux en rapport avec les expansions dermiques des muscles de la mimique et du SMAS.
Le SMAS et les muscles de la mimique
SMAS
Depuis les travaux de Mitz et Peyronie [4], précédés par le travail méconnu de Sterzi [5] et précisés par la thèse de Fontaine [6], on peut considérer qu’il existe une couche musculo-aponévrotique continue (figure 1.6) située sous le pannicule adipeux superficiel et recouvrant toute la face et toute la partie antérieure du cou.
Le SMAS (figure 1.7) présente des particularités anatomiques : 1. unicité d’innervation par le nerf facial. Celui-ci est toujours situé anatomiquement dans un plan plus profond que le SMAS ; il innerve ces muscles par leurs faces profondes (à l’exception du muscle levator labii alaeque nasi) ; 2. unicité fonctionnelle : la mimique ; 3. absence d’insertion osseuse pour la plupart des muscles, leur conférant la qualité de muscles peauciers ; 4. expansions des fibres vers le derme profond ; présence d’un périmysium sur les deux faces, dont la réunion, constituant le fascia superficialis, se substitue aux muscles lorsque ceux-ci sont absents ou atrophiques.
La particularité des muscles de la mimique est leur grande variabilité, en particulier dans leur existence même et dans leur répartition [7]. De plus, ces muscles superficiels et profonds de la mimique, outre leurs insertions à la face profonde de la peau, présentent de nombreuses interconnexions qui peuvent varier d’un individu à l’autre, ce qui explique l’infinie variété des mimiques et les différences interindividuelles.
Classification des muscles de la mimique selon leurs insertions
Suivant le concept de Valerio Micheli Pellegrini [8], on peut étudier les muscles en fonction de leurs insertions profondes osseuses ou superficielles.
Plan facial profond
S’il ne fait pas partie du masque facial proprement dit, le plan facial profond y est cependant associé dans le concept d’angiosome. Situé sous le SMAS, le plan profond en est séparé par un espace décollable. Celui-ci peut être constitué soit par le pannicule adipeux profond, soit par un simple espace aréolaire.
Système de connexion faciale
On distingue les ancrages osseux, les ligaments suspenseurs de la face, les adhérences et les expansions du SMAS.
De plus, des ligaments suspenseurs de la face, mieux connus depuis les travaux de Furnas et Stutzin [9], connectent entre elles les différentes couches formant le masque facial. Ils sont pour la plupart constitués par des structures neurovasculaires (figure 1.8).
Enfin, des « ligaments » antérieurs parotidocutanés et mas- sétérins ont été décrits [9], et sont, à notre avis, soit le résultat des expansions du SMAS à la peau, soit de simples connexions fibreuses entre deux plans accolés.
Anatomie des régions de la face
Les différentes aires anatomiques peuvent être divisées en quatre zones distinctes : la région temporofrontale, la région centrofaciale – sans doute la plus complexe –, la région latérofaciale et la région cervicale. Chacune de ces zones anatomiques possède des caractères propres qui la distinguent des aires voisines.
Ce paragraphe sera traité à partir des commentaires de deux photographies de dissection réalisées l’une dans le plan au-dessus du SMAS (figure 1.9) et l’autre après résection du SMAS (figure 1.10).
Fig. 1.9 Dissection complète au-dessus du SMAS.