VII. Épilepsie et Épileptique (1)

Le docteur S. Geier a bien voulu relire ce chapitre. Nous l’en remercions.






Nous exposerons successivement : 1° les paroxysmes comitiaux ; 2° les psychoses aiguës épileptiques ; 3° les états intercritiques (de l’épilepsie à l’épileptique) ; 4° l’évolution générale ; 5° le diagnostic ; 6° le traitement ; 7° les problèmes sociaux.



I. — LES PAROXYSMES (CRISES, ABSENCES, ÉQUIVALENTS)


Ils sont l’expression essentielle de la maladie, celle qui lui a fait donner son nom (surprise, attaque inattendue). On a pu définir en effet l’épilepsie comme la « maladie des paroxysmes ». Parmi eux, la clinique et l’électroencéphalographie permettent de distinguer deux groupements de faits : tantôt les paroxysmes sont généralisés d’emblée ; tantôt ils sont d’abord partiels et alors ou bien ils le demeurent, ou bien ils se généralisent secondairement. L’un de nous (Henri Ey) a proposé de consacrer la clarté et la simplicité de cette classification somme toute communément acceptée, en désignant les premiers comme des formes icto-comitiales et les seconds comme des formes graduo-comitiales.



A. — ÉPILEPSIES GÉNÉRALISÉES D’EMBLÉE (FORMES ICTO-COMITIALES)



1° La crise de grand mal. — Coma brutal, sans prodrome, la crise commence par la chute, face en avant, avec possibilité de blessures et d’un cri bref. Pendant 10 à 20 secondes le corps est soudé dans un spasme tonique, souvent asymétrique au début, rapidement généralisé : ce spasme entraîne la morsure de la langue ou des lèvres et l’apnée, donc la cyanose progressive. Les membres supérieurs sont collés au corps, coude, poignets et doigts fléchis. La face, d’abord livide, se cyanose progressivement, les pupilles sont dilatées et tous les réflexes oculaires abolis. Cette contracture intense, tétaniforme, se relâche par une série de décontractions rythmiques qui correspondent à son effacement progressif : ce sont les convulsions. Pendant environ une minute, des secousses musculaires rythmiques, symétriques, générales vont croître en intensité tandis qu’elles diminuent en fréquence. Entre les secousses, la résolution musculaire s’installe. Elle persiste après la dernière secousse, laissant le sujet complètement flasque, avec une reprise respiratoire bruyante (le stertor) et un relâchement sphinctérien. La reprise de conscience est progressive : au coma fait suite le sommeil. La période de crise proprement dite dure environ une minute. Le coma et le sommeil post-critique de 5 à 15 minutes. Ces chiffres sont importants à connaître pour le diagnostic. Si le sujet ne garde aucun souvenir de sa crise, il reconnaît et se rappelle les troubles qui la suivent et il peut ainsi repérer ses crises d’après l’expérience de la céphalée, des courbatures, du désir de sommeil. Le médecin peut rechercher les traces de morsure de la langue ou des lèvres, et celles du traumatisme éventuellement causé par la chute brutale.



L’épilepsie coma

Cette attaque, si typique, laisse place à peu de variantes. Elle peut survenir pendant le sommeil (épilepsie morphéique de Delmas-Marsalet). Elle peut se répéter en série d’accès (crises sérielles) allant jusqu’à l’état de mal.



et ses variantes.

L’état de mal. — C’est la répétition pendant des heures d’un paroxysme épileptique, avec autant de variantes qu’il existe de types de paroxysmes.



L’état de mal, dans le « Grand Mal ».

L’état de mal le plus grave est l’état de grand-mal, correspondant à une série où le malade ne sort pas du coma entre des crises qui se répètent à intervalles d’une à douze par heure (Calmeil, 1824). Dans plus de la moitié des cas, cet état de mal survient chez un sujet non connu comme épileptique (Gastaut, 1967), mais souvent atteint d’un syndrome neurologique ou métabolique : plaie crânienne, tumeur cérébrale, accident vasculaire, urémie, hypoglycémie, choc allergique intense. Chez l’épileptique connu, c’est souvent après l’arrêt brutal de la médication habituelle. Un tel état de mal est toujours très grave, accompagné d’un syndrome neuro-végétatif inquiétant (hyperthermie, œdème broncho-pulmonaire, hypertension, puis hypotension artérielle). L’E. E. G. montre des ondes lentes entre les paroxysmes. L’évolution est mortelle dans un tiers des cas, si l’on considère ensemble tous les états de grand-mal.


La crise icto-comitiale répond à une décharge bilatérale, symétrique et synchrone de pointes rythmiques qui suivent un cycle typique : leur début est exactement celui de la perte de conscience ; elles ont alors une amplitude moyenne et un rythme de 10 par seconde et peuvent être recueillies sur toutes la surface crânienne. A la fin de la période tonique l’amplitude des pointes augmente tandis que leur fréquence diminue jusqu’à 2c/seconde. C’est le début des clonies, qui répondent à des pointes élevées et lentes séparées par le silence électrique. De tous les signes électriques, le plus important est l’apparition de pointes d’emblée sur toutes les lignes du tracé. Elle montre « l’embrasement » d’un seul coup du cerveau par le processus physiologique, contrairement aux tracés de l’épilepsie secondairement généralisée dont nous parlerons plus loin.



Signes électriques.




Pointes d’emblée dans tout le tracé.

2° La crise de petit mal. — On peut définir le petit mal comme la série des accidents qui surviennent lorsque la décharge généralisée est à point de départ haut situé dans le centre-encéphale (thalamus et région sous-thalamique), contrairement à la crise grand mal qui débute par des décharges massives à point de départ bas-situé dans la substance réticulée du tronc cérébral (Penfield, Jasper, Gastaut). Les expressions cliniques en sont d’abord et essentiellement les absences, ensuite les crises atoniques et les myoclonies bilatérales (triade du petit mal de Lennox).



Absences et leurs variantes.



I) L’absence est une éclipse de la conscience, brève (1 à 15 secondes), généralement complète, avec à peine une ébauche de phénomènes musculaires. « Le regard est fixe et vague, la face pâle. Si l’attaque survient pendant qu’il est occupé, le sujet s’arrête ; s’il parlait, il se tait. Le tonus musculaire, dans cette forme simple, n’est pas modifié ou est seulement un peu diminué. Parfois le sujet suspend sa respiration. On ne note ni convulsion, ni désordre du langage, mais parfois survient un frisson et quelques gouttes de salive s’échappent de la bouche » (Marchand et Ajuriaguerra, 1948). L’absence se termine brusquement, comme elle a commencé. Le sujet n’en est pas conscient : ce sont les tiers qui la lui révèlent.

Dans certaines variétés d’absence, la conscience s’obscurcit sans s’effacer tout à fait. Dans d’autres le sujet peut continuer une activité automatique (marche, paroles stéréotypées). Lorsque les absences sont répétées (cinquante, cent par jour), forme de la maladie fréquente chez l’enfant, le syndrome prend le nom de pycnolepsie. Signalons dès maintenant la remarquable efficacité thérapeutique des diones dans le petit mal, spécialement dans les absences.


II) Il est classique de distinguer de l’absence les paroxysmes atoniques, plus rares (attaque statique de Ramsay Hunt), dans lesquels la suspension du tonus musculaire prend le pas sur l’éclipsé de la conscience. Dans le cas de différenciation maximale des deux phénomènes, la chute brutale et immédiatement réparée s’accompagne d’un simple affaiblissement de la conscience et reste mnésique.





Signes électriques : Pointes-ondes.

Tous ces faits correspondent à des types d’enregistrement électroencéphalographiques dont les caractéristiques sont d’être généralisés comme ceux du grand mal (c’est-à-dire recueillis sur tout le scalp), rythmiques, bilatéraux et synchrones, et de correspondre au « complexe » pointe-onde du petit mal : une pointe suivie d’une onde lente, l’ensemble répété trois fois à la seconde. Dans la myoclonie, c’est généralement une brève volée de pointes suivie d’une ou plusieurs ondes lentes.

Nous n’insisterons pas sur le diagnostic de ces attaques brèves et généralisées avec le groupe narcolepsie-cataplexie. La discussion de ces relations montre des parentés et des oppositions ; soulignons l’absence de signes électriques comitiaux dans la narcolepsie (tracé de sommeil) et dans la cataplexie (pas d’altération électrique pendant la crise).


B. — L’ÉPILEPSIE PARTIELLE


A ces crises généralisées d’emblée s’opposent les épilepsies partielles restant localisées, si importantes pour le neurologiste à cause des éventuelles possibilités chirurgicales. Elles se définissent par des signes cliniques et électriques limités à un secteur neuro-physiologique bipolaire à connexion internes : c’est essentiellement le cas des aires corticales et de leurs projections thalamiques (secteurs aérothalamiques de Gastaut, 1951).



L’épilepsie localisée est localisable par excellence.

Cliniquement on assiste à Féclosion de troubles partiels qui contrastent avec l’intégrité au moins apparente de la conscience. Ces troubles ont une très grande valeur localisatrice. Il suffit en effet pour s’en convaincre de se rapporter aux indications suivantes qui mettent en rapport les symptômes de cette épilepsie partielle et les secteurs ou systèmes fonctionnels cérébraux auxquels ils correspondent.



Ses formes anatomo-cliniques.


Mais quels que soient l’expression clinique et le secteur affecté par la décharge, il faut noter l’expression électrique de ces accidents : pendant la crise ce sont « des pointes répétées de façon rythmique et progressivement ralentie » ; entre les crises, des décharges sporadiques de pointes ou de pointes-ondes, limitées aux secteurs en jeu et par conséquent enregistrées sans modification dans le temps ou l’espace sur une région très localisée du scalp (Gastaut, 1951).



Ses figures électriques.

Tel est le foyer épileptogène typique, dont l’expression électrique ne garantit pas le siège cortical, puisqu’elle indique seulement la décharge du système aréothalamique en entier.



Le foyer épileptogène.

Il est important de savoir que les signes électriques du foyer épileptogène localisé décrit ici peuvent n’intéresser qu’une partie du secteur ou inversement intéresser plusieurs secteurs voisins, ce qui correspond à la possibilité fréquente en clinique de crises conjointes motrices et sensitives par exemple dans le cas d’une tumeur du sillon rolandique. Ce qui caractérise ce type de crises est leur possibilité de ne pas diffuser aux zones profondes para-médianes (centrencéphale de Penfield). Toute la sémiologie tient dans la crise localisée qui est, selon les termes classiques, « consciente et mnésique ». Le syndrome de Kojewnikov ou épilepsie partielle continue est l’illustration maxima de ce type de foyer dont la perturbation électrique reste limitée à un secteur aréothalamique et dont l’État de Mal reste donc lui-même localisé. Si les perturbations de la conscience sont généralement minimes, si le malade « assiste à sa crise », on peut cependant observer tous les intermédiaires entre la crise ainsi limitée à quelques mouvements anormaux et la crise impliquant une dissolution discrète de la conscience comme c’est par exemple le cas pour certaines crises hallucinosiques. Il est certain que c’est dans ce groupe d’épilepsies que se trouvent la majorité des cas chirurgicaux.



Son « État de Mal ».


C. — ÉPILEPSIE PARTIELLE AVEC GÉNÉRALISATION CONSÉCUTIVE (FORMES GRADUO-COMITIALES)


Il est bien connu que toute épilepsie partielle tend à diffuser et que par conséquent des crises comme celles qui viennent d’être décrites peuvent se terminer par une généralisation. Mais nous avons voulu marquer que les systèmes bipolaires cortico-thalamiques sont des secteurs dans lesquels une crise peut rester strictement localisée ; les formations cérébrales cependant sont interconnectées de telle manière que la généralisation de la crise à un grand nombre de formations est de règle. Les expressions cliniques et électriques de cette propagation sont complexes et admettent toute une série de dégradation de la conscience et d’actes automatiques. Nous rencontrerons donc ici un maximum d’expressions psychiatriques. Il s’agit du type même de l’épilepsie psychique ou psychopathologique en raison de la libération des automatismes psychomoteurs dans les étapes intermédiaires qu’elle comporte.

Indiquons d’abord les caractères généraux de ces paroxysmes : ils associent plusieurs symptômes ou syndromes, moteurs, sensoriels, végétatifs, des hallucinations, des bouleversements affectifs. Cette complexité défie souvent l’analyse et il faut très soigneusement interroger les malades pour leur faire décrire leurs symptômes végétatifs, psychiques, sensoriels ou autres. En réalité, le sujet est entraîné ici dans une expérience vitale bouleversante dont nous ne saisissons que des fragments. Le fait est compréhensible si l’on se réfère aux données physiologiques, qui nous montrent des décharges diffuses, sur les régions de projection des formations profondes para-médianes. Il est plus compréhensible encore si l’on se réfère aux données psychologiques, c’est-à-dire à la fluctuation continue des états de conscience.

Selon que ces phénomènes partiels constituent une phase initiale du déroulement graduo-comitial ou que celui-ci en reste là, on les appelle auras ou équivalents. Pour exposer clairement ce déroulement du processus graduo-comitial, nous décrirons donc d’abord les auras comme phénomènes initiaux, puis le déroulement de la crise progressive, enfin les crises incomplètes ou équivalents qui sont des crises avortées.

1° Les auras(1). — Le terme d’aura signifie l’expérience vécue du début de la crise. L’épilepsie graduo-comitiale se caractérise spécialement par la fréquence et la répétition des auras. Lorsque les phénomènes décrits au paragraphe précédent (épilepsies restant localisées) aboutissent à une crise généralisée, on parle en effet d’aura motrice, sensitive, sensorielle. Pour bien illustrer la complexité des faits qui constituent les expériences initiales de l’épilepsie graduo-comitiale, nous citerons une observation de Wilson :



La crise peut être précédée d’une aura.


Récit du malade : « J’étais en train de jouer aux dames, j’ai senti et goûté une très forte odeur d’esprit-de-sel. J’avais des nausées, comme le mal de mer. Il me semblait que j’étouffais. La salle me paraissait remplie de cette odeur. Ensuite j’ai vomi et j’ai entendu des cloches à timbre aigu. Elles paraissaient être très haut. Je les ai entendues d’abord avec l’oreille droite. J’ai vu ensuite un de mes amis que j’ai connu il y a plusieurs années et je tenais avec lui une conversation comme je l’ai fait dans le passé ».

Observation de Wilson pendant ce dreamy state : vomissements, angoisse. Le malade tournait brusquement la tête à gauche et disait : « Qui est là ? C’est vous ? ». Tremblement d’abord du bras et de la main droites, puis de la jambe droite et enfin du bras et de la jambe gauches. Le malade se tenait assis sur le bord du lit. La tête, les yeux et la partie supérieure du tronc tournaient lentement vers la gauche dans un spasme tonique intense. Ensuite survint un grand cri et après quelques contractions de la face s’est produite une grande crise convulsive.



Un exemple.


On décrit les auras suivantes :


I. — Les auras « végétatives ». — La plus fréquente est la douleur épigastrique, parfois associée à la salivation et à des mouvements masticatoires. Mais on connaît aussi une symptomatologie vaso-motrice (bouffée de chaleur ou de glace) ; des accès de palpitation, de pseudo-asthme, des troubles du sommeil, des accès de fièvre ou, comme dans notre exemple, des nausées.



Divers types d’auras.


II. — Les auras olfacto-gustatives : La crise uncinée. — H. Jackson décrivit en 1873 sous le nom de crise uncinée une association d’hallucinations olfactives et gustatives avec un vécu paramnésique et onirique d’angoisse et d’étrangeté. Il l’a rapportée à une souffrance de l’uncus ou crochet de l’hippocampe. Depuis lors, cette description a été confirmée par tous les auteurs et l’on a simplement décrit avec plus de netteté l’hallucination de l’odorat (généralement très intense, bizarre ou désagréable) et insisté sur le sentiment de déjàvu ou de déjà-vécu. Kinnier Wilson a décrit quatre aspects symptomatiques dans ces crises : 1° le déjà-vu ; 2° le jamais-vu (je rêve, tout me paraît changé) ; 3° la mémoire panoramique (défilé de souvenirs) : 4° le type incomplet (souvenirs, illusions de la mémoire, paramnésies.


III. — Les auras dites « psychiques ». — On décrit sous ce nom les expériences affectives ou idéatives auxquelles appartiennent déjà certaines données de la crise uncinée (ce qui montre la faiblesse de ces classifications) : expériences d’angoisses, d’étrangeté, de dépersonnalisation — plus rarement ivresse euphorique — expériences de remémoration : flux incoercible de souvenirs, brusques plongeons dans le passé — expériences de pensée forcée ou de pensée suspendue, etc. Le plus souvent, il persiste après la crise une image très forte de l’aura, souvenir coloré et chaud, reviviscence de toutes ses tonalités esthésiques et affectives.




État de rêve (Dreamy state).

2° La crise graduo-comitiale. — Elle se produit généralement après les auras que nous venons d’exposer. Elle consiste en une grande crise généralisée analogue à la crise icto-comitiale. La répétition peut aboutir à un état de mal (v. p. 256). Ce type de crise admet assez souvent des variantes. Notons surtout la possibilité de troubles moteurs atypiques comme on l’a vu dans l’observation de Wilson citée plus haut et particulièrement des crises toniques (syndrome de décérébration), variété la plus fréquente des « crises postérieures » qui expriment cliniquement les décharges des relais moteurs du tronc cérébral. Autrement dit, c’est la grande variété du déroulement kinétique et la possibilité de son arrêt à des phases intermédiaires (crises incomplètes), qui caractérisent ce genre de crises graduocomitiales.



La crise se déroule alors avec quelques variantes :




3° Équivalents. Automatismes. Crises psycho-motrices. — Il s’agit là d’un groupe de faits très importants par leur nombre, mais plus encore par leur signification. La crise est remplacée par une déstructuration temporaire de la conscience, une sorte d’expérience très particulière de dépersonnalisation, où se trouvent, tantôt mêlés comme dans un déroulement étrange et fluctuant, tantôt isolés et comme suspendus dans le temps, une série de symptômes affectifs, sensoriels, moteurs et mémoriels qui peuvent se combiner en un fragment de scénario. La description des auras nous a déjà montré la dégradation des niveaux de conscience avant la crise. Ici des faits semblables se déroulent à la place de la crise. C’est pourquoi on les a nommés des « équivalents ». Penfield leur a donné le nom d’accès « psychomoteurs ». Le terme « d’automatismes » renvoie à la description que peut en faire l’observateur.



Le meilleur terme pour ces expériences serait celui d’équivalent psychomoteur.

Lorsque la symptomatologie se borne à l’équivalent, l’expression clinique consiste en troubles du comportement avec éclipse de la conscience. Si la durée de l’épisode est très brève, on parle souvent d’absence temporale, terme doublement critiquable, puisqu’il fait confusion avec l’absence petit mal et que le siège du foyer, comme nous l’avons vu plus haut, correspond aux formations profondes para-médianes (rhinencéphale). C’est pourquoi Gastaut parle de « fausse absence temporale ». Il vaudrait mieux utiliser le terme d’équivalent psycho-moteur.



Les automatismes de longue durée posent le problème du passage des crises qui induisent un néo-comportement à celles qui altèrent de façon plus ou moins importante le comportement habituel (Geier (S.) et Hossard-Bouchaud, 1981). Le diagnostic mérite souvent une discussion, et beaucoup de travaux lui ont été consacrés. Cependant la nature épileptique de nombreux automatismes de ce genre a été démontrée par l’E. E. G. et par l’expérience des cliniciens. Le diagnostic est naturellement très important, toujours pour le traitement et parfois pour les tribunaux.



Les automatismes de longue durée constituent des conduites pathologiques de diagnostic difficile



II. — LES ÉTATS PSYCHOTIQUES AIGUS OU SUBAIGUS DE L’ÉPILEPSIE


Avec les équivalents ou automatismes psychomoteurs, nous venons de rencontrer le phénomène psychiatrique fondamental de l’épilepsie. Toutes les variétés et toutes les étapes successives de la déstructuration de la conscience vigile peuvent être produites par l’épilepsie. La fluctuation de la vigilance et de la mémoire pendant un temps variable peut engendrer non seulement des équivalents, mais la gamme entière des états psychotiques aigus ou subaigus (conscience délirante, psychoses délirantes aiguës). La discussion diagnostique se complique encore lorsqu’on envisage des états psychiatriques dits « intercritiques », c’est-à-dire des syndromes psychotiques ou névrotiques dont les rapports avec l’épilepsie deviennent conjecturaux.

Pour introduire une certaine clarté dans l’exposé, nous partirons des faits qui viennent d’être décrits — les équivalents —, pour analyser d’abord les états psychiatriques qui en sont très proches : les états crépusculaires. De là nous pourrons comprendre comment les étapes de dissolution de la conscience et de la mémoire, se combinant avec des troubles de la personnalité chez un épileptique peuvent avoir conduit les psychiatres classiques à décrire des psychoses épileptiques. Cette discussion n’a pas seulement un intérêt historique, car elle engage le débat entre une conception de l’épilepsie conçue comme réduite aux paroxysmes, conception fréquente chez les épileptologues de formation neurologique, et une conception étendue à des troubles de la personnalité qui seraient liés aux paroxysmes par certains liens, conception fréquente chez les psychiatres.


Il arrive aussi qu’une imagerie oniroïde soit vécue au sein même de cette conscience crépusculaire. Des lambeaux de rêves se mêlent au trouble de la vigilance, dans une fluctuation incessante et capricieuse, si bien qu’on voit alterner des expériences « conscientes et mnésiques », avec des moments de désorientation, des sentiments d’étrangeté, d’irréalité et d’isolement, ou au contraire des sentiments de familiarité, de fausses reconnaissances ou de réminiscences. Les états de rêve (dreamy states) prolongés constituent des ébauches d’organisation délirante dont le contenu affectif est intense et souvent ineffable. D’où leur tonalité très particulière et leur coloration souvent mystique (cf. l’Idiot de Dostoiewski). Il peut s’ensuivre des comportements bizarres et insolites, ou dramatiques et violents (cf. les Frères Karamazov), ou encore des actes de délinquance stéréotypés. L’alternance de phases plus claires et plus obscures de la conscience explique les grandes fugues, les « états seconds », conduites de plusieurs jours avec une relative adaptation. Le caractère épileptique de tels états se reconnaît cliniquement surtout à leur début soudain, à leur brièveté relative et à l’amnésie consécutive.



États crépusculaires et oniroïdes.

L’E. E. G. de ces états, comme de ceux qui suivent, a été beaucoup étudié et discuté. Le Colloque de Marseille (1956) leur a été consacré. On note, dans les observations positives, des dysrythmies temporales permanentes ou intermittentes, sans éléments paroxystiques. L’un des faits notables est souvent le retour à la normale pendant l’état psychotique lui-même (Landolt). C’est donc en dehors des phases psychotiques qu’il faudra multiplier les examens, en utilisant les diverses méthodes d’activation. La recherche peut demeurer négative, et le diagnostic, naturellement, est alors souvent bien difficile.

2° Les états confuso-oniriques, — Le degré le plus profond de la déstructuration de la conscience confère au malade la symptomatologie confusionnelle ou confuso-onirique. On a noté la tonalité anxieuse de ces états, la tendance à l’agitation, et même à l’agitation furieuse. Mais on peut observer toute la gamme des états confuso-anxieux, confuso-oniriques, confuso-stuporeux ou confuso-maniaques. Devant ces psychoses aiguës, le diagnostic de l’épilepsie est souvent difficile, même si l’on a la notion d’une épilepsie antérieure. La relation avec les crises icto ou graduo-comitiales est variable. L’épisode confusionnel apparaît souvent après une crise ou une série de crises ; d’autres fois il est entrecoupé par des crises ; mais parfois il est isolé. L’amnésie ne peut servir ici d’élément diagnostique, puisqu’elle est constante après tout état confusionnel. Le départ brusque, la durée brève (quelques heures, quelques jours), et les caractères de l’E. E. G. seront les principaux arguments de la discussion. L’évolution montre la tendance des accès confusionnels à se répéter, souvent identiques, chez le même malade, fait commun à tous les états aigus ou subaigus décrits dans ce paragraphe, comme si chaque malade avait un niveau privilégié de déstructuration.
May 31, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on VII. Épilepsie et Épileptique (1)

Full access? Get Clinical Tree

Get Clinical Tree app for offline access