8. Troubles Sphinctériens
GÉNÉRALITÉS
NEUROPHYSIOLOGIE SPHINCTÉRIENNE
Elle est marquée par le passage d’un comportement réflexe automatique à un comportement volontaire contrôlé. Chez le nouveau-né la miction et la défécation succèdent d’abord à la réplétion. Le contrôle des sphincters striés est acquis progressivement, le contrôle du sphincter anal précède en général celui du sphincter vésical.
Ce contrôle fait intervenir de multiples composantes: maturation locale, capacité précoce de conditionnement, etc. Si bien qu’il est vite difficile de distinguer la part de ces facteurs.
Les études portant sur la motricité vésicale par l’enregistrement des courbes de pression intravésicale ont permis de distinguer plusieurs stades (Lauret): automatisme infantile (courbe A1 jusqu’à 1 an); début d’inhibition (A2 jusqu’à 2 ans); possibilité d’inhibition complète (B1 jusqu’à 3 ans); courbe de type adulte (B2 après 3 ans); l’acquisition d’un véritable contrôle sphinctérien n’est pas possible avant que la motricité vésicale soit parvenue à ce dernier palier, même si un conditionnement précoce peut faire croire à une apparente propreté.
CONTEXTE CULTUREL
Il ne peut être dissocié de l’apprentissage de la propreté. Selon les cultures, cet apprentissage se déroule dans un contexte plus ou moins rigide, réalisant sur l’enfant des pressions sévères, modérées ou légères (Anthony). L’évolution récente des moeurs, la diffusion des connaissances sur la petite enfance, un climat de plus grand libéralisme ont beaucoup atténué la pression à l’apprentissage de la propreté chez les enfants des pays occidentaux, ce qui influencera peut-être la fréquence des perturbations liées à cette fonction.
AXE RELATIONNEL
Le dernier axe est l’axe relationnel. Par-delà la maturation neurophysiologique et la pression culturelle dans notre société où la relation mère-enfant est privilégiée et protégée, l’acquisition de la propreté est, au cours des deuxième et troisième années, un des éléments de transaction dans la dyade mère-enfant.
Les matières fécales, et à un moindre degré l’urine, véhiculent une forte charge affective qui peut être positive ou négative, mais reste liée au contenu du corps donc au corps lui-même. L’acquisition du contrôle sphinctérien se fait à la suite du plaisir pris d’abord à l’expulsion puis à la rétention, puis au couple rétention-expulsion: la maîtrise nouvelle sur son corps procure à l’enfant une jubilation renforcée encore par la satisfaction maternelle. La nature de l’investissement de cette fonction de rétention-expulsion, investissement pulsionnel à prédominance libidinale ou à prédominance agressive, dépend en grande partie du style de relation entre mère et enfant qui se noue autour du contrôle sphinctérien: exigence impérieuse de la mère qui dépossède l’enfant d’une partie de son corps et reçoit son urine ou ses selles avec un masque de dégoût; satisfaction d’une mère à voir son enfant progresser et s’autonomiser dans ces conduites quotidiennes et reçoit son urine ou ses selles avec plaisir.
C’est ainsi que s’opère le passage du couple rétention-expulsion au couple offrande-refus ou au couple bon cadeau-mauvais détritus.
Les études épidémiologiques confirment l’importance de cette dimension relationnelle en révélant la fréquence des troubles sphinctériens et autres dans les conditions d’apprentissage inadéquat (Nourrissier).
ÉNURÉSIE
L’énurésie se définit comme l’émission active complète et non contrôlée d’urine une fois passé l’âge de la maturité physiologique habituellement acquise entre 3 et 4 ans. L’énurésie secondaire se caractérise par l’existence d’une période antérieure de propreté transitoire. L’énurésie primaire succède directement à la période de non-contrôle physiologique. L’énurésie primaire nocturne est de loin la forme la plus fréquente.
Il s’agit d’un symptôme fréquent, qui concerne 10 à 15% des enfants, avec une nette prédominance des garçons (2/1). Il s’associe parfois à d’autres manifestations: encoprésie le plus souvent, potomanie, immaturité motrice. Signalons une fréquence élevée et inexpliquée de sténose du pylore dans les antécédents d’enfants énurétiques.
DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL
Il est habituellement aisé:
– les affections urologiques, infectieuses, irritatives (calculs vésicaux), ou malformatives (abouchement anormal ou ectopique des uretères, atrésie du méat) s’accompagnent souvent d’autres signes mictionnels: mictions très fréquentes, difficiles (retard d’évacuation, faiblesse du jet) ou douloureuses. Au moindre signe suspect, des explorations complémentaires se justifient;
– les affections neurologiques (vessie neurologique avec miction réflexe ou par regorgement) sont évidentes par les troubles associés, qu’elles soient d’origines infectieuses (myélites), ou malformatives (spina-bifida);
– l’épilepsie nocturne peut être plus difficile à reconnaître si l’émission d’urine en constitue le seul témoin. En cas de doute, un enregistrement électroencéphalographique nocturne peut être nécessaire.
FACTEURS ÉTIOLOGIQUES
Il faut les envisager en fonction des divers axes qui concourent à l’acquisition de la propreté:
– axe des interrelations familiales;
– axe du développement psychoaffectif de l’enfant.
Comme tous les symptômes qui concernent le corps chez l’enfant, on note une interaction étroite entre ces différents axes: les vicissitudes de l’un se trouveront estompées ou renforcées selon le déroulement des autres axes. Ainsi, un retard de maturation physiologique peut-il servir de point d’ancrage à un conflit affectif de type rétention-expulsion dont le développement trouve son origine soit dans l’intensité de la vie pulsionnelle de l’enfant, soit dans le surinvestissement familial des fonctions excrémentielles.
Un facteur héréditaire trouve son explication dans la relative fréquence d’énurésie familiale, sans qu’une transmission génétique précise ait été mise en évidence. Signalons que l’énurésie a pu être considérée dans une perspective éthologique comme la résurgence pathologique d’un comportement inné normalement réprimé; la levée de cette répression présenterait, dans cette perspective, une analogie avec le marquage du territoire chez l’animal.
La mécanique vésicale de l’énurétique a été très étudiée. La capacité vésicale, la pression intravésicale ne semblent pas différentes de celles de l’enfant normal. Toutefois, chez ces enfants énurétiques des enregistrements cytomanométriques ont montré l’existence de courbes de pressions dont la dynamique est identique à celle qu’on retrouve chez des enfants plus jeunes (1 à 3 ans). Ces constatations justifient l’évocation d’une «immaturité neuromotrice de la vessie», dont l’importance et la fréquence varient selon les auteurs.
Le sommeil de l’énurétique a été l’objet des études les plus récentes. D’une part l’enfant énurétique fait souvent des rêves «mouillés»: jeux dans ou avec l’eau, inondation, ou simplement rêve de miction.
Au niveau de la qualité du sommeil, sa profondeur a parfois été incriminée, mais les enregistrements polygraphiques systématiques du sommeil n’ont montré aucune différence significative par rapport aux enfants non énurétiques. En ce qui concerne les diverses phases du sommeil, l’énurésie survient le plus souvent juste avant l’apparition d’une phase de rêve. Le maintien de l’enfant dans l’urine semble exercer un effet de blocage sur l’apparition des phases III et IV du sommeil profond qui surviennent normalement si celui-ci est changé après sa miction.
Dans le temps, la miction soit unique, soit répétée (une à deux fois), survient une heure à une heure et demie après l’endormissement.
Les facteurs psychologiques restent les plus évidents. Il n’est que de se rappeler la fréquente correspondance entre la survenue ou la disparition de l’énurésie et celle d’un épisode marquant de la vie de l’enfant: séparation familiale, naissance d’un cadet, entrée à l’école, émotions de toutes natures…
L’enfant et sa personnalité
En ce qui concerne une certaine typologie psychologique il est classique d’opposer les énurétiques passifs, mous, dociles, et ceux qui sont agressifs, revendicants, opposants. On a aussi évoqué l’immaturité et l’émotivité chez des enfants souffrant «d’éréthisme vésical». En réalité la grande variété des profils décrits en montre le peu d’intérêt relatif.
Quant à la signification que prend l’énurésie dans l’imagination de l’enfant, celle-ci est fonction à la fois du point de fixation du développement psychoaffectif auquel correspond ce symptôme (phase anale de rétentionexpulsion) et des remaniements ultérieurs du fait de la poursuite de ce développement. Ainsi la miction s’enrichit rapidement d’une symbolique sexuelle: utilisation autoérotique de l’excitation urétrale, équivalent masturbatoire, agressivité urétrale, affirmation virile chez le garçon, etc. Le symptôme prend alors place dans un ensemble névrotique plus vaste.
Certains auteurs assimilent l’énurésie à un symptôme de «dépression masquée», en raison principalement de l’activité de l’imipramine.
L’environnement de l’enfant
Il intervient selon deux versants, soit par carence ou déficit, soit par surinvestissement. Dans le premier cadre, signalons la fréquence des conflits familiaux (dissociation familiale, carences socio-économiques au sens large) dans les familles d’enfants énurétiques. Il existe aussi une fréquence élevée d’énurétiques parmi les enfants vivant dans des internats. D’un autre côté, le surinvestissement de la fonction sphinctérienne par les parents est fréquent: mise sur le pot intempestive et précoce, ritualisation plus ou moins coercitive (sur le pot toutes les heures, etc.). Ceci se voit surtout chez des mères obsessionnelles ou phobiques, qui ont besoin d’un cadre éducatif bien délimité, sans respect pour le rythme propre de l’enfant. Ainsi se trouve conflictualisée cette fonction sphinctérienne: angoisse, peur, sentiment de culpabilité ou de honte, opposition vont progressivement accompagner la miction.

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