Les traumatismes ostéoarticulaires de la main de l’enfant (carpe exclu)
Bone and joint injuries of the hand in children
- – extraphysaire de la phalange distale, par mécanisme d’écrasement par une porte, les jeunes enfants étant le plus souvent touchés. Le pronostic est lié aux lésions des parties molles souvent associées ;
- – physaires de la phalange proximale, surtout chez les préadolescents au cours d’activités sportives. L’index et l’auriculaire sont plus fréquemment atteints.
Généralités, épidémiologie
L’incidence annuelle des fractures de la main et du poignet est de 26,4/10 000 [24], avec un pic de fréquence aux alentours de 13 ans. Les fractures de la main représentent 14,7 % des fractures pédiatriques, et arrivent en deuxième position après les fractures du poignet (35,8 %) [24,20]. Elles représentent 1,7 % de toutes les urgences pédiatriques. Néanmoins, les fractures de la main de l’enfant n’arrivent qu’en 8e position parmi les patients hospitalisés [8], ce qui confirme le caractère ambulatoire de la majorité des prises en charge (66 %). Les enfants hospitalisés pour un traumatisme de la main sont majoritairement des garçons (78,4 %), ont en moyenne 12,7 ans et ont une durée de séjour moyenne de 2,3 j [8].
Les traumatismes du carpe et les pertes de substance cutanée ne seront pas traités dans cet exposé.
Particularités du squelette immature
À la naissance, seules les diaphyses des métacarpiens et des phalanges sont ossifiées, les épiphyses étant cartilagineuses. Les centres d’ossification secondaires (ou noyaux d’ossification épiphysaire) apparaissent (figure 1) :
- • à la partie distale des métacarpiens des doigts longs ;
- • à la partie proximale du 1er métacarpien ;
- • à la partie proximale des phalanges.
- • à la partie proximale du 1er métacarpien ;
Le tableau 1 résume l’âge d’apparition et de fusion des centres d’ossification secondaire [18].
Le cartilage de croissance peut avoir deux aspects morphologiques :
- • un aspect sphérique sur les épiphyses. Il est responsable de la croissance en volume (croissance centripète) ;
- • un aspect discal (cartilage de conjugaison ou physe) situé entre épiphyse et métaphyse et responsable d’une croissance axiale. Il se situe (figure 1) :
- • un aspect discal (cartilage de conjugaison ou physe) situé entre épiphyse et métaphyse et responsable d’une croissance axiale. Il se situe (figure 1) :
Le type de traumatisme touchant la physe varie selon l’âge :
- • Salter et Harris de type I (décollement pur du cartilage de croissance) et II (décollement avec refend métaphysaire) chez le jeune enfant ;
- • Salter et Harris de type III (décollement avec refend épiphysaire et atteinte articulaire) ou IV (fracture traversant la zone physaire avec atteinte articulaire) chez l’adolescent.
Le remodelage, c’est-à-dire la réorientation progressive de la physe sous l’effet de la croissance, sera rapide et complet [9] si :
Clinique
L’examen clinique est fondamental. Outre la recherche d’une rare ischémie distale, apanage des fractures très déplacées et des traumatismes par écrasement, il devra rechercher les deux signes cliniques faisant poser l’indication de réduction : l’existence d’une déviation frontale dans le plan radio-ulnaire ou d’un trouble de rotation. Ce dernier se recherche en demandant à l’enfant de réaliser une flexion active ou bien par effet ténodèse, en mettant le poignet en extension [21]. Il se traduit par la perte de la convergence physiologique avec chevauchement anormal des doigts. Cette recherche est importante, car les déviations frontales ont une faible capacité de remodelage et les troubles de rotation ne se remodèlent pas sous l’effet de la croissance [14].
Radiographies
Elles doivent comporter deux incidences au minimum, centrées sur la zone traumatisée. Chez le jeune enfant, ou en cas de localisation imprécise, l’ensemble de la main est radiographié de face et de trois quarts. Il existe parfois, au niveau du col du 1er métacarpien ou sur les bases des métacarpiens des doigts longs, un aspect de pseudoépiphyse pouvant évoquer une fracture (figure 2). Les fractures peu déplacées de la base de la phalange proximale sont parfois difficiles à visualiser. L’axe passant par le centre de la phalange proximale doit normalement passer par le centre de la tête du métacarpien (figure 3). Une estimation de la croissance résiduelle peut être faite à partir du calcul de l’âge osseux : le sésamoïde du pouce apparaît à 11 ans d’âge osseux chez la fille et 13 ans d’âge osseux chez le garçon.
Diagnostics différentiels
Un pouce à ressaut bloqué en flexion peut évoquer une luxation métacarpophalangienne (MCP). Une impotence douloureuse avec gonflement peut être en rapport avec une infection (phlegmon, arthrite, ostéomyélite), le diagnostic différentiel avec un traumatisme pouvant être difficile chez le jeune enfant. Il existe des pièges radiologiques, telle la déformation de Kirner (figure 4), anomalie congénitale pouvant évoquer une pseudarthrose de la dernière phalange.
Principes généraux des traitements
Traitements orthopédiques
Les déplacements en rotation, de diagnostic clinique, ne se remodèlent pas [14,17].
Fractures des phalanges
Fractures des phalanges proximales (P1) et moyennes (P2)
Fractures-décollements épiphysaires des bases des phalanges
Les fractures de la physe sont en majorité de type Salter II et sont les plus fréquentes. Les doigts souvent atteints sont les 2e et 5e au cours d’un mécanisme d’écartement. Il s’agit en réalité de fractures dites « juxtaépiphysaires » puisqu’il existe une petite « chips » osseuse (figure 5) sur le versant métaphysaire [1,2].
Le traitement, lorsque la fracture n’est pas déplacée, fait appel à une immobilisation pour une durée de 1 mois avec une radiographie de contrôle à j7. Lorsque la fracture est déplacée, la croissance potentielle va permettre de tolérer certains déplacements. Les déplacements tolérés avant 10–12 ans seront [14,17] :
Au-delà de ces déplacements, il existe une indication de réduction. Les fractures de type Salter I et II se réduisent facilement, parfois avec l’aide d’un stylo mis dans l’espace commissural, MCP en flexion pour mettre en tension les ligaments collatéraux [23]. Cette réduction peut être réalisée aux urgences sous antalgiques et sédation consciente par MEOPA.
En cas d’instabilité, d’irréductibilité, de trouble de rotation persistant ou d’ouverture cutanée, le traitement est chirurgical et fait habituellement appel à un brochage percutané ou à un abord dorsal (figures 6a et 6b). Une incarcération du périoste, de la dossière de l’extenseur ou de l’appareil fléchisseur peut expliquer une irréductibilité. Une forme particulière réalise une véritable « énucléation » de l’épiphyse proximale qui ne tient que par ses attaches ligamentaires : il convient, lors de l’abord du foyer, de respecter la vascularisation qui se fait par les ligaments collatéraux.
Fractures articulaires des bases des phalanges
Les fractures articulaires peuvent réaliser un Salter III (figure 7a). Le mécanisme est une avulsion par le ligament collatéral au cours d’un mouvement forcé. Ces fractures touchent le plus souvent l’articulation MCP au niveau de la base de la 1re phalange.
Les ligaments collatéraux des articulations interphalangiennes proximales (IPP) ont une insertion plus distale sur la métaphyse et sur la plaque palmaire de la 2e phalange, rendant plus difficile la possibilité d’un arrachement physaire à ce niveau. Les rares lésions réalisées à ce niveau seront alors de type Salter IV (figure 8a).
Lorsqu’elles sont déplacées, la réduction doit être la plus anatomique possible. En effet, outre la marche d’escalier articulaire, il existe un risque d’épiphysiodèse en cas de réduction imparfaite. Le traitement est donc chirurgical par abord dorsal du foyer de fracture, réduction et stabilisation par ostéosynthèse (broche ou vis selon la taille du fragment) (figures 7b et 8b). Pour la base de P1, la voie d’abord de la MCP est sinusoïdale dans la vallée intermétacarpienne et se prolonge sur le bord postérolatéral de la phalange. La dossière de l’interosseux devra être incisée à la lame de bistouri 15 le long du tendon extenseur commun, et réparée en fin d’intervention par un surjet de PDS 6-0. Pour la base de P2, la voie d’abord de l’IPP doit être dorsale et sinusoïdale, contournant les plis d’extension. L’abord articulaire peut se faire soit par section partielle du ligament rétinaculaire transverse, soit en passant entre bandelette médiane et latérale de l’appareil extenseur.