ÉPIDÉMIOLOGIE ET PATHOGÉNIE
TIH de type I
Elle est non immune. Elle apparaît à l’induction du traitement anticoagulant avec une diminution modérée < 20 % de la numération plaquettaire. Asymptomatique, elle se corrige spontanément malgré la poursuite du traitement. Elle serait liée à l’interaction directe des plaquettes avec l’HNF provoquant une liaison accrue du fibrinogène et leur élimination par la rate. Leur fréquence (20 à 30 %) et leur mécanisme physiopathogénique restent encore mal connus. Elle serait particulièrement fréquente chez les patients ayant déjà une hyperréactivité plaquettaire : artériopathie des membres inférieurs, insuffisance coronaire. L’existence même de la TIH de type I est discutée.
TIH de type II
Elle est d’origine immune et de survenue retardée. Elle apparaît dans plus de 80 % des cas entre le 5e et le 15e jour de traitement héparinique. En cas de présensibilisation lors d’un traitement héparinique antérieur, le délai de survenue peut être notablement raccourci. Il s’agit généralement d’une diminution brutale de la numération plaquettaire avec une réduction de plus de 40 % de la valeur initiale. La thrombopénie peut être profonde, s’aggravant avec la poursuite de l’héparine, et paradoxalement associée à des thromboses.
Il s’agit d’un effet secondaire compliquant jusqu’à 1 à 5 % des traitements par HNF et 0,1 à 0,2 % des traitements par HBPM. Mêmes des doses infimes, destinées à maintenir la perméabilité des cathéters suffisent à générer une TIH. Il est maintenant bien établi que les TIH sont dues à l’apparition d’anticorps dirigés contre un complexe macromoléculaire héparine-facteur 4 plaquettaire (F4P). Dans un premier temps, les phénomènes inflammatoires et/ou les phénomènes d’activation plaquettaire relatifs aux différents contextes médicaux ou chirurgicaux accroissent la libération de F4P et favorisent la formation de complexes F4P/héparine. Ces complexes de grande taille sont antigéniques, ils induisent la synthèse d’anticorps qui participent à la formation de complexes immuns et entraînent une activation plaquettaire directe par l’interaction du fragment Fc des IgG avec les R FcγRIIa1 membranaires (CD32). Les autres immunoglobulines Ig (A ou M) peuvent activer directement d’autres cellules (lymphocytes, monocytes, neutrophiles) mais aussi indirectement les plaquettes après fixation du complément.
La TIH est ainsi associée à une activation cellulaire disséminée pouvant aboutir à une véritable coagulation généralisée. Certains patients développent des anticorps dirigés contre des chémokines comme le neutrophil-activating peptide (NAP-2) et l’interleukine 8 (IL8). La grande hétérogénéité des anticorps générés et ces profils immunologiques atypiques expliqueraient en partie les discordances entre les tableaux cliniques indiscutables de TIH et les examens biologiques.
Symptomatologie clinique
La TIH de type II peut être asymptomatique. Elle peut être découverte fortuitement, lors d’une numération plaquettaire systématique. Malgré une thrombopénie sévère, les complications hémorragiques sont décrites dans moins de 10 % des cas. Il s’agit de saignements aux points de ponction ou d’ecchymoses plus ou moins étendues et plus rarement d’hématomes profonds.
Les manifestations les plus fréquentes sont des complications thromboemboliques veineuses (20 à 80 % des cas). La localisation multifocale ou même à distance du foyer initial et l’extension de la thrombose sous héparinothérapie efficace doivent être évocatrices.
Des accidents artériels ont été observés et particulièrement en cas d’atteinte athéroscléreuse. Des lésions cutanées aux points de ponction, des plaques érythémateuses ou nécrotiques peuvent aussi être révélatrices. D’autres signes insolites sont décrits tels que la nécrose hémorragique des surrénales. Des phlébites bleues (phlegmatia cærulea), des gangrènes d’origine veineuse semblent favorisées par un état préthrombotique et précipitées par un relais anticoagulant oral trop précoce ou d’intensité excessive (INR > 3). Le déséquilibre accru de la balance hémostatique lié à une surconsommation des inhibiteurs physiologiques (protéines C [PC] et S [PS]) dans ce contexte d’activation généralisée de la coagulation est incriminé. D’autres signes fonctionnels constituent de véritables signes d’alarme : fièvre, détresse respiratoire, douleurs abdominales, amnésie transitoire, flush.
DIAGNOSTIC BIOLOGIQUE
Il convient avant tout de s’assurer de la réalité de la thrombopénie : exclusion d’une pseudo-thrombopénie par thromboagglutination sur EDTA, vérification sur un nouveau prélèvement, observation du frottis sur lame au microscope optique à la recherche d’amas plaquettaires, réalisation éventuelle d’une numération plaquettaire sur tube citraté ou prélèvement capillaire en Unopette. Deux variétés de tests sont disponibles.
Tests fonctionnels
Ils détectent l’existence d’un facteur plasmatique ADP, dépendant de l’héparine. Deux techniques sont couramment utilisées : la technique agrégométrique de bonne spécificité et le test de libération de la sérotonine radiomarquée, considéré comme le test de référence.
Test immunologique
Il s’agit d’un test Elisa pour mettre en évidence et quantifier les anticorps anti-F4P/héparine. Il permet d’identifier les trois isotypes G, A, M des immunoglobulines. Dix à 30 % des patients (notamment en chirurgie cardiaque ou dans diverses situations cliniques, grossesse, syndrome des antiphospholipides [SAPL]) présentent de tels anticorps sans authentique TIH. La spécificité d’un test positif n’est donc élevée que dans un contexte clinique évocateur de TIH et la recherche de ces anticorps n’est pas recommandée en routine en dehors d’une telle situation.
Une méthode de dépistage rapide par immunodiffusion en gel permet une recherche rapide des anticorps anti-F4P/héparine.
En pratique, plusieurs critères s’associent pour concourir à l’établissement du diagnostic de TIH, ce qui impose une analyse critique de l’ensemble du dossier. À partir de ces critères, un score clinicobiologique d’imputabilité diagnostique a été récemment proposé par Warkentin, appelé score des «4T» : Thrombopénie (degré), Timing (c’est-à-dire la chronologie), Thromboses et Thrombopénie liée à une autre cause (tableau 11.I). Certaines équipes considèrent que dans les cas où le score de 4T indique une faible probabilité et où le test de dépistage rapide en gel est négatif, l’interruption de l’héparine n’est pas justifiée.

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