Analyse segmentaire des déformations et nouvelle classification
Nombre de déformations comptent au moins deux défauts associés, parfois davantage, et le mode d’appellation peut prêter à confusion. Il ne faudrait pas confondre, en effet, un pied varus équin (figure 1) et un pied équin varus (figure 2). Dans le premier cas, du fait de l’importance prioritaire du varus, la marche se fait sur le bord externe du pied alors que dans le deuxième cas, du fait de l’importance de l’équinisme, la marche est digitigrade : il est évident que la prise en charge ne peut pas et ne doit pas être la même. Cet exemple caricatural permet de poser le principe d’une classification des déformations en nommant successivement les principales composantes par ordre de gravité décroissante : par exemple, pour le pied plat valgus, sachant qu’il existe des pieds plats sans valgus excessif et des pieds valgus non plats, on conçoit que l’on peut différencier :
des pieds plano-valgus où l’aplatissement est plus sévère que le valgus ;
des pieds valgus plats où le valgus est plus important que l’aplatissement.
Il existe d’ailleurs des pieds valgus creux, des pieds valgus convexes et même des pieds valgus à la fois plats et creux (car plats sur la colonne médiale et creux sur la colonne latérale) [figure 3].
Pour comprendre ces nuances, avant de proposer une classification des déformations, il nous semble utile de tenir compte des principaux morphotypes de pieds normaux (voir le chapitre « Morphotypes », pages 57 à 61) et de faire une étude analytique segmentaire des déformations observées, articulation par articulation puis os par os.
Attitudes vicieuses élémentaires de chaque articulation
Complexe articulaire sous-talien (entre le bloc calcanéopédieux et l’unité talo-tibio-fibulaire)
L’adduction du bloc calcanéopédieux (BCP) prédominante est un défaut fréquent dans les pieds bots congénitaux (figure 4); l’ensemble du pied est en adduction par rapport à la jambe et au genou; les radiographies montrent une diminution de la divergence talocalcanéenne de face.
La supination prédominante du BCP entraîne une position du pied en varus (figure 1).
Articulation transverse du tarse (talonaviculaire et calcanéocuboïdienne)
L’attitude en adduction médiotarsienne s’observe dans nombre de pieds bots varus équins congénitaux et dans des pieds varus; l’évaluation radiologique doit se faire sur l’angle calcanéocuboïdien ou l’angle calcaneus-5e métatarsien et non pas, comme le suggèrent la plupart des publications, sur l’angle talus-1er métatarsien. Cette attitude vicieuse est responsable d’une inégalité de longueur des deux colonnes longitudinales du pied avec brièveté de la colonne médiale (figure 3c du chapitre « Concept de bloc calcanéo-pédieux », page 26).
L’abduction médiotarsienne que l’on observe dans certains pieds valgus abductus est bien visualisée par l’angle calcaneus-cuboïde ou calcaneus-5e métatarsien; cette abduction médiotarsienne entraîne une inégalité de longueur des deux colonnes longitudinales du pied inverse de ce que l’on observe dans l’adduction médiotarsienne (figure 5).
La supination prédominante de l’articulation transverse du tarse s’accompagne habituellement d’une horizontalisation du 1er métatarsien (M1), et d’une saillie dorsale de la tête de M1 (défaut d’appui antéromédial puis dorsal bunion). C’est souvent le témoin d’une insuffisance du muscle long fibulaire avec prédominance du muscle tibial antérieur (voir le chapitre « Pied bot varus équin congénital », figure 11, page 103 et figure 24, page 119).
Le creux dans l’articulation transverse du tarse est souvent associé à des déformations osseuses de voisinage, en particulier du naviculaire, et peut entraîner une luxation dorsale de l’os naviculaire (comme dans certaines séquelles de pied bot congénital). Inversement, le creux médiotarsien peut s’accompagner d’une luxation plantaire du médio-pied par rapport à l’arrière-pied dans certaines déformations neurologiques (figure 6).
Déformations osseuses
Déformations en varus et en valgus
Les déformations en varus et en valgus sont liées le plus souvent à une dysharmonie de croissance entre le tibia et la fibula, voire à une épiphysiodèse asymétrique. La déformation en varus est rare mais volontiers iatrogénique (figure 7). La déformation en valgus est de loin la plus fréquente, soit comme compensation d’un varus sous-talien, soit comme accompagnement et aggravation du valgus calcanéen. Même si l’on ne dispose pas d’une radiographie de face de la cheville (avec cerclage du talon selon Méary), on peut deviner cette anomalie sur le cliché de profil en charge (voir le chapitre « Radiologie », page 49).