40. Remplacer un collègue
toujours un souci potentiel
Votre internat se termine tout juste et vous venez d’intégrer votre premier groupe de praticiens. Ce soir, vous êtes en quatrième position pour les appels. Vous n’avez rien à faire et il vous est proposé de partir. C’est à ce moment qu’une laparotomie en urgence est programmée. La patiente a une obésité morbide et un abdomen chirurgical . Elle est à j4 d’une intervention de by-pass gastrique . Vous proposez votre aide, qui est acceptée par votre collègue. La patiente arrive en salle d’opération 5–10min plus tard, se plaignant de douleurs abdominales sévères. Sa respiration est superficielle à 40 cycles/min, elle présente une tachycardie sinusale à 130 et sa pression artérielle est à 100/60. Ses extrémités sont froides et sa saturation en oxygène est à 91 % à l’air ambiant. Elle est installée sur la table d’opération avec un matelas de couvertures sous le haut du corps et la tête, comme précédemment décrit [1], afin d’améliorer la visibilité lors de la laryngoscopie. La préoxygénation et la séquence d’induction rapide sont initiées. Vous pratiquez la pression cricoïdienne et les médicaments d’induction sont administrés par votre collègue : dans l’ordre, du fentanyl, de l’étomidate et du rocuronium. Vous n’observez pas de fasciculation. Votre collègue effectue la laryngoscopie et déclare avoir une vue de grade 1. La sonde est bien passée entre les cordes vocales et l’auscultation est bilatérale et symétrique. Un capnogramme témoignant d’une obstruction est observé. De l’isoflurane est ajouté à l’oxygène pour l’entretien de l’anesthésie. À ce moment, votre collègue est appelé en urgence dans une autre salle pour un code bleu (urgence vitale immédiate). Vous annoncez que vous prenez en charge la patiente et il sort précipitamment. Vous mettez la patiente sous respirateur et les signes vitaux, y compris les paramètres respiratoires, sont stables, mais toujours avec la tachycardie sinusale à 130bpm. Vous vous préparez à mettre en place un cathéter jugulaire interne mais la saturation en oxygène tombe de 98 à 88 % tandis que les pressions respiratoires passent de 40 à 56cm H2O. Vous ventilez la patiente à la main et notez que cela est difficile. À ce moment, il s’est écoulé 5–6min depuis l’induction. Les pressions respiratoires sont encore élevées mais la saturation s’améliore. Vous vérifiez l’auscultation qui est toujours bilatérale et symétrique. Vous introduisez une sonde d’aspiration à travers le tube trachéal sur toute sa longueur sans aucun problème et ne ramenez aucune sécrétion. Comme la saturation en oxygène est meilleure, vous rebranchez la patiente au respirateur. Malheureusement, les pressions respiratoires sont toujours élevées (58cm H2O) et la saturation recommence à baisser. La patiente est immobile et les pupilles sont en myosis. Vous vous demandez ce que vous devez faire. Vous sentez la tension monter dans la salle et le personnel, les yeux rivés sur vous, se demande ce que va faire le « nouveau ».