6. Réactions cutanées aux médicaments
Les réactions cutanées aux médicaments, ou toxidermies, sont particulièrement fréquentes et concernent la totalité des médecins prescripteurs. Ceux-ci doivent non seulement reconnaître les toxidermies et prendre les mesures nécessaires, mais avoir l’esprit en éveil face à la possibilité de nouvelles toxidermies, secondaires à des médicaments anciens ou surtout récents, et à les rapporter, aussi précisément que possible, aux centres de pharmacovigilance. Les fiches de signalement peuvent être téléchargées surwww.centres-pharmacovigilance.net.
GÉNÉRALITÉS
La physiopathologie des toxidermies est complexe. Elle fait intervenir plusieurs facteurs, insuffisamment connus :
• essentiellement des réactions d’hypersensibilité immunologique aux antigènes ou haptènes que sont les médicaments et leurs métabolites. À côté des hypersensibilités classiques, on pense que de nombreuses toxidermies correspondent à une agression cytotoxique contre des antigènes épidermiques, médiée par des lymphocytes T CD8+ ;
• accessoirement et sans conséquence pratique actuelle :
– des facteurs génétiques, dont ceux qui gouvernent les réponses immunes ;
– des anomalies des mécanismes de métabolisation/détoxification des médicaments.
Par ailleurs, il existe des interactions encore mal comprises avec des infections virales et des déficits immunitaires. Par exemple, les patients atteints de sida sont particulièrement sensibles aux toxidermies.
En pratique, les points essentiels sont :
• aucun examen complémentaire ne peut actuellement contribuer efficacement au diagnostic de toxidermie. Les tests sanguins sont du domaine de la recherche. Les prick tests d’hypersensibilité immédiate sont potentiellement dangereux. La valeur des tests épicutanés est encore imprécise. Le diagnostic de toxidermie est donc essentiellement clinique et implique une démarche faisant appel à la notion d’imputabilité, exposée ci-dessous ;
• certaines toxidermies sont graves et doivent faire hospitaliser le malade d’urgence.
Mais de très nombreux autres médicaments peuvent être en cause.
PRINCIPES DE LA DÉMARCHE DIAGNOSTIQUE
Le diagnostic de toxidermie est en général un diagnostic de présomption qui s’appuie sur un ensemble d’arguments constituant la démarche de probabilité.
Celle-ci prend en compte :
• l’imputabilité intrinsèque, liée aux caractéristiques du tableau clinique :
– l’aspect de l’accident cutané (imputabilité sémiologique) : nous décrivons ci-dessous les principaux tableaux cliniques de toxidermies, mais il faut être prêt à la fois à en diagnostiquer de nouveaux et à déceler des inductions médicamenteuses de dermatoses autonomes (lupus induits, par exemple) ;
– la chronologie de l’accident cutané (imputabilité chronologique) :
– délai entre l’introduction du médicament soupçonné et le début de la dermatose,
– évolution après l’arrêt du médicament,
– éventuellement, délai entre une réintroduction et un nouvel accident. La réintroduction peut être involontaire ; elle ne sera intentionnelle, éventuellement, que pour les toxidermies bénignes pour lesquelles on soupçonne un médicament indispensable ;
• l’imputabilité extrinsèque, tirée de la littérature :
– bases de données (papier, Internet) ;
– livres spécialisés ;
– laboratoire pharmaceutique ;
– centres régionaux de pharmacovigilance.
LES PRINCIPAUX TABLEAUX CLINIQUES DE TOXIDERMIES
À l’exception de l’érythème pigmenté fixe, ces tableaux ne sont pas spécifiques et peuvent avoir d’autres causes que des prises médicamenteuses.
Accidents de type anaphylactique
Urticaire, angio-œdème, choc anaphylactique. Voir le chapitre urticaire, p. 146.
Ces accidents surviennent immédiatement après l’administration du médicament (souvent, une injection de pénicilline). Ils peuvent être graves, voire mortels, et contre-indiquent formellement une réintroduction.
Les causes médicamenteuses les plus fréquentes sont : bêtalactamines, aspirine, AINS, anesthésiques, produits de contraste iodés.
Un prurit isolé peut également témoigner d’une toxidermie.
Exanthèmes (ou rashes) maculopapuleux
Particulièrement fréquents, ils réalisent une éruption morbilliforme, faite de maculopapules rosées ou rouges, réparties en grand nombre sur l’ensemble du tégument, avec une prédominance sur le tronc (figure 6-1) ; il n’y a pas de signe infectieux associé.
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Figure 6-1 Exanthème maculopapuleux. C’est l’aspect le plus fréquent des toxidermies. |
Ils surviennent 5 à 21 jours après l’introduction du médicament et durent environ une semaine.
En règle, le médicament responsable doit être interrompu. Cependant, lorsqu’il est indispensable (sulfamides dans les pneumocystoses par exemple), il a pu être poursuivi sans que l’évolution de la toxidermie ne s’aggrave. Une telle situation ne se conçoit cependant qu’en milieu hospitalier.
Il faut savoir en outre qu’en cas de mononucléose infectieuse, l’administration d’ampicilline est très souvent suivie d’un exanthème maculopapuleux ; cet accident, de mécanisme inconnu, ne contre-indique pas une réintroduction ultérieure.
Les causes médicamenteuses les plus fréquentes d’exanthème maculopapuleux sont les pénicillines A, les sulfamides, le captopril, la carbamazépine, les AINS.
Maladie sérique et vascularite (hypersensibilité par immuns-complexes)
Maladie sérique
Les causes médicamenteuses les plus fréquentes de maladie sérique sont les pénicillines.
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