Eczémas

1. Eczémas





DERMATITE ATOPIQUE

La dermatite atopique (DA), ou eczéma atopique, est une maladie multifactorielle complexe, où interviennent des facteurs génétiques et environnementaux. Les facteurs génétiques concernent à la fois l’épiderme (notamment la filaggrine, protéine intervenant dans la kératinisation) et les réponses immunes à IgE. La dermatite atopique est la plus fréquente des maladies chroniques de la petite enfance : elle atteint probablement environ 10 % des nourrissons, et cette fréquence serait en augmentation dans les pays développés.














Tableau 1.I – Critères de diagnostic de la dermatite atopique
selon Hanifin et Rajka (1980)
Le mérite essentiel de ces critères est de détailler les petits signes de la DA (critères mineurs). Cependant, les critères majeurs sont habituellement tous réunis et donc suffisants pour parvenir au diagnostic, d’ailleurs en général évident.
Critères majeurs Prurit (présent dans 100 % des cas)
Eczéma d’aspect et de topographie typiques
Évolution chronique
Antécédents familiaux (ou personnels) d’atopie
Critères mineurs Xérose (sécheresse cutanée marquée)
Ichtyose, kératose pilaire
Tendance aux infections cutanées : staphylocoques, herpès virus
Pâleur, dermographisme blanc
Prurit à la sueur
Signes oculaires :


– pli de Dennie-Morgan (sous la paupière inférieure)


– conjonctivite


– kératocone, cataracte













Tableau 1.II – Critères de diagnostic de la dermatite atopique
selon Williams et coll. (1994)
L’avantage de ces critères est la simplicité Peut-être peut-on leur reprocher un certain manque de spécificité.
Un critère obligatoire Dermatose prurigineuse
Au moins 3 des critères suivants Antécédent d’eczéma des plis ou des joues
Antécédent d’asthme ou de rhinite allergique, personnel ou familial
Antécédent de xérose
Eczéma des plis, ou des joues, front, convexité des membres chez l’enfant
Début avant l’âge de 2 ans


Clinique


DA du nourrisson (moins de 2 ans)

Les enfants atteints ont la peau normale à la naissance. La DA débute au cours des premiers mois de la vie, par des plaques érythémateuses à contours émiettés et à surface grenue. Après quelques jours l’aspect d’eczéma est évident : les plaques érythémateuses se couvrent de petites vésicules qui très vite évoluent vers le suintement, avec ou sans formation de croûtes (figure 1-1). Le prurit peut manquer au début mais il devient rapidement important, fréquemment insomniant et constituera le problème essentiel de la DA.








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Figure 1-1
Dermatite atopique typique du nourrisson. Les plaques d’eczéma des joues sont l’expression habituelle de la DA du nourrisson. À cet âge, les autres localisations fréquentes sont le front, le tronc, les faces externes des membres.




DA de l’enfant (de 2 à 12 ans)









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Figure 1-2
DA de l’enfant. Les formes intenses associent : un eczéma étendu, à la fois aigu (suintant) et chronique (épais, lichénifié), et une xérose (sécheresse cutanée) intense. Sur cette photographie, l’aspect œdémateux et suintant de l’oreille doit faire suspecter une surinfection bactérienne (impétiginisation).



DA de l’adolescent et de l’adulte

Beaucoup plus rares, ces formes sont handicapantes : prurit permanent, peau globalement pâle, épaissie et érythémateuse, poussées d’eczéma aigu, atteinte prédominante des plis (figure 1-3) et du visage. Il s’agit le plus souvent de la persistance de formes ayant débuté dans la petite enfance, sans que les facteurs de cette évolution soient clairement identifiés. Les DA de l’adulte sont souvent graves et justifient une prise en charge spécialisée.








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Figure 1-3
Dermatite atopique des plis. Eczéma intense des creux poplités : noter la coexistence de vésicules d’eczéma aigu et de lichénifications d’eczéma chronique.



Les petits signes de la DA (critères mineurs du tableau 1.I) sont souvent présents

Il faut avant tout insister sur la sécheresse cutanée. Celle-ci est très fréquente, allant de la simple peau sèche à un véritable état ichtyosiforme. Cette xérose est considérée comme un élément important de la DA, d’une part car on pense qu’elle participe au prurit, d’autre part car elle favorise les poussées d’eczéma aigu. Ainsi, les topiques hydratants seront une partie importante du traitement. La kératose pilaire est un aspect possible de cette xérose atopique. La peau est le plus souvent pâle, avec une tendance à la vasoconstriction.


Évolution générale

L’évolution de la DA se fait par poussées, dont le déclenchement est globalement imprévisible. Les stress (problèmes familiaux, de mode de garde) et le climat (hiver) sont souvent en cause. Avec le temps, les poussées deviennent moins fréquentes, moins aiguës et moins étendues. Dans 90 % des cas, la DA s’éteint spontanément avant l’âge de 10 ans, sans laisser de cicatrice (ce point est important à préciser aux parents). Il est cependant imprudent de porter un pronostic individuel.




















Tableau 1.III – Le SCORAD, score de gravité clinique de la dermatite atopique
Le SCORAD combine trois éléments : l’étendue de l’eczéma, l’intensité des lésions appréciée sur des zones représentatives, et l’importance du prurit et de l’insomnie, mesurée sur des échelles analogiques.
A : étendue des lésions
(0-100)
En pourcentage de la surface corporelle, selon la règle des 9
B : Intensité de l’eczéma
(0-18)
Cinq lésions élémentaires, cotées chacune de 0 à 3 :
Érythème
Œdème/papules Excoriations
Suintement, croûtes
Lichénifications
C : Retentissement fonctionnel
(0-20)
Prurit : 0-10
Insomnie : 0-10
Score global : SCORAD = A/5 + 7 B/2 + C


Examens complémentaires


L’état général n’est pas compromis, sauf en cas de surinfection ou d’affection intercurrente.

La constatation d’une hyperéosinophilie et d’une hyper-IgE est fréquente et n’a pas d’intérêt pratique.

Une biopsie cutanée est inutile. En cas de doute diagnostique, ce qui est rare car la DA est assez stéréotypée, une consultation spécialisée sera en revanche indiquée.

L’intérêt des tests allergologiques est controversé : en l’absence de signes digestifs, respiratoires ou autres, de notre point de vue, aucune mesure allergologique, ni éviction ni tests, n’est indiquée. De telles investigations, en milieu spécialisé, seront discutées dans deux circonstances, rares :


• présence de symptômes digestifs ou respiratoires ;


• DA grave, résistant à un traitement local bien conduit.

La constatation de tests allergologiques positifs (prick tests, RAST) ne signifie pas que l’allergène correspondant a une responsabilité étiologique dans les poussées de DA ; la pertinence des tests à lecture retardée (atopy patch test), apparemment meilleure, est en cours d’évaluation.

Les épreuves contrôlées d’exclusion – réintroduction sont théoriquement les seules à pouvoir affirmer la responsabilité d’un allergène alimentaire ; elles se pratiquent en milieu hospitalier. Mais les cas nécessitant de telles explorations sont rares.


Diagnostic différentiel


Chez un adulte, un eczéma doit faire rechercher avant tout un eczéma de contact. On se rappellera que les deux peuvent être associés.

Les eczémas chroniques sont souvent de diagnostic difficile. La recherche des critères cliniques de la DA, l’histologie cutanée, éventuellement la constatation d’une hyperéosinophilie et d’une hyper-IgE (non spécifiques) sont exceptionnellement nécessaires.


Complications


Surinfections bactériennes









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Figure 1-4
Poussée étendue de dermatite atopique, avec surinfection staphylococcique responsable de décollements (impétiginisation).



Surinfections virales

La peau des enfants atteints de DA est particulièrement sensible au virus de l’herpès. Des primo-infections herpétiques, sur terrain atopique, peuvent réaliser des pustules profondes et nécrotiques d’évolution cicatricielle (pustulose varioliforme de Kaposi-Juliusberg : figure 1-5). Rappelons que le vaccin antivariolique était contre-indiqué chez ces enfants, pour la même raison.








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Figure 1-5
Primo-infection herpétique chez un jeune adulte atteint d’une dermatite atopique : éruption de pustules ombiliquées.




Associations

La DA peut s’associer à d’autres manifestations atopiques : asthme, rhinites et conjonctivites allergiques. Du fait que la DA est en général la première manifestation clinique de l’atopie, certains parents pensent que la guérison de la DA favorise l’asthme ; il convient de les détromper. Il est au contraire probable qu’en prenant correctement en charge la DA, ce qui implique une normalisation de la peau et une attitude de prudence vis-à-vis des allergènes de l’environnement, on minimise les risques d’asthme. Ceci n’est cependant pas prouvé.

Certains déficits immunitaires congénitaux complexes, et très rares, comportent une dermite eczématiforme plus ou moins proche de la DA ; il s’agit surtout du syndrome d’hyper-IgE et de la maladie de Wiskott-Aldrich. Certains enfants atteints de DA présentent une cataracte atopique.


Pathogénie



Autres anomalies

Leur rôle est moins bien établi :


• un déficit en antiprotéases, responsable d’une anomalie de la desquamation ;


• un déficit enzymatique du métabolisme des acides gras essentiels, responsable de sécheresse cutanée et d’anomalie des lipides intercellulaires de la couche cornée, participant à l’inflammation par l’intermédiaire des médiateurs lipidiques que sont les leucotriènes et les prostaglandines ;


• une anomalie cellulaire globale, appelée bloc bêta-adrénergique, se traduisant par une augmentation de la phosphodiestérase, enzyme inactivant l’AMP cyclique, médiateur intervenant dans toutes les cellules.

Apr 23, 2017 | Posted by in DERMATOLOGIE | Comments Off on Eczémas

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