Le diagnostic des maladies hémorragiques ou thrombosantes implique la connaissance, au moins sommaire, de la physiologie de l’hémostase et des mécanismes de ses dérèglements. Il est à la fois fondé sur l’analyse clinique et sur les explorations biologiques dont les performances ont considérablement augmenté ces dernières années.
Physiologie de L’hémostase
Ismail Elalamy, François Depasse, Gregoris Gerotziafas and Meyer-Michel Samama
L’hémostase est le processus physiologique regroupant les différents mécanismes qui assurent la prévention des saignements spontanés et l’arrêt des hémorragies en cas de rupture de la continuité de la paroi vasculaire par la formation d’un thrombus. Elle comprend :
– l’hémostase primaire avec le temps vasculaire et le temps plaquettaire;
– la coagulation avec ses différentes étapes;
– la fibrinolyse dont le rôle exact reste imparfaitement connu.
Les mécanismes impliqués dans ces processus sont complexes et intimement intriqués (fig. 1.1).
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Fig. 1.1 Les trois étapes de l’hémostase. |
Physiologie de l’hémostase primaire
L’hémostase primaire fait intervenir trois acteurs principaux : les vaisseaux – et en particulier l’endothélium vasculaire –, les plaquettes et le facteur von Willebrand (VWF) ou facteur Willebrand. Le fibrinogène, à l’état de traces, est également nécessaire à l’hémostase primaire.
Temps vasculaire
L’endothélium intact est non thrombogène. En cas de brèche vasculaire, une vasoconstriction réflexe immédiate mais transitoire des petits vaisseaux lésés favorise l’interaction plaquettes-endothélium vasculaire. Les plaquettes
renforcent cette vasoconstriction grâce à l’apport d’adrénaline, de noradrénaline et de sérotonine au niveau de la lésion. Une fois activées, elles sont en outre capables de synthétiser localement du thromboxane A2 (TxA2) doué de propriétés proagrégantes et vasoconstrictrices. Les cellules endothéliales sécrètent en revanche de la prostacycline (PGI2) et du monoxyde d’azote (NO) dont l’action, opposée à celle du TxA2, assure l’équilibre nécessaire au bon déroulement des premières étapes de l’hémostase. Le dysfonctionnement endothélial occupe désormais une place importante en pathologie vasculaire.
Temps plaquettaire
Le bon déroulement de cette étape requiert l’intégralité des différentes fonctions plaquettaires (fig. 1.2).
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Fig. 1.2 Étapes du temps plaquettaire. |
Après la blessure vasculaire, les plaquettes viennent adhérer aux surfaces sous-endothéliales avant de sécréter leur contenu granulaire et d’agréger. L’adhésion est facilitée par la fixation du VWF plasmatique à la glycoprotéine Ib présente sur la membrane plaquettaire.
L’agrégation des plaquettes fait intervenir l’interaction entre le fibrinogène et le complexe glycoprotéique IIb/IIIa à la surface plaquettaire (α2β3 intégrine). Simultanément, les plaquettes amplifient la génération de thrombine, en exposant des phospholipides anioniques membranaires, supports indispensables à l’activation des différents facteurs plasmatiques de la coagulation (tableau 1.I). Les premières traces de thrombine transforment le fibrinogène soluble en fibrine insoluble contribuant à la formation des agrégats plaquettaires irréversibles.
SRH = système réticulo-histiocytaire. | ||||||
*Valeur insuffisamment documentée. | ||||||
Facteur | Synonyme | Lieu de synthèse | Concentration (mg/l) | Demi-vie (heure) | Taux minimum nécessaire à l’hémostase | Vitamine K dépendant |
---|---|---|---|---|---|---|
I | Fibrinogène | Foie | 2-4 x103 | 120 | 0,5 à 1 g/l | non |
II | Prothrombine | Foie | 100-150 | 80 | 40 % | oui |
V | Proaccélérine | Foie | 5-10 | 24 | 10 à 15 % | non |
VII | Proconvertine | Foie | 0,35-0,6 | 6 | 5 à 10 % | oui |
VIII | F antihémophilique A | Foie + SRH | 0,1-0,2 | 12 | 30 à 50 % | non |
IX | F antihémophilique B | Foie | 3-5 | 24 | 30 à 50 % | oui |
X | Facteur Stuart | Foie | 7-17 | 48 | 10 à 20 % | oui |
XI | Facteur Rosenthal | Foie | 3-6 | 60 | environ 30 %* | non |
XII | Facteur Hageman | Foie | 30-40 | 60 | – | non |
XIII | Facteur de stabilisation de la fibrine | Foie | 20-30 | 240 | 2 à 3 % | non |
La place occupée par le VWF au sein des plaquettes et dans le plasma est également importante.
Les tests d’agrégation sont utiles dans l’étude du fonctionnement plaquettaire et le diagnostic des thrombopathies. Ils permettent aussi d’évaluer la réponse à un traitement antiplaquettaire ou de faire le diagnostic biologique des thrombopénies induites par l’héparine (TIH).
Les trois temps – vasculaire, plaquettaire et plasmatique (coagulation) – sont indiqués dans le schéma proposé par Quick (fig 1.3).
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Fig. 1.3 Schéma de Quick : les trois temps de l’hémostase. |
Physiologie de la coagulation
La coagulation doit être appréhendée de manière dynamique. Après son initiation, elle s’amplifie. Mais elle doit rester localisée à la brèche vasculaire et ne pas être associée à une hypercoagulabilité circulante ou systémique. À cet effet, des mécanismes régulateurs importants sont mis en jeu.
Représentation classique
Le schéma classique de la coagulation repose sur le TQ et le TCA (voie extrinsèque ou du facteur tissulaire ou FT et voie intrinsèque ou du système contact). Il conserve une place essentielle en biologie dans le diagnostic des principales altérations de la coagulation (fig. 1.4).
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Fig. 1.4 Schéma classique de la coagulation. |
L’activateur extrinsèque du facteur X (extrinsic Xase ou ténase) et l’activateur intrinsèque du facteur X (FX, intrinsic Xase) activent le FX en FXa. Ils conduisent à la formation de prothrombinase. Cette dernière est à l’origine de la transformation de la prothrombine (FII) en thrombine (FIIa).
Tous ces phénomènes se produisent au contact des phospholipides à la surface membranaire des plaquettes, ou contenus dans les réactifs thromboplastine et céphaline utilisés pour la réalisation des temps de coagulation globaux, le TQ et le TCA.
Représentation moderne
Le FVII est le seul facteur de la coagulation présent à l’état de traces dans le plasma, sous sa forme activée; sa demi-vie à l’état activé est plus longue que celles des autres facteurs Va, VIIIa et FT. Cependant, le FVIIa isolément n’a pas d’activité enzymatique. Celle-ci ne se manifeste qu’après la liaison du FVIIa avec le FT et la formation du complexe FT-VIIa, qui est le détonateur de la coagulation. Il active un petit nombre de molécules de FX en FXa. Ce dernier initie rapidement l’activation d’un petit nombre de molécules de prothrombine avec génération des premières traces de thrombine indispensables à la continuation et à l’amplification du processus de la coagulation.
L’activation des plaquettes, du facteur V (FV) en FVa et du FVIII (appelé aussi facteur antihémophilique A) en FVIIIa est réalisée par ces premières traces de thrombine.
Le complexe FT-VIIa active :
– le FX en FXa;
– le FIX en FIXa (fig 1.5).
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Fig. 1.5 Schéma moderne simplifié de la coagulation en excluant les inhibiteurs (initiation, amplification, propagation). |
La première réaction est prioritaire, mais la seconde n’est pas à négliger. En effet, lorsque le FXa apparaît, il favorise lui-même la transformation du FIX en FIXa.
Le phénomène de la coagulation évolue par des étapes caractérisées par la formation des complexes enzymatiques.
La ténase intrinsèque (ou activateur de la voie intrinsèque) est formée en présence des phospholipides plaquettaires, du FVIIIa, du FIXa et de calcium. Le FIXa incorporé dans la ténase intrinsèque constitue l’activateur intrinsèque du FX. Ce dernier amplifie l’activation du FX en FXA. Cette réaction permet la poursuite de l’activation du FX. Elle explique le mécanisme des hémorragies :
– dans l’hémophilie A par déficit en FVIII;
– dans l’hémophilie B par déficit en FIX.
Puis, le FXa permet la formation d’une première quantité de prothrombinase constituée par le FXa, les phospholipides, le calcium et le FVa.
Schématiquement on décrit la coagulation selon les étapes suivantes :
– le complexe FT-FVIIa est responsable de l’initiation de la génération de thrombine;
– la ténase intrinsèque et la prothrombinase sont responsables de la propagation de la génération de thrombine.
L’apparition des premières traces de thrombine est nécessaire à l’activation du FV en FVA, du FVIII en FVIIIa et permet l’amplification du processus de coagulation. La thrombine induit aussi le processus de sa neutralisation via l’activation de la protéine C (PC).
Au total, la coagulation normale est caractérisée par une phase d’initiation où l’intervention du FT à la surface des plaquettes est essentielle. Lui succède une phase d’amplification, impliquant une activation des plaquettes et des facteurs plasmatiques (FV, FVIII, FIX, FXI…) afin de permettre la génération de la prothrombinase.
Ensuite, la phase de propagation entraîne la génération de grandes quantités de thrombine à la surface des plaquettes. La génération de thrombine n’est plus un phénomène plasmatique puisque non seulement les plaquettes mais aussi les leucocytes (notamment les monocytes) peuvent jouer un rôle important.
Ainsi, la voie extrinsèque démarre in vivo la génération de la thrombine tandis que la voie intrinsèque assure la persistance de la génération de thrombine pendant le temps nécessaire et suffisant pour assurer l’hémostase physiologique.
La reprise retardée du saignement dans l’hémophilie illustre bien le rôle de la voie intrinsèque de la coagulation.
Inhibiteurs physiologiques de la coagulation (tableau 1.II)
Les principaux inhibiteurs de la coagulation sont le TFPI, l’antithrombine, le système de la PC (protéines C et S), la protéine Z et à un moindre degré l’α2-AP. La génération initiale de thrombine (ou étape d’initiation) est régulée par l’inhibiteur de la voie du FT, le TFPI (tissue factor pathway inhibitor), un inhibiteur plasmatique synthétisé par la cellule endothéliale. Le TFPI inhibe l’activité catalytique du complexe FT-VIIa en deux étapes (voirfig. 1.5, cidessus) :
– dans un premier temps, le TFPI se fixe au FXa;
– puis le complexe TFPI-Xa s’associe au complexe FT-VIIa pour former le complexe quaternaire inactif FXa-TFPI-FT-FVIIa (justifiant la nécessité de la présence du Xa pour initier l’inhibition par le TFPI).
*Localisée dans les cellules endothéliales | ||||
Facteur | PM (Da) | Concentrations (μg/ml) | Concentrations plasmatiques (μM) | Vitamine K-dépendant |
---|---|---|---|---|
AT | 58 000 | 140 | 2,4 | non |
PC | 62 000 | 4 | 0,064 | oui |
PS | 69 000 | 10 (libre) | 1,144 | oui |
PZ | 72 000 | 2,6 | 0,04 | oui |
α2-antiplasmine | 63 000 | 66 | 0,95 | non |
α2-macroglobuline | 725 000 | 2,100 | 2,89 | non |
TFPI* | 34 000 | 0,073 | 0,002 | non |
Le TFPI circule sous deux formes :
– une forme liée (80 % du TFPI circulant) aux lipoprotéines (lipoprotéines de haute densité : HDL, lipoprotéine A, lipoprotéine de faible densité LDL);
– une forme libre étant responsable de l’activité anticoagulante.
In vivo, l’héparine (héparine non fractionnée [HNF] et héparine de bas poids moléculaire [HBPM]) déplace le TFPI fixé aux glycosaminoglycanes de la paroi vasculaire, avec pour conséquence une augmentation de son activité inhibitrice.
Dans le même temps, la thrombine en présence de thrombomoduline (TM) permet l’activation de la PC en PC activée (PCa), capable d’inhiber en présence de protéine S les facteurs Va et VIIIa (fig. 1.5). De plus, dans l’inactivation du FVIIIa, le FV joue un rôle de cofacteur. Cette fonction sera déficiente en cas de mutation du FV (FV Leiden). Cette boucle de rétroactivation négative démontre la complexité du phénomène et son caractère dynamique, en parfait équilibre en cas d’hémostase normale. La thrombine coagulante, génère elle-même un anticoagulant : la PCa. Protéine de membrane endothéliale, la TM est un protéoglycane récepteur de la thrombine faisant partie intégrante de la membrane des cellules endothéliales.
La protéine Z (PZ) circule dans le sang sous la forme d’un complexe avec un inhibiteur PZ-dépendant (PZI, pour protein Z inhibitor). Cet inhibiteur est une sérine protéase dont la concentration plasmatique est de 38 μg/ml (53 nM/ml). La PZ sert de catalyseur à la neutralisation du facteur Xa par PZI, en présence de phospholipides. Le PZI inhibe le FXIa sans le concours de la PZ.
Physiologie de la fibrinolyse
La fibrinolyse intervient de façon physiologique pour éviter le dépôt excessif de fibrine et sans doute pour assurer la reperméabilisation d’un vaisseau, après formation d’un thrombus. Dans le plasma normal circule une glycoprotéine, le plasminogène qui va être activé en plasmine grâce à l’action d’activateurs plasmatiques ou tissulaires. La plasmine, enzyme protéolytique, agit ainsi sur la fibrine, mais aussi sur le fibrinogène et les facteurs V et VIII de la coagulation, pour lyser le caillot et former des produits de dégradation de la fibrine (D-dimères [D-Di]) et du fibrinogène. La libération d’inhibiteurs de la fibrinolyse empêche la dissémination du phénomène, au-delà du thrombus ou du dépôt de fibrine.
Les auteurs modernes appellent le système fibrinolytique le système du plasminogène en raison de son intervention dans d’autres réactions telles que l’activation des métalloprotéases au niveau de la matrice tissulaire.
Le plasminogène est une glycoprotéine constituée par une chaîne unique de 790 acides aminés, synthétisée dans le foie. L’hydrolyse de la liaison arginine 560-valine 561 le transforme en plasmine. Celle-ci est une sérine protéase douée de propriétés protéolytiques vis-à-vis de nombreux substrats : fibrinogène, fibrine… Son PM, de 88 000 Da, est le même que celui du plasminogène. La plasmine comprend deux chaînes d’acides aminés.
Il existe trois voies distinctes entraînant l’activation du plasminogène en plasmine :
– une voie vasculaire faisant intervenir l’activateur tissulaire du plasminogène (t-PA);
– une voie plasmatique à deux branches :
– l’une dépendant de la phase contact dont la réalité et la pertinence clinique sont discutées,
– l’autre, beaucoup plus importante, de l’activation de la pro-urokinase (ProUK) en urokinase (UK) (fig. 1.6).
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Fig. 1.6 Voies d’activation du plasminogène en plasmine. sct-PA = single chain t-PA α2AP = alpha 2-antiplasmine tct-PA = two chain t-PA α2M = alpha 2-macroglobuline |
Plusieurs activateurs du plasminogène peuvent intervenir :
– le t-PA est une sérine protéase composée d’une seule chaîne de 527 acides aminés. Il est actif sous cette forme. Une seconde forme active apparaît après l’hydrolyse d’une liaison disulfure S-S entraînant la formation d’une molécule de t-PA à deux chaînes, également active. Le t-PA a une activité faible en l’absence de fibrine qui augmente son affinité pour le plasminogène. Il est aussi beaucoup plus actif à la surface de la fibrine (fibrinospécificité) qu’en milieu plasmatique. Il en résulte une moindre diminution du fibrinogène circulant après son administration thérapeutique.
La streptokinase et la staphylokinase sont deux agents fibrinolytiques non physiologiques utilisés en thérapeutique.
Les inhibiteurs de la fibrinolyse comprennent :
– l’α2-antiplasmine, un très puissant inhibiteur de la plasmine;
– un inhibiteur principal de l’activation du plasminogène (PAI-1);
– l’anti-C1 estérase qui appartient à la voie du complément et inhibe la voie contact;
– l’histidine rich glycoprotein (HRGP) inhibe également l’activation du plasminogène selon un mécanisme comparable à celui de l’agent antifibrinolytique thérapeutique, l’acide aminocaproïque. Elle inhibe la fixation du plasminogène sur la fibrine;
La découverte du TAFI rend compte de l’existence d’un véritable lien moléculaire entre les processus de la coagulation et ceux de la fibrinolyse. Ainsi, la formation de thrombine favorise l’activation du TAFI et entraîne une inhibition de la fibrinolyse. La réduction de la concentration de la thrombine au niveau d’un thrombus le rend plus vulnérable à la fibrinolyse.
Le t-PA active essentiellement la fibrinolyse systémique tandis que l’UK est considérée comme le principal activateur de la fibrinolyse cellulaire. En effet, à côté de la fibrinolyse physiologique, il faut faire une place importante à une fibrinolyse cellulaire, au sein même des cellules. Ainsi, au cours de la leucémie promyélocytaire survient un syndrome de défibrination avec hémorragies.
BIBLIOGRAPHIE
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Elalamy, I.; Samama, M.M., Physiologie de l’hémostase. Encycl Med Chir Angéiologie. (2001) Elsevier, Paris .
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Approche Clinicobiologique du Patient Suspect de Maladie Hémorragique
François Depasse, Ismail Elalamy, Gregoris Gerotziafas, Meyer-Michel Samama and Patrick Van Dreden
Circonstances du diagnostic
Diverses étapes sont essentielles dans cette approche clinicobiologique :
– évaluation de l’importance du saignement et du caractère d’urgence;
– interrogatoire du patient sur ses antécédents personnels et familiaux;
– recherche de la relation de cause à effet entre l’accident hémorragique et le contexte thérapeutique;
– association éventuelle de l’affection actuelle à des problèmes d’hémostase et/ou à un risque hémorragique accru;
– confrontation de l’examen clinique et des résultats des examens biologiques antérieurs;
– en cas d’alimentation parentérale, une carence en vitamine K est possible;
– recherche de stigmates biologiques et/ou cliniques de la coagulation intravasculaire disséminée (CIVD), ou d’une complication iatrogène : héparine, antivitamine K (AVK), thrombolytiques, transfusions massives, perfusions de solutés de remplissage (amidon).
De même, cinq caractères essentiels associés ou non doivent être recherchés :
– le mode d’apparition : saignements spontanés ou déclenchés par un traumatisme minime (choc léger, injection intramusculaire);
– la localisation : la répétition des saignements dans le même territoire évoque plutôt une lésion locale, tandis que leur apparition dans des territoires différents oriente vers une diathèse hémorragique constitutionnelle ou acquise;
– l’aspect clinique :
– les saignements cutanéomuqueux à type de purpuras, pétéchies, ecchymoses ou épistaxis traduisent souvent une anomalie de l’hémostase primaire,
– les télangiectasies évoquent la maladie de Rendu-Osler;
– le caractère récidivant;
– l’existence d’antécédents familiaux.
Interrogatoire, examen et renseignements cliniques
L’examen clinique permet aussi la mise en évidence de signes cliniques éventuels (directs ou indirects) de la pathologie hémorragique. Le cas échéant, il permet de découvrir une pathologie sous-jacente, en relation possible avec le syndrome hémorragique. L’examen clinique contribue à la distinction entre un simple saignement épisodique et une authentique altération de l’hémostase. Les saignements peuvent revêtir des formes diverses qu’il convient de définir. Il peut s’agir de gingivorragies provoquées ou spontanées, d’épistaxis, de ménorragies, d’hématuries, de rectorragies, ou de melæna. Les hématomes peuvent atteindre n’importe quel territoire du corps. Ils peuvent être souscutanés, musculaires, parfois compressifs avec risque de perte d’une fonction, ou même cérébraux avec mise en jeu du pronostic vital. Enfin, les hémarthroses sont des saignements survenant à l’intérieur des articulations, spontanément, suite à un effort prolongé ou à un traumatisme. Ils peuvent entraîner une arthropathie menaçant l’articulation. Les hémarthroses non traumatiques évoquent en première analyse une hémophilie majeure.
Au cours de l’interrogatoire, il faut également rechercher une prise médicamenteuse et établir la liste exhaustive des traitements pris dans les 10 derniers jours (anticoagulants, antibiotiques, anti-inflammatoires non stéroïdiens et autres antiagrégants plaquettaires).
L’examen clinique doit toujours précéder l’exploration biologique. Il doit rechercher des pétéchies, un purpura, des télangiectasies (lobe de l’oreille, langue, extrémités des doigts). Les conjonctives, les muqueuses orales (gencives, langue) doivent également être examinées après retrait de toute prothèse dentaire amovible. L’existence de bulles hémorragiques, d’hématomes, de déformations articulaires est importante à noter. L’examen hématologique classique comprend aussi la palpation des aires ganglionnaires, du foie et de la rate. Le plus souvent, l’interrogatoire et l’examen clinique bien conduits suffisent chez l’adulte à affirmer ou non l’existence d’une maladie hémorragique dans 90 % des cas.
Des pétéchies et des ecchymoses d’apparition spontanée orientent vers une anomalie de l’hémostase primaire de type vasculaire tandis que des hémorragies spontanées à type également de pétéchies et ecchymoses mais aussi d’hémorragies cutanéomuqueuses, de gingivorragies, d’épistaxis, d’hématurie et de ménorragies peuvent orienter vers une anomalie de l’hémostase primaire touchant les plaquettes. Les hémorragies observées dans l’hémophilie ou les atteintes du complexe prothrombinique sont le plus souvent provoquées. Il s’agit d’hématomes, d’hémarthroses et d’hématuries dans l’hémophilie et d’hématomes, d’hématuries et d’hémorragies digestives ou cérébrales dans les atteintes des facteurs du complexe prothrombinique. Les hémorragies peuvent être spontanées ou provoquées, à type d’ecchymoses volontiers en cartes de géographie, d’hématurie ou d’hémorragies aux points de piqûre dans le syndrome de défibrination ou d’hyperfibrinolyse. La réalisation d’un myélogramme en complément de l’hémogramme peut s’avérer nécessaire en cas de suspicion d’hémopathie maligne. La ponction sternale nécessite des précautions particulières en cas de maladie hémorragique sévère (hémophilie, syndromes de défibrination graves).

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