Moyens Thérapeutiques




Desmopressine



Structure et mécanismes d’action


La desmopressine (1-désamino-8-D-arginine vasopressine [dDAVP]) diffère de l’hormone naturelle par deux changements structuraux. Ces modifications lui confèrent une plus grande efficacité, une plus longue durée d’action et une diminution de l’effet vasopresseur. Ainsi la dDAVP est pratiquement dénuée d’effet vasoconstricteur. La première et principale utilisation de la dDAVP était à visée antidiurétique jusqu’à ce que l’on mette en évidence ses propriétés hémostatiques. La dDAVP entraîne une augmentation rapide et importante (taux de base multiplié par 3 à 5 fois) des taux de FVIII, du VWF et de l’activateur tissulaire du plasminogène (t-PA) libérés à partir des cellules endothéliales. Parallèlement sont observées une réduction du temps de saignement (TS) ainsi qu’une augmentation de l’adhésion et de l’agrégation plaquettaire. L’augmentation des taux plasmatiques de FVIII et VWF, de t-PA est quasiment immédiate.


Analogues à ceux observés après perfusion de concentrés, ces effets permettent l’utilisation de la dDAVP dans le traitement des hémophiles A non sévères et des patients porteurs d’un déficit en VWF. La dDAVP est également utilisée pour le traitement d’autres désordres constitutionnels ou acquis de l’hémostase (tableau 4.I), situations dans lesquelles son efficacité est expliquée par des taux supérieurs à la normale de FVIII et VWF, ainsi que par l’apparition des multimères de plus haut poids moléculaire de VWF plus efficaces dans l’adhésion des plaquettes au sous-endothélium.































Tableau 4.I Indications de la dDAVP dans la prévention et le traitement des complications hémorragiques
Définition des niveaux de recommandation : efficacité et sécurité de la dDAVP montrées par des essais thérapeutiques contrôlés (A), des études cliniques sans essais cliniques contrôlés (B), des observations isolées (C).
Situation clinique Études Niveau de recommandation
Hémophilie A modérée,
Maladie de Willebrand de type 1
Mannucciet al.
Kobrinskiet al.
De la Fuenteet al.
B
Thrombopathies constitutionnelles Raoet al.
Di Michèle
C
Thrombopathies médicamenteuses (aspirine, ticlopidine) Kobrinskiet al.
Mannucciet al.
C
Insuffisance rénale Mannucciet al. C
Cirrhose Mannucciet al.
Burroughset al.
C


Utilisation clinique



Hémophilie A mineure


Le taux de FVIII minimum nécessaire à l’hémostase est voisin de 30 %. La dDAVP est le traitement de choix des accidents hémorragiques et des situations chirurgicales chez les patients porteurs d’une hémophilie A atténuée et modérée (taux de FVIII > 5 %), chez les conductrices d’hémophilie A. Son administration intranasale permet son utilisation dans le traitement à domicile. Chez les patients atteints d’hémophilie A modérée (taux > 5 %), les taux de base augmentent de 2 à 6 fois après administration de dDAVP, mais pas chez les patients atteints d’hémophilie A sévère. En général, des taux de base de 10 à 15 % sont nécessaires pour que les taux obtenus après dDAVP soient suffisants pour corriger ou prévenir le saignement. Il existe une grande variabilité interindividuelle de réponse, en revanche une grande constance pour un individu donné. Chez les patients dont le taux est compris entre 6 et 10 %, une réponse peut être obtenue mais cette efficacité peut être insuffisante et doit être surveillée. Une étude de la réponse doit être réalisée chez chaque patient lors du diagnostic ou au moins une semaine avant une chirurgie, afin de déterminer si la correction de l’hémostase est suffisante. Elle doit figurer sur un document remis au patient.


Maladie de Willebrand


La dDAVP est indiquée dans la maladie de Willebrand en dehors des formes sévères et de la maladie de Willebrand de type IIB. Elle est efficace dans le traitement des épisodes hémorragiques ou pour leur prévention lors de certains actes chirurgicaux chez environ 70 à 80 % des patients porteurs d’une maladie de type 1. Elle est complètement inefficace dans les types 3 (formes sévères) et d’efficacité variable dans les types 2. Elle est classiquement contreindiquée dans les types 2B car elle risque d’aggraver la thrombopénie. La réponse doit être étudiée et figurer sur le certificat attestant la maladie de Willebrand remis au patient. La dDAVP peut être également utilisée dans certaines formes de déficits acquis en VWF, mais la correction a une durée de vie plus courte.


Thrombopathies


Les manifestations hémorragiques peuvent être également améliorées par la dDAVP dans de nombreuses thrombopathies héréditaires, à l’exception de la thrombasthénie de Glanzmann. La dDAVP a montré une certaine efficacité dans la correction des thrombopathies acquises des syndromes myéloprolifératifs et des thrombopathies médicamenteuses (aspirine, anti-inflammatoires, antiagrégant plaquettaire, ticlopidine, clopidogrel par exemple). Un effet favorable a également été trouvé dans les allongements du TS d’origine inconnue.


Désordres hémorragiques acquis


La dDAVP peut raccourcir le TS chez des patients atteints d’insuffisance rénale pendant 4 à 6h après la perfusion, ce qui permet son utilisation pour la réalisation de gestes invasifs, de biopsies et de chirurgie. Dans cette situation, les œstrogènes conjugués sont une alternative à la dDAVP. Un raccourcissement de courte durée du TS a également été observé chez les patients atteints de cirrhose.


Réduction des pertes sanguines chirurgicales


Plusieurs études cas contrôles ont montré que la dDAVP ne diminuait que de façon modérée (9 %) sans importance clinique majeure, le saignement en chirurgie cardiaque, chirurgie orthopédique de prothèse totale. Toutefois, la dDAVP reste une possibilité thérapeutique en cas d’hémorragie sévère postopératoire.


Posologies et modes d’administration


La dDAVP peut être administrée par voie intraveineuse (Minirin 4μg/1ml) ou par voie intranasale (Octim spray).


La posologie intranasale est de 150μg en dessous de 50kg de poids corporel et 300μg au dessus (1 pulvérisation dans chaque narine). Une efficacité similaire a été obtenue aussi bien par voie nasale que par IV chez des patients atteints d’hémophilie A ou de maladie de Willebrand. La prescription d’Octim est hospitalière, annuelle, sous la responsabilité d’un médecin ayant l’expérience du traitement de l’hémophilie et de la maladie de Willebrand.

La prescription d’antifibrinolytiques est associée à la perfusion de dDAVP dans les saignements buccaux ou lors des extractions dentaires chez les patients présentant une tendance hémorragique pour prévenir la fibrinolyse excessive liée à la perfusion de dDAVP d’une part (libération du t-PA) et liée à la fibrinolyse locale (salive).


Effets secondaires et complications


Des céphalées transitoires, un flush de la face et une tachycardie réactionnelle sont fréquemment observés. Une hyponatrémie et une rétention hydrique peuvent survenir lors des administrations répétées en raison des propriétés antidiurétiques de la dDAVP. La surveillance du poids, de la natrémie et la restriction hydrique sont conseillées lors des administrations répétées. Les essais cliniques en chirurgie cardiaque n’ont pas montré d’augmentation des complications thromboemboliques chez les patients recevant la dDAVP. Une réduction de la posologie et de la vitesse d’administration est toutefois conseillée chez les patients âgés ou présentant des troubles cardiovasculaires (insuffisance coronarienne, hypertension artérielle).


Médicaments antifibrinolytiques



Mécanismes d’action


Les antifibrinolytiques peuvent agir à deux niveaux de la fibrinolyse :


– en se fixant sur le plasminogène dont ils inhibent en partie l’activation, inhibant ainsi la formation de plasmine (acide tranexamique : Exacyl, Spotof);


– ou en inhibant directement la plasmine : l’aprotinine (Trasylol) est un polypeptide d’origine bovine. Il inhibe spécifiquement les sérines protéases. C’est ainsi un inhibiteur direct de la plasmine, de la trypsine, de l’élastase et de la kallicréine tissulaire et plasmatique.



Utilisation clinique


Les antifibrinolytiques sont utilisés dans la prévention et le traitement des accidents hémorragiques entretenus par une fibrinolyse locale (utilisation préférentielle de l’acide tranexamique par voie orale) ou le traitement d’une fibrinolyse systémique (administration intraveineuse d’acide tranexamique dans les fibrinolyses sévères).


Prévention et traitement de la fibrinolyse locale


L’acide tranexamique est utilisé par voie locale (bains de bouche, rinçage de cavités) ou générale dans les situations au cours desquelles une fibrinolyse locale excessive cause ou entretient le saignement, plus particulièrement chez les patients présentant une hémostase défectueuse (hémophile A, déficit en VWF).


Traitement des ménorragies


Les règles abondantes sont la cause la plus fréquente d’anémie par carence en fer chez la femme. L’acide tranexamique réduit le volume des règles de 40 à 50 %, par inhibition de la fibrinolyse locale au niveau de l’endomètre riche en activateur du plasminogène. L’acide tranexamique ne sera utilisé qu’après élimination d’une cause locale et en cas de contre-indication aux œstroprogestatifs qui sont plus efficaces dans le traitement des ménorragies. L’administration d’acide tranexamique sera limitée à la durée des règles.



Hématuries d’origine basse


Ce sont les hématuries des adénomes prostatiques, des néoplasies malignes prostatiques et vésicales, des lithiases et plus généralement des affections urinaires hémorragiques au décours des interventions chirurgicales prostatiques et du tractus urinaire. L’administration se fera par voie IV puis par voie orale jusqu’à cessation des hématuries. Ces traitements sont contre-indiqués dans les hématuries d’origine haute en raison du risque de colique néphrétique par accumulation de caillots.


Hémorragies après extraction dentaire et chirurgie de la sphère ORL


L’acide tranexamique est administré par voie orale et bains de bouche pendant 4 à 7 jours après l’extraction ou l’intervention chirurgicale (adénoïdectomie amygdalectomie) chez les patients présentant un déficit constitutionnel ou acquis de l’hémostase.


Traitement d’une fibrinolyse systémique


Les antifibrinolytiques peuvent être utilisées lors des situations de fibrinolyse systémique, source de complications hémorragiques sévères et plus particulièrement dans les situations suivantes :


– accidents hémorragiques des traitements thrombolytiques. Rappelons toutefois que les thrombolytiques, t-PA recombinant (rt-PA), urokinase, TNK ont une demi-vie courte de 5 à 30min, l’activité fibrinolytique disparaissant très vite après leur arrêt. Les hémorragies sont plus souvent dues à la diminution du fibrinogène et des autres facteurs de coagulation qu’à une activité fibrinolytique excessive. La correction de ces déficits est un adjuvant du traitement antifibrinolytique. La décision d’administration d’antifibrinolytiques et plus particulièrement d’aprotinine devra tenir compte de l’heure de la dernière administration de thrombolytiques;


– hémorragies sévères associées à une fibrinolyse excessive : une fibrinolyse excessive peut compliquer les coagulopathies de consommation au cours des défibrinations obstétricales (embolie amniotique, hématome rétroplacentaire par exemple), chirurgicales (chirurgie des vaisseaux, de l’utérus par exemple), des cancers (cancer de la prostate), des leucémies (leucémies à promyélocytes). L’administration d’antifibrinolytiques peut être discutée lors des manifestations hémorragiques sévères persistantes et fibrinolyse grave;



– en chirurgie cardiaque, chez des patients sous antiplaquettaires, l’utilisation en prophylaxie de l’acide tranexamique diminue le saignement postopératoire et réduit le nombre de transfusions d’environ 25 %. L’aprotinine n’est plus disponible depuis le 1er juillet 2008. Cette décision fait suite à la publication des données définitives de l’étude BART1 menée au Canada. Cette étude institutionnelle, multicentrique, en aveugle, randomisée, menée chez des patients subissant une chirurgie cardiaque à haut risque hémorragique nécessitant une circulation extracorporelle, était destinée à comparer l’efficacité et la sécurité de l’aprotinine, de l’acide aminocaproïque et de l’acide tranexamique chez 2 331 patients. Les patients devaient subir soit une chirurgie cardiaque (reprise), soit un remplacement de la valve mitrale, soit une chirurgie sur valve multiple, soit une chirurgie de l’aorte, soit une chirurgie combinée valve/pontage. Ces résultats confirment les données préliminaires transmises par le comité indépendant de surveillance de l’étude en octobre 2007 : une diminution modeste des hémorragies massives dans le bras Trasylol vs acide tranexamique ou acide aminocaproïque (9,5 % vs 12,1 % dans chacun des deux derniers bras), mais aussi une augmentation significative de la mortalité toutes causes confondues à 30 jours, 6 % dans le bras Trasylol vs 3,9 % dans le bras acide tranexamique (risque relatif [RR] 1,55; IC 95 %, 0,99 à 2,42) et 4 % dans le bras acide aminocaproïque (RR 1,52; IC 95 %, 0,98 à 2,36). Le risque relatif est significatif lors du regroupement des deux bras analogues de la lysine (RR 1,53; IC 95 %, 1,06 à 2,22).


– amylose systémique avec fibrinolyse primitive : les complications hémorragiques sont des causes fréquentes de mortalité dans l’amylose systémique, liée le plus souvent à un déficit en FX. Une fibrinolyse systémique détectée par une diminution du fibrinogène est plus rarement retrouvée. Le mécanisme de cette hyperfibrinolyse est lié à un déficit en α2-AP, absorbée sur la substance amyloïde L’administration d’acide tranexamique améliore l’hémostase et réduit les manifestations hémorragiques.


Effets secondaires


Des nausées, vomissements, diarrhées, vertiges, lipothymies, convulsions éruptions cutanées allergiques ont rarement été observées lors de l’administration d’acide tranexamique. Une réduction des doses est recommandée chez les insuffisants rénaux.

L’inhibition de la fibrinolyse, mécanisme de défense contre la formation des thrombi, peut favoriser les complications thromboemboliques, plus particulièrement dans les situations chirurgicales. Des observations isolées ont été rapportées, mais il n’a pas été montré d’augmentation significative des complications thromboemboliques dans les essais en chirurgie cardiaque et orthopédique.


Vitamine K1




Posologie et mode d’administration de la vitamine K1


La vitamine K1 est disponible sous deux formes :


– solution buvable et injectable à 2mg/0,2ml;


– solution buvable et injectable à 10mg/ml.

La posologie et le rythme d’administration de la vitamine K dépendent de l’âge, des indications, de la voie d’administration et des résultats des tests de coagulation.


Maladie hémorragique du nouveau-né


Pour les nouveau-nés sans risque particulier : 2mg per os à la naissance ou tout de suite après, puis une deuxième dose de 2mg per os administrée entre le 2e et le 7e jour.

En cas d’allaitement maternel exclusif ou «quasi exclusif» (la teneur en vitamine K du lait maternel étant insuffisante par rapport aux apports recommandés) : en complément des recommandations précédemment citées pour les nouveau-nés sans risque particulier, 2mg per os par semaine, jusqu’à la fin de la période d’allaitement exclusif.

Pour les nouveau-nés à risque hémorragique majoré ou présentant une situation où l’absorption de la vitamine K1 peut être insuffisante, ou son métabolisme accéléré : 0,5 à 1mg par voie IM ou IV lente à la naissance ou tout de suite après.

Traitement de la maladie hémorragique du nouveau-né : dose initiale de 1mg par voie IM ou IV lente. Les doses ultérieures sont fonction des paramètres de la coagulation.


Prévention et traitement des hémorragies par avitaminose K


Solution buvable et injectable à 10mg/ml.


Jun 5, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on Moyens Thérapeutiques

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