Maladie Thromboembolique Veineuse




Facteurs de risque thromboembolique


La classification et l’impact relatif de chaque facteur de risque sont à considérer. D’après l’expérience accumulée au cours de plusieurs années d’étude, les facteurs de risque thromboembolique sont classés en utilisant différents critères comme le confirme bien le travail le plus récent sur le sujet (voirchapitre 5).

Il convient de distinguer :


– les facteurs intrinsèques (ou prédisposant au risque) sont liés aux caractéristiques individuelles et/ou aux particularités cliniques du patient, qu’ils soient transitoires ou permanents. Les facteurs de risque intrinsèques, sont également classés en facteurs de risque héréditaires, acquis ou mixtes;


– les facteurs extrinsèques (ou exposant au risque), également appelés facteurs déclenchants, peuvent être un acte chirurgical, un traumatisme, une administration de certains traitements ou encore une pathologie sous-jacente comme le cancer. De plus, dans cette catégorie de facteurs de risque thromboembolique figurent des conditions particulières comme la grossesse, le voyage prolongé, l’immobilisation (alitement avec ou sans autonomie et avec ou sans marche de plus de 10m).


Facteurs extrinsèques ou exposant au risque



Les facteurs extrinsèques comprennent :


– des activités ou des conditions spontanées, comme un voyage prolongé, un traumatisme (mineur ou majeur) et des conditions particulières envisagées plus loin;


– dans le milieu médical, des conditions pathologiques aiguës comme l’infection, le cancer à un stade avancé ou évolutif, l’IDM, l’accident vasculaire cérébral (AVC), et l’immobilisation prolongée, l’insuffisance rénale;


– des actes iatrogènes et essentiellement la chirurgie ainsi que le cathétérisme, l’anesthésie, l’exploration endovasculaire, voire la phlébographie et la plasmaphérèse.

La chirurgie est un facteur de risque d’exposition important. Le pourcentage d’accidents de thromboses veineuses profondes (TVP), le plus souvent asymptomatiques, en l’absence de traitement prophylactique est bien démontré dans les essais des médicaments antithrombotiques. Pour la chirurgie orthopédique, la grande fréquence des accidents thromboemboliques a bien été confirmée dans les groupes placebo, lorsque la phlébographie a été utilisée comme critère de jugement. Des travaux récents suggèrent que la TVP asymptomatique en particulier proximale est un bon critère de substitution (surrogate end point) de la TVP symptomatique. La validité de la phlébographie a récemment été démontrée en chirurgie orthopédique :


– en reprenant toutes les études comprenant une prolongation du traitement par héparine de bas poids moléculaire (HBPM) ou placebo;


– en comparant le nombre de TVP symptomatiques à celui des phlébographies positives. Une corrélation statistiquement significative a été mise en évidence pour les thromboses proximales.


Il faut faire une place particulière au risque en milieu médical, qui est souvent négligé, bien que jouant un rôle plus important que le risque chirurgical dans la survenue des embolies pulmonaires (EP) mortelles.

La iatrogénicité de certains médicaments doit être rappelée : un petit nombre de thérapeutiques majore le risque d’accident thrombotique comme la chimiothérapie, le tamoxifène, les corticostéroïdes, les médicaments antipsychotiques et, de connaissance plus récente, la thalidomide.


Classification des facteurs de risque


L’objectif est de parvenir à une évaluation précise des facteurs de risque de façon à aboutir à un score global pour un patient déterminé. La stratégie thérapeutique sera ensuite adaptée au risque global.

Des grandes études épidémiologiques ont démontré que presque chaque facteur de risque a un impact différent sur la manifestation d’un accident thromboembolique qui a permis de les classer en :


– facteurs de risque élevé;


– facteurs de risque intermédiaire;


– facteurs de risque faible.

Chacun de ces facteurs augmente le risque indépendamment des autres. La présence de plusieurs facteurs de risque chez un même patient peut avoir un effet multiplicatif. Par exemple, la prévalence de la TVP et d’EP est significativement plus importante chez les patients ayant des facteurs de risque majeurs par rapport aux patients qui n’en ont pas.


Estimation du risque en milieu chirurgical


Les auteurs américains ont classé le risque thromboembolique postopératoire en trois groupes : faible, intermédiaire, élevé :


– le risque faible correspond à la chirurgie mineure chez les malades de moins de 40 ans, qui n’ont pas de facteur de risque additionnel, aux patients mobiles ou aux patients ambulatoires;


– le risque intermédiaire correspond à la plupart des opérations de chirurgie générale gynécologique, urologique ou aux patients alités. On distingue un groupe à risque modéré avec risque hémorragique important;


– le risque élevé correspond aux arthroplasties (hanche ou genou) aux rhumatismes majeurs, aux lésions de la moelle épinière. Ce 3e groupe comprend un sous-groupe à risque élevé de saignement;











































Tableau 6.I Niveau de risque thromboembolique en chirurgie générale sans prophylaxie et recommandations de stratégies prophylactiques
(d’après Geerts et al., consensus ACCP, 2008)
CMI = compression mécanique intermittente, EP : embolie pulmonaire, HNF : héparine non fractionnée
Niveau de risque TVP distale (%) TVP proximale (%) EP symptomatique (%) EP fatale (%) Stratégies de prévention
Risque faible 2 0,4 0,2 0,002 Mobilisation précoce active
Risque intermédiaire 10-20 2-4 1-2 0,1-0,4 HNF faible dose 2 fois/j HBPM ou CMI*
Risque élevé 20-40 4-8 2-4 0,4-1 HNF faible dose 3 fois/j, HBPM ou CMI*
Risque très élevé 40-80 10-20 4-10 0,2-5 HBPM, anticoagulants oraux, CMI* + HNF/HBPM

Les trois groupes de risque des recommandations ACCP 2008 sont décrits dans ce même tableau 6.I.

Néanmoins, il existe une difficulté dans la définition précise de chirurgie mineure ou majeure. Selon le consensus international, toutes les opérations non abdominales d’une durée < 45min sont définies comme chirurgie mineure, tandis que les opérations intra-abdominales et non abdominales d’une durée > 45min sont définies comme chirurgie majeure. Cette définition n’est pas unanimement acceptée.


Estimation du risque en milieu médical


Une classification des facteurs de risque permettant de calculer un score a été établie par la méthode Delphi. Il est en bon accord avec les recommandations récentes de la littérature et la classification des facteurs de risque thromboembolique établi anciennement par le groupe d’experts THRIFT (thromboembolic risk factors). Des enquêtes en milieu hospitalier ont montré que :


– ce protocole n’est pas bien suivi en pratique;


– un nombre important de malades ne reçoit pas la prophylaxie qui était indiquée tandis qu’un nombre, aussi important de patients, est traité sans une indication légitime.

Le groupe d’experts THRIFT réuni quelques années auparavant a proposé une classification concernant le risque rencontré en milieu médical, qui est également en bon accord avec les résultats des travaux précédents. Dans l’ensemble, ces études sont donc en bon accord. Elles sont très utiles pour déterminer la stratégie prophylactique en fonction du risque thromboembolique pour un patient donné hospitalisé en milieu non chirurgical. L’extension à des patients ayant les mêmes facteurs de risque mais traités à domicile a été acceptée en France par les autorités de santé. Elles proposent des indications pour le bon usage des HBPM.

L’association cancer et thrombose connaît un regain d’intérêt à la suite de travaux récents montrant la pertinence clinique de la thromboprophylaxie chez le patient cancéreux.


Prophylaxie des accidents thromboemboliques veineux (ATEV)


Les méthodes prophylactiques sont nombreuses. Elles peuvent être utilisées isolément ou être associées en fonction de l’importance du risque. En France, la prophylaxie par les HBPM est de très loin la méthode la plus fréquemment utilisée. Toutefois, les méthodes physiques, principalement celle des bas à compression graduée antithrombose, ont été trop souvent négligées.


L’intérêt de cette méthode mécanique dans le traitement de l’insuffisance veineuse chronique a été récemment suggéré.


Recommandations de thromboprophylaxie en chirurgie


Chaque centre ou chaque unité de thrombose doit mettre au point une stratégie bien définie pour la thromboprophylaxie adaptée à la stratification du risque thromboembolique pour chaque groupe des patients. Les auteurs américains distinguent actuellement trois niveaux de risque de même que les auteurs européens : risque faible, risque intermédiaire et risque élevé.

Il faut noter l’introduction du fondaparinux (Arixtra) au côté des différentes HBPM dans la prophylaxie pharmacologique. La prophylaxie mécanique (bas de contention et appareil de compression pneumatique intermittente) a sa place, et ne doit pas être négligée. Les méthodes mécaniques de thromboprophylaxie doivent être utilisées en première intention chez les patients à risque hémorragique élevé (niveau 1A). Elles sont, de plus, associées à la thromboprophylaxie pharmacologique chez certains patients. Les auteurs de la dernière conférence de l’ACCP ont laissé au prescripteur le choix d’un traitement reconnu, en conseillant de suivre les recommandations du laboratoire pharmaceutique pour la posologie. Ils reconnaissent que la classification ancienne fondée sur la fréquence des TVP et des EP en chirurgie, en dehors d’une prophylaxie, reste cohérente. Toutefois, ils estiment que les fréquences des accidents thromboemboliques seraient très vraisemblablement plus faibles si des essais thérapeutiques étaient réalisés aujourd’hui. L’utilisation de l’aspirine est en revanche déconseillée.









































Tableau 6.II Grades de recommandation (d’après le consensus de l’American College of Chest Physicians – ACCP)
Grade de recommandation Netteté du rapport risque/bénéfice Puissance méthodologique étayée par des preuves Implications
IA Évidente Essais randomisés sans limitations importantes Recommandation forte : peut être appliquée à la plupart des malades dans la majorité des circonstances sans restriction
IB Évidente Essais randomisés avec limitations importantes (résultats incohérents, défauts de la méthodologie) Recommandation forte : peut être appliquée probablement à la plupart des malades
IC Évidente Études observationnelles Recommandations de puissance intermédiaire : peut varier lorsque des preuves plus fortes sont disponibles
2A Non évidente Essais randomisés sans limitations importantes Recommandations de puissance intermédiaire : peut varier selon les circonstances ou les facteurs liés au patient ou à la société
2B Non évidente Essais randomisés avec limitations importantes (résultats incohérents, défauts de la méthodologie) Recommandation faible : stratégies alternatives probablement meilleures pour certains malades dans certaines situations
2C Non évidente Études observationnelles Recommandations très faibles : d’autres solutions alternatives peuvent également être raisonnables


– dans le risque intermédiaire, en chirurgie générale oncologique ou non, l’HNF, les HBPM et le fondaparinux sont recommandés (niveau 1A);


– dans le risque élevé :


• en chirurgie générale chez les patients ayant plusieurs facteurs de risque, l’association d’une méthode mécanique à une méthode pharmacologique paraît logique (niveau 1C);


• en chirurgie orthopédique majeure (prothèse de hanche et de genou) la recommandation est d’utiliser une HBPM ou le fondaparinux, ce dernier pouvant être préféré dans le cadre de la fracture du col ou du fémur. Les AVK sont également utilisés en Amérique du Nord.


Pour les différentes méthodes prophylactiques, le problème de la dose d’héparine a à peu près été résolu, même si le moment de la première injection reste discuté. En théorie, la première injection a lieu 2h avant l’acte opératoire en chirurgie générale et, pour les HBPM, la veille de l’intervention en chirurgie orthopédique dans la prothèse totale de hanche. Par ailleurs, les essais modernes ont utilisé souvent une première injection 6 à 8h après la fin de l’intervention. Cette attitude s’est révélée efficace dans le cas de fondaparinux en chirurgie orthopédique. Toutefois, l’extrapolation de cette observation à d’autres médicaments doit être discutée. Par ailleurs, les anesthésistes hésitent souvent à utiliser l’injection d’une HBPM avant de procéder à une anesthésie locorégionale axiale. Dans ces conditions, le travail de Hull insiste sur le fait que la première injection doit être faite au «bon moment». Pour les HBPM, il préconise le plus souvent que celle-ci ait lieu 6 à 8h après la fin de l’acte opératoire. Son opinion est confortée par une méta-analyse récente qui ne trouve pas d’avantage significatif à l’utilisation d’une première injection préopératoire.

Les antivitamines K (AVK), qui constituent un bon traitement pharmacologique préventif en chirurgie, sont très peu utilisés en France et leur utilisation en chirurgie orthopédique en Amérique du Nord perd du terrain au profit des HBPM. Après la première période de prophylaxie, il pourrait être légitime d’hésiter entre la poursuite d’une HBPM ou son relais par les AVK, mais, dans un travail comparant les deux stratégies thérapeutiques, les AVK ont entraîné davantage d’accidents hémorragiques.

Il reste de nombreux secteurs qui n’ont pas fait l’objet d’études suffisamment importantes pour pouvoir être l’objet de recommandations fortes.


Utilisation des méthodes prophylactiques en médecine




















Tableau 6.III Indications de thromboprophylaxie proposées en médecine en France chez les patients hospitalisés plus de 24h en milieu non chirurgical (d’après Fagot et al. et en accord avec les recommandations de Bergman et la classification de THRIFT)
ATEV : accident thromboembolique veineux
*Déficit en antithrombine (AT), protéines C et S (PC et PS), résistance à la protéine C activée (PCa) avec mutation du FV Leiden, mutation FII 20210A, anticoagulant circulant (ACC), antiphospholipides (APL)



A HBPM justifiées si présence d’au moins une situation à haut risque :


– post-IDM récent (< 5 jours);


– déficit moteur de(s) membre(s) inférieur(s) (< 7 jours);


– insuffisance cardiaque décompensée;


– cancer évolutif (notamment pelvien, abdominal ou métastatique);


– polyglobulie ou syndrome d’hyperviscosité sanguine;


– antécédent d’ATEV;


– hypercoagulabilité par anomalie de l’hémostase* connue (même sans antécédent thromboembolique veineux).


B HBPM justifiées si présence de :


– 2 situations à risque (colonne B1) ou une situation à risque (colonne B2);


– et deux facteurs aggravants (colonne B2).



B1 Situation à risque :


– syndrome néphrotique (albuminémie < 20g/l);


– pathologie inflammatoire intestinale (évolutive);


– pathologie infectieuse grave;


– insuffisance respiratoire grave (évolutive);


– hyperstimulation ovarienne.



B2 Facteurs aggravants :


– immobilisation (alitement total);


– déshydratation grave;


– obésité (BMI > 30);


– insuffisance veineuse, varices;


– âge > 60 ans;


– grossesse;


– post-partum (< 6 semaines);


– toute contraception orale œstroprogestative;


– œstrogénothérapie de la ménopause (voie orale);


– cathéter veineux central;


– voyage prolongé.
C.En l’absence de situation à risque (A, B1), les HBPM ne sont habituellement pas justifiées.

La durée de la thromboprophylaxie en milieu médical est de 6 à 10 jours. Toutefois, une étude récente, EXCLAIM (Hull), montre l’intérêt potentiel d’une prolongation de cette durée jusqu’à 35 jours, dans des groupes de patients bien définis. Les résultats de cette étude permettront de définir la durée optimale de la prophylaxie de la maladie veineuse thromboembolique en médecine. Cette étude a montré les bénéfices cliniques d’un traitement de 5 semaines par énoxaparine 40mg/j plutôt que 10 jours chez des patients à mobilité réduite souffrant d’une affection médicale aiguë.











Tableau 6.IV Facteurs de risque thrombotique veineux chez le brûlé
Fait clinique ou biologique Intérêt pronostique
Âge élevé (seul)
Âge élevé et brûlures étendues
Obèse
Infection de la brûlure
Retard de cicatrisation
Fibrinogène élevé
D-Di élevés
Non (possible à tout âge)
Oui (risque en parallèle)
Oui (discuté pour certains)
Oui (même membre)
Oui (même membre)
Oui (au-dessus de 5g/l)
Oui (intérêt à partir du 8ejour)


Cardiopathies et affections neurologiques


L’étude PRINCE a récemment montré l’intérêt de la prophylaxie par une HBPM (Lovenox 40mg 1 fois/j) comparativement à l’héparine sous-cutanée à 5 000 unités 3 fois/j, chez les malades ayant une cardiopathie avec une défaillance cardiaque, les incluant dans les groupes III ou IV de la classification de la New York Heart Association (NYHA).

En cas d’AVC hémorragique, une étude a montré que la compression veineuse pneumatique intermittente réduisait significativement la survenue de TVP asymptomatique.

Néanmoins, en dehors de l’infarctus, de l’AVC avec parésie ou paralysie d’un membre inférieur et de nombreux cas de malades hospitalisés en unité de soins intensifs, beaucoup de médecins n’ont encore pas introduit dans leur pratique la prophylaxie par les HBPM en milieu médical. Les recommandations proposées en France méritent d’être mieux connues et appliquées (tableau 6.V). D’autres études sont en cours pour essayer de déterminer si un tel traitement peut réduire la mortalité et l’incidence des accidents thromboemboliques symptomatiques.

































Tableau 6.V Recommandations d’utilisation des HBPM en prophylaxie en milieu chirurgical
(d’après Vidal, 2002)

Chirurgie générale risque modéré Chirurgie générale risque élevé Chirurgie orthopédique
Énoxa parine Lovenox 2 000 Ul aXa/j (20mg) pendant 10 jours, début 2h préopératoire 4 000 Ul aXa/j (40mg) pendant 10 jours, début 2h préopératoire 4 000 Ul aXa/j, (40mg) pendant 4–5 semaines début 12h préopératoire ou 2000 Ul aXa 2h préopératoire puis 4 000 Ul aXa/j
Nadroparine Fraxiparine 2 850 Ul aXa/j, pendant 10 jours, début 2h préopératoire 2 850 Ul aXa/j, pendant 10 jours, début 2h préopératoire 38 Ul aXa/kg soit 12h préopératoire ou dès la 12e heure postopératoire jusqu’au 3e jour, 57 Ul aXa/kg à partir du 4e j
Daltéparine Fragmine 2 500 Ul aXa/j, pendant 10 jours, début 2h préopératoire 5 000 Ul aXa/j, pendant 10 jours, début 2 500 Ul aXa 2h préopératoire et 2 500 Ul aXa après 12h 5 000 Ul aXa/j, pendant 10 j, début 2 500 Ul aXa 2h préopératoire et 2 500 Ul aXa à la 12e heure
Réviparine divarine 1 432 Ul aXa/j pendant 10 jours, début 2h préopératoire Augmentation de la dose en fonction du risque 3 436 Ul aXa/j pendant 10 j, début 12h préopératoire
Tinzaparine Innohep 2 500 Ul aXa/j pendant 10 jours, début 2h préopératoire 3 500 Ul aXa/j pendant 10 jours, début 2h préopératoire 75/kg Ul aXa/j début 12–24h postopératoire ou 4 500 Ul aXa/j, début 12h préopératoire



Conclusion


Une longue expérience quotidienne a établi la liste des facteurs de risque d’accidents thromboemboliques. Il n’existe toutefois pas un score simple permettant d’évaluer quantitativement le risque global pour chaque malade.

Les travaux ont permis de démontrer la grande efficacité, la très bonne tolérance et surtout la commodité d’emploi des HBPM. Toutefois, leur grand succès ne doit pas conduire à négliger les autres méthodes prophylactiques médicamenteuses et physiques. En particulier, la contention élastique graduée pourrait selon les cas remplacer les héparines en sous-cutané lorsque le risque thromboembolique est faible à modéré ou leur être associé lorsque le risque est élevé et surtout très élevé.

De nouvelles molécules pourraient améliorer encore cette prophylaxie. Ainsi, dans la chirurgie orthopédique de la hanche, les travaux conduits avec le pentasaccharide de synthèse (fondaparinux) ont montré la supériorité de cet agent sur le traitement classique constitué par l’énoxaparine (HBPM) au prix d’un risque hémorragique augmenté. Le même type de supériorité est observé avec le rivaroxaban, anti-Xa direct, actif par voie orale, non encore disponible. Un autre antithrombine (AT) oral, le dabigatran fait aussi bien (mais pas mieux) que l’énoxaparine en chirurgie orthopédique. Enfin, la généralisation en milieu médical des attitudes établies en milieu chirurgical reste souvent difficile, dans l’attente d’un plus grand nombre d’études consacrées à la prophylaxie de la maladie thromboembolique dans ces conditions.


BIBLIOGRAPHIE


Bergmann, J.F.; Mahe, I., Prévention de la thrombose veineuse profonde en Medecine, Ann Med Interne 151 (2000) 207214.

Geerts, W.H.; Berggvist, D.; Pinoe, G.F.; Heit, J.A.; Samama, C.M.; Lassen, M.R.; Colwell, C.W., Prevention of venous thromboemblism, 8th ACCP guidelines on antithrombotic therapy Chest 133 (2008) 381S453S; (suppl6).

Heit, Ja.; O’fallon, W.M.; Petterson, T.M.; Lohse, C.M.; Silverstein, M.D.; Mohr, D.N.; Melton, L.J., Relative impact of risk factors for deep vein thrombosis and pulmonary embolism, Arch Intern Med 162 (2002) 12451248.

Hull, R.D.; Schellong, S.M.; Tapson, V.F.; Monreal, M.; Samama, M.M.; Turpie, A.G.; Wildgoose, P.; Yusen, R.D., Extended-duration thromboprophylaxis in acutely ill medical patients with recent reduced mobility : methodology for the EXCLAIM study, J Thromb Thrombolysis 22 (2006) 3138.

Kaplan, R.E.; Czyrny, J.J.; Fung, T.S.; Unsworth, J.D.; Hirsh, J., Electrical Foot stimulation and implications for the prevention of venous thromboembolic disease, Thromb Haemost 88 (2002) 200204.

Lacut, K.; Bressollette, L.; Le Gal, G.; Etienne, E.; De Tinteniac, A.; Renault, A.; Rouhart, F.; Besson, G.; Garcia, J.F.; Mottier, D.; Oger, E., VICTORIAH (Venous Intermittent Compression and Thrombosis Occurrence Related to Intra-cerebral Acute hemorrhage) Investigators Prevention of venous thrombosis in patients with acute intracerebral hemorrhage, Neurology 65 (6) (2005) 865869.

Nicolaides, A.N.; Bergqvist, D.; Hull, R., Prevention of venous thromboembolism. International Consensus Statement. (1997) ; 17.

Pottier, P.; Planchon, B.; Pistorius, M.A.; Grolleau, J.Y., Facteurs de risque et incidence de la maladie thromboembolique veineuse en médecine interne : une étude descriptive prospective sur 947 patients hospitalisés, Rev Med Interne 22 (2001) 348359.

Samama, M.M.; Gerotziafas, G.T.; Horellou, M.H., Prophylaxie de la maladie veineuse thromboembolique, Rev Prat 53 (2003) 5157.

Samama, Ch.M.; Vray, M.; Barre, J.; Fiessinger, J.N.; Rosencher, N.; Lecompte, T.; Potron, G.; Hull, R.; Desmichels D for the SACRE study, Long term venous thromboembolism prophylaxis after total hip replacement : a comparison of low molecular weight heparin with oral anticoagulant, Arch Intern Med 162 (2002) 21912196.



Thrombophilies Constitutionnelles

Jacqueline Conard, Ismail Elalamy, Marie-Hélène Horellou and Meyer-Michel Samama




Aussi, il faut souligner, d’une part qu’aucune anomalie n’est encore retrouvée chez 60 % des patients présentant une histoire familiale de thrombose, d’autre part, qu’un bon nombre de patients présentant une «thrombophilie» biologique sont asymptomatiques. Ces deux réserves conduisent certains à préférer une définition plus clinique de la thrombophilie, englobant tous les patients présentant des manifestations thromboemboliques avant 50 ans ou des thromboses récidivantes, et toutes les situations cliniques prédisposant aux thromboses. Nous utiliserons dans ce chapitre la définition biologique, en décrivant les anomalies constitutionnelles de l’hémostase prédisposant aux thromboses. L’expression clinique de ces états thrombophiliques se manifeste le plus souvent sous l’effet de facteurs favorisants environnementaux tels que les traitements hormonaux, la grossesse ou la chirurgie – soulignant l’origine multifactorielle des thromboses.


Étiologies des thrombophilies héréditaires






















Tableau 6.VI Principales causes de thrombophilies constitutionnelles et mixtes
FVL : facteur V Leiden, PC : protéine C, PS : protéine S
Thrombophilies constitutionnelles Thrombophilies mixtes ou non établies
Facteur de risque Risque relatif Facteur de risque Risque relatif
Déficit en AT
Déficit en PC (hétérozygote)
Déficit en PS (hétérozygote)
FVL
FII20210A
10-40
5–15
5–10
5
4
Hyperhomocystéinémie
B9782294704819500063/u06-01-9782294704819 is missing du FVIII
B9782294704819500063/u06-01-9782294704819 is missing du FIX
B9782294704819500063/u06-01-9782294704819 is missing du FXI
B9782294704819500063/u06-01-9782294704819 is missing du TAFI
Certaines
dysfibrinogénémies
2 6
2,5
2

















Tableau 6.VII Déficits acquis en AT, PC et PS
*Déficits pouvant être importants LED : lupus érythémateux disséminé
Déficits acquis en AT Déficits acquis en PC Déficits acquis en PS



– Atteinte hépatique aiguë ou chronique*


– Syndrome néphrotique*


– Sepsis sévère*


– CIVD


– Pré-éclampsie


– Syndrome hémolytique urémique


– Hémodialyse, plasmaphérèse


– Leucémies


– Traitement par œstrogènes, voie orale


– Traitement par L-asparaginase*



– CIVD


– Purpura fulminans


– Sepsis


– Varicelle


– Pré-éclampsie


– Syndrome de détresse respiratoire


– Hémodialyse, plasmaphérèse


– Atteinte hépatique, transplantation hépatique*


– Hypovitaminose K*


– Traitement par AVK*


– Traitement par


– L-asparaginase, méthotrexate, Endoxan, 5-fluoro- uracile



– LED


– Syndrome inflammatoire important


– VIH


– Tabagisme


– Actes chirurgicaux


– Hémodialyse, plasmaphérèse


– Atteinte hépatique, rejet de greffe*


– Hypovitaminose K*


– Traitement par AVK*


– Traitements par œstrogènes, voie orale


– Chimiothérapie de cancer du sein


– Syndromes myéloprolifératifs


– Drépanocytose


– – Grossesse

En dehors du déficit rare en AT, les anomalies du système de la PC – déficits en protéine C (PC) et en protéine S (PS) et résistance à la PC activée (PCa) liée à une mutation du facteur V Leiden (FVL) et la mutation 20210A du gène de la prothrombine – constituent les principales causes de thrombophilies constitutionnelles.


Les experts distinguent : d’une part les altérations génétiques responsables d’une perte de fonction comme les déficits en AT, PC, PS et FVL et d’autre part, celles liées à un excès de fonction telles la mutation du gène de la prothrombine et l’augmentation du taux de FVIII.

Dans le déterminisme de la thrombophilie, la faille de la balance hémostatique est localisée entre les voies pro- et anticoagulantes impliquées dans la génération de thrombine, alors que le système fibrinolytique avec l’élévation du PAI par exemple apparaît bien plus rarement mis en cause.


Déficit en AT


L’AT est l’inhibiteur physiologique majeur de la coagulation par action sur des sérine protéases. Il est le cofacteur indispensable à l’action des héparines. Le déficit quantitatif (type I) est beaucoup plus fréquent que le déficit qualitatif (type II) avec des anomalies au niveau du site de liaison à la thrombine (type II RS) ou du site de liaison à l’héparine (type II HBS). Il existe aussi des altérations associant à la fois les deux types d’atteintes avec un effet pléiotropique (type II PE). La base de données publiée en 1996 rapporte plus de 250 mutations différentes transmises sur un mode autosomal dominant. La prévalence des déficits quantitatifs dans la population générale est évaluée à 0,02 % et entre 0,5 et 2 % chez les sujets aux antécédents thrombotiques. Le déficit hétérozygote en AT serait associé à un risque thromboembolique veineux 50 fois plus élevé. Toutefois, les mutations responsables d’une atteinte du site de liaison à l’héparine (HBS) semblent moins thrombogènes. Les déficits homozygotes quantitatifs seraient létaux, mais de très rares cas de déficits homozygotes qualitatifs par anomalie du site de liaison à l’héparine ont été rapportés.


Déficit en PC


La PC est appelée ainsi car elle correspondait au 3e pic après une séparation électrophorétique de protéines. Elle est un autre inhibiteur physiologique de la coagulation. Sa synthèse hépatique est dépendante de la vitamine K. La PC, préalablement activée (PCa) dégrade les FVa et FVIIIa, deux cofacteurs de la coagulation plasmatique. Décrit dès le début des années quatre-vingt, le déficit quantitatif (type I) est plus fréquent que le déficit qualitatif (type II). Sa prévalence est d’environ 0,3 % dans la population générale et d’environ 3 % chez les groupes de patients symptomatiques. La base de données a colligé plus de 330 anomalies chromosomiques transmises sur le mode autosomal dominant. En cas de déficit hétérozygote, le risque thrombotique apparaît 10 fois plus élevé que dans la population générale.

De rares déficits homozygotes de PC sont rapportés chez des nouveau-nés ayant un purpura fulminans et plus rarement chez des jeunes adultes développant des thromboses massives ou des nécroses cutanées à l’initiation du traitement anticoagulant oral.



Résistance à la PCa et FVL


Décrite en 1993 par Dahlbäck et al., elle est liée à une mutation ponctuelle du gène du FV (Bertina et al., 1994). Le nucléotide guanine en position 1691 dans l’exon 10 est substitué par une adénine aboutissant à un FV muté (FVL) ayant une glutamine en 506 à la place d’une arginine. L’arginine étant un des sites d’inactivation du FVa par la PCa, il existe donc un retard à la protéolyse du FVa et une génération accrue de thrombine. La transmission est aussi autosomale dominante. Les sujets hétérozygotes ont un risque thrombotique 7 fois plus élevé que la population générale alors qu’en cas d’homozygotie, il serait environ 80 fois plus important.

Le FVL est la cause la plus fréquente de thrombophilie car il est retrouvé chez 20 à 40 % des patients ayant fait des accidents thromboemboliques veineux et dans environ 5 % de la population caucasienne normale ce qui explique la fréquence des homozygotes en dehors de toute consanguinité. Deux autres mutations ponctuelles – Arg306Gly (FV Hongkong) et Arg306Thr (FV Cambridge) –, très rares, sont associées au phénotype de RPCA. Plus récemment, une mutation du FV a été décrite (FV A4070G) associant des taux réduits de FV plasmatique et un risque accru de TV par rapport aux témoins (9,5 vs 5,8 %).

Des variations notables de répartition géographique ont été constatées : présence dans la population caucasienne d’Europe et d’Amérique, absence en Afrique et en Asie, gradient nord-sud en Europe avec une prévalence accrue au nord. Cela est lié à la mutation d’un gène fondateur, il y a environ 30 000 ans en rapport avec la séparation de l’Homo sapiens sapiens et de l’Homo africanus.



Augmentation des taux de FVIII


Les taux de FVIII varient selon l’âge (augmentation de 6 % par décade), le sexe (plus élevé chez les femmes), le groupe sanguin (plus faible chez les sujets O) ou l’origine ethnique (plus élevé chez les noirs). En fait, ces taux sont influencés par de nombreuses circonstances physiopathologiques. Dans la Leiden Thrombophilia Study (LETS), 25 % des patients avaient des taux élevés de FVIII (> 150 %) avec un risque de thrombose significativement accru. Aucun polymorphisme génétique n’a été mis en évidence à l’heure actuelle.

D’autres candidats sont potentiellement responsables d’une hypercoagulabilité : FVII, FIX, FX, FXI, FXII, P-sélectine…



Manifestations cliniques


Il est clairement admis que toutes les thrombophilies familiales ne sont pas comparables. Il existe une variabilité phénotypique en fonction du déficit considéré et même au sein d’une même famille pour une anomalie génétique donnée. L’hétérogénéité de leur expression clinique souligne le potentiel plus ou moins thrombogène de ces anomalies, l’implication éventuelle de facteurs de compensation plus ou moins protecteurs et surtout l’interaction plurigénique de certaines anomalies dans la genèse des accidents thrombotiques.

Les TV restent l’accident le plus fréquemment rencontré qu’il soit spontané ou provoqué. Il s’agit souvent de TVP associée ou non à une EP, parfois de TV cérébrales, rénales ou portales, ou d’infarctus veineux mésentériques. La survenue de TV superficielle serait plus fréquente en cas de FVL ou de FII G20210A, voire de déficit en PC ou en PS.

Le risque thrombotique est plus faible en cas de FVL ou FII G20210A qu’en cas de déficit en inhibiteur physiologique et surtout de déficit en AT. Ainsi, les patients sont symptomatiques au moment du diagnostic dans environ 25 % des cas pour le FVL et dans plus de 50 % des cas si les sujets sont porteurs d’un déficit en inhibiteur de la coagulation par exemple. Le taux de récidive annuelle est de l’ordre de 5 % en cas de FVL hétérozygote.

Des accidents insolites comme les TV rétiniennes ou les fausses couches récidivantes ont été plus particulièrement rapportés chez les porteurs de FVL et les sujets ayant une hyperhomocystéinémie et homozygotes pour le polymorphisme C677T de la MTHFR. Ceci reste toutefois discuté dans la littérature.

Les thromboses artérielles, rares en cas d’authentique thrombophilie familiale, semblent plus fréquentes en cas de déficit en PS et surtout dans des circonstances majorant le risque artériel (tabac, âge > 50 ans). Des discordances persistent sur l’influence FII G20210A et du FVL sur la survenue d’accidents artériels ou d’AVC ischémiques.

Un facteur déclenchant est retrouvé chez près de la moitié des patients symptomatiques.

Les accidents obstétricaux : fausses couches répétées, pré-éclampsies, hypotrophie fœtale, seraient plus fréquents au cours de la thrombophilie.

Une large majorité (50 à 80 %) des patients ayant un déficit en inhibiteur de la coagulation mais seulement 25 % des sujets porteurs d’un FVL ou d’un FII G20210A a son premier épisode thrombotique avant l’âge de 40 ans. Cette fréquence est accrue en cas d’anomalies combinées. Ainsi, isolé, un FVL ou un FII G20210A à l’état hétérozygote est respectivement associé à un risque thrombotique veineux de 5 et de 3. En cas d’association, il existe une addition des risques voire une véritable synergie et le risque est évalué de 10 à 20. La reconnaissance de facteurs déclenchants est fondamentale car elle permet d’envisager une prophylaxie antithrombotique adéquate chez les sujets porteurs qu’ils soient symptomatiques ou non.


Circonstances favorisantes



Les études familiales plus ou moins larges comme la LETS ont permis d’objectiver l’association potentielle de plusieurs déficits pouvant expliquer ainsi en partie l’hétérogénéité d’expression clinique des thrombophilies familiales. Ainsi, 15 % des déficits hétérozygotes en PC, 22 % des sujets ayant un déficit hétérozygote en PS et 14 % des déficitaires en AT seraient aussi porteurs d’un FVL à l’état hétérozygote. Dans une série de 143 patients étudiés à l’Hôtel-Dieu ayant un FII G20210A, 19 % avaient aussi un FVL. La fréquence des accidents thrombotiques est significativement accrue chez les patients associant ainsi plusieurs anomalies et chez les homozygotes pour une mutation donnée, avec un accident de survenue plus précoce et une fréquence des récidives plus grande.


Diagnostic biologique de thrombophilie héréditaire


Chez qui, comment et quand sont les trois questions couramment posées.


Il faut ainsi considérer différents paramètres comme critères de sélection :


– antécédent personnel de TV dans un contexte favorisant;


– antécédent personnel de TV idiopathique (sans facteur déclenchant);


– antécédent personnel de TV de site insolite (mésentérique, cérébral, mammaire, membre supérieur par exemple);


– âge de survenue du premier épisode : avant 45 ans (déficit en inhibiteur de la coagulation) ou même après 50 ans (FVL, FII G20210A);


– notion de récidive thrombotique spontanée ou provoquée, à l’arrêt du traitement anticoagulant;


– antécédents familiaux de TV avant 45 ans (avant la prescription d’œstroprogestatif ou en cas de grossesse).

Pour réaliser le diagnostic biologique chez un sujet présentant un accident thrombotique, le moment le plus approprié est en général avant l’initiation du traitement anticoagulant, ce qui permet la détection des déficits en AT qui sont à risque très élevé. Le diagnostic de déficit en AT peut modifier la nature du traitement à la phase aiguë et la durée de ce traitement. Un taux abaissé de PS peut être lié à la prise de CO ou à la grossesse, et non à un déficit congénital. De nombreux auteurs préfèrent différer cette enquête : 3 à 6 semaines après l’arrêt du traitement anticoagulant. Cette attitude est justifiée si le médecin s’assure ainsi que cette recherche à distance ne sera pas oubliée. Toutefois, des taux de PS et PC très discordants sous AVK peuvent faire suspecter un déficit congénital en l’une de ces deux protéines et entraîner la mise en évidence d’autres déficits dans la famille, permettant ainsi la prévention de thromboses chez les membres de la famille ayant le déficit. Différents tests sont ainsi réalisés comprenant des explorations classiques en technique de coagulation et des études de biologie moléculaire (FVL, FIIG20210A) après une information du patient permettant de recueillir son consentement éclairé. Le diagnostic différentiel avec un déficit acquis est essentiel et les multiples étiologies ne doivent donc pas être ignorées (voirtableau 6.VI). Après confirmation de(s) anomalie(s) et de son (leur) caractère constitutionnel, de préférence dans un centre spécialisé en thrombophilie, une information orale et l’établissement d’un certificat médical ou d’une carte de thrombophilie sont nécessaires afin de permettre une prise en charge avisée du patient dans des contextes médicaux ou chirurgicaux divers comportant un risque accru de thrombose.


Stratégie thérapeutique et prophylactique



Les recommandations récentes de l’ACCP prennent très peu en compte l’existence d’une thrombophilie.

Les recommandations générales concernant la durée du traitement sont les suivantes :


– après un épisode thrombotique unique de TVP ou EP, s’il existe un facteur favorisant transitoire, la durée du traitement anticoagulant est de 3 mois (grade 1A);


– après un épisode de TVP ou EP, sans facteur favorisant, la durée est d’au moins 3 mois (grade 1A) avec réévaluation du rapport bénéfice/risque après cette période. Si la TVP était proximale ou en cas d’EP, en l’absence de risque de saignement et si la surveillance biologique est possible, un traitement au long cours est considéré (grade 1A);


– après une récidive sans facteur favorisant, un traitement au long cours est recommandé (grade 1A). Si le premier épisode était une TVP distale, la durée est de 3 mois (grade 2B);


– dans tous les cas de traitement au long cours, la durée du traitement doit être revue à intervalles réguliers (grade 1C).

Concernant les patients porteurs d’une thrombophilie héréditaire, il est simplement mentionné que le risque relatif est de 1,5 (sans préciser la thrombophilie) et que cela peut influencer la durée du traitement après la période initiale de 3 mois.

Toutefois, il est relativement établi que toutes les thrombophilies familiales ne sont pas équivalentes, et la durée du traitement anticoagulant oral devrait être déterminée après une stratification du risque vasculaire. Celle-ci est fondée sur plusieurs paramètres :


– le type d’anomalie constitutionnelle de l’hémostase et le caractère hétérozygote ou homozygote;


– l’existence de récidives thromboemboliques;


– le caractère provoqué ou spontané des épisodes thrombotiques;


– l’association transitoire ou persistante de facteurs environnementaux majorant le risque vasculaire (alitement, grossesse, contraception, immobilisation, voyage prolongé, port de plâtre, acte chirurgical par exemple);


– la sévérité de l’anomalie constitutionnelle ou la plurigénicité de la thrombophilie.




Aspect psychosocial de la thrombophilie familiale


L’information du patient est fondamentale afin de ne pas engendrer un stress particulier lors de la présentation des résultats. Il est aussi souhaitable, lors de la recommandation de l’enquête familiale, de ne pas culpabiliser le patient visà-vis du risque pour sa descendance. Il ne faut pas négliger le retentissement éventuel sur la pratique de sa profession. Il convient de suggérer au sujet ou au médecin du travail les aménagements à envisager.

L’information éclairée du patient et de son médecin traitant devrait permettre une meilleure compréhension des risques et une compliance plus grande pour son traitement. La remise d’un certificat médical ou d’une carte de thrombophilie est indispensable afin d’optimiser la prise en charge du patient et de limiter les risques de récidives. Cela permet, d’une part, d’attester du type d’anomalie(s) de la coagulation exposant à un risque thrombotique accru, et d’autre part de rappeler les mesures générales de prévention et les modalités d’une prophylaxie antithrombotique éventuelle en cas de long voyage, d’intervention chirurgicale, de plâtre, de traitement hormonal ou de grossesse en particulier.


Conclusion


La thrombophilie héréditaire, pathologie de connaissance relativement récente, constitue une pathologie multifactorielle, parfois plurigénique et associée à une expression clinique hétérogène. Un nombre croissant de causes biologiques sont individualisées et les mutations FVL et FII G20210A représentent les étiologies les plus fréquentes. Ces dernières apparaissent associées à un risque thrombotique bien plus faible que les déficits en inhibiteurs physiologiques de la coagulation, précédemment décrits.

Les études de cohortes plus ou moins larges de patients ont permis de mieux caractériser ces thrombophilies, qui apparaissent singulièrement différentes, et dont la prise en charge doit être plus spécifique. Les conférences de consensus et les réunions d’experts affinent les protocoles thérapeutiques et les modalités de prise en charge pour en optimiser le rapport bénéfice/risque. Les outils de la biologie moléculaire et le dépistage élargi des facteurs environnementaux devraient apporter des éléments facilitant la compréhension de l’hétérogénéité clinique de la thrombophilie familiale et l’optimisation appropriée de cette prise en charge. Il paraît légitime d’espérer la découverte de nouvelles altérations pour réduire la proportion d’événements thrombotiques inexpliqués. Toutefois, le risque généralement plus faible des dernières thrombophilies découvertes, et le coût des examens biologiques pourraient conduire à donner plus d’importance à, d’une part, la réalisation de tests globaux de screening avant les tests spécifiques, d’autre part à la mise au point de scores permettant l’évaluation du risque veineux d’un sujet donné.


BIBLIOGRAPHIE


Bauer, K.A., The thrombophilias : well-defined risk factors with uncertain therapeutic implications, Ann Intern Med 135 (2001) 367373.

Bezemer, I.D.; Bare, L.A.; Doggen, C.J.; Arellano, A.R.; Tong, C.; Rowland, C.M.; Catanese, J.; Young, B.A.; Reitsma, P.H.; Devlin, J.J.; Rosendaal, F.R., Gene variants asssociated with deep vein thrombosis, Jama 299 (2008) 13061314.

Conard, J.; Horellou, M.H.; Samama, M.M., Anomalies de l’hémostase prédisposant aux thromboses veineuses, Concours Médical 124 (2002) 455460.

Dahlback, B., Advances in understanding pathogenic mechanisms of thrombophilic disorders, Blood 112 (2008) 1927.

Gouault-Heilmann, M.; Ajzenberg, N.; Alhenc-Gelas, M.; Conard, J.; Dreyfus, M.; Verdy, E., Recommandations pour une juste prescription des examens d’hémostase en pratique médicale courante, STV 18 (2006) 2942.

Seligsohn, U.; Lubetsky, A., Genetic susceptibility to venous thrombosis, N Engl J Med 344 (2001) 12221231.

Vossen, C.Y.; Conard, J.; Fontcuberta, J.; et al., Familial thrombophilia and lifetime risk of venous thrombosis, Thromb Haemost 2 (2004) 15261532.

Vossen, C.Y.; Conard, J.; Fontcuberta, J.; et al., Risk of first venous thrombotic event in carriers of a familial thrombophilic defect. The European Prospective Cohort on Thrombophilia (EPCOT), J Thromb Haemost 3 (2005) 459464.

Vossen, C.Y.; Walker, I.D.; Svensson, P.; et al., Recurrence rate after a first venous thrombosis in patients with familial thrombophilia, Arterioscler Thromb Vasc Biol 25 (2005) 1992.


Hyperhomocystéinémie et Thromboses

Pierre Kamoun and Meyer-Michel Samama



L’hyperhomocystéinémie est une thrombophilie mixte c’est-à-dire d’origine héréditaire ou acquise. Le très rare déficit constitutionnel en cystathionine-β-synthase responsable de l’homocystinurie classique est discuté plus loin.

La méthionine est métabolisée en homocystéine, après perte d’un radical méthyle qui se fixe sur un accepteur. L’homocystéine est soit dégradée, soit reméthylée en méthionine.


L’hyperhomocystéinémie modérée, isolée, de loin la plus fréquente 15 à 45μmol/l (valeurs normales < 15μmol/l d’homocystéine) multiplie le risque de TV par 3 à 4 selon des méta-analyses récentes.

L’association à une mutation du FV entraînerait une élévation sensiblement plus marquée du risque.










Tableau 6.VIII Causes d’une hyperhomocystéinémie
LED : lupus érythémateux disséminé



– Hyperhomocystéinémie forte (> 45 pmol/l) :


– homocystinurie classique : déficit homozygote en cystathionine-β-synthase (avec deux formes cliniques : vitamine B6-sensible et vitamine B6-résistante);


– homocystinurie par déficit de l’un des enzymes impliquées dans la reméthylation de l’homocystéine en méthionine, en particulier la MTHFR. Dans ce type d’homocystinurie, la méthionine plasmatique est abaissée alors qu’elle est élevée dans l’homocystinurie classique.


– Hyperhomocystéinémie modérée :


– insuffisance rénale : l’homocystéine plasmatique, comme la cystéine, est élevée proportionnellement au degré d’insuffisance rénale;


– cancer, leucémie aiguë lymphoblastique, LED car toutes les proliférations cellulaires produisent de grandes quantités d’homocystéine;


– hypothyroïdie : le mécanisme n’est pas complètement élucidé;


– maladie cœliaque par carence d’absorption des folates;


– carences d’apport ou d’absorption de vitamines (folates, B12, B6 en particulier) : alcoolisme, maladie de Biermer.


– Causes médicamenteuses agissant sur :


– folates : méthotrexate; anticonvulsivants (surtout hydantoïnes); extraits pancréatiques; Bactrim, et analogues; Malocide et Fansidar (traitement de la toxoplasmose); produits contenant du triamtérène (Cycloteriam, Isobar, Prestole); Salazopyrine;


– B6 : hydantoïnes; isoniazide; gentamicine; théophylline.

Des complications obstétricales avec pertes fœtales ont été rapprochées de l’existence d’une hyperhomocystéinémie.



Traitement


Il comporte un régime riche en folates : jus d’orange, aliments verts, céréales. Des doses de 5mg/j d’acide folique pendant quelques semaines sont efficaces. Avant un tel traitement, il est recommandé d’éliminer une anémie de Biermer pour éviter une aggravation des signes neurologiques associés à cette maladie. Des faibles doses de vitamine B6 et B12 sont souvent associées à la prescription de folates. De rares réactivités à la prise de vitamine B6 existent et ne doivent pas être méconnues en cas de survenue.


Homocystinurie classique


Extrêmement rare en Europe (1/200 000 habitants), elle est 4 fois plus fréquente en Irlande (1/50 000).

La mutation du gène de la cystathionine-β-synthase entraîne une hyperhomocystéinémie très importante et une augmentation de la concentration de méthionine plasmatique.

L’expression clinique est variable avec, dans les formes majeures, une luxation du cristallin, un aspect marfanoïde. Une myopie, un glaucome ou une cataracte sont souvent observés, de même qu’une ostéoporose.

Avec un genu valgum, les anomalies du squelette sont fréquentes tandis que l’arachnodactylie est rare. Le retard mental est fréquent avec quotient intellectuel plus perturbé chez les sujets qui ne répondent pas à la pyridoxine.

Les thromboses sont fréquentes. Elles sont artérielles ou veineuses et peuvent entraîner le décès. Les AVC sont fréquents et les TV sont retrouvées dans plus de 50 % des cas.

La mutation entraîne un déficit important en cystathionine-β-synthase. De nombreuses mutations ont été identifiées. L’expression clinique peut varier à l’intérieur d’une même famille. L’augmentation de l’homocystéine plasmatique est responsable d’une homocystinurie. Le traitement repose sur l’étude de la réponse à la pyridoxine qui, avec une posologie bien adaptée, réduit le risque d’accidents thromboemboliques chez 50 % des sujets. Les non répondeurs sont traités par la bétaïne, car il existe une voie accessoire de reméthylation de l’homocystéine en méthionine qui utilise la bétaïne comme donneur de méthyles. On associe aussi à ce traitement, folates et régime pauvre en méthionine.


BIBLIOGRAPHIE


Den Heijer, M.; Lewington, S.; Clarke, R., Homocysteine, MTHFR and risk of venous thrombosis : a meta-analysis of published epidemiological studies, J Thromb Haemost 3 (2) (2005) 292299.


Maladies Thrombosantes Acquises

Antoine Achkar, Sami Guermazi and Meyer-Michel Samama



Parmi les maladies thrombosantes acquises, nous avons essentiellement étudié celles rattachées au cancer, puis au syndrome myéloprolifératif et à l’hémoglobinurie paroxystique, enfin celles rattachées à la maladie de Behçet.


Cancer et thrombose



Introduction


Depuis l’observation historique de Trousseau en 1865 sur les relations entre cancer et thromboses, de très nombreux travaux ont confirmé son hypothèse. L’observation de Trousseau faisait observer une thrombophlébite migrante qui était associée à un cancer de l’estomac. Les auteurs anglo-saxons incluent dans le syndrome de Trousseau la thrombophlébite migrante et la TVP. Dans son texte, Trousseau insistait sur une «condition particulière du sang» qui prédispose à la coagulation spontanée. Il s’agissait d’une hypercoagulation pathologique. Il est aujourd’hui admis que :


– cette hypercoagulation, qui existe chez le malade cancéreux, peut prédisposer aussi bien à la TVP qu’à des états beaucoup plus graves de CIVD;


– qu’il existe un continuum entre ses différents niveaux d’hypercoagulation.



Épidémiologie de la TV chez le malade porteur d’un cancer


La littérature démontre que la TVP et l’EP sont les secondes causes de mortalité chez le malade cancéreux. Des études autopsiques systématiques ont révélé la présence de 35 à 50 % d’EP. De même, dans des études cliniques, un accident thromboembolique veineux (ATEV) a été constaté chez 10 à 15 % chez ces malades. En dehors de l’hypercoagulabilité, de l’immobilisation prolongée, de la chimiothérapie dont certains des composés induisent un risque particulier comme le tamoxifène, la L-asparaginase et plus récemment la thalidomide, la radiothérapie elle-même peut être un facteur de risque de la TV. Il existe évidemment des facteurs additionnels de risque dans le déterminisme de l’accident thromboembolique chez les patients.












































































































Tableau 6.IX Risque relatif de TV selon le type de cancer comparé à celui des pathologies non cancéreuses
ATEV : accident thromboembolique veineux
Type de cancer n ATEV n de patients RR (IC 95 %)
Cerveau 35 20 924 0,29 (0,2-0,4)
Sein 469 186 273 0,44 (0,40-0,48)
Œsophage 64 14 742 0,76 (0,58-0,97)
Foie 121 22 938 0,92 (0,76-1,10)
Prostate 1 230 218 743 0,98 (0,93-1,04)
Vessie 180 74 517 0,42 (0,36-0,49)
Cervical 53 10 236 0,90 (0,68-1,18)
Rectum 417 65 837 1,11 (1,00-1,22)
Poumon 1 504 232 764 1,13 (1,07-1,19)
Colon 1 320 168 832 1,36 (1,29-1,44)
Rein 278 34 376 1,41 (1,25-1,59)
Estomac 280 32 655 1,49 (1,33-1,68)
Lymphome 537 52 042 1,80 (1,65-1,96)
Pancréas 488 41 551 2,05 (1,87-2,4)
Ovaire 327 26 406 2,16 (1,93-2,41)
Leucémie 591 47 234 2,18 (2,01-2,37)
Cerveau 184 13 529 2,37 (2,04-2,74)
Utérus 226 11 606 3,4 (2,97-3,87)
Pathologies non cancéreuses 46 848 8 177 634 1,0


Recherche d’un cancer occulte et sa fréquence chez les malades atteints de TVP


La recherche d’un cancer occulte a toujours été la préoccupation importante chez les malades âgés de plus de 50 ans et ayant un accident thromboembolique veineux (ATEV). Les études épidémiologiques prospectives et rétrospectives montrent que les malades admis avec une TVP sans diagnostic connu de cancer ont, pendant la première année de suivi, voire pendant une période un peu plus longue, une fréquence de découverte d’un cancer occulte multipliée par 4. Une étude conduite chez 2 509 malades rend compte des causes de cette augmentation du risque :


– > 5 dans les cancers du foie, du pancréas, des ovaires, du cerveau;


– 12,9 dans la polyglobulie, la maladie de Hodgkin et les leucémies;


– en revanche, le rapport standardisé de cette fréquence était seulement < 2 pour les cancers du sein, du rectum et de l’œsophage.

La fréquence d’un cancer occulte est significativement plus élevée lorsqu’il s’agit d’une TV a priori non provoquée, sans cause reconnue, que lorsque la TV survient après un facteur précipitant. Il importe de préciser que toutes ces études ont un biais, puisque la recherche d’une thrombophilie n’a que rarement été effectuée chez ces malades. La conclusion pratique est que chez les malades de moins de 50 ans la recherche de thrombophilie prime, tandis que chez ceux de plus de 50 ans, c’est celle d’un cancer occulte qui devient prépondérante.

Les auteurs reconnaissent qu’il importe de ne pas multiplier les investigations à la recherche d’un cancer occulte. Ils recommandent un examen clinique soigneux associé à un nombre limité d’examens complémentaires standards : touchers pelviens, palpation des seins et examen gynécologique chez la femme, radiographie thoracique, mammographie bilatérale, ce qui se révèle en général suffisant chez la plupart des malades au moment de la découverte de la TVP. Cependant, la découverte d’un cancer occulte améliore-t-elle le pronostic et l’espérance de vie de ces malades? La question reste ouverte et le problème débattu. Dans la seule étude prospective disponible, celle de Prandoni, la fréquence des cancers occultes est de l’ordre de 10 %; la découverte d’un cancer occulte est plus fréquente en cas de thrombose non provoquée secondaire et encore plus fréquente en cas de TV récidivante (tableau 6.X).



























































































Tableau 6.X Incidence du cancer occulte et ATEV
Étude (année) Type Suivi (mois) Idiopathique n (%) Secondaire n (%%) p
Monreal (91) Prospectif 12 7/31 (22,5) 5/82 (6,1) 0,012
Prandoni (92) Prospectif 12 11/145 (7,6) 2/105 (1,9) 0,043
Monreal (93) Prospectif 12 6/21 (28,6) 3/51 (5,9) 0,04
Bastounis (96) Prospectif 12 5/70 (7,1) 2/196 (1) < 0,001
Achkar (97) Rétrospectif 38 13/78 (17) 5/154 (3,2) < 0,05
Monreal (97) Rétrospectif 36 13/105 (12,4) 10/569 (1,8) < 0,01
Rance (97) Rétrospectif ND 10/155 (6,5) 3/171 (1,8) < 0,02
Rajan (98) Rétrospectif 12 13/152 (8,6) 8/112 (7,1) 0,86
Nordstrom (94) Rétrospectif 6 66/1 383 (4,8) 37/2 412 (1,5) < 0,0001
Cornuz (96) Rétrospectif 12 3/122 (2,5) 23/844 (2,7) 0,2
Sorensen (98) Rétrospectif 1977-1992 TVP : 1 737/15 348 (11,3)
EP : 730/11 305 (6,5)
Baron (98) Rétrospectif 1965-1983 ATEV : 2 509/61 998 (4,0)

La chimiothérapie peut majorer le risque thromboembolique. Il faut noter également qu’une activité prothrombotique liée à l’utilisation d’érythropoïétine chez le cancéreux a été suggérée, et qu’un petit nombre d’études cliniques randomisées ont dû être interrompues. De nouvelles études sont en cours pour infirmer ou affirmer le rôle péjoratif de l’érythropoïétine sur le risque thromboembolique et la croissance tumorale.

Il reste recommandé d’éviter d’utiliser des posologies qui élèvent le taux d’hémoglobine au-dessus de 12g/dl et sans doute d’en limiter l’usage aux patients sous chimiothérapie selon la conclusion d’un comité de la FDA ayant proposé cette attitude en mai 2006.


Rappel sur le mécanisme de l’hypercoagulation


L’activation de la coagulation est fréquente dans les états cancéreux comme en témoigne l’élévation des marqueurs F1 + 2 et des complexes thrombine-antithrombine (TAT). En revanche, les mécanismes de cette hypercoagulation sont multiples, complexes et imparfaitement élucidés.

Le rôle du FT a été très étudié. Il a été reconnu à la surface de nombreuses cellules cancéreuses. De plus le tissu cancéreux est à l’origine de la production de cytokines de l’inflammation, le TNF α et l’interleukine 6 (IL6), qui favorisent l’expression du FT par les monocytes.

Un second paramètre invoqué dans le mécanisme de l’hypercoagulation est le «cancer procoagulant», identifié depuis 1975. Il est capable d’activer directement le FX sans le concours du FVII. Il s’agit d’une cystéine protéase dont l’intervention reste encore hypothétique selon les études récentes.

L’existence de microparticules portant à leur surface du FT dans des thrombi a été récemment démontrée. L’accumulation de ces microparticules fait intervenir une glycoprotéine, le récepteur de la P-sélectine (P-selectin glycoprotein ligand 1 [PSGL-1). Une concentration élevée de ces microparticules a été retrouvée dans le sang de patients atteints de cancer pancréatique suggérant une relation entre cette observation et la prédisposition de ces malades aux accidents thromboemboliques.

Des microparticules pauvres en FT circulant dans le sang pourraient jouer un rôle au même titre que le FT dans l’angiogenèse nécessaire à la survie de la tumeur cancéreuse.

Le mécanisme le plus récent invoqué dans la relation entre hypercoagulation et cancer concerne un oncogène, le MET-oncogène prothrombinique, dont l’activation survient dans de nombreux cancers. Le MET-oncogène augmente l’expression de la cyclooxygénase 2 et du PAI-1. Au total, les mécanismes précis responsables de l’association, bien établie, entre cancer et thrombose, restent incomplètement élucidés.


Prophylaxie des accidents thromboemboliques en chirurgie oncologique


Un petit nombre de travaux ont bien démontré que le risque d’accidents thromboemboliques postopératoires est au moins deux fois plus élevé chez un malade porteur d’un cancer. Les facteurs de risques associés sont l’âge avancé du malade, l’immobilisation fréquente préopératoire, l’intervention de traitements susceptibles d’augmenter l’état d’hypercoagulabilité tels que la chimiothérapie et l’irradiation, la longue durée de l’intervention, les pertes sanguines importantes avec nécessité de recourir à des transfusions abondantes, enfin le caractère même de la chirurgie : sa durée plus grande, l’importance des dissections au niveau des veines pelviennes, par exemple, qui peuvent entraîner des altérations de la paroi vasculaire. Une des meilleures études est celle de Merkus (1995). Elle compare deux doses de daltéparine (2 500 et 5 000 UI anti-Xa) utilisées chez des malades cancéreux et non cancéreux. La fréquence des TVP s’y révèle plus efficacement réduite par la posologie la plus élevée (5 000 UI anti-Xa). Chez le sujet non cancéreux, cette prophylaxie entraîne une majoration du saignement non observée chez le cancéreux. L’hypothèse soulevée est que le malade porteur d’un cancer a une coagulation exagérée. L’injection de daltéparine en sous-cutané était débutée la veille de l’intervention puis une injection quotidienne était réalisée. Au moins trois études ont comparé les héparines au placebo, démontrant l’intérêt des HBPM dans la prévention des ATEV. L’horaire approprié pour la première injection est encore discutée aujourd’hui. Elle peut varier en fonction de la molécule utilisée. Il est admis que la première injection doit être faite soit en préopératoire soit en postopératoire et ne doit en aucun cas dépasser la 24e heure postopératoire. Dans une ancienne étude de notre groupe de l’Hôtel-Dieu, il avait bien été démontré que la précocité de l’administration de l’héparine en sous-cutané était très efficace pour éviter les EP précoces en période postopératoire immédiate, c’est-à-dire dans les tout premiers jours après l’intervention. L’étude récente Enoxacan est consacrée aux malades cancéreux. Enoxacan 1 est consacré à un échantillon de 631 patients. Elle révèle l’intérêt d’une dose de 4 000 UI anti-Xa d’énoxaparine par rapport à l’héparine non fractionnée (HNF) administrée trois fois par jour. Le consensus nord-américain de 2001 insistait déjà sur l’intérêt de retenir une dose relativement élevée chez le malade cancéreux par rapport au malade non cancéreux. Enoxacan 2 a étudié l’intérêt d’une prophylaxie prolongée au-delà de 8 ± 2 jours. Elle démontre que la poursuite du traitement pendant 1 mois au total entraîne une réduction des TV phlébographiques. Ainsi, au total, la thromboprophylaxie optimale chez un malade en chirurgie oncologique doit conjuguer l’utilisation d’une dose appropriée, l’injection de la première injection au voisinage de l’intervention, l’optimisation de la durée du traitement et, bien entendu, la prise en considération du risque lié au malade.

Le fondaparinux a été évalué par rapport à la daltéparine dans une grande étude randomisée en double aveugle chez environ 3 000 malades ayant subi une chirurgie abdominale majeure. La prévention par le fondaparinux à la dose de 2,5mg administré par voie sous-cutanée en postopératoire a été comparée à la daltéparine à la dose de 5 000 UI administrée par voie souscutanée en préopératoire. Aucune différence significative n’a été observée entre les deux groupes concernant la fréquence des ATEV (4,6 vs 6,1 %), les hémorragies majeures (3,4 vs 2,4 %) et les décès (1,0 vs 1,4 %). Dans une autre étude randomisée en chirurgie abdominale majeure, le fondaparinux a été évalué par rapport au placebo chez 1 300 patients ayant tous reçu une compression pneumatique intermittente. La fréquence des ATEV et des TVP proximales était significativement plus basse dans le groupe fondaparinux associé à la compression pneumatique intermittente que dans celui bénéficiant de la compression pneumatique intermittente seule (1,7 vs 5,3 % et 0,2 vs 1,7 % respectivement).

La prévention des ATEV en chirurgie majeure pour cancer doit être assurée par les HBPM en sous-cutanée à dose élevée (entre 4 000 et 5 000 UI antiXa), ou l’HNF en trois injections sous-cutanée de 5 000 UI/j ou le fondaparinux à la dose de 2,5mg/j en sous-cutané.


Thromboprophylaxie chez les malades cancéreux en milieu médical



Dans l’étude Medenox, l’efficacité d’une dose quotidienne de 4 000 UI antiXa d’énoxaparine a bien été démontrée dans des sous-groupes de malades. Chez les malades porteurs d’un cancer, il existe une réduction de l’ordre de 50 % de la fréquence des TV phlébographiques. Toutefois, le faible nombre de malades étudiés dans chaque groupe explique sans doute l’absence de significativité de ce résultat.

Dans une méta-analyse de neuf études randomisées en médecine incluant 20 000 patients, l’utilisation d’une prévention médicamenteuse réduit de 64 % le risque d’EP mortelle, de 58 % le risque d’EP symptomatique et de 54 % celui de TVP symptomatique. On peut conclure que les HBPM (l’énoxaparine à la dose de 4 000 UI anti-Xa, la daltéparine à la dose de 5 000 UI anti-Xa) et le fondaparinux (à la dose de 2,5mg) sont plus efficaces que le placebo chez les patients médicaux en prévention primaire. Dans les mêmes conditions, une prévention systématique des ATEV chez les patients atteints d’un cancer admis en hospitalisation et alités pour une affection médicale aiguë associée est préconisée. Les molécules peuvent être les mêmes que celles utilisées dans la prévention en milieu médical. Par ailleurs, une adaptation posologique est possible avec le fondaparinux en cas d’insuffisance rénale avec une clairance rénale entre 20 et 30ml/mn avec la dose de 1,5mg/j au lieu de 2,5mg/j. La durée de la prophylaxie préconisée est entre 6 et 14 jours.



Influence du traitement héparinique chez le malade cancéreux


En dehors de l’activité antithrombotique, il est possible que les anticoagulants, et en particulier l’héparine, possèdent des priorités antiprolifératives capables d’influencer le pronostic des malades cancéreux bénéficiant d’un tel traitement. L’activité antinéoplasique des traitements anticoagulants a été évoquée dans un travail en 1881 aux États-Unis. La warfarine utilisée dans le cancer du poumon à petites cellules avait un effet favorable sur la mortalité.

L’étude de Lebeau en France en 1994 utilisait une HNF calcique en sous-cutané, identifiant également un bénéfice dans cette même variété de cancer. Cette étude avait attiré l’attention sur l’intérêt d’une HNF en sous-cutané donnée quotidiennement pendant 5 semaines chez des patients porteurs d’un cancer pulmonaire à petites cellules. La médiane de survie avait été significativement prolongée d’une moyenne de 261 jours à 317 jours (p < 0,001). En revanche, ce travail n’a pas été confirmé par les études utilisant des HBPM dans le traitement des TVP.

En 2004, l’étude FAMOUS publiée après une période de recrutement de 7 à 8 années de malades ayant différents cancers solides ne confirmait pas cette hypothèse.

Toutefois, une analyse post-hoc soulignait un effet favorable dans les formes de cancer moins avancées, en particulier sans métastase. L’étude CLOT au Canada chez des cancéreux atteints d’une TVP et traités par de la daltéparine allait dans le même sens.

Plus récemment, une étude en Turquie utilisait une HBPM ou un placebo associé à la chimiothérapie dans le cancer du poumon à petites cellules. L’étude MALT aux Pays-Bas en 2005 obtient des résultats comparables.

Une méta-analyse de la Cochrane reprenant ces études attribue un effet favorable des HBPM sur la mortalité. Les études se poursuivent, mais à l’heure actuelle, la Société américaine d’oncologie déconseille le recours aux HBPM avec cet objectif tant que l’hypothèse sur l’activité antinéoplasique des HBPM n’aura pas été formellement démontrée.


TV chez les malades porteurs d’un cathéter central


Il s’agit de moyens thérapeutiques pour de nombreuses spécialités et de moyens de perfusion de solutés aussi bien en chimiothérapie qu’en nutrition ou bien en milieu de réanimation. C’est un confort indiscutable pour les patients mais également un élément sécuritaire. Certes, la qualité des matériaux a été améliorée mais les complications infectieuses et thrombotiques restent nombreuses et posent un problème diagnostique et thérapeutique. La prévalence des thromboses est estimée entre 5 à 66 % alors que celle des infections varie entre 16 à 30 %. Les facteurs de risque sont nombreux et peuvent être liés :


– au site d’implantation, fémoral, brachial, sous-clavier, jugulaire dont le risque paraît décroître de la première voie d’abord à la dernière;


– à la position de l’extrémité du cathéter : ainsi, la position dans la veine cave inférieure semble plus thrombogène que celle dans la veine cave supérieure haute à sa jonction avec l’oreillette droite;


– au type de matériel utilisé (silicone ou polyuréthane);


– à la nature du médicament administré dans le cathéter central (mélange nutritif, chimiothérapie entraînant des modifications des propriétés du cathéter);


– au terrain (enfant, état du patient).


L’extension de la thrombose du cathéter pose encore un problème diagnostique : thrombus intracardiaque, EP, syndrome cave, infection concomitante notamment à candida, troubles du rythme cardiaque par exemple. La symptomatologie de la thrombose dépend aussi du stade de la thrombose. Elle est modeste (voire absente) s’il s’agit de manchons fibrinocruoriques, plus bruyante si le thrombus est mural avec l’apparition d’un œdème, d’une douleur, de rougeur, de fièvre, d’occlusion (ou un cordon veineux bien palpable) enfin, d’une circulation veineuse collatérale. Le diagnostic fait appel en première intention à l’écho-Doppler veineux, plus rarement actuellement à la phlébographie ou à l’angiographie numérisée. L’échocardiographie devrait être systématique à la recherche de thrombus cardiaque. Les autres explorations seront réalisées en fonction du contexte.

Le traitement doit donc être en premier lieu préventif en sachant que les tumeurs solides ont un risque plus élevé et que les hémopathies sont à risque modéré (5 %), mais souvent avec une contre-indication au traitement anticoagulant. La voie d’abord sous-clavière sera élective en réduisant le temps de pose par un opérateur expérimenté. Le type du cathéter doit être choisi en fonction de l’indication thérapeutique et en utilisant un rinçage fréquent. Le traitement curatif est difficile et sera discuté en fonction du contexte. Le retrait doit être systématique si une infection est associée, s’il existe une contre-indication aux anticoagulants ou fibrinolytiques, s’il existe une compression médiastinale ou s’il existe une absence d’utilité après traitement par exemple. Le retrait ne sera pas systématique en fonction des circonstances de survenue, de la gravité de la symptomatologie, du délai et d’une possibilité réelle d’autres abords vasculaires et de la nécessité de maintenir la perfusion.

L’héparinothérapie doit être efficace par l’HNF ou bien par les HBPM. La durée du traitement sera aussi longue que le cathéter sera en place. Des fibrinolytiques peuvent être utilisée par exemple l’UK avec une dose de charge de 1 000 à 2 000 UI/kg, suivie d’une dose d’entretien de 1 000 à 2 000 UI/kg/h. Cette utilisation doit être précoce en respectant les contre-indications d’une durée de 3 jours, avec un relais par l’HNF ou bien par les HBPM.


Prévention de la TV chez les malades porteurs d’un cathéter central


L’incidence des thromboses sur cathéters veineux centraux rapportée chez les patients atteints de cancer varie selon les études. Les études les plus récentes rapportent un taux de thromboses similaire avec ou sans traitement préventif (environ 5 % de thromboses symptomatiques).

La warfarine, à dose fixe de 1mg/j avec un INR < 1,5, ne présente pas de bénéfice dans la prévention des TV sur cathéter en territoire cave supérieur chez les patients atteints de cancer. Les données de la littérature montrent un effet délétère (augmentation de l’INR avec risque hémorragique) des AVK à faibles doses lorsqu’ils sont associés au 5-FU.

En conclusion, l’utilisation d’une prévention primaire des ATEV sur cathéter veineux central chez les patients atteints d’un cancer n’est pas recommandée. Le traitement curatif d’un ATEV sur cathéter veineux central doit privilégier les HBPM au long cours, sauf indication particulière.



La TV est plus fréquente chez les malades cancéreux et la découverte d’un cancer occulte n’est pas exceptionnelle chez les malades ayant un ATEV idiopathique en particulier récidivant. Il existe un risque plus élevé d’accident thromboembolique postopératoire en chirurgie oncologique ou chez le malade porteur d’un cancer. La posologie de l’HBPM sous-cutanée efficace est à peu près bien déterminée. Le moment de l’injection de la première dose doit être le plus proche possible de l’acte opératoire, soit avant, soit en postopératoire, mais pas plus de 24h après cet acte opératoire. La durée du traitement mérite encore d’autres études, mais celle de 7 à 10 jours utilisée en chirurgie générale non oncologique paraît trop courte, et une durée de 1 mois semble préférable. Il existe également une augmentation du risque d’accidents veineux thromboemboliques chez les malades hospitalisés immobilisés ayant une affection médicale aiguë (infection respiratoire sévère, défaillance cardiaque sévère) et porteur d’un cancer. Une thromboprophylaxie paraît efficace chez ces malades, mais sa durée reste mal déterminée. Il existe une augmentation du risque de récidive chez les malades cancéreux ayant eu un premier accident thromboembolique et les HBPM au long cours pourraient être préférées au traitement anticoagulant oral. De nouvelles études sont cependant souhaitables. La prévention primaire des ATEV chez les malades porteurs d’un cathéter central n’est pas recommandée.


Thrombose, syndrome myéloprolifératif et hémoglobinurie paroxystique nocturne (HPN)


Les différentes maladies qui composent le syndrome myéloprolifératif, polyglobulie de Vaquez, leucémie myéloïde chronique et thrombocytémie majorent le risque d’accident thromboembolique. Une augmentation du nombre de plaquettes et une thrombopathie sont souvent associées chez ces patients. La polyglobulie responsable d’hyperviscosité multiplie par 12 environ le risque de TV.

Des thromboses, aussi bien veineuses qu’artérielles, ont été rapportées au cours de ce syndrome. Tous les vaisseaux peuvent être atteints, des vaisseaux rétiniens aux veines et artères du système porte. La recherche d’un syndrome myéloprolifératif, dans cette dernière pathologie est classique.


Le traitement anticoagulant est efficace en prévention secondaire mais sa place est discutée en prévention primaire.

La récente découverte de la mutation acquise JAK2 apporte une aide nouvelle au diagnostic différentiel des différentes maladies du syndrome myéloprolifératif.

La recherche d’un trouble de l’agrégation plaquettaire aide à distinguer ces patients, de sujets porteurs d’une thrombocytose.


Hémoglobinurie paroxystique nocturne ou maladie de Marchiafava-Micheli


Il s’agit d’une affection très rare, acquise, associée à une anomalie génétique localisée au chromosome X et retrouvée dans les deux sexes. L’altération entraîne une lésion de la membrane du globule rouge qui a une réponse d’hypersensibilité au complément activé. La nuit, la diminution du pH entraîne une activation du complément, responsable d’une hémolyse des globules rouges anormaux (coloration des urines contenant l’hémoglobine au réveil).

L’hémoglobinurie paroxystique nocturne est une cause rare, mais reconnue de TV des veines hépatiques, rénales, cérébrales ou de la veine cave inférieure.

L’HPN a une sévérité accrue chez la femme enceinte avec un risque augmenté d’ATEV pouvant justifier le recours à une thromboprophylaxie par les héparines pendant toute la grossesse et le post-partum.

Stay updated, free articles. Join our Telegram channel

Jun 5, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on Maladie Thromboembolique Veineuse

Full access? Get Clinical Tree

Get Clinical Tree app for offline access