15. Psychotropes
Les altérations psychiques peuvent se retrouver dans trois grands groupes :
– Les troubles névrotiques sont des maladies psychiques : névroses d’angoisse, phobique, obsessionnelle, hystérique. Ils constituent environ un tiers de l’ensemble des maladies psychiatriques. Ils s’accompagnent de perte d’appétit et de sommeil et entraînent des troubles de la sexualité. Les névroses entravent peu le comportement social des malades qui sont conscients de leur état.
– Les troubles psychotiques sont des troubles mentaux caractérisés par la perte de l’autocritique du malade qui est étranger à lui-même et dont la responsabilité est réduite. On distingue : la schizophrénie, délire précoce qui atteint l’adolescent ou l’adulte jeune ; la psychose maniaco-dépressive avec succession de joie délirante avec hallucinations et de dépression profonde avec mélancolie et désir de mort ; la psychose paranoïaque avec surestimation pathologique du moi, orgueil exagéré, susceptibilité, égoïsme, méfiance, inadaptabilité sociale.
– L’arriération mentale : idiotie, débilité plus ou moins prononcées (oligophrénie…).
Les psychotropes, très divers sur le plan chimique et dont le mécanisme d’action est parfois mal connu, sont divisés en quatre grandes classes dans la classification de Delay et Deniker (tableau 15.1).
■ Les psycholeptiques
— Ils ralentissent l’activité mentale. Ils sont divisés en 3 groupes :
• Les neuroleptiques (ou thymoleptiques) qui dépriment l’humeur. Ils sont employés pour réduire les troubles psychotiques.
• Les anxiolytiques ou tranquillisants qui réduisent la tension émotionnelle et l’anxiété.
• Les hypnotiques qui abaissent la vigilance et entraînent le sommeil.
■ Les psychoanaleptiques
• Les antidépresseurs (ou thymoanaleptiques) ont une action élective sur les états dépressifs. On distingue les tricycliques du type imipramine (Tofranil), les inhibiteurs de la mono-amine-oxydase (IMAO) et les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine, ou de la noradrénaline, ou des deux neuromédiateurs.
• Les psychotoniques stimulent la vigilance (amphétamines).
■ Les psychodysleptiques
— Perturbateurs de l’activité mentale, ils génèrent des hallucinations recherchées par les toxicomanes.
■ Les thymorégulateurs
— Ils ont un effet préventif contre les rechutes des troubles bipolaires.
Le tableau ci-dessous schématise la classification des médicaments psychotropes.
LES NEUROLEPTIQUES OU ANTIPSYCHOTIQUES
Les neuroleptiques sont les principaux médicaments des psychoses dont ils diminuent l’agressivité et l’agitation. Leurs meilleures indications sont les psychoses aiguës (bouffées délirantes, accès maniaques, delirium tremens) et la schizophrénie. Leur mécanisme d’action est lié au blocage des récepteurs dopaminergiques centraux. Ils peuvent également bloquer d’autres récepteurs (adrénergiques histaminiques, cholinergiques et muscariniques) ce qui entraîne des effets secondaires.
■ Indications
— Trois types d’action sont recherchés :
– L’effet anti-délirant (Largactil, halopéridol) : ils atténuent ou font disparaître délires et hallucinations. Ils sont indiqués dans la schizophrénie dont c’est le traitement de fond. On les utilise éventuellement en association avec des sédatifs dans les états d’agitation et dans la manie.
– L’effet anti-déficitaire (Dogmatil, Piportil) de certains neuroleptiques est utile dans les symptômes de type déficitaire (indifférence, perte de l’initiative, du contact, akinésie, anhédonie). Ces neuroleptiques sont indiqués chez l’hébéphrène, dans la schizophrénie simple, ainsi qu’en anesthésie.
– L’effet sédatif (Nozinan, Melleril, Tercian, Neuleptil) est observé dans les conduites d’agitation quelle qu’en soit la cause.
■ Effets secondaires
— Ils peuvent être nombreux :
– Signes extrapyramidaux : ils s’observent au cours des premières semaines du traitement : syndrome parkinsonien (surtout chez les femmes et chez les malades âgés), dyskinésies (mouvements anormaux de la face et des yeux, tics, tremblement des extrémités), instabilité, réactivation anxieuse ou délirante. La prévention de ces effets devra être systématique lors d’un traitement.
– Effets neuro-végétatifs : hypotension orthostatique, tachycardie.
– Effets endocriniens : les neuroleptiques entraînent une hyperprolactinémie avec gynécomastie, galactorrhée, aménorrhée, impuissance, frigidité, prise de poids.
– Effets cutanés : allergies cutanées du personnel infirmier et photosensibilisation avec le Largactil.
– Le syndrome malin des neuroleptiques, rare mais très grave, est caractérisé par une hyperthermie inexpliquée, pâleur, troubles respiratoires. L’arrêt du traitement doit être immédiat et une réanimation doit être entreprise.
■ Contre-indications et surveillance du traitement
— Leur utilisation doit être évitée :
– dans les syndromes neurologiques (maladie de Parkinson, sclérose en plaques, syndromes pyramidaux) ;
– dans toutes les intoxications aiguës ;
– dans le glaucome, les porphyries ;
– chez la femme enceinte ;
– leur utilisation doit être très prudente chez les sujets âgés et l’enfant ;
– on ne leur associera pas les IMAO, les autres dépresseurs centraux, les sympathomimétiques, les anti-histaminiques, les hypotenseurs.
Un bilan régulier doit comporter une numération formule sanguine, un bilan hépatique, ophtalmologique, un EEG et un ECG, une glycémie et une vitesse de sédimentation.
La chlorpromazine (Largactil)
Chef de file des neuroleptiques, elle possède les trois propriétés essentielles des neuroleptiques : sédative surtout, antiproductrice et désinhibitrice.
■ Propriétés
— Elle agit sur le système nerveux central (action sédative), sur le système végétatif (action anticholinergique) et sur l’hypothalamus (blocage hormonal).
La chlorpromazine est utilisée dans le traitement de la schizophrénie, des états confusionnels, des états dépressifs, dans l’hibernation artificielle, la cure de sommeil et en prémédication dans la composition des « cocktails lytiques ». Les doses utilisables sont de 25 à 50mg par jour, par voie buccale, rectale ou intramusculaire.
■ Incidents et accidents
• Sur le plan neuropsychiatrique : les dyskinésies sont pratiquement constantes et très fréquentes même aux doses faibles. On observe un syndrome parkinsonien ce qui nécessite très souvent un traitement antiparkinsonien associé (Artane, Lepticur, Ponalide). La L-Dopa est inactive dans ce cas car les troubles extrapyramidaux engendrés par les neuroleptiques ne sont pas dus à un déficit des noyaux gris centraux en dopamine comme dans la maladie de Parkinson. On a signalé des cas très rares de crise comitiale lors de l’utilisation du Largactil.
• Sur le plan hépatique : de nombreux cas d’ictères rétentionnels bénins ont été décrits, qui disparaissent spontanément.
• Sur le plan cardio-vasculaire : il a été signalé une certaine fréquence de tachycardies et la possibilité de survenue de collapsus graves.
• Les accidents dermatologiques sont assez fréquents, faits d’érythèmes prurigineux ou d’eczéma que la lumière aggrave. On observe parfois un eczéma allergique (inscrit au tableau des maladies professionnelles) chez le personnel soignant qui manipule ce produit.
Les dérivés de la chlorpromazine
Signalons, comme pour le Largactil, une certaine fréquence d’accidents cutanés chez le personnel infirmier lors de la manipulation des dérivés de la chlorpromazine.
L’halopéridol (Haldol, Droleptan)
C’est un neuroleptique utilisé en psychiatrie (psychoses aiguës ou chroniques, agitation…), en prémédication et comme antivomitif. C’est un des produits les plus actifs sur les hallucinations aux doses quotidiennes de 5 à 10mg au début puis 1 à 3mg en cure d’entretien. Les contre-indications sont les hémiplégies, la sclérose en plaques et la maladie de Parkinson.
Les neuroleptiques atypiques (Dogmatil, Barnetil, Solian, Leponex, Risperdal, Orap)
Ainsi appelés car ils induisent moins d’effets extrapyramidaux, on les utilise souvent en relais des neuroleptiques classiques.
LES ANXIOLYTIQUES OU TRANQUILLISANTS
Les anxiolytiques ou tranquillisants sont des médicaments qui réduisent l’anxiété et la tension émotionnelle. Un soutien psychologique ou une psychothérapie peut s’avérer nécessaire chez certains patients.
• Les indications des tranquillisants sont très nombreuses :
– En psychiatrie : toutes les manifestations de l’angoisse sont justiciables des anxiolytiques, y compris les névroses d’angoisse.
– En pratique non psychiatrique : ils sont employés dans les affections digestives et cardio-vasculaires s’accompagnant d’anxiété ; dans les affections s’accompagnant de contractures musculaires (Myolastan) ; dans l’état de mal épileptique (Valium par voie intraveineuse, Rivotril au long cours) ; en prémédication anesthésique ; comme hypnotique.
Les benzodiazépines
■ Posologie et métabolisme
— Elles sont utilisées à des doses très variables selon la susceptibilité des sujets : par exemple, le Valium dans l’anxiété peut être utilisé à des doses de 5 à 60mg par jour. Le sujet âgé prendra des posologies plus faibles.
Par voie orale, le pic plasmatique est obtenu en 1 à 3 heures. Leur demi-vie (temps nécessaire pour que la concentration plasmatique diminue de moitié) différente permet leur classement : demi-vie supérieure à 24 heures (Tranxène, Valium) dont l’élimination est prolongée ; demi-vie comprise entre 5 et 24 heures (Lexomil, Séresta, Témesta, Xanax) qui présentent un moindre risque d’accumulation (tableau 15.2).