L’AVC est la première cause de handicap, la deuxième cause de déclin cognitif et la troisième cause de décès (après les accidents coronariens et le cancer). Environ 100 000 à 150 000 nouveaux cas d’AVC par an en France, soit un à deux pour 1 000 habitants; la mortalité à 30 jours varie de 10 à 17 % et un tiers des patients atteints décèdent dans les six mois. C’est un motif majeur de dépression, tant chez les patients que dans leur entourage. L’incidence de l’AVC augmente de façon exponentielle avec l’âge.
Le coût de l’AVC est très important et représente une part croissante du budget de l’assurance-maladie. Les nouvelles techniques d’imagerie médicale, comme l’IRM, ainsi que les nouvelles stratégies thérapeutiques antithrombotiques ou thrombolytiques, efficaces et bien tolérées, ont considérablement modifié le pronostic très péjoratif de cette maladie.
L’AVC est un syndrome clinique de début souvent brutal entraînant un déficit neurologique localisé, dû à une lésion vasculaire cérébrale. On peut observer une dysphagie, une dysarthrie, une hémianopsie, une faiblesse musculaire, une ataxie et une perte de la sensibilité. Les signes et les symptômes sont unilatéraux et l’état de conscience est souvent préservé. Le diagnostic différentiel inclut la migraine, une paralysie postcritique, l’hypoglycémie, une hystérie de conversion, un hématome sous-dural ou une tumeur cérébrale. Environ 85 % des AVC sont de nature ischémique, dus à l’occlusion d’un vaisseau par la maladie athéromateuse ou à un embole d’origine cardiaque, par fibrillation auriculaire par exemple, et 15 % sont d’origine hémorragique.
Les traitements antithrombotiques sont destinés aux accidents ischémiques, mais la survenue d’une hémorragie cérébrale représente le principal risque limitant leur usage; la préoccupation essentielle du clinicien reste toujours le rapport bénéfice/risque de ces traitements.
STRATÉGIE ANTITHROMBOTIQUE ET PRÉVENTION DU RISQUE
La meilleure façon de réduire l’incidence de l’AVC est évidemment la prévention et d’abord la prévention primaire. Comme toujours dans le domaine cardio-vasculaire, il existe des facteurs de risque modifiables et d’autres qui ne le sont pas.
Les facteurs non modifiables sont :
– l’âge (l’incidence de l’AVC double tous les 10 ans au-delà de 55 ans);
– le sexe (l’AVC est plus fréquent chez l’homme que chez la femme);
– la race (les noirs sont plus fréquemment atteints);
– les antécédents familiaux d’AVC ou d’accident ischémique transitoire.
Les facteurs de risques modifiables – avec plus ou moins de difficultés – comprennent l’hypertension artérielle (HTA) (facteur de risque tant pour les AVC ischémiques que pour les accidents hémorragiques et les lacunes cérébrales), qui multiplie le risque d’AVC par 7, le diabète, les dyslipidémies, le tabagisme (alcool plus tabac), la fibrillation auriculaire. D’autres facteurs de risque sont moins bien documentés comme l’obésité et le syndrome métabolique, la sédentarité, l’alcoolisme, la thrombophilie constitutionnelle et la contraception orale œstroprogestative, et la migraine.
Le diagnostic d’AVC repose essentiellement sur l’histoire clinique : survenue brutale ou rapidement progressive d’un déficit neurologique localisé (infarctus carotidiens ou infarctus vertébro-basilaires selon la topographie vasculaire). L’examen neurologique et l’imagerie médicale précoce (scanner cérébral et surtout IRM), confirment en général le diagnostic. Il sera essentiel d’exclure d’autres diagnostics dont l’aspect clinique peut simuler un AVC comme l’hypoglycémie, la migraine ou la période postcritique d’une crise comitiale. L’imagerie pourra aider à préciser le statut des artères en cause (sténose, occlusion, recanalisation par exemple), et d’autres examens complémentaires (ECG avec Holter éventuel, échocardiographie, tension artérielle, biologie avec un bilan complet de coagulation, etc.) pourront aider à préciser l’étiologie, permettant de poser les bases du traitement le mieux adapté.
CLASSIFICATION DE L’AVC
La classification suivante des AVC ischémiques est souvent utilisée :
– AVC des gros vaisseaux ou des artères pénétrantes, d’origine athéromateuse, c’est l’occlusion ou le rétrécissement (plus de 50 %) d’une artère cérébrale importante. Ces AVC sont souvent précédés d’un AIT dans le même territoire;
– AVC d’origine cardioembolique, souvent de territoire cortical ou souscortical, dont le responsable est un embole migrant depuis le cœur ou parfois de l’aorte;
– AVC des petites artères ou lacunaires, souvent à l’origine d’une hémiplégie purement motrice et le plus souvent en relation avec une hypertension ou un diabète;
– AVC de causes inhabituelles et reconnues par un diagnostic spécifique, telles que les malformations vasculaires d’origine non athéromateuses, les troubles de la coagulation ou les hémopathies. Il n’y a pas dans ce cas de systématisation à l’imagerie;
– AVC de cause indéterminée ou cryptogéniques : ils représentent plus de 30 % des AVC et comprennent notamment les accidents dans lesquels au moins deux causes sont impliquées (fig. 20.1).
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Fig. 20.1 Différents types d’AVC. |
Enfin, il faut mentionner deux autres symptômes qui amènent souvent à consulter :
– l’accident ischémique transitoire (AIT) : déficit neurologique focal, d’installation brutale, entièrement régressif en moins de 24h (le plus souvent en moins de 30min). À différencier de l’accident ischémique constitué qui est un déficit neurologique de topographie vasculaire durable pendant plus de 24h, consécutif le plus souvent à l’occlusion d’une artère cérébrale;
– l’ischémie rétinienne.
Le but essentiel du traitement de l’AVC est de stabiliser l’état clinique du patient, en particulier neurologique, et de minimiser voire de réduire les effets délétères d’une éventuelle occlusion artérielle sous-jacente diminuant ainsi la quantité de tissu cérébral ischémique dans l’espoir d’améliorer le pronostic à long terme pour le patient.
Sur le plan de la stratégie antithrombotique, les AVC d’origine embolique et ceux d’origine athérothrombotique ont fait l’objet d’études cliniques spécifiques randomisées. Deux types principaux d’études sont distingués selon l’inclusion ou non d’AVC d’origine embolique.
PRÉVENTION DE L’AVC EN L’ABSENCE DE CARDIOPATHIE EMBOLIGÈNE
Prévention primaire
Seule l’aspirine a été étudiée en prévention primaire : elle ne semble pas réduire de façon significative le risque d’infarctus cérébral mais augmente légèrement le risque hémorragique en particulier au niveau cérébral.
Son usage semble cependant raisonnable chez les patients ayant une maladie athéromateuse évoluée avec une sténose carotidienne asymptomatique par exemple et qui ont un risque élevé d’infarctus du myocarde (IDM). Toutefois, cette indication est hors AMM.
Pour l’ensemble des patients, la prévention primaire reste basée sur des mesures hygiéno-diététiques et logiques simples, valables également en prévention secondaire :
– le traitement de l’HTA et une réduction drastique en cas de prévention secondaire (IEC, ARA II recommandés désormais en première intention);
– chez le diabétique : un contrôle plus rigoureux de la glycémie afin de lutter contre les complications micro- et macrovasculaires, en tentant d’abaisser le seuil de l’HbA1c en dessous de 7 %;
– chez les patients ayant une dyslipidémie, même modérée, et identifiés comme à haut risque (plus de trois facteurs de risque) : en dehors des mesures hygiéno-diététiques classiques, la prescription d’une statine sera nécessaire pour abaisser le LDL-cholestérol en dessous du seuil de 1g/l;
– l’arrêt du tabagisme, une modération de la consommation d’alcool;
– une réduction pondérale afin d’obtenir un IMC < 25 et un périmètre abdominal < 102cm pour les hommes et < 88cm pour les femmes;
– une activité physique régulière d’au moins 30min/j.
Prévention secondaire
Les patients ayant eu un premier AVC ischémique (transitoire ou non) ont un risque élevé de récidive (24 à 42 % à 5 ans), d’accident cérébral ou coronarien; il est essentiel d’envisager pour eux une prévention secondaire. Celle-ci repose d’abord sur les règles élémentaires énoncées pour la prévention primaire en s’efforçant d’obtenir la meilleure observance possible, notamment en ce qui concerne les chiffres de pression artérielle, le taux de LDL-cholestérol et la glycémie pour les diabétiques.
De nombreuses études ont montré l’efficacité des antiagrégants plaquettaires dans la prévention secondaire de l’AVC : l’Antiplatelet Trialists Collaboration a montré une réduction de 27 % du critère de jugement combiné «AVC + IDM + décès d’origine vasculaire», une réduction de 31 % de l’AVC non fatal, de 35 % de l’IDM et de 18 % des décès d’origine vasculaire. La réduction du risque était cependant plus faible (22 %) chez les patients ayant déjà eu un AVC que chez les autres patients à haut risque. Une méta-analyse de dix études avec l’aspirine seule chez les patients ayant eu un AVC ou un AIT a montré une réduction du risque par rapport au placebo de 13 %.
Plus récemment, sur un échantillon de > 40 000 patients, l’IST (International Stroke Trial) et le Chinese Acute Stroke Trial ont montré une diminution de dix décès ou récidives d’AVC pour 1 000 cas chez des patients ayant eu un AVC et traités par l’aspirine moins de 48h après le début de l’AVC.

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