Premier: La brûlologie: Histoire d’une appellation : « une bataille linguistique »

Chapitre premier La brûlologie


Histoire d’une appellation : « une bataille linguistique »



Longtemps, les soins « aux brûlés » sont restés mal connus, voire volontairement oubliés ; pathologie non gratifiante, onéreuse, ce qui explique le désintérêt des autorités locales et administratives dans tous les services hospitaliers et qu’elle n’attire pas les vocations médicales.


Longtemps, quelques pionniers isolés s’intéresseront à ce traumatisme spécifique, qu’est la brûlure. Ce fut le cas de Colson (fig. 1-1) (qui ouvrit le premier service de brûlés à Lyon en 1952), de Lebeaupin (à peu près à la même époque à Nantes), de Gosset, de Lagrot, de Monsaingeon…



Longtemps, ce fut une spécialité « sans nom ». On parlait de « spécialistes ou professionnels des soins aux brûlés » ou de « praticiens exerçant dans les services de brûlés ». C’était une discipline à part, presque confidentielle, regroupant des médecins de diverses origines, allant des anesthésistes aux biologistes, et des chirurgiens aux psychiatres, aux rééducateurs et sans oublier tous les indispensables paramédicaux.




« La longue marche terminologique »


En juin 1980 a lieu le Premier congrès de la Société française d’études et de traitement des brûlures à Bordeaux (dont le président était Colson). Pour la première fois, le terme sera utilisé par le professeur Claude Masse, organisateur du congrès, dans un article intitulé « À l’aube de la brûlologie » paru dans le Bordeaux Médical. Jacques Chaban-Delmas, dans son discours inaugural, parlera de « groupe soudé dans une communauté de pensée et d’action ».


Ce néologisme ne suscita alors aucune réaction ; ce terme ne fut pas repris et il tombe dans l’oubli. En octobre 1985, lors du Sixième congrès des brûlés à Toulouse que nous organisons, il n’en est fait aucune mention et, en 1989, le bulletin de la Société d’études et traitement des brûlures s’intitule « La Lettre du… ? », ce qui prouve bien que notre groupe continue sa quête terminologique. Le secrétaire général de l’époque, Daniel Wassermann, propose qu’il en soit débattu au cours de l’Assemblée générale de la Société à Metz en 1989. En tant que président de cette société, nous réalisons en séance un plaidoyer en faveur du terme de « brûlologie ». Ce terme est adopté par un vote à mains levées, mais à une courte majorité ; beaucoup de nos collègues et non des moindres vont entretenir la polémique, manifester une incontestable réticence et l’utiliser du bout des lèvres. Certains n’hésitent pas à manifester leur réserve sur « l’inélégance du terme et sur sa construction ». Mais, pour Serge Baux, « la recherche d’une cohésion entre nos collègues était perçue comme un besoin ».


Persuadé ainsi de l’intérêt de cette dénomination, il nous faudra de la patience, de l’obstination et de la détermination pour la faire accepter.


En 1991, le bulletin de la Société devient enfin Dialogue en brûlologie puis La Lettre du brûlologue. Nous signons divers écrits : « Lettre ouverte à ceux que le terme brûlologie dérange », « Vous avez dit brûlologie ? », « La brûlologie, une discipline mature ».


Malgré cela, dans l’opuscule de janvier 1993 sur la prise en charge des brûlés graves, émanant de la Direction générale de la Santé, le terme de « brûlologie » apparaît quatre fois seulement dans les soixante-quinze pages de cet ouvrage.


Et, lors du Congrès mondial des brûlures à Paris (ISBI), en 1994, le terme de « brûlologie » n’est jamais prononcé.


Il faudra attendre 1999, soit près de vingt ans après le Premier congrès national, pour que le ministère de l’Éducation nationale, grâce à l’appui du doyen Jean Rey, conseiller du ministre, se rende à nos arguments et apparaît ainsi pour la première fois dans l’intitulé de la quatrième sous-section du Conseil national des universités (CNU), intitulé jusque-là « chirurgie plastique réparatrice et esthétique », l’adjonction du terme brûlologie (avec ses deux options pour l’agrégation : chirurgicale ou brûlologie). Cela permettra au concours suivant de nommer le professeur Wassermann, qui sera ainsi le premier professeur de brûlologie.


En juin 2000, c’est pour nous la consécration puisque le Congrès national à Toulouse s’intitule « Brûlologie 2000 ».


Le diplôme d’université des brûlures devient bientôt diplôme interuniversitaire de brûlologie et la revue des Brûlures devient également Revue française de brûlologie.


« La brûlologie existe, nous l’avons enfin rencontrée. »

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Sep 21, 2017 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on Premier: La brûlologie: Histoire d’une appellation : « une bataille linguistique »

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