Place et enjeux du conseil génétique

3. Place et enjeux du conseil génétique

A. Malafosse




Contexte historique




Génétique épidémiologique des troubles psychiatriques




Les études familiales


Leurs résultats constituent la base du conseilGénétique(s)conseil génétique et des estimations de risque de récurrenceRécurrence des TB. Le risque de récurrence est le rapport entre les taux de prévalencePrévalence de la maladie chez les apparentés et celui dans la population générale. La première question à laquelle répondent ces études est de savoir si les TB présentent une concentration familiale ; secondairement, elles peuvent permettre de déterminer si d’autres troubles sont plus souvent observés chez les apparentés de malades, et ainsi constituer le spectreSpectre bipolaire des TB. Les meilleures études donnent les taux en distinguant les apparentés de premier degré (parents, frères, sœurs et enfants) et de second degré (grands-parents, oncles, tantes et petits-enfants). Le plus souvent, ces taux sont comparés à ceux estimés en population générale. Dix-huit études familiales ont été publiées depuis la distinction troubles bipolaires/troubles unipolairesTrouble(s) unipolaire(s) (TU) après 1960 (Smoller et Finn, 2003). L’ensemble de ces études permet d’estimer des risques de récurrence moyens de 12,4 pour le TB chez les apparentés de malades bipolaires (8,7 % versus 0,7 % chez les apparentés de témoins) et de 3,1 chez ceux de malades unipolaires (2,2 % versus 0,7 %). Pour le TU, les risques de récurrence moyens sont de 3,4 chez les apparentés de malades unipolaires (17,9 % versus 5,2 %) et de 2,7 chez les apparentés de bipolaires (14,1 % versus 5,2 %). Ces études indiquent, de plus, que les risques sont comparables pour les TB ITrouble(s) bipolaire(s)type I et IITrouble(s) bipolaire(s)type II chez les apparentés de malades bipolaires. Peu d’études stratifient ces risques par degré de parenté et prennent en compte le phénotypePhénotype élargi aux conduites suicidairesSuicide(s)conduite(s) suicidaire(s). Cependant ces études apportent des résultats intéressants.

Premièrement, il paraît exister une décroissance exponentielle des taux de prévalence lorsque l’on passe des apparentés de premier degré à ceux de second degré (voir figure 3.1) (MacKinnon et coll., 1997). Cette décroissance est différente de celle, plus linéaire, que l’on peut observer dans des maladies héréditaires mendéliennes. Ces observations suggéraient déjà une étiologieÉtiologie plus complexe, faisant intervenir probablement plusieurs gènes et des facteurs environnementauxFacteursenvironnementaux.


Ensuite, la prise en compte d’un spectre élargi, comprenant TB, TU et suicide, montre que ces différents traits partagent une base familiale commune. Ces observations sont capitales dans l’établissement de l’arbre généalogique (voir p. 44 « L’histoire familiale »).

En conseil génétique, il est cependant fondamental d’adapter ces taux moyens aux circonstances individuelles de chaque famille. Les risques doivent en effet être individualisés en fonction de la structure familiale spécifique du consultant, comme ceci est détaillé plus loin.


Les études de jumeaux


Les études de jumeaux ont été développées beaucoup plus tardivement au cours du XXe siècle afin de pouvoir estimer, dans une pathologie, la composante génétique et la différencier de la composante environnementale. Le principe est de comparer des paires de jumeaux monozygotes (MZ), partageant un patrimoine génétique identique, à des paires de jumeaux dizygotes (DZ), ayant en moyenne 50 % de leur patrimoine génétique en commun. Dans une approximation acceptable, il est considéré que l’environnementEnvironnement est globalement le même chez les jumeaux MZ et DZ. C’est donc la composante génétique qui différencie jumeaux MZ et jumeaux DZ. Pour une affection à hérédité mendélienne, les taux de concordance attendus sont donc de 100 % pour les MZ, 50 % pour les DZ si le trait est transmis en dominance et 25 % de manière récessive.

Les trois principales études de jumeaux des TB (Farmer et coll., 2007) montrent que tel n’est pas le cas, si l’on considère le phénotypePhénotype restreint seulement (voir figure 3.1). La prise en compte du phénotype élargi serait davantage en faveur d’une composante génétique à effet majeur.


Les études de jumeauxGénétique(s)études de jumeaux peuvent être encore plus informatives. Le meilleur exemple ne vient pas des études du TB, mais de celles de la schizophrénie (SZP). Aussi, du fait de sa valeur démonstrative, nous allons décrire l’une de celles-ci. Cette étude (Gottesman et Bertelsen, 1989) a porté sur les enfants de jumeaux MZ et DZ discordant pour la SZP. Comme pour les TB, le taux de concordance chez les MZ est incomplet (environ 50 %). Chez les DZ, il est de 20 %. Les enfants des MZ présentent un taux de concordance comparable de 16-17 %, qu’ils descendent du cojumeau malade ou du cojumeau sain. En d’autres termes, le risque de développer une SZP lorsque l’on naît d’un parent sain, mais jumeau d’un patient schizophrène, est identique au risque de développer une SZP lorsque l’on naît d’un patient schizophrène. Le fait que les cojumeaux MZ sains n’aient pas exprimé la maladie n’a pas empêché la transmission des mêmes facteurs de vulnérabilité génétique que ceux de leurs cojumeaux malades. Chez les jumeaux DZ, à l’inverse, le taux de prévalence de la SZP chez les enfants des cojumeaux sains est à peine supérieur à celui observé en population générale, à savoir de 2 %. En revanche, le risque de développer une SZP pour l’enfant du cojumeau DZ malade est ici encore proche de 17 %. Aucune étude semblable n’a pu être réalisée dans les TB, mais il est probable que des résultats comparables seraient obtenus : la vulnérabilité génétique est présente, mais s’exprime ou pas selon l’existence de facteurs non génétiques protecteursFacteursprotecteurs (cojumeaux MZ sains) ou de vulnérabilité (cojumeaux MZ malades).


Les études d’adoption


Les études d’adoption sont particulièrement utiles à la compréhension des facteurs génétiquesVulnérabilité(s)génétique(s)Facteursgénétiques dans le développement des TB. La plus classique est celle de Mendlewicz et Rainer (1977). Dans cette étude sont comparés les taux de TB chez les parents biologiques et adoptifs de 29 malades bipolaires adoptés et de 22 adoptés sains. Deux témoins étaient constitués par les parents de 31 malades bipolaires et de 20 sujets poliomyélitiques non adoptés. La fréquence d’un spectreSpectre bipolaire très élargi (TB, TU, trouble schizoaffectif et trouble cyclothymique) était significativement plus élevée chez les parents biologiques (31 %) que chez les parents adoptifs des malades bipolaires (12 %). Un taux similaire (30 %) était observé chez les parents des malades bipolaires non adoptés. Des taux significativement plus bas étaient observés dans les autres groupes de parents.

Jun 22, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on Place et enjeux du conseil génétique

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