pelvienne dans la chirurgie des exentérations pelviennes

Chapitre 17 Reconstruction pelvienne dans la chirurgie des exentérations pelviennes




La reconstruction pelvienne est une chirurgie difficile qui regroupe de nombreuses situations cliniques à cheval avec plusieurs spécialités d’organes.


Grâce à l’intégration de chirurgiens plasticiens à la plupart des équipes de chirurgie cancérologique, l’apport de notre expertise en reconstruction des tissus mous rend possible la prise en charge des tumeurs localement avancées.


À ce titre, les exentérations pelviennes sont un exemple de chirurgies entraînant des pertes de substances larges associées à l’amputation d’un ou de plusieurs organes (vessie, vagin, rectum). Elles s’intègrent alors dans un projet thérapeutique ambitieux et imposent une double problématique : d’une part la nécessité de combler la cavité pelvienne résiduelle et de rendre possible la cicatrisation périnéale dans de bonnes conditions ; d’autre part évaluer les possibilités de reconstructions des organes sacrifiés.


Elles nécessitent le plus souvent une approche multidisciplinaire afin d’établir au mieux le plan de reconstruction.




DÉFINITION


La chirurgie d’exentération est une chirurgie d’exception indiquée pour une tumeur localement évoluée ou une récidive pelvienne d’un cancer gynécologique, urologique ou digestif.


Le type d’exérèse et de sacrifice viscéral doit être adapté à la localisation tumorale. La classification actuellement la plus usitée est celle décrite par Magrina. Elle différencie trois groupes d’exentération en fonction des organes du pelvis concernés par l’exérèse (antérieure, postérieure et totale), chacun de ces groupes pouvant correspondre à trois types de chirurgie en fonction de la hauteur par rapport au plan des muscles releveurs de l’anus (figure 17.1).



On peut schématiser cette classification en la scindant en quatre grands types d’interventions pouvant ainsi être planifiées (figures 17.2 à 17.4) :




exentération totale, qui emporte vessie et rectum (figure 17.4). En fonction de la hauteur par rapport au plan des muscles releveurs de l’anus, on distinguera deux types : supralevatorienne (type I), infralevatorienne (type II) ;





Le chirurgien plasticien sera confronté essentiellement aux chirurgies nécessitant une périnectomie, car ce seront celles entraînant le défect périnéal le plus important. Les autres sousgroupes seront en grande majorité traités par les chirurgiens gynécologiques et digestifs.



PROBLÈMES POSÉS PAR LA CHIRURGIE D’EXENTÉRATION PELVIENNE


Ces interventions sont grevées d’une morbidité importante compte tenu de leur complexité. Les impératifs carcinologiques peuvent entraîner de graves mutilations. Ils posent un triple problème :





La mortalité périopératoire, actuellement mieux maîtrisée, est inférieure à 10 %. La morbidité reste cependant très élevée, puisqu’on estime qu’au moins 50 % des patientes présenteront une complication.


La durée opératoire (supérieure à 5 h) et les pertes sanguines sont les causes majeures de ces complications.


Le risque thrombo-embolique est élevé (le taux de thrombose veineuse profonde est proche de 15 %).


Les complications infectieuses sont fréquentes, soit liées à la persistance d’espaces morts (la fréquence des abcès pelviens est comprise entre 5 et 20 %), soit liées à un geste viscéral (fistules digestives, infection urinaire, en particulier lors de reconstruction vésicale, infections pulmonaires).


Les complications chirurgicales sont fréquentes, graves et nécessitent souvent une reprise chirurgicale dont la mortalité est importante. Elles sont représentées par les syndromes occlusifs (5 à 18 %), les fistules digestives (15 à 31 %) et les fistules urinaires, surtout en cas de reconstruction.



PRINCIPES DE LA RECONSTRUCTION


Les principes de la reconstruction doivent répondre aux trois problèmes majeurs suivants :





La reconstruction de l’axe urinaire utilise des techniques de dérivation non continente (type Bricker) ou continente (poche de Koch, poche de Miami). Les techniques de poche continente sont de réalisation plus délicate, mais doivent être privilégiées chez les patients jeunes. Elles imposent un apprentissage des sondages et des éventuelles irrigations.


La remise en continuité de l’axe digestif est toujours souhaitable, mais il faut au préalable s’assurer de la continence parfaite du sphincter anal. En cas d’incontinence prévisible, il vaut mieux réaliser une colostomie terminale. Dans quelques cas d’amputation abdominopérinéale, on peut proposer des techniques de reconstruction sphinctérienne (graciloplastie électrostimulée). L’intérêt de ces interventions reste très discuté dans la littérature, et elles ne doivent pas être proposées sans une concertation préopératoire.


Lors des exentérations pelviennes chez la femme, le geste de reconstruction vaginale est presque impératif, permettant, en plus de la restauration du schéma corporel, d’examiner cliniquement le pelvis de la patiente dans le suivi postopératoire.



EXPÉRIENCE AU CHU DE TOULOUSE


Entre 2003 et 2006, 18 exentérations pelviennes ont été réalisées pour 11 cancers du rectum localement avancés T4 (LA), et 7 en récidive locale (RL). Il s’agissait de 9 exentérations postérieures (EP) et 9 exentérations totales (ET). Les EP étaient définies par l’exérèse du rectum élargie à l’appareil génital (utérus, vagin). Les ET étaient définies par une EP élargie à l’appareil urogénital (vessie, prostate).


Le recueil des données a été réalisé de façon prospective. Tous les patients ont bénéficié d’un bilan préopératoire morphologique par imagerie par résonance magnétique (IRM), planifiant l’intervention en fonction de l’envahissement pelvien prévisible : antérieur, postérieur et latéral.


Quatorze patients ont bénéficié d’une reconstruction par lambeau de grand droit abdominal. Treize patients (72 %) ont reçu une irradiation préopératoire. Deux patients ont reçu une irradiation peropératoire (IPO). Les lésions fixées à la paroi pelvienne latérale ou dépassant le plan du fascia recti ont bénéficié d’une dissection extravasculaire (DEV) emportant les pédicules vasculaires iliaques internes et la lame celluloganglionnaire iliaque et ilio-obturatrice.


Les complications majeures ont été définies par la nécessité d’une réintervention en urgence.


La mortalité périopératoire a été nulle. Le taux de complication global a été de 50 %, avec un taux de complications majeures de 16 %. La durée opératoire moyenne était 430 min (240–720). Le taux de reprise chirurgicale a été de 22 % (n = 4). La durée médiane de séjour était de 24 jours.


Le taux de résection R0 était de 67 %, avec 27 % de résections microscopiquement incomplètes (R1). Le taux de résection R0 était plus faible pour les RL (58 %) que pour les LA (72 %). Le taux de R0 était plus important lorsqu’une DEV était réalisée (75 % versus 60 %). Les RL, les ET et la réalisation d’une DEV étaient associées à une morbidité plus importante, mais avec un taux élevé de résections curatives.


La fermeture primaire périnéale a été complète pour 14 patients (94 %). Une déhiscence périnéale partielle a été observée chez 2 patients. Une complication du lambeau a été observée dans 4 cas (27 %) : un cas de nécrose total, deux de nécrose partielle et une hémorragie de la zone de prélèvement abdominale.


Une collection de la région pelvienne a été observée chez 3 patients. Aucune occlusion intestinale ou fistule n’a été observée.


La médiane de suivi était de 20 mois. Deux complications tardives ont été signalées : un abcès du périnée, nécessitant un traitement chirurgical, et une hernie périnéale.



GLOSSAIRE DES TECHNIQUES DE COMBLEMENT


Dans un contexte de chirurgie lourde du pelvis, seul l’apport d’un tissu richement vascularisé, tel que les lambeaux musculocutanés, permet de diminuer significativement les risques d’infection, d’occlusion sur brides et de fistule sur ces zones le plus souvent déjà irradiées.


La nécrose des lambeaux constitue un échec de la technique et majore le risque de fistule, ce qui impose donc l’utilisation en première intention de techniques éprouvées et fiables.


Différents types de lambeaux sont utilisés en reconstruction vaginale et périnéale.






Lambeau de muscle grand droit de l’abdomen


La première publication concernant le lambeau musculocutané du grand droit pédiculé sur le pédicule épigastrique inférieur, tel que nous l’utilisons, peut être attribuée à Taylor en 1983. Cependant, dès 1974, le muscle grand droit a été utilisé en lambeau libre ou pédiculé, mais son utilisation était marquée par un taux de nécrose trop important (de 50 à 60 % selon les séries). Taylor, lui, avait remarqué que les échecs diminuaient lorsque le lambeau était levé proche de l’ombilic. Il a donc réalisé une étude anatomique sur la vascularisation de la paroi abdominale afin de dessiner un lambeau plus fiable (figure 17.5).



Toutes les publications concernant ce lambeau utilisent les mêmes principes anatomiques, ne variant plus que sur l’orientation du dessin de la palette cutanée.


Le lambeau de Taylor répond parfaitement à ce concept, lui conférant ainsi sa grande fiabilité.



Les différents types de palette cutanée


L’adaptation du lambeau à la situation clinique va conduire le chirurgien à choisir entre différentes formes de palettes cutanées.


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Apr 27, 2017 | Posted by in CHIRURGIE | Comments Off on pelvienne dans la chirurgie des exentérations pelviennes

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