32. Médicaments de L’hémostase
ANTICOAGULANTS
Les anticoagulants interviennent dans la prévention ou le traitement des thromboses artérielles et veineuses. Pour bien comprendre leur mode d’action, il est essentiel de connaître le schéma de la coagulation.
LA COAGULATION
La coagulation est le troisième temps de l’hémostase, c’est-à-dire de l’ensemble des phénomènes physiologiques qui interviennent lors d’une lésion d’un vaisseau sanguin pour aboutir à la formation d’un thrombus qui arrête l’hémorragie (voir schéma, p. 256). Ainsi, lorsqu’un vaisseau est lésé on observe :
• Un temps vasculaire : le vaisseau se contracte pour réagir contre l’hémorragie.
• Un temps plaquettaire : les plaquettes sanguines s’agrègent en amas et recouvrent la plaie en formant un thrombus : l’hémorragie s’arrête.
• Un temps plasmatique : la coagulation du sang qui est la formation d’un gel insoluble de fibrine. La coagulation comporte les 3 stades suivants :
1. Formation de la thromboplastine ou thromboplastinoformation : elle peut être réalisée, comme le montre le schéma, par deux voies :
– la voie exogène ainsi appelée car elle fait intervenir la thromboplastine tissulaire libérée par les différents tissus lésés.
2. Formation de la thrombine ou thrombinoformation : la prothrombine donne naissance à la thrombine sous l’action de la thromboplastine active.
3. Formation de fibrine ou fibrinoformation : la thrombine transforme le fibrinogène en fibrine. La fibrine est un gel insoluble qui enserre les éléments figurés du sang pour donner le caillot.
Le schéma p. 256 résume les différentes phases de la coagulation.
LES ANTICOAGULANTS UTILISÉS EN THÉRAPEUTIQUE
Les anticoagulants sont précieux dans le traitement préventif et curatif des thromboses veineuses dont la formation dépend de nombreux facteurs, parmi lesquels les lésions inflammatoires, les plaques d’athérome, les endocardites, la stase (malade platré, cardiaque alité…). Les thromboses s’observent souvent dans les leucémies, les polyglobulies, les hyperplaquettoses. Une thrombose veineuse peut survenir chez environ 20 % des patients ayant subi une chirurgie abdominale et 50 % des patients après une chirurgie orthopédique majeure. Le but idéal du traitement anticoagulant est de prévenir la thrombose ou de stopper son évolution sans provoquer d’hémorragies.
Les anticoagulants agissent :
– soit en empêchant la formation de prothrombine ; on dit qu’ils sont antiprothrombine (Pindione) ;
– soit en empêchant la transformation de la prothrombine en thrombine et donc l’action de la thrombine sur le fibrinogène ; on dit qu’ils sont antithrombine (Héparine).
Il existe deux types d’anticoagulants :
– l’héparine qui agit immédiatement mais peu longtemps ; elle s’administre essentiellement par voie veineuse ;
– les antivitamines K qui agissent tardivement mais pendant longtemps ; elles s’administrent par voie buccale.
L’héparine standard ou héparine non fractionnée
C’est un mélange complexe de molécules qui se trouvent dans les granulations des tissus riches en mastocytes comme le foie, le poumon et l’intestin. C’est l’anticoagulant physiologique qui a également d’autres effets : effet antithrombotique, effet antalgique, action clarifiante sur le plasma, action natriurétique. En fonction de leur poids moléculaire (PM), on distingue deux grands groupes d’héparines : les héparines de PM élevé dites standard et les héparines de bas PM (HBPM) préparées à partir du fractionnement des héparines standard. Elles sont inscrites sur la liste I.
• Conduite du traitement. L’héparine est inactivée per os ; elle est administrée soit en perfusion IV continue à la seringue électrique, l’héparine étant diluée dans du sérum glucosé (500UI/kg/24h) ; soit en injections IV discontinues toutes les 2h, mode d’administration qui est moins satisfaisant.
L’effet de l’héparine est immédiat et dure 5 à 6 heures. L’héparine n’est pas une médication au long cours. On l’utilise dans le traitement initial de la maladie thromboembolique, dans l’hémodialyse, dans les coagulopathies de consommation, dans l’infarctus du myocarde à la phase aiguë.
On peut aussi utiliser le sel de calcium (Calciparine) par voie souscutanée à l’aide d’une seringue spéciale. Les injections sont faites au niveau de la ceinture abdominale en formant un pli cutané et en piquant perpendiculairement à l’arête de ce pli pour éviter au maximum les hématomes.
La survenue d’une thrombose ou d’une thrombopénie à l’héparine doit faire arrêter immédiatement le traitement.
• Accidents. Le risque majeur est l’hémorragie qui est rare à condition que le malade ne soit pas un opéré récent ou qu’il n’ait pas de tendance hémorragique. En cas d’accident hémorragique, on a recours à l’administration par voie intraveineuse lente d’un antidote, le sulfate de protamine, qui « neutralise » l’action de l’héparine : 1mg neutralise 1mg d’héparine.
L’héparine provoque très rarement des accidents d’intolérance (céphalées, nausées, vertiges). Elle peut entraîner des thrombopénies transitoires et bénignes ou au contraire sévères nécessitant l’arrêt.
• La surveillance biologique du traitement à l’héparine standard est importante ; le prélèvement de sang destiné à l’examen biologique devra être fait du côté opposé à la perfusion. On a recours aux examens suivants :
Le temps de céphaline activée (TCA) : la zone thérapeutique est à 2 à 3 fois le témoin.
L’héparinémie circulante : 0,4 à 0,6UI/mL de plasma pour l’héparine standard et 0,5 à 1UI/mL pour HBPM.
Le temps de thrombine : son allongement permet de vérifier que l’hypocoagulabilité est réellement liée à l’action anti-thrombine de l’héparine, et non à une hypocoagulabilité spontanée.
Les héparines de bas poids moléculaire ou HBPM (Fraxiparine, Fragmine, Lovenox, Clivarine, Orgaran)
De poids moléculaire plus faible (5 000) que l’héparine standard (15 000) elles interviennent sur l’inactivation du facteur Xa (facteur Stuart). Elles ont des avantages par rapport à l’héparine standard : moindre risque hémorragique, moindre fréquence des thrombopénies, surveillance biologique limitée. On les utilise dans la prévention des complications thrombotiques en particulier post-opératoires. La surveillance porte sur l’activité anti-Xa mesurée 4h après leur administration (0,5 à 1Ul/mL). Les tests de surveillance de l’héparine standard sont inadaptés.
Les antivitamines K
Les antivitamines K inhibent la synthèse hépatique de la vitamine K qui elle même est nécessaire à la synthèse hépatique de facteurs intervenant dans la coagulation (prothrombine, proconvertine, facteur Stuart et facteur antihémophilique B).
Ce sont les seuls médicaments anticoagulants administrés par voie orale. Elles sont largement utilisées en pratique médicale courante (1 % de la population française). On en distingue deux classes :