Principales pathologies des récepteurs glycoprotéiques
Dystrophie thrombocytaire hémorragipare de Bernard et Soulier
Elle est de transmission autosomale récessive. Au plan biologique, elle se caractérise par une absence d’adhésion des plaquettes au sous-endothélium vasculaire. Les plaquettes sont de grand volume (12 à 15fl), en nombre légèrement diminué. Le déficit en récepteurs membranaires glycoprotéiques (GP) Ib-IX-V est démontré sur électrophorèse bidimensionnelle et/ou par cytométrie en flux. L’étude fonctionnelle in vitro confirme l’absence d’agglutination en présence de ristocétine et de botrocétine, tandis que l’agrégation induite par les autres agonistes classiques (thrombine, collagène) est normale. Le TO obtenu par l’automate PFA-100 (automate platelet function analyser) est très allongé avec les deux cartouches. La biologie moléculaire permet de mettre en évidence des variants avec des mutations différentes.
Thrombasthénie de Glanzmann
Elle est aussi de transmission autosomale récessive. Le syndrome hémorragique cutanéomuqueux peut s’estomper à l’âge adulte. Une anémie ferriprive fréquente peut témoigner de la persistance de saignements occultes.
La maladie est caractérisée par une absence d’agrégation des plaquettes quel que soit l’agoniste utilisé. Elle est liée à un déficit en site d’amarrage du fibrinogène : les complexes GPIIb-IIIa ou intégrines α2bβ3 dont il existe 40 000 à 80 000 copies par plaquette normale. Ce chiffre est réduit à 20 % dans le type II, forme atténuée et 5 % dans le type I, forme sévère, la plus fréquente. Il existe des variantes où l’anomalie du complexe est strictement qualitative. L’étude fonctionnelle in vitro montre une activation plaquettaire limitée à un changement de forme et réaction sécrétoire conservée avec une libération d’ATP pratiquement normale. La rétraction du caillot est nulle. Le TO au PFA-100 est allongé avec les deux cartouches. La biologie moléculaire permet l’étude des anomalies génétiques associées (mutations ponctuelles). En France, la maladie est le plus fréquemment observée chez les Gitans, groupe ethnique à forte endogamie. Elle est favorisée par la consanguinité.
Altérations des voies de signalisation plaquettaire
L’anomalie de la réponse à l’activateur plaquettaire (adénosine diphosphate ou ADP) est voisine, par ses caractères biologiques, de la thrombopathie acquise induite par la ticlopidine ou le clopidogrel. Elle a été observée dans un petit nombre de familles.
Des anomalies de réponse du récepteur de l’adrénaline ou du collagène (GPIa-IIa) ou de la thrombine sont aussi décrites. D’autres anomalies, telles que des troubles de la microvésiculation, sont décrites et sont rappelées dans le tableau 2.I.
Tx : thromboxane | |
Anomalies de l’adhésion | Maladie de Bernard et Soulier Pseudo-Willebrand |
Anomalies de l’agrégation primaire | Thrombasthénie de Glanzmann |
Anomalies de la signalisation | Déficit en cyclooxygénase Déficit en Tx synthétase Défaut de la mobilisation calcique Défaut de synthèse du phosphatidyl-inositol Anomalies du système des protéines G |
Anomalies de la sécrétion | Pool vide delta Pool vide alpha ou syndrome des plaquettes grises FV Québec |
Anomalies de la fonction procoagulante | Syndrome de Scott |
Pathologies sécrétoires
L’atteinte de la réponse sécrétoire par trouble de la signalisation ou de la capacité des granules à libérer leurs granules est responsable d’une désagrégation notable des plaquettes. Les progrès de la microscopie électronique et des dosages des constituants granulaires ont permis une meilleure compréhension et une distinction des thrombopathies sécrétoires. Ainsi, sont distingués les pools vides delta (anomalies des grains denses) et les pools vides alpha (anomalies des grains alpha).
De transmission autosomale récessive, le syndrome de Chediak-Higashi, est associé à un albinisme partiel et à des infections récurrentes. L’évolution est marquée par des phases de thrombopénie et de leucopénie.
Le syndrome de Wiskott-Aldrich est aussi caractérisé par un déficit en granules denses.
Le déficit en contenu des granules alpha plaquettaires, ou maladie du pool vide alpha correspond au syndrome des plaquettes grises, car ces granules apparaissent azurophiles au sein de la plaquette. La transmission est autosomale dominante.
Autres pathologies
D’autres pathologies associent des anomalies des plaquettes et des facteurs plasmatiques.
La maladie de Willebrand comporte le variant type 2B, caractérisé par une affinité accrue du VWF pour la GPIb plaquettaire et la pseudo-maladie de Willebrand, caractérisée par une affinité accrue de la GPIb plaquettaire pour la ristocétine (voir chapitre 2).
Anomalie du FV plaquettaire (thrombopathie Québec)
Elle est caractérisée par un syndrome hémorragique clinique transmis sur le mode autosomal dominant. Les plaquettes sont en nombre relativement diminué, avec une absence de réponse à l’adrénaline, un déficit en multimérine et une protéolyse exagérée des constituants granulaires α (FV, thrombospondine, fibrinogène, VWF, fibronectine et sélectine). Le déficit en FV plaquettaire entraîne une diminution des fonctions procoagulantes. Une particularité clinique de cette thrombopathie est l’absence d’efficacité des transfusions plaquettaires pour contrôler les épisodes hémorragiques.
Syndrome de Scott
Dans ce syndrome, les plaquettes présentent une anomalie d’exposition des phospholipides membranaires conduisant à un défaut d’activation de la coagulation plasmatique (ralentissement de la cinétique d’activation de la thrombine). Le test de consommation de la prothrombine permet aisément d’évaluer l’activité coagulante des plaquettes en mesurant la prothrombine résiduelle dans le sérum qui doit être normalement < 10 %. Le mode de transmission est autosomal récessif.
Maladie de Willebrand
Marc Trossaërt
Décrite pour la première fois en 1926 par Erik von Willebrand chez une famille de l’archipel d’Aaland en Finlande, la maladie de Willebrand est la plus fréquente des anomalies constitutionnelles de l’hémostase avec une prévalence estimée dans la population générale à 1 %. Elle se transmet sur un mode autosomal, généralement dominant. Elle est liée à une anomalie soit quantitative, soit qualitative, du facteur Willebrand (VWF). La plupart des patients (70 à 80 %) ont une symptomatologie modérée, faite d’hémorragies cutanéomuqueuses. La prévalence des sujets symptomatiques serait de 1 pour 10 000, donc assez voisine de celle de l’hémophilie A ou B. Cependant, il existe une très grande hétérogénéité dans l’expression clinique et biologique de la maladie de Willebrand.
Le traitement de la maladie de Willebrand est celui des accidents hémorragiques ou de leur prévention. Le choix thérapeutique est guidé par la caractérisation du type et du sous-type :
– type 1 (déficit quantitatif partiel en VWF);
– type 2 (anomalie qualitative et nombreux sous-types);
– type 3 (déficit total).
Deux possibilités thérapeutiques existent :
– la desmopressine ou 1-désamino-8-D-arginine vasopressine (dDAVP). Son efficacité est variable et doit être systématiquement évaluée avant son utilisation thérapeutique.
– les concentrés de VWF d’origine plasmatique, efficaces chez tous les patients mais utilisés en cas d’inefficacité ou de contre-indication à la dDAVP.
Physiopathologie
Le VWF est synthétisé par deux types cellulaires : les cellules endothéliales et mégacaryocytes. Le gène du VWF de grande taille (180kb) est localisé à l’extrémité du bras court du chromosome 12. Le produit primaire du gène est un précurseur, le pré-pro-VWF (2 813 acides aminés) qui, après clivage du peptide signal, donne le pro-VWF. Ce dernier subit différentes étapes de maturation permettant la dimérisation et la multimérisation du VWF. Le VWF mature apparaît comme une série de multimères (de 500 à 20 000kDa) formés par l’association de sous-unités identiques (270kDa). Le VWF est ensuite stocké au niveau de granules spécifiques : corps de Weibel-Palade dans les cellules endothéliales et granules α dans les plaquettes. Le VWF est sécrété dans le plasma et le sous-endothélium par deux voies :
– l’autre régulée permettant une libération rapide à partir des corps de Weibel-Palade en réponse à un stimulus, par exemple libération induite par la dDAVP.
Il peut être également libéré dans le plasma à partir des granules α des plaquettes après activation cellulaire. Seuls les granules α et les corps de Weibel-Palade contiennent des multimères du VWF de très haut PM. Ces multimères ne sont pas retrouvés dans la circulation. En effet, une protéase spécifique du VWF (ADAMTS12) module la distribution multimérique du VWF en circulation dans le plasma en dégradant les multimères de très haut PM issus des compartiments cellulaires. Cette protéolyse physiologique permet de prévenir la formation spontanée pathogène d’agrégats plaquettaires.
La relation structure moléculaire/activité du VWF est envisagée plus loin.
Rôle du VWF
Le rôle du VWF dans l’hémostase est double : grâce à des sites de liaison spécifiques, il permet l’adhésion et l’agrégation plaquettaire en formant d’une part un pont moléculaire entre les plaquettes et la paroi vasculaire lésée, d’autre part entre les plaquettes elles-mêmes. Dans cette fonction, les multimères de plus haut poids moléculaire sont les plus actifs. Le VWF assure le transport du FVIII au site de la lésion vasculaire. En se liant au FVIII, cofacteur essentiel de la génération de FXa, le VWF le protège d’une dégradation enzymatique et lui permet d’avoir une durée de vie plus longue dans la circulation. Tout changement du taux de VWF s’accompagne généralement d’une variation parallèle du taux de FVIII dans la circulation.
Mécanismes de régulation
La régulation de la synthèse du VWF fait intervenir des mécanismes complexes influencés par des facteurs environnementaux et des facteurs génétiques. Tout ceci explique la pénétrance incomplète de la maladie de Willebrand et la grande variabilité du phénotype clinique et biologique, particulièrement dans le type 1. Les facteurs environnementaux sont essentiellement l’âge, le stress, un syndrome inflammatoire, qui entraînent des augmentations des taux de VWF. Parmi les facteurs génétiques, le groupe sanguin ABO ainsi que d’autres facteurs inconnus à ce jour influencent les taux de VWF. Les sujets de groupe O ont par exemple des taux plasmatiques de VWF 25 à 35 % plus faibles que ceux des sujets non O.
Il existe également des facteurs hormonaux : le taux de VWF s’élève physiologiquement à partir du 2e trimestre de la grossesse. En pathologie, au cours de certaines affections chroniques (hyperthyroïdie, insuffisance rénale, diabète, insuffisance hépatique, néoplasie), il existe une élévation qui peut être importante des taux de VWF.
Diagnostic
La grande hétérogénéité de la maladie de Willebrand explique que l’âge de découverte de l’affection demeure extrêmement variable. Une étude récente a montré que le diagnostic de maladie de Willebrand peut être porté chez 13 % de femmes consultant pour ménorragies et bénéficiant d’une exploration de l’hémostase.
Les manifestations cliniques peuvent être soit spontanées, soit provoquées par un traumatisme (avulsion dentaire, acte chirurgical) même minime. La symptomatologie est généralement modérée, sauf dans le type 3 ou dans certains types 2 où les hémorragies peuvent mettre en jeu le pronostic vital. Les formes frustes seront plus volontiers révélées à l’apparition des règles, lors d’actes opératoires ou à l’occasion d’un bilan d’hémostase systématique.
À l’inverse de l’hémophilie, les hématomes (sous-cutanés profonds ou intramusculaires) et les hémarthroses sont rares. Ils ne s’observent que pour les formes où il existe un déficit important en FVIII (type 3 essentiellement).
Compte tenu du caractère constitutionnel de la maladie de Willebrand, l’interrogatoire doit s’attacher à documenter la symptomatologie clinique chez le propositus mais aussi dans la famille.
Le diagnostic biologique repose sur l’exploration biologique (tableau 2.II) qui seule permet d’affirmer le diagnostic, de préciser le type d’anomalie (quantitative ou qualitative) et la prise en charge thérapeutique. Les tests de routine sont nécessaires mais insuffisants. Le temps de saignement (TS), test in vivo réalisé par la méthode d’Ivy, a une sensibilité qui n’est que de l’ordre de 50 % et ne dépiste donc que les formes les plus graves. En revanche, l’exploration de l’hémostase primaire par l’automate PFA-100 donne des résultats anormaux dans pratiquement toutes les formes de maladie de Willebrand sauf le type 2N.
TCA : temps de céphaline avec activateur | |
Tests de routine | TS Temps d’occlusion réalisé grâce à un analyseur de la fonction plaquettaire (PFA-100) TCA Numération plaquettaire |
Tests spécifiques | Dosages du VWF : Ag, de l’activité du cofacteur du VWF : RCo, de l’activité de liaison au collagène (VWF : CB), du FVIII (FVIII : C) |
Tests discriminatifs | Agrégation plaquettaire en présence de ristocétine Distribution des multimères du VWF dans le plasma et les plaquettes VWF plaquettaire |
Tests très spécialisés | Liaison du VWF à la GPIb, au collagène Liaison au FVIII (VWF : FVIIIB) Analyse de l’ADN |
Le temps de céphaline avec activateur (TCA) est inconstamment allongé et cet allongement est corrélé aux taux du FVIII plasmatique.
Ainsi, le diagnostic nécessite le recours à des tests spécifiques :
– dosage du FVIII (FVIII : C) qui est généralement plus élevé que les taux de VWF (sauf dans les types 2N). Ainsi, les patients porteurs d’une anomalie quantitative fruste ou qualitative du VWF peuvent avoir des taux de FVIII normaux ou peu diminués. Dans les formes sévères (type 3) et le type 2N, le déficit en FVIII est net;
– dosage de l’activité du cofacteur de la ristocétine du VWF (VWF : RCo). Il mesure la capacité de liaison du VWF à la GPIb plaquettaire induite par la ristocétine (agglutination sur lame, agrégamétrie ou turbidimétrie). Le taux de VWF : RCo est diminué dans tous les types de maladie de Willebrand (sauf le type 2N) et ce dosage est donc le critère de choix pour le diagnostic. Les taux sont indétectables dans les formes graves, parallèles au déficit en antigène du VWF (VWF : Ag) dans les anomalies quantitatives et notablement plus abaissés que les taux de VWF : Ag dans les anomalies qualitatives;
– dosage du VWF : Ag est réalisé grâce à l’utilisation d’anticorps spécifiques par technique Elisa, ELFA ou Liatest.
Ces trois dosages spécifiques permettent de diagnostiquer la maladie de Willebrand et d’orienter vers le type. Dans la population normale, les taux du cofacteur du VWF : RCo et du VWF : Ag sont variables (50 à 150 UI/dl, UI = unité internationale) et fonction du groupe ABO. Le rapport VWF : RCo/VWF : Ag est diminué (< 0,7) dans les anomalies qualitatives du type 2 (sous-types 2A, 2M et 2B). Le rapport est voisin de 1 dans les maladies de Willebrand de type 2N. Le rapport FVIII/VWF : Ag est ≥ 1 dans toutes les formes de maladie de Willebrand sauf pour le type 2N où il est < 0,7, voire < 0,5.
L’étude de l’agrégation du plasma riche en plaquettes du patient en présence de ristocétine (RIPA) permet surtout de différencier les maladies de Willebrand de type 2 (tableau 2.III), particulièrement pour mettre en évidence une agrégation paradoxale à faibles doses de ristocétine dans le type 2B.
Type/sous-types | Description |
---|---|
1 | Déficit quantitatif partiel en VWF Transmission dominante Plusieurs sous-types, fonction du contenu intraplaquettaire en VWF |
2 | Déficit qualitatif en VWF (variants moléculaires) Transmission habituellement autosomale dominante |
2A | Diminution de l’affinité du VWF pour les plaquettes, associée à l’absence des multimères de haut poids moléculaire |
2B | Augmentation de l’affinité du VWF pour les plaquettes, associée à l’absence des multimères de haut poids moléculaire Thrombopénie fluctuante |
2M | Diminution de l’affinité du VWF pour les plaquettes non liée à une anomalie des multimères du VWF |
2N | Diminution de l’affinité du VWF pour le FVIII |
3 | Déficit quantitatif total en VWF Transmission récessive |
Un autre test peut être pratiqué : le dosage de l’activité de liaison du VWF au collagène (VWF : CB) par technique Elisa. Ce test sensible à la multimérisation du VWF peut être normal dans le type 1 et le type 2M.
Classification de la maladie de Willebrand
Le déficit en VWF caractérisant une maladie de Willebrand peut être :
– soit quantitatif : déficit partiel ou complet de VWF;
– soit qualitatif : le VWF circule en quantité suffisante mais ne remplit pas une de ses fonctions.
Il existe trois grands groupes de maladie de Willebrand (tableau 2.III), avec de nombreux sous-types :
– le type 1 : diminution plus ou moins importante de VWF normal dans le plasma;
– le type 2 : synthèse quantitativement normale ou modérément diminuée de VWF qualitativement anormal;
– le type 3 : VWF indétectable.
Maladie de Willebrand de type 1
Il s’agit du type le plus fréquent (50 à 70 % des patients atteints de maladie de Willebrand) et souvent le plus difficile à diagnostiquer. En effet, le taux de VWF des patients et ceux d’une population normale peuvent se chevaucher.
Sa transmission est dominante avec expression et pénétrance variables.
Diagnostiquer une maladie de Willebrand de type 1 peut être difficile, surtout chez les sujets de groupe sanguin O. Pour éviter le risque de diagnostic abusif, des critères diagnostiques très stricts doivent être respectés :
– des symptômes hémorragiques bien définis mais pas obligatoirement sévères;
– des antécédents familiaux;
– un déficit quantitatif en VWF.
Théoriquement, le déficit en VWF est défini comme un taux inférieur à la moyenne – 2 déviations standard (DS) d’une population normale de même groupe sanguin (O ou non O). Compte tenu de la grande variabilité des taux de VWF dans la population normale, de la zone de chevauchement entre patients de type 1 et sujets normaux, il est nécessaire de répéter deux à trois fois les dosages à différentes époques chez le propositus et des membres de sa famille.
Dans la maladie de Willebrand de type 1, la réponse thérapeutique à la dDAVP est généralement bonne. Au niveau génétique, l’étude de l’ADN (acide désoxyribonucléique) n’est généralement pas effectuée et les anomalies moléculaires responsables du type 1 restent encore le plus souvent inconnues.
Maladie de Willebrand de type 2
Le type 2 est défini comme une anomalie qualitative (fonctionnelle et/ou structurale) du VWF. Il existe quatre grands sous-types : 2A, 2B, 2M et 2N de fréquence relative identique. Les trois premiers sont à transmission autosomale dominante. La maladie de Willebrand de type 2N est à transmission autosomique récessive.
Dans les trois premiers variants, le déficit en VWF est dû à une anomalie de l’interaction du VWF avec les plaquettes. Comme il s’agit d’une anomalie qualitative, le rapport VWF : RCo/VWF : Ag est classiquement < 0,7. Dans le type 2A, le VWF a une affinité diminuée pour les plaquettes due à l’absence de ses multimères de haut poids moléculaire et de PM intermédiaire. Dans le type 2M, la diminution de l’affinité du VWF pour les plaquettes n’est pas liée à une anomalie de multimérisation. Au contraire, dans le type 2B, l’affinité du VWF pour la GPIb est augmentée, entraînant l’adsorption des multimères de haut PM sur les plaquettes et une thrombopénie fluctuante. Ce diagnostic est suspecté par l’agrégation plaquettaire paradoxale à faible dose de ristocétine. Dans ce dernier type, la dDAVP est contre-indiquée, pouvant exacerber la thrombopénie.
Le type 2N de la maladie de Willebrand, de transmission autosomique récessive, est particulier et ne s’accompagne pas de diminution du taux de VWF (sauf autre anomalie associée). Il s’agit d’une anomalie d’interaction du VWF avec le FVIII. Les résultats biologiques montrant le déficit en FVIII avec un rapport FVIII : C/VWF : Ag < 0,5, sont proches de ceux d’un hémophile A mineur ou modéré. Le diagnostic ne pourra être fait que par la réalisation de l’étude de liaison du VWF au FVIII (VWF : FVIIIB).
Maladie de Willebrand de type 3
C’est le type le plus rare (1 à 3 % de toutes les maladies de Willebrand) caractérisé par un déficit quantitatif total en VWF. Il s’agit d’une forme dont la transmission est autosomique récessive : les sujets atteints sont homozygotes ou hétérozygotes composites. La symptomatologie hémorragique est particulièrement grave avec des manifestations hémorragiques dès la petite enfance. Les hémarthroses ne sont pas rares. Le diagnostic est plus facile que dans les autres types : le TS est très allongé, le VWF indétectable, le taux de FVIII : C très diminué (< 10 UI/dl).
Diagnostic différentiel
Sujet normal
Il est parfois difficile de différencier un sujet normal de groupe sanguin O d’un sujet atteint d’une maladie de Willebrand de type 1. Dans cette situation, il convient de respecter strictement les critères diagnostiques et de ne pas porter de façon excessive un diagnostic d’anomalie de l’hémostase chez un sujet normal.
Hémophilie A
Au niveau biologique, la distinction est facile : sauf pour les variants 2N, le dosage de VWF : RCo est habituellement abaissé dans la maladie de Willebrand alors qu’il est normal dans l’hémophilie. Devant un déficit en FVIII et un VWF normal, l’étude de la liaison du FVIII au VWF (VWF : FVIIIB) permettra la distinction entre maladie de Willebrand type 2N ou hémophilie A (chez un homme) ou statut de conductrice d’hémophilie A (chez une femme). L’enquête familiale et l’étude de la transmission génétique (liée au sexe dans l’hémophilie A, autosomique dans le type 2N) orienteront également le diagnostic.
Pseudomaladie de Willebrand
Il s’agit d’une thrombopathie avec augmentation de l’affinité de la GPIb plaquettaire pour le VWF et thrombopénie variable. La distinction entre une maladie de Willebrand de type 2B et une pseudo-maladie de Willebrand est très difficile et réservée à des laboratoires hautement spécialisés (étude spécifique de la liaison du VWF du plasma du patient à des plaquettes normales). Néanmoins, il est essentiel de faire cette distinction diagnostique pour un traitement adapté. Dans les cas les plus difficiles, l’étude de génétique moléculaire permettra de mettre en évidence la mutation au niveau de la GPIb.
Syndrome de Willebrand acquis
Le diagnostic est suspecté devant un syndrome hémorragique avec anomalies biologiques de la maladie de Willebrand mais sans antécédents personnels ou familiaux. L’incidence est variable mais vraisemblablement sous-estimée. Il survient en général après 50 ans. L’expression hémorragique est généralement modérée (ecchymoses, hémorragies des muqueuses et saignements postopératoires). L’exploration biologique évoque une maladie de Willebrand de type 1 ou plus volontiers type 2 :
– allongement du TS et des TO sur PFA-100;
– parfois, mise en évidence d’un anticorps généralement dirigé contre le VWF : RCo.
La disparition du syndrome après traitement de l’affection causale peut constituer un excellent élément diagnostique rétrospectif.
Traitement
Dans la majorité des cas, la symptomatologie est modérée et le traitement ne sera nécessaire que lors d’un traumatisme important ou d’un acte chirurgical. Le traitement est avant tout préventif. Il passe par une bonne information et une éducation du patient sur ses risques hémorragiques, sur le fait que tout traitement susceptible d’accroître le risque hémorragique (antiagrégant plaquettaire, dérivés salicylés, AINS) doit être évité ou soigneusement discuté et que tout geste invasif doit être discuté.
En cas de saignement, des solutions simples à mettre en œuvre qui dépendent du site du saignement sont parfois suffisantes : compression locale, méchage (épistaxis), colle biologique après avulsion dentaire, traitement hormonal pour ménorragies par exemple.
Dans tous les cas et surtout en cas de maladie de Willebrand de type 2 ou 3, un suivi dans un centre spécialisé dans les troubles de l’hémostase doit être proposé pour une prise en charge thérapeutique, une information du patient et l’établissement d’une carte de maladie de Willebrand. Cette carte précise les caractéristiques de la maladie, les résultats biologiques, les résultats de l’épreuve thérapeutique à la dDAVP et les traitements à utiliser en cas de besoin.
Desmopressine
La dDAVP, analogue synthétique de la vasopressine, est une hormone naturelle susceptible d’induire la libération du VWF et du FVIII à partir des compartiments cellulaires. Elle est actuellement disponible sous deux formes d’administration : IV (Minirin IV) et intranasale (Octim). La voie intranasale est surtout utilisée pour le traitement à domicile des saignements menstruels ou des saignements mineurs.
Son efficacité dépend du type de maladie de Willebrand. Elle est efficace dans le traitement des épisodes hémorragiques ou pour leur prévention lors de certains actes chirurgicaux chez presque tous les sujets avec une maladie de Willebrand de type 1. Elle est complètement inefficace dans le type 3 (forme sévère) et d’efficacité variable dans le type 2. Elle est classiquement contreindiquée dans le type 2B où elle risque d’aggraver la thrombopénie (tableau 2.IV).
Type | Desmopressine |
---|---|
1 | Habituellement efficace |
2A | Efficacité variable |
2B | Généralement contre-indiquée |
2M | Efficacité variable |
2N | Efficace mais réponse très brève |
3 | Inefficace |
Avant son utilisation thérapeutique, une étude de la réponse doit être réalisée chez chaque patient, lors du diagnostic ou au moins 1 semaine avant une chirurgie, afin de déterminer si la correction de l’hémostase est suffisante.
Après administration de dDAVP, la demi-vie du VWF libéré est d’environ 6 à 8h. La correction du TS est brève. En cas de bonne efficacité, les taux de base de VWF et de FVIII sont multipliés par 3 à 5. L’injection peut être répétée toutes les 12 à 24h en fonction de la situation clinique (la réponse est cependant de moins en moins efficace en raison de la survenue d’une tachyphylaxie).
Les contre-indications connues de la dDAVP sont l’hypersensibilité à l’un des constituants de la préparation, la femme enceinte ou en cours d’allaitement, l’enfant de moins de 2 ans, la maladie de Willebrand de type 2B (car la dDAVP peut entraîner une agrégation plaquettaire responsable de thrombocytopénie du fait de la structure anormale du VWF).

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