Particularités chez le Sujet Âgé
Virginie Siguret and Isabelle Gouin
INTRODUCTION
Dans la population générale, l’incidence de la MTEV augmente avec l’âge, l’incidence annuelle de la thrombose veineuse profonde (TVP) passe de 1,8 ‰ dans la tranche 65–69 ans à 3,1 ‰ dans la tranche 85–89 ans, celle de l’embolie pulmonaire (EP) de 1,3 à 2,8 ‰ pour les mêmes tranches d’âge.
La prévalence de la TVP devient très élevée dès lors qu’il s’agit de patients hospitalisés : un écho Doppler des membres inférieurs réalisé de manière systématique à l’entrée d’un service de médecine interne chez des patients sans symptôme de MTEV a permis d’évaluer la prévalence de la TVP à 4 % chez les 70–80 ans et à environ 18 % au-delà de 80 ans. Au décours d’une hospitalisation pour une affection médicale aiguë, en l’absence de prophylaxie antithrombotique, une phlébographie réalisée au 14e jour montre que l’incidence de la MTEV augmente considérablement avec l’âge : de 6,4 % pour les 60-69 ans à plus de 18 % au-delà de 70 ans.
DIFFICULTÉS DIAGNOSTIQUES DE LA MTEV CHEZ LE PATIENT ÂGÉ
Un épisode aigu de TVP est fréquemment pauci-, voire asymptomatique chez le patient très âgé. La phase initiale de la MTEV peut passer inaperçue du fait de la préexistence d’œdèmes des membres inférieurs, de troubles trophiques d’insuffisance veineuse chronique par exemple.
Dans la très grande majorité des cas, l’écho-Doppler des membres inférieurs, examen non invasif, permet d’affirmer ou non le diagnostic de TVP. La perte d’autonomie du patient ne doit pas retarder cet examen décisif. Il doit être réalisé par un professionnel expérimenté de préférence habitué aux patients gériatriques : l’examen est compliqué par les difficultés de mobilisation du patient et est donc de réalisation plus longue. Il est important de différencier thrombus récent et séquelles de TVP, fréquentes avec le grand âge.
Une concentration des D-dimères (D-Di) plasmatiques < au seuil décisionnel (en général 500ng/ml) permet d’exclure un processus thromboembolique récent en l’absence de traitement anticoagulant, avec une sensibilité proche de 100 % y compris chez les plus de 80 ans. Toutefois, la spécificité de ce test décroît avec l’âge : la concentration des D-Di est supérieure au seuil dès lors qu’il existe un syndrome inflammatoire, une néoplasie, une infection, situations fréquentes chez le patient âgé. Aussi, en cas de suspicion de MTEV chez un patient âgé, le diagnostic sera exclu chez moins de 10 % d’entre eux, seulement : cet examen ne sera prescrit qu’aux patients âgés dépourvus de toute comorbidité.
Fréquemment, le patient âgé se présente d’emblée avec la complication de la TVP qu’est l’EP. Devant toute suspicion clinique d’EP, et étant donné les nombreux diagnostics différentiels possibles (insuffisance cardiaque, infection pulmonaire par exemple), deux examens peuvent être réalisés en première intention :
– la scintigraphie de ventilation/perfusion à laquelle peut être préférée l’angioscannographie spiralée. En effet, la spécificité de la scintigraphie est limitée en gériatrie, du fait de l’existence fréquente d’antécédents pulmonaires chez le patient (pneumopathies, EP anciennes par exemple) : en pratique, la scintigraphie est peu contributive quand la radiographie de thorax n’est pas normale;
– l’angiographie pulmonaire reste l’examen de référence pour un diagnostic de certitude, mais elle demeure un examen très invasif, peu accessible en pratique aux patients très âgés. L’injection de produits de contraste peut être problématique du fait de la fréquence d’une insuffisance rénale dans cette population.
BILAN BIOLOGIQUE AVANT L’INSTAURATION D’UN TRAITEMENT ANTICOAGULANT CHEZ UN SUJET ÂGÉ
La prescription d’antithrombotiques implique un bilan biologique prélevé idéalement avant l’instauration du traitement ou dans les 24 premières heures. Ce bilan comprend avant tout un hémogramme afin de connaître le taux initial d’hémoglobine en l’absence de déshydratation et le chiffre initial de plaquettes en cas d’héparinothérapie. Une microcytose doit attirer l’attention car elle peut être le signe d’un saignement chronique méconnu. Un bilan d’hémostase (temps de prothrombine [TP], temps de céphaline avec activateur [TCA], fibrinogène) permet de déceler une anomalie constitutionnelle ou, le plus souvent, acquise de l’hémostase ce qui est fréquent chez le sujet âgé (présence d’un anticoagulant lupique, déficit en un ou plusieurs facteurs révélateurs par exemple d’hypovitaminose K, d’insuffisance cardiaque droite par exemple).

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