Les troubles anxieux

15. Les troubles anxieux

Corinne Martin-Guehl



Les troubles anxieux de l’enfant et de l’adolescent sont des pathologies fréquentes, dont les symptômes conduisent à de nombreuses consultations de pédiatrie ou de médecine générale. Il est important de bien connaître la clinique de ces troubles et surtout les ressources thérapeutiques permettant de prévenir les complications et le handicap social et scolaire qu’ils sont susceptibles d’engendrer. Les psychotropes ont une place dans la conduite de ces traitements mais leur utilisation, généralement en seconde intention, doit être prudente et suivre les recommandations établies.


RAPPEL CLINIQUE: DESCRIPTION DES DIFFÉRENTS TROUBLES ANXIEUX

Les troubles anxieux de l’enfant et de l’adolescent ont été définis dans le DSM-III [4] et la CIM10 [101]. Pour cette description, nous nous référons aux troubles tels que décrits par le DSM-IV-TR [5] (pour revue [64]).


TROUBLE ANGOISSE DE SÉPARATION

Il se manifeste par une anxiété excessive quand le sujet est séparé des personnes auxquelles il est principalement attaché. La séparation ou son anticipation provoquent chez l’enfant une détresse importante qui peut se manifester par un état de panique avec de nombreux signes somatiques (céphalées, nausées, vomissements, douleurs abdominales, signes cardiovasculaires).

Une recrudescence anxieuse lors du coucher avec réticence persistante ou refus d’aller dormir sans être à proximité des parents ou des frères et sœurs peut aussi se rencontrer. Ces enfants refusent de passer la nuit hors de la maison. Ils présentent souvent des cauchemars à thème de séparation et des éveils anxieux. On assiste ainsi à l’instauration de situations familiales très tendues autour du sommeil, fréquents motifs de consultation.

Toutes les situations de séparations comme aller à l’école, chez des amis ou de la famille, rester seul à la maison ou se rendre en camp de vacances sont susceptibles de donner lieu à ces manifestations. Souvent, les symptômes restreignent également les déplacements des parents, qui finissent par renoncer à leurs loisirs tant la séparation plonge l’enfant dans une détresse importante.

Il existerait quelques particularités développementales du trouble angoisse de séparation. Les cauchemars à type de séparation seraient plus fréquents chez les plus jeunes (5-8 ans), alors que les plaintes somatiques les jours de classe surviendraient plus fréquemment vers 13-16 ans. Les enfants les plus jeunes et les adolescents présenteraient des symptômes plus spécifiques que les enfants d’âge moyen [7].


HYPERANXIÉTÉ, TROUBLE ANXIÉTÉ GÉNÉRALISÉE

L’hyperanxiété du DSM-III et du DSM-III R a finalement été rattachée au trouble anxiété généralisée (TAG) par le DSM-IV, les études de terrain ayant montré une faible validité de cette catégorie nosographique dans la mesure où elle se superposait à la catégorie TAG.

Actuellement, le TAG est défini comme un trouble où le sujet est préoccupé de façon importante et incontrôlable par des objets ou des situations. Ces préoccupations sont accompagnées de signes somatiques et sont à l’origine d’une détresse entravant le fonctionnement ou le développement de l’enfant. Ces préoccupations anxieuses doivent persister pour pouvoir poser le diagnostic (6 mois pour le DSM-IV-TR). Chez l’enfant et l’adolescent, elles concernent préférentiellement les proches et le travail scolaire, ce sont des préoccupations surprenantes pour l’âge du sujet. Les événements à venir (comme la rentrée scolaire) peuvent également être source d’une anxiété excessive, qui prend alors un caractère anticipatoire. Les ruminations sont fréquentes et souvent à l’origine de difficultés d’endormissement. Elles s’accompagnent de difficultés d’organisation, de demandes de réassurance, de tensions et de plaintes somatiques.


TROUBLE PANIQUE

Le trouble panique est caractérisé par la survenue d’attaques de panique brutales, inattendues, récurrentes dans des situations qui ne sont habituellement pas considérées comme menaçantes. Les attaques de panique ont un caractère paroxystique et durent en moyenne une vingtaine de minutes. Les signes somatiques les plus fréquents concernent la sphère cardiorespiratoire (dyspnée, palpitations, oppression ou douleur thoracique). Mais il peut également exister des signes neurologiques (tremblements, vertiges, paresthésies), digestifs (douleurs abdominales, nausées, vomissements) ou vasomoteurs (frissons, sueurs, bouffées de chaleur).

L’anxiété psychique se manifeste par une peur intense de devenir fou ou de mourir. On peut également retrouver des sensations de dépersonnalisation ou de déréalisation. Ces attaques de panique peuvent déclencher la crainte d’une récidive, c’est-à-dire être à l’origine d’une anxiété anticipatoire intense. Les premières attaques doivent survenir sans événement déclenchant pour valider le diagnostic, mais au bout d’un temps d’évolution celles-ci peuvent être déclenchées par certaines conditions environnementales.

De l’avis de nombreux experts, les critères diagnostiques du trouble panique chez l’enfant et l’adolescent, qui sont les mêmes que chez l’adulte, devraient être revus en fonction du développement.


AGORAPHOBIE

La survenue d’attaques de panique régulières peut aussi conduire à l’installation d’une agoraphobie, c’est-à-dire la crainte de se trouver dans un lieu ou une situation d’où il sera impossible de s’échapper en cas de survenue d’une attaque de panique.

L’agoraphobie est à l’origine de conduites d’évitement et de réassurance. L’enfant pourra donc éviter ou refuser de sortir de la maison dans la crainte anticipatoire d’une attaque de panique. Le diagnostic différentiel avec une angoisse de séparation peut alors devenir délicat. C’est l’objet de la peur qui permet de distinguer les troubles: la peur des phénomènes somatiques liés à l’attaque de panique et l’appréhension des attaques dans le cas du trouble panique avec agoraphobie, la peur d’être séparé d’un être cher dans le cas de l’angoisse de séparation.

De façon plus rare, l’agoraphobie peut exister indépendamment du trouble panique.


PHOBIE SPÉCIFIQUE (OU PHOBIE SIMPLE)

Il s’agit d’une peur intense et persistante d’un objet ou d’une situation donnés, qui ne représente pas un danger réel pour l’enfant. Ce diagnostic peut être difficile chez l’enfant, car il existe des peurs développementales dont l’objet est similaire aux phobies. Il ne sera posé que si l’anxiété observée est à l’évidence excessive en regard du stade de développement de l’enfant.

Dumas [31] cite l’ensemble des caractéristiques des phobies spécifiques qui permettent de les distinguer des peurs développementales. Ces peurs provoquent une détresse extrême qui ne correspond pas aux dangers que le stimulus phobogène pourrait représenter, elles ne peuvent pas être calmées par des gestes rassurants ou par un appel à la raison ou à l’évidence, elles ne peuvent pas, ou très mal, être maîtrisées par un acte de volonté, elles conduisent le sujet à éviter le stimulus phobogène ou à chercher à y échapper, elles persistent, elles limitent ou entravent le fonctionnement adaptatif.


PHOBIE SOCIALE

Il s’agit d’une peur excessive et persistante survenant en situation sociale, c’est-àdire quand l’enfant ou l’adolescent est exposé au regard d’autrui.

Le sujet peut également craindre d’agir de façon embarrassante ou inappropriée.

Ces symptômes doivent survenir vis-à-vis des adultes mais aussi des pairs pour que le diagnostic soit posé. Il ne s’agit pas de timidité qui est une forme particulière de retrait social non pathologique. L’intensité de la détresse éprouvée lors des contacts sociaux et son retentissement sur le fonctionnement de l’enfant définissent la pathologie.

Ainsi, le refus persistant de prendre la parole devant les autres à l’école, ou la mise en place de stratégies pour éviter de se retrouver confronté à eux (par exemple rester en classe pendant la récréation sous des prétextes divers, refuser de participer aux sorties scolaires…) sont des signes évoquant une phobie sociale.


TROUBLE OBSESSIONNEL-COMPULSIF

Le trouble obsessionnel-compulsif (TOC) associe des obsessions (pensées faisant intrusion de façon répétée dans la conscience du sujet, et dont il ne peut se débarrasser malgré ses efforts) et des compulsions (actes répétés visant à soulager son anxiété, qui interviennent en réponse à des obsessions).

Il s’agit vraisemblablement du trouble anxieux dont le pronostic est le plus péjoratif en termes d’adaptation sociale, scolaire et d’évolution au long cours. Il faut cependant savoir que le dépistage de ce trouble anxieux n’est pas aisé, les enfants étant souvent réticents à en parler (y compris quand on leur pose les bonnes questions) en partie du fait de leur non-reconnaissance du caractère morbide de cette affection ou, chez les plus âgés, de la honte qu’ils éprouvent vis-à-vis de leur maladie.

C’est donc souvent sur des aspects comportementaux repérés par les parents ou les enseignants que sera suspecté le diagnostic.

L’un de ces aspects concerne la lenteur, symptôme assez fréquent chez les enfants et adolescents avec un TOC. La lenteur peut concerner le temps mis par l’enfant pour se laver, s’habiller, manger, faire ses devoirs, etc. Il est important de l’évaluer quantitativement en regard du temps habituellement nécessaire à l’exécution des tâches en question, et d’explorer pourquoi ces activités prennent du temps. L’enfant obsessionnel consacre beaucoup de temps à ces activités car il se lave de façon compulsive, s’habille et mange de façon ritualisée, vérifie sans cesse ses devoirs qu’il recommence jusqu’à ce que tout soit parfait, etc. Les obsessions occupent sa conscience et l’empêchent de se concentrer normalement, «aggravant» sa lenteur. Il existe d’autres manifestations comportementales qui attirent l’attention de l’entourage, comme par exemple des mesures d’hygiène draconiennes imposées pour lutter contre les microbes et la contamination (lavage du linge selon un protocole précis, utilisation de certains produits d’entretien comme l’eau de Javel, etc.).

Les obsessions ont le plus souvent pour thème des peurs: de la mort, de la maladie, etc. Les compulsions les plus fréquentes chez l’enfant sont des compulsions de lavage.


SYNDROME DE STRESS POST-TRAUMATIQUE

Il s’agit d’un ensemble de manifestations anxieuses survenant après un traumatisme unique ou répété. Ce traumatisme doit avoir pour caractéristique d’être «hors du commun» (par exemple une catastrophe naturelle, une agression physique, un accident grave). Le syndrome de stress post-traumatique peut se développer dans un temps variable de quelques jours à quelques années. Classiquement, chez l’adulte, le traumatisme est remémoré de façon répétitive ainsi que les sensations qui lui sont associées. Cette remémoration peut avoir lieu sous forme de cauchemars ou de flashback, c’est à dire en état d’éveil. Chez les enfants les plus jeunes, ces flash-back sont rares. Ils se rencontrent plus volontiers chez l’adolescent. De même, les cauchemars peuvent présenter un contenu effrayant mais non spécifique (monstres) [68].

L’évitement des stimuli associés au traumatisme est moins constant que chez l’adulte, et l’émoussement de la réactivité générale est rare. En revanche, les symptômes d’hyperactivité neurovégétative sont quasi identiques à ceux retrouvés chez l’adulte.

On décrit chez l’enfant un syndrome de stress post-traumatique secondaire à des traumatismes répétés (mauvais traitements, abus sexuels) où prédomine l’émoussement psychique et des mécanismes de protection psychique (déni, autohypnose, dépersonnalisation, dissociation).


STRATÉGIE THÉRAPEUTIQUE

D’une façon générale, l’abord thérapeutique de première intention des troubles anxieux est de nature relationnelle. Quel(s) que soi (en) t la ou les modalité(s) de traitement choisie(s), il est incontournable d’intégrer les parents au traitement des troubles anxieux de leur enfant.

Après une évaluation détaillée du tableau clinique et de la situation individuelle de l’enfant, la première étape du soin est de nature psychoéducative. Les parents et l’enfant ou l’adolescent doivent bénéficier d’une information claire sur le diagnostic et les connaissances dont nous disposons sur la pathologie. Cette information doit bien entendu être donnée sous une forme appropriée, adaptée aux différents interlocuteurs.

Cette étape permet souvent d’apaiser une partie de la symptomatologie, parfois de façon spectaculaire, et d’amorcer une alliance thérapeutique avec l’enfant et les parents. C’est aussi dans ce temps que s’élabore avec eux le projet thérapeutique. Il peut être important d’informer sur les troubles de l’enfant (toujours avec l’accord de celui-ci et de ses parents) des intervenants comme le médecin traitant, le médecin, le psychologue ou l’infirmière scolaire.

Le projet thérapeutique se construit en fonction de nombreux paramètres.

Le choix d’une technique psychothérapique dépend à la fois du type de trouble anxieux, de son retentissement et de caractéristiques propres au patient comme son âge, ses capacités d’élaboration ou ses souhaits.

Chez les enfants d’âge préscolaire, on travaillera plutôt sur les interactions parents-enfants. Chez les enfants d’âge scolaire et les adolescents, le traitement peut faire appel à des psychothérapies de type comportemental et cognitif (TCC), psychodynamique ou familial.

La mise en place d’un traitement psychotrope peut être nécessaire dans des cas qui seront envisagés plus loin.

Pour chaque enfant ou adolescent, le projet thérapeutique doit être élaboré de façon individualisée. Aux traitements «classiques» des troubles anxieux énoncés cidessus peuvent s’articuler, en fonction du contexte et des besoins, d’autres interventions, par exemple de type éducatif ou rééducatif.


GUIDANCE PARENTALE

La famille peut être associée au traitement de différentes façons. Au minimum, on proposera des rencontres régulières avec les parents ayant pour objectif de faire le point sur la symptomatologie et le fonctionnement de l’enfant dans la famille et, en dehors de celle-ci, d’éviter les attitudes éducatives inappropriées comme une trop grande rigidité ou une participation excessive aux symptômes de l’enfant, et d’adapter les réponses parentales à l’évolution des enfants. Il s’agit d’aider les parents à trouver une distance appropriée, vis-à-vis du fonctionnement de leur enfant, en donnant du sens à celui-ci, de renforcer leurs compétences parentales. Des livres tels que ceux de Bailly [8] ou de Servant [85] peuvent être conseillés aux familles; ils constituent de bons supports d’une guidance dans ce domaine. Cette prise en charge implique également d’aider les parents à soigner leur propre anxiété.


PSYCHOTHÉRAPIES PARENTS-ENFANTS

Les données concernant l’attachement et son implication dans la genèse des troubles anxieux étayent l’intérêt des prises en charge parents-enfants. L’objectif est d’améliorer les interactions et de développer un attachement de type sécure, dans une perspective de prévention des troubles anxieux.

Lieberman et al. [57] ont proposé des psychothérapies parents-enfants avec l’objectif d’améliorer la qualité de l’attachement et le fonctionnement social et émotionnel, chez des mères et des enfants présentant un attachement insécure et évoluant dans un milieu socioéconomique défavorisé. Après la prise en charge, plus rien ne distinguait les dyades prises en charges des dyades témoins présentant un attachement de type sécure.

Erickson et al. [33] ont développé des interventions préventives, centrées sur l’attachement, chez des enfants issus de mères de bas niveau économique, de faible niveau d’éducation, ou jeunes. Les mères prises en charge ont développé une meilleure compréhension des besoins de leur enfant et moins de symptômes dépressifs ou anxieux que celles du groupe témoin.

Les experts insistent sur le concept de sensibilité, en référence à Bowlby qui considérait qu’une réponse fiable et sensible aux signaux de détresse de l’enfant encourageait le développement d’un attachement sécure entre enfants et parents. La réponse qui est apportée à l’enfant doit intervenir seulement quand celui-ci présente un état de détresse significatif. Dans les interventions centrées sur l’amélioration de la qualité de l’attachement, il est important d’apprendre aux parents à reconnaître cet état de détresse, et à ne pas surprotéger l’enfant, ce qui aurait un effet inverse de celui recherché.

Ces interventions préventives chez les sujets à risque (attachement insécure, tempérament inhibé, pathologie parentale…) suscitent une attention croissante et font l’objet de programmes spécifiques.


PSYCHOTHÉRAPIES FAMILIALES

Elles peuvent s’avérer indispensables quand le bilan met en évidence un dysfonctionnement familial important, susceptible d’entretenir la pathologie de l’enfant.

La théorie systémique postule que les symptômes anxieux sont l’expression de problèmes dans le système familial. Ils sont abordés en termes interpersonnels.

L’objectif est alors de rompre les systèmes dysfonctionnels d’interactions qui encouragent l’insécurité familiale, et de développer les domaines de compétence de la famille [66]. Le fonctionnement familial doit évoluer vers une souplesse autorisant chaque individu à évoluer sans mettre en danger l’équilibre de la famille.

En pratique, les séances de thérapie familiale systémique sont menées par deux thérapeutes et le plus souvent filmées. Les séances sont longues; les thérapeutes interviennent pour souligner le rôle des membres de la famille dans le système familial.

L’abord familial peut aussi se faire sur un mode psychanalytique. Il est alors fondé sur l’existence d’un inconscient groupal. Le cadre de ces psychothérapies familiales est une adaptation des conditions de fonctionnement analytique. Trois règles le régissent: l’association libre groupale, l’abstinence (on ne donne pas de conseils concernant «le bon fonctionnement familial»), la présence «bigénérationnelle» simultanée [82]. L’objet d’observation est le langage du groupe. Plusieurs cothérapeutes interviennent, et l’un d’eux prend en note la production verbale du groupe. Comme dans le processus analytique individuel, les moyens utilisés par les thérapeutes sont l’écoute et l’interprétation des résistances et du transfert, mais ici au niveau familial.

Différents auteurs insistent pour réserver ces prises en charge aux situations pathologiques sévères.


THÉRAPIES COGNITIVOCOMPORTEMENTALES

La TCC intègre plusieurs techniques comportementales et cognitives. Ces dernières sont susceptibles de bénéficier aux enfants à partir de 10 ans, car elles nécessitent un certain niveau de maturité cognitive. Les techniques employées en TCC varient selon le trouble anxieux et l’âge de l’enfant (pour un exposé détaillé [68, 94]. Pour les phobies spécifiques, la méthode thérapeutique la plus classique est la désensibilisation (exposition graduelle en imagination ou en situation réelle), qui consiste à exposer l’enfant au stimulus phobogène de façon progressive et brève, d’abord en imagination.

Il faut noter que la technique d’implosion utilisée chez l’adulte n’est pas employée chez l’enfant et l’adolescent. L’immersion est rarement utilisée. Elle doit être évitée car trop anxiogène.

Le principe thérapeutique de l’angoisse de séparation est aussi une désensibilisation, accompagnée par un abord familial. L’enfant est exposé de façon répétée à des situations de séparation jusqu’à disparition de l’anxiété provoquée par celles-ci. La famille est largement impliquée dans la prise en charge, puisqu’elle doit initier quotidiennement les situations de séparation.

Les techniques d’affirmation de soi (modeling ou apprentissage par imitation, jeu de rôle) centrées sur l’atténuation des manifestations anxieuses et sur l’apprentissage des comportements de communication sont utilisées dans les anxiétés sociales [40].

La relaxation et les techniques cognitives de gestion du stress et d’autocontrôle sont employées dans le TAG.

En ce qui concerne le TOC, le traitement s’articule autour de l’exposition aux stimuli avec prévention de la réponse. Il s’agit de s’exposer au stimulus phobogène, mais aussi de diminuer les rituels déclenchés par l’exposition.

L’exposition est facilitée par des techniques de relaxation ou de contrôle respiratoire. Le travail cognitif associé cible les pensées obsédantes dysfonctionnelles et la prise de distance psychologique vis-à-vis des symptômes obsessionnels-compulsifs [3]. L’engagement de la famille dans la TCC est conseillé[74].

Il existe des évaluations des résultats de ces techniques chez les enfants et les adolescents, qui démontrent une bonne efficacité des TCC contre liste d’attente (tableau 15.1). Des revues récentes confirment l’intérêt de cette technique [27, 23, 80].







































Tableau 15.1 — Études de l’efficacité des TCC selon un protocole TCC versus liste d’attente
*résultats maintenus ou améliorés à 1 an de suivi;
**résultats maintenus à 3 mois de suivi.
Études n Diagnostics Participation famille (PF) Résultats
Kendall, 1994 [47] 27/20 Trouble anxieux Non 64% (TCC) contre 5%*
Kendall et al., 1997 [48] 60/34 Hyperanxiété, trouble évitement, trouble angoisse de séparation Non 71% (TCC) contre 6%*
Barrett et al., 1996 [9] 28/26 Hyperanxiété, trouble angoisse de séparation, phobie sociale Oui (n = 25) 69,8% contre 26%* 95,6% groupe PF
King et al., 1998 [49] 17/17 Refus scolaire anxieux Non Nette amélioration du groupe TCC sur tous les paramètres évalués**

L’étude de Barrett et al. [9] a mis l’accent sur l’intérêt d’intégrer les parents au traitement par TCC. D’autres publications récentes étayent l’intérêt des prises en charges TCC familiales dans le traitement des troubles anxieux [99, 20, 92].

Il existe quelques études concernant l’efficacité des thérapies cognitives et comportementales de groupe. Ces études sont rapportées dans le tableau 15.2.




























Tableau 15.2 — Études de l’efficacité des TCC de groupe contre liste d’attente
Études Design n TA Résultats
Barrett, 1998 [10] TCC contre TCC + parents contre liste d’attente 23/20 Hyperanxiété, anxiété de séparation, phobie sociale 84,8 contre 64,8% contre 25,2%
Silverman et al., 1999 [86] TCC + parents contre liste d’attente 37/19 Phobie sociale, hyperanxiété, TAG 64% contre 12,5%
Gallagher et al., 2004 [37] TCC contre liste d’attente 14/14 Phobie sociale TCC > liste d’attente

Une étude de Manassis et al. [61] a cherché à préciser les indications spécifiques des TCC de groupes et des TCC individuelles. Il semblerait que les enfants présentant une anxiété sociale très invalidante répondent mieux aux prises en charge individuelles qu’aux TCC de groupe.

Barrett et al. [11] ont comparé l’efficacité d’une prise en charge familiale individuelle contre une prise en charge familiale de groupe contre liste d’attente chez des enfants atteints de TOC. Il existe une supériorité nette des prises en charge en TCC par rapport à la liste d’attente, mais pas de différence entre les prises en charge familiales individuelles et de groupe.

Ces résultats sont confirmés par une méta-analyse récente du groupe Cochrane, qui reprend la méthodologie et les résultats de 30 études avec 498 sujets et 311 témoins [46]. Les auteurs concluent que la TCC est un traitement efficace, dont les résultats sont supérieurs à un groupe témoin ou à une liste d’attente. La métaanalyse ne met pas en évidence de différence marquée entre les prises en charge individuelles ou de groupe ou incluant la famille. Les taux d’amélioration sont légèrement supérieurs à 50%, ce qui, de l’avis des auteurs, doit conduire à développer d’autres modes de traitement.

Dans le cas particulier du TOC, March [62] a revu plus de 30 publications faisant état de résultats positifs des TCC. Des travaux ultérieurs vont aussi dans ce sens [73, 13, 12].


PSYCHOTHÉRAPIES ANALYTIQUES

Les psychothérapies analytiques permettent l’expression des conflits inconscients par la parole, ou le dessin et le jeu chez les plus jeunes. Leur objectif est de créer les conditions favorables à l’élaboration psychique des difficultés du patient. Elles permettent d’élaborer des domaines comme la séparation, l’autonomie ou l’estime de soi, qui tiennent une place importante dans la problématique anxieuse. Mais, dans ce type de psychothérapie, l’anxiété est plus considérée comme le témoin d’un dysfonctionnement psychique que comme une pathologie en soi. C’est surtout autour du sens de la symptomatologie anxieuse que s’organise le travail psychique.

La plupart du temps, c’est une psychothérapie d’inspiration analytique, c’est-àdire un aménagement de la cure type, qui est proposé à l’enfant. Elle doit cependant être proposée par un psychanalyste.

En 1956, Estes et al. ont décrit les mécanismes psychodynamiques sous-tendant l’anxiété de séparation et ont proposé des principes de traitement [95]. L’anxiété de séparation pathologique est envisagée comme un état de dépendance excessif entre une mère et son enfant. Ces auteurs préconisent la mise en place d’une thérapie pour la mère et d’une thérapie pour l’enfant, auprès de deux thérapeutes différents. Ces deux prises en charge visent à élaborer la dépendance et les sentiments d’hostilité qui y sont associés. Pour étayer la place du père, un travail centré sur le couple parental est mené en parallèle.

L’évaluation des thérapies psychanalytiques pose des difficultés méthodologiques particulières. Ce sont surtout des rapports de cas qui étayent l’utilité de ce type de prise en charge dans la pathologie anxieuse comme les phobies ou le refus scolaire [93].

Cependant, quelques études contrôlées confirment leur efficacité.

En comparant trois groupes de sujets hyperanxieux en traitement psychanalytique à différents rythmes hebdomadaires, Heinicke et Ramsey-Klee [44] ont montré que les enfants suivant plus d’une séance par semaine présentaient une amélioration significative de leurs capacités relationnelles, de leur tolérance à la frustration et un usage plus équilibré de leurs défenses. Leur capacité de lecture s’était également améliorée. Les enfants avec une séance hebdomadaire montraient une amélioration significative de leur symptomatologie anxieuse, mais moins de changements au niveau du caractère que ceux dont la fréquence de prise en charge était plus élevée.

Target et Fonagy [89] ont revu 352 dossiers du centre Anna Freud, qu’ils ont diagnostiqué rétrospectivement selon les critères DSM-III-R. Les enfants avec 6 mois ou plus de traitement étaient significativement améliorés sur le plan de l’adaptation. Les facteurs prédictifs de cette amélioration étaient une fréquence élevée de prise en charge (plus d’une fois par semaine), une longue période de traitement, la présence de symptômes phobiques et le jeune âge.

Une étude portant sur les traitements des phobies a comparé une technique comportementale de désensibilisation systématique, une psychothérapie d’inspiration analytique et une liste d’attente. Les trois groupes ont été significativement améliorés. Les deux types de prise en charge psychothérapiques étaient cotés par les parents avec une efficacité similaire, et supérieure à la liste d’attente [67].


TRAITEMENTS MÉDICAMENTEUX

Les pratiques de prescription ont longtemps été basées sur les données recueillies chez l’adulte et sur l’expérience clinique des prescripteurs. Il existe peu de données contrôlées sur le traitement médicamenteux des troubles anxieux de l’enfant et de l’adolescent en dehors du TOC. De plus, les essais publiés jusqu’à récemment présentaient différents problèmes méthodologiques tels que non-élimination des placebo-répondeurs, échantillons de petite taille, hétérogénéité clinique des sujets, études à court terme.

Cette situation a été à l’origine d’initiatives comme la constitution du Pediatric Psychopharmacology Anxiety Study Group, qui a pour objectif de mener des travaux multicentriques sur les traitements médicamenteux des troubles anxieux de l’enfant et de l’adolescent répondant aux critères actuels de la méthodologie et prenant en compte les spécificités développementales des populations d’enfants et d’adolescents [71, 72, 97, 98]. La qualité des données disponibles est en amélioration constante. Cependant, les données à moyen et long terme sont encore rares et les schémas posologiques doivent être précisés (pour revue [88, 77, 43]).


Benzodiazépines

Il existe assez peu de publications concernant les benzodiazépines utilisées dans cette indication (tableau 15.3). Les résultats des études ouvertes sont en contradiction avec ceux des essais contrôlés. D’Amato [29] a rapporté une amélioration chez neuf sujets présentant une phobie scolaire et traités par chlordiazépoxide. Dans une publication de 1965, Kraft et al. [52] rapportent près de 77% d’amélioration chez 18 sujets avec une phobie scolaire traités avec la même molécule. Kutcher et al. [54] ont traité 18 enfants avec un trouble anxiété de séparation par de l’alprazolam et ont constaté une amélioration de leur symptomatologie.














Tableau 15.3 — Études concernant l’efficacité des benzodiazépines dans les troubles anxieux de l’enfant et de l’adolescent et leurs effets secondaires
Molécules Études ouvertes Essais contrôlés Effets secondaires
Benzodiazépines Deux études ouvertes positives phobie scolaire
Une étude ouverte positive anxiété de séparation
Deux essais négatifs
Un essai positif dans le trouble panique
Somnolence
Amnésie antérograde (demi-vie brève),
Diminution des performances cognitives
Diminution des aptitudes motrices
Désinhibition comportementale
Réactions paradoxales

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Jul 6, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on Les troubles anxieux

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