7. Les antidépresseurs
Diane Purper-Ouakil
Les antidépresseurs ont prouvé leur utilité dans le traitement des troubles psychiatriques de l’adulte. En dehors des troubles dépressifs, leur champ d’application comprend le trouble obsessionnel-compulsif (TOC), le trouble panique, l’anxiété généralisée, le stress post-traumatique, l’énurésie et certaines douleurs chroniques. Les molécules de seconde et de troisième génération ont apporté des avantages en termes de tolérance pour une efficacité au moins similaire à celle des antidépresseurs tricycliques. Les dernières années ont vu une diffusion de l’usage des antidépresseurs, et notamment des inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS), chez l’adolescent et l’enfant. Cette diffusion est probablement à mettre en rapport avec une meilleure reconnaissance des troubles dépressifs et anxieux chez l’enfant, mais aussi avec une extrapolation des données d’efficacité et de tolérance obtenues chez l’adulte. Or, les particularités cliniques, neurobiologiques et physiologiques du sujet en voie de développement rendent aléatoire une analogie trop rapide entre l’enfant et l’adulte, et justifient des études spécifiques en population pédiatrique. Ce fait est illustré par la récente remise en question de l’efficacité et de la tolérance de certaines classes thérapeutiques d’antidépresseurs par des rapports émanant successivement de la Grande-Bretagne (UK Committee on Safety of Medicines, juin, décembre 2003 et février 2004) et des États-Unis (Food and Drug Administration [FDA], mars 2004). La survenue d’effets adverses rares mais potentiellement graves, tels qu’une augmentation d’événements suicidaires (idées suicidaires, tentatives de suicide, automutilations), l’apparition d’une hostilité ou d’une irritabilité ont particulièrement inquiété les usagers et les prescripteurs.
Une mise au point sur l’efficacité et la tolérance des antidépresseurs chez le sujet jeune est donc nécessaire pour guider les indications, la prescription, et permettre aux professionnels une meilleure évaluation du rapport bénéfices-risques de ces molécules.
FAMILLES CHIMIQUES
TRICYCLIQUES
Caractéristiques générales
Les tricycliques sont, avec les inhibiteurs de la monoamine oxydase (IMAO), les antidépresseurs les plus anciens. Leur mécanisme d’action consiste en une inhibition de la recapture synaptique de la noradrénaline et de la sérotonine. Les chefs de file de cette classe sont l’imipramine (Tofranil®), la clomipramine (Anafranil®), l’amitryptiline (Laroxyl®) et la desipramine (Pertofran®).
Particularités pharmacocinétiques
Les tricycliques sont métabolisés plus rapidement chez l’enfant que chez l’adulte et ont donc un pic plasmatique plus précoce et intense ainsi qu’une demi-vie plus brève. Ce métabolisme résulte de différentes particularités pharmacocinétiques: une absorption intestinale plus rapide, un premier passage hépatique important, une plus faible fixation aux protéines plasmatiques et une augmentation du volume de distribution. L’action des tricycliques est donc moins prolongée chez l’enfant que chez l’adulte, nécessitant des prises fractionnées (deux ou trois prises dans la journée). Par ailleurs, les taux plasmatiques sont variables chez l’enfant; ils sont corrélés à l’effet thérapeutique, mais aussi à la cardiotoxicité, ce qui justifie une surveillance biologique chez le sujet jeune.
Tolérance
Les effets secondaires des tricycliques sont le plus souvent bénins, mais ils peuvent être gênants et conduisent alors à l’arrêt prématuré du traitement. Ils nécessitent une augmentation progressive de la posologie. Parmi les plus fréquents, les effets centraux tels que l’asthénie et la somnolence diurne s’estompent en quelques semaines. Les effets anticholinergiques périphériques comprennent la sécheresse buccale, les troubles de l’accommodation, la constipation et la rétention urinaire. Des variations de poids (prise de poids le plus souvent) peuvent survenir après quelques semaines de traitement. Les effets cardiovasculaires comprennent une hypotension orthostatique, une élévation de la tension artérielle (surtout diastolique). À l’électrocardiogramme (ECG), une augmentation modérée de l’intervalle PR et un élargissement du complexe QRS peuvent apparaître. Les effets occasionnels comprennent l’apparition de mouvements anormaux (tics, tremblements, incoordination), des effets cutanés (rash, photosensibilisation), un virage de l’humeur, des crises comitiales par diminution du seuil épileptogène. Les effets sévères sont généralement dose-dépendants: confusion mentale, cardiotoxicité avec syndrome du QT long. Le surdosage est potentiellement létal (en générale doses supérieures à 1g) par troubles du rythme cardiaque, état de mal épileptique, collapsus et arrêt respiratoire.
Modalités de prescription
Le bilan préthérapeutique comprend un examen clinique avec mesure de la taille, du poids, du pouls et de la tension artérielle, une recherche d’atteintes cardiaques chez le sujet et dans sa famille. Un ECG et un bilan hépatique sont réalisés, ainsi qu’un éventuel test de grossesse. La posologie est adaptée progressivement par paliers de 25mg jusqu’à une dose de 1-3mg/kg par jour en deux à trois prises. La surveillance est clinique (poids, taille, pouls, tension artérielle) et biologique. Le dosage des taux plasmatiques permet l’obtention de la fourchette thérapeutique et la prévention des effets secondaires graves. Il est réalisé à j7 et à chaque changement de dose. Les taux plasmatiques efficaces se situent entre 130-250ng/ml pour l’imipramine (Tofranil®) et 80-200ng/ml pour la clomipramine (Anafranil®) et l’amitryptiline (Laroxyl®). Un ECG est réalisé aux changements de dose puis tous les 3 mois. Il est recommandé d’interrompre le traitement devant l’un des signes suivants: PR supérieur à 0,2s, QRS supérieur à 0,12s, QTc supérieur à 0,48s, pouls supérieur à 100 au repos (110 chez les enfants de moins de 10 ans) et tension artérielle supérieure à 15/9,5. La diminution du traitement doit être progressive sur plusieurs semaines pour éviter des signes de sevrage tels que l’anxiété, l’agitation et des troubles du sommeil.
INHIBITEURS SÉLECTIFS DE LA RECAPTURE DE LA SÉROTONINE
Caractéristiques générales et pharmacocinétiques
Les ISRS comprennent la fluoxétine (Prozac®), la fluvoxamine (Floxyfral®), la paroxétine (Deroxat®), la sertraline (Zoloft®), le citalopram (Seropram®) et l’escitalopram (Seroquel®). Le mode d’action de ces antidépresseurs est une inhibition de la recapture synaptique de la sérotonine. Les ISRS se différencient par leur spécificité et leur potentiel inhibiteur, mais ces caractéristiques n’ont pas de traduction clinique connue: in vitro, la sertraline et la paroxétine sont des inhibiteurs plus puissants que la fluoxétine, et la sertraline est le seul ISRS qui inhibe significativement la recapture de la dopamine. La demi-vie est également variable selon les molécules: la fluoxétine a une demi-vie de 2 j après une dose unique, et de 8 j avec des doses répétées mais son métabolite actif, la norfluoxétine, a une demie-vie comprise entre 7 et 19 j. Les autres ISRS ont une demi-vie d’entre 12 et 36h et ne possèdent pas de métabolites actifs. La demi-vie peut orienter le choix de la molécule: en cas de défaut d’observance, une molécule à demi-vie longue est à privilégier, mais si des associations ou des relais médicamenteux sont prévus, une demi-vie courte rendra le traitement plus maniable. Les taux plasmatiques sont variables et non corrélés à l’effet thérapeutique, ce qui rend inutile leur usage en pratique courante. Le métabolisme des ISRS est hépatique par l’intermédiaire des isoenzymes du cytochrome P450 (impliquant surtout l’isoenzyme CYP2D6); des interactions sont donc possibles avec des médicaments utilisant la même voie métabolique. L’inhibition de l’isoenzyme CYP2D6 est plus importante avec la fluoxétine et la paroxétine qu’avec la fluvoxamine et la sertraline [36]. Les taux plasmatiques sont influencés par les polymorphismes génétiques du cytochrome P450; 6 à 10% de la population sont des métaboliseurs lents. Des variations génétiques des enzymes du métabolisme, des récepteurs sérotoninergiques et des transporteurs peuvent être impliquées dans la survenue d’effets adverses mais également dans les effets thérapeutiques.
Tolérance
Les ISRS sont globalement mieux tolérés que les antidépresseurs de première génération (tricycliques et IMAO) et moins dangereux en cas de surdosage. Nous détaillerons les effets adverses psychocomportementaux dans le chapitre suivant. Les effets secondaires les plus fréquents sont observés dans 10 à 30% des cas chez l’enfant et l’adolescent. Ils se manifestent surtout en début de traitement et leur fréquence est réduite par l’augmentation progressive de la posologie. Ce sont les effets gastro-intestinaux (nausées, dyspepsie, diarrhée), les variations pondérales (diminution avec la fluoxétine, augmentation avec la paroxétine), l’irritabilité, l’insomnie, la sédation, l’impatience motrice, la bouche sèche. Les effets occasionnels sont le virage de l’humeur, la survenue de crises d’épilepsie, les rashs ou réactions allergiques, les troubles sexuels. Un syndrome «amotivationnel» a également été décrit, mais est parfois difficile à distinguer d’une symptomatologie dépressive séquellaire: il associe une perte de l’initiative, des troubles mnésiques subjectifs, un sensation de distance avec le monde environnant. Des syndromes extrapyramidaux, une sécrétion inappropriée d’hormone antidiurétique et des syndromes du canal carpien ont été rapportés avec la fluoxétine. Un syndrome sérotoninergique est souvent en relation avec des associations de traitements sérotoninergiques: il associe une agitation, des troubles gastro-intestinaux, des frissons et des tremblements. Parfois, le syndrome sérotoninergique est plus sévère avec une fièvre, un syndrome confusionnel voire un coma et des crises d’épilepsie.
Modalités de prescription
Les traitements par ISRS sont augmentés et diminués progressivement chez l’enfant et l’adolescent. Le bilan préthérapeutique comprend un examen clinique avec mesure du poids, de la taille, du pouls et de la tension artérielle. Certains auteurs recommandent aussi un bilan hépatique [28]. La surveillance est clinique et, dans la plupart des indications, l’efficacité doit être évaluée entre 8 et 12 semaines de traitement, en raison de la possibilité de réponses thérapeutiques tardives.
ANTIDÉPRESSEURS NON TRICYCLIQUES, NON ISRS
Les IMAO de première génération sont des inhibiteurs non sélectifs et irréversibles de la monoamine oxydase (isoenzymes A et B) dont l’usage chez le sujet jeune n’est pas recommandé du fait d’effets indésirables potentiellement sévères et de nombreuses interactions médicamenteuses et alimentaires. Les inhibiteurs réversibles et sélectifs de la MAO-A, plus récents, ont un potentiel d’interaction réduit; leur chef de file est le moclobémide (Moclamine®). Tout comme les ISRS, les IMAO-A réversibles et sélectifs ont l’avantage de ne pas avoir d’effets anticholinergiques, sédatifs et cardiotoxiques.
Les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline (IRSN), comme la venlafaxine (Effexor®), ont des propriétés similaires à celles des tricycliques sans partager leurs effets anticholinergiques, histaminiques et α-adrénergiques. La venlafaxine (Effexor®) inhibe modérément l’isoenzyme CYP2D6. Ses effets indésirables les plus fréquents sont des nausées, la sécheresse buccale, la somnolence et la constipation. Une élévation dose-dépendante de la pression artérielle existe dans 3% des cas chez l’adulte. Les taux plasmatiques de venlafaxine sont plus faibles chez l’enfant et l’adolescent que chez l’adulte pour une dose de 2mg/kg par jour [12].
La miansérine (Athymil®) est un antidépresseur tétracyclique dépourvu d’effets anticholinergiques et de toxicité cardiaque. La mirtazapine (Norset®) est un analogue structurel de la miansérine bloquant les récepteurs α2 et augmentant la libération de sérotonine et de noradrénaline. Ces deux dernières molécules ont un profil sédatif et sont susceptibles de provoquer un gain de poids. Leur pharmacocinétique n’a pas été étudiée chez le sujet jeune.
ANTIDÉPRESSEURS ET EFFETS ADVERSES PSYCHOCOMPORTEMENTAUX
En juin 2003, la Grande-Bretagne (Commitee on Safety of Medicines-UK) émet une alerte concernant le risque d’événements suicidaires sous paroxétine chez le sujet jeune. Cette alerte est ensuite étendue à la venlafaxine et aux ISRS en dehors de la fluoxétine. La FDA a également alerté à propos de ces risques en mars 2004. Les agences européenne (European Medical Agency [EMEA]) et américaine ont procédé à des analyses des essais publiés et non publiés avec les antidépresseurs de nouvelle génération chez l’enfant et l’adolescent. Des difficultés dans l’analyse des effets indésirables ont conduit à passer en revue 23 essais conduits par l’industrie ainsi que l’étude TADS (un essai multicentrique fluoxétine, thérapie cognitivocomportementale [TCC], traitement combiné et placebo [34]) avec de nouveaux critères pour classifier les effets adverses sérieux [24]. Cette nouvelle analyse a concerné neuf antidépresseurs ISRS et non ISRS et plus de 4500 patients. Les indications comprenaient l’épisode dépressif majeur (16 essais), le TOC (quatre essais), le trouble anxiété généralisée (deux essais), la phobie sociale (un essai) et le trouble déficit de l’attention/hyperactivité (un essai). Une distinction est faite par les experts de l’université Columbia entre effets suicidaires (tentative de suicide, idéation suicidaire, préparation suicidaire), effets non suicidaires (accidents, autoagressivité sans intention suicidaire) et actes autoagressifs avec intentionnalité inconnue. Les risques relatifs pour les effets suicidaires s’échelonnent entre 0,92 (intervalle de confiance [IC]: 0,53-3,5) pour les essais fluoxétine conduits par l’industrie et 4,97 (IC: 1,0922,72) pour la venlafaxine (tableau 7.1). Pour l’ensemble des études, le risque relatif (RR) est de 1,95 (IC: 1,28-2,98); pour les études dans la dépression, le RR est plus faible: 1.66 (IC: 1,02-2,68). Il n’y a pas eu d’événements suicidaires dans les essais bupoprion et nefazodone. Globalement, la différence de risque (RD) qui estime l’augmentation absolue de risque due au traitement est de 2 à 3%; c’est-à-dire que sur 100 patients traités, on pourrait attendre chez deux à trois sujets des effets suicidaires liés au traitement. Il faut noter qu’il n’y a aucun suicide parmi les patients inclus dans ces essais thérapeutiques et qu’il n’y a pas d’augmentation des scores d’idéation suicidaire des échelles d’hétéroévaluation. Les mécanismes sous-tendant ces effets adverses psychocomportementaux restent spéculatifs: décompensation de troubles bipolaires non reconnus, syndrome d’activation comportementale, effet retardé de l’action antidépressive, manifestations de sevrage en cas d’oubli du traitement.
Traitement | Odds ratios (IC 95%) |
Fluoxétine (essais Lilly) | 0,92 (0,39-2,19) |
Citalopram | 1,37 (0,53-3,5) |
Sertraline | 1,48 (0,42-5,24) |
Fluoxétine (essais Lilly + TADS) | 1,52 (0,75-3,09) |
Mirtazapine | 1,58 (0,06-38,37) |
Paroxétine | 2,65 (1,00-7,02) |
Venlafaxine | 4,97 (1,09-22,72) |
Fluvoxamine | 5,52 (0,27-112.55) |
Contrairement aux données chez le sujet jeune, les études contrôlées réalisées chez l’adulte n’ont pas mis en évidence une augmentation spécifique du risque suicidaire sous ISRS [23, 27, 46].
L’interprétation des données concernant l’augmentation de risque d’événements suicidaires liés au traitement antidépresseur chez l’enfant et l’adolescent est difficile, d’autant qu’elles ne permettent aucune extrapolation au-delà de la 16e semaine de traitement. Elles contrastent avec la diminution de l’incidence des suicides chez l’adolescent dans la majorité des pays européens et aux États-Unis (ministère de l’Emploi et de la solidarité, 2000). Les agences de sécurité sanitaire ont proposé de déconseiller l’usage des antidépresseurs chez l’enfant et l’adolescent en dehors de certaines situations cliniques, après une évaluation du rapport bénéfices-risques. Dans les pays où les ISRS ont l’autorisation de mise sur le marché (AMM) dans l’indication TOC ou dépression, ils n’ont pas été contre-indiqués, mais aux ÉtatsUnis, le risque d’événements suicidaires figure maintenant sur les boîtes d’antidépresseurs. L’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) publie sur son site une mise au point concernant le bon usage des antidépresseurs au cours de la dépression chez l’enfant et l’adolescent qui conseille de rechercher, «de manière active», le risque suicidaire quelles que soient les prises en charge et particulièrement si un traitement antidépresseur est mis en route (http://afssaps.sante.fr/htm/10/antid/map_enfants. pdf).
EFFICACITÉ ET INDICATIONS DES ANTIDÉPRESSEURS CHEZ L’ENFANT ET L’ADOLESCENT
LE TROUBLE OBSESSIONNEL-COMPULSIF
Essais cliniques
La clomipramine (Anafranil®) est le premier antidépresseur dont l’efficacité a été montrée par un essai contrôlé contre placebo dans le TOC de l’enfant et de l’adolescent [14]. Cet effet thérapeutique est spécifique et lié à l’effet sérotoninergique de la molécule, c’est-à-dire qu’il n’existe pas avec d’autres tricycliques comme la desipramine [31]. Une étude contrôlée confirmant ces données a conduit à l’AMM de la clomipramine pour le TOC pédiatrique aux États-Unis [8]. Il faut noter qu’en France, la clomipramine n’a obtenu l’AMM en dessous de 15 ans que pour l’énurésie.
Des essais contrôlés contre placebo ont été réalisés avec la plupart des ISRS chez l’enfant et l’adolescent et montrent tous un effet significativement supérieur au placebo (tableau 7.2). Un essai multicentrique est en cours avec la paroxétine (Deroxat®). L’effet thérapeutique peut parfois être mis en évidence dès la 1re semaine de traitement [43] et se maintient durant la durée de l’essai. L’étude de March [33] a fait l’objet d’une extension en ouvert pendant 52 semaines chez 132 patients; une amélioration continue a été observée tout au cours de cette période. À la fin de la phase d’extension, 55% des patients étaient en rémission complète et 31% en rémission partielle [48].
*Sujets ayant une réduction de 25% au moins du score de la CY-BOCS ou «nettement» ou «très nettement» améliorés à l’échelle CGI. | |||
Auteurs | Sujets (durée) | Molécule | Résultats (% répondeurs*) |
---|---|---|---|
Riddle, 1992 | 14 (8 semaines) | Fluoxétine (Prozac®) | Fluoxétine > placebo 44 contre 27% |
March, 1998 | 187 (12 semaines) | Sertraline (Zoloft®) | Sertraline > placebo 53 contre 37% CY-BOCS 42 contre 26% CGI |
Riddle, 1996, 2001 | 120 (10 semaines) | Fluvoxamine (Floxyfral®) | Fluvoxamine > placebo 42 contre 26% |
Geller, 2001 | 103 (13 semaines) | Fluoxétine (Prozac®) | Fluoxétine > placebo (scores CY-BOCS; p = 0,026) |
Liebowitz 2002 | 43 (16 semaines) | Fluoxétine (Prozac®) | Fluoxétine > placebo 57 contre 27% CGI |
Geller, 2004 | 203 (10 semaines) | Paroxétine (Deroxat®) | Paroxétine > placebo (scores CY-BOCS; p = 0,002) |
Une méta-analyse de 12 études dans le TOC de l’enfant et de l’adolescent portant sur 1044 sujets confirme l’efficacité des antidépresseurs sérotoninergiques par rapport au placebo [19]. Cette étude ne met pas en évidence de différences significatives entre les différents ISRS; en revanche, elle est en faveur d’une efficacité supérieure de la clomipramine dans cette indication. Il faut noter que les effets thérapeutiques sont bien démontrés mais restent modestes en termes de rémission complète. Certains paramètres pourraient influencer la réponse au traitement: le jeune âge, l’existence d’antécédents familiaux ont été associés à une meilleure réponse au traitement par ISRS, tandis que l’inverse a été montré pour l’existence d’une comorbidité (tics, syndrome de Gilles de la Tourette, trouble déficit de l’attention avec hyperactivité) [19, 52].
La fluvoxamine et la sertraline sont autorisées aux États-Unis dans le traitement du TOC de l’enfant et de l’adolescent, et ont l’AMM en France dans cette indication. Compte tenu de leur profil de tolérance favorable et de leur efficacité démontrée, les ISRS sont actuellement le traitement pharmacologique de première intention du TOC, chez l’adulte comme chez l’enfant et l’adolescent. Le traitement combiné associant TCC et médicaments est la modalité de choix, plus efficace que la chimiothérapie isolée [37, 38].
Modalités pratiques
Les posologies indicatives des ISRS figurent dans les tableaux 7.2 et 7.3. La dose cible est atteinte par paliers successifs, d’autant plus progressivement qu’il existe une atteinte cérébrale organique associée. L’effet thérapeutique se manifeste au bout de 3 à 10 semaines; par exemple, dans l’étude de Liebowitz [32], la différence entre la fluoxétine et le placebo ne devient significative qu’au bout de 8 semaines. Un maintien du traitement pendant 12 à 18 mois minimum est conseillé. Un traitement prophylactique à plus long terme peut être discuté si deux rechutes consécutives se produisent à l’arrêt des médicaments. Si à 10-12 semaines de traitement à bonne dose, la réponse thérapeutique est nulle ou insuffisante, en l’absence de facteurs de résistance (comorbidité, stress environnementaux, défaut de compliance, interactions médicamenteuses), le traitement peut être remplacé par un autre ISRS ou par la clomipramine. Lorsque deux tentatives de traitement médicamenteux bien conduites et associées à une TCC échouent, une association médicamenteuse peut être discutée avec des neuroleptiques classiques, des antipsychotiques atypiques ou un traitement combiné ISRS et clomipramine. Les doses de clomipramine seront alors inférieures aux doses standard, le traitement combiné entraînant une augmentation des taux plasmatiques et un risque accru de syndrome sérotoninergique [22]. Outre leur indication dans le TOC avéré, les ISRS pourraient avoir un intérêt dans le traitement des troubles du spectre obsessionnel et compulsif. Ainsi, des cas cliniques ont rapporté une amélioration de ce type de symptomatologie dans le trouble autistique, le syndrome de Prader-Willi et la trichotillomanie [12].