12. Le trouble déficit de l’attention avec hyperactivité
François Bange
Instabilité psychomotrice, trouble hyperkinétique, trouble déficit de l’attention avec hyperactivité (TDA/H) sont les dénominations actuelles d’un syndrome comportant plusieurs variantes. Certaines caractéristiques permettent de le reconnaître; il s’agit un trouble permanent du développement qui débute tôt et évolue de façon continue, pendant l’enfance, avec un niveau élevé de difficultés attentionnelles, d’agitation et/ou d’impulsivité. Ces symptômes, en proportion variable d’un sujet à l’autre, entraînent une gêne fonctionnelle importante dans la vie de l’enfant. Ils peuvent persister à l’âge adulte, souvent de façon partielle. Les sujets qui en souffrent sont exposés tout au long de leur vie à un risque accru de difficultés variées, allant de l’échec scolaire aux troubles thymiques et anxieux, des troubles de la personnalité et de l’abus de substance à la délinquance. Des traitements médicamenteux existent; leur place parmi les stratégies thérapeutiques et leur utilisation constituent donc des questions aux enjeux majeurs.
UN SYNDROME TRAITÉ DEPUIS LONGTEMPS PAR LES PSYCHOTROPES
Le caractère récent de l’engouement à son égard ne doit pas faire ignorer que ce syndrome est connu, en réalité, depuis plus d’un siècle. Il y aura bientôt 70 ans qu’une première publication scientifique a relaté l’efficacité d’un médicament, la benzédrine, le premier psychostimulant utilisé dans cette indication.
La littérature médicale, dès la fin du XIXe siècle, contient des tableaux cliniques avec des descriptions voisines du syndrome actuel. Tout au long du XXe siècle, il reçoit diverses dénominations dans les publications qui foisonnent à travers le monde. Après la Seconde Guerre mondiale, la locution «minimal brain disorder» ou «dysfunction» domine plusieurs décennies dans les pays anglo-saxons. Les dénominations actuelles, faisant référence à l’attention autant qu’à l’hyperactivité, s’imposent à partir des années quatre-vingt, à la faveur de conceptions étiopathogéniques nouvelles. Dans les textes francophones, depuis le début du XXe siècle, on traite couramment des enfants «instables». La Classification française des troubles mentaux de l’enfant et de l’adolescent prend acte de l’unicité du syndrome en réunissant dans une même catégorie les troubles décrits en France par l’expression «instabilité psychomotrice», et aux États-Unis par l’expression «trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité (ou hyperkinésie)», c’est-à-dire le syndrome défini par l’American Psychiatric Association [25].
Ces dénominations variées, liées aux traditions culturelles et médicales propres à chaque lieu et chaque époque, recouvrent un noyau clinique commun, stable et aisément reconnaissable dans ses principales caractéristiques. De très nombreux travaux scientifiques lui sont consacrés aujourd’hui, en raison de sa fréquence élevée et de la préoccupation croissante des familles pour la réussite scolaire de leurs enfants, qui peut en être gravement compromise. La constatation faite depuis longtemps que des traitements médicamenteux sont efficaces explique la multiplication des études pharmacologiques.
Mais une assez vive hostilité à cette approche thérapeutique s’est enracinée dans certains courants de la pédopsychiatrie. En France, la prise en charge de l’instabilité depuis plusieurs décennies est faite en privilégiant souvent la recherche de causes psychologiques ou environnementales. Certains préconisent donc d’agir de façon curative sur les racines du trouble par des moyens appropriés, notamment les méthodes psychanalytiques, plutôt que de chercher à réduire artificiellement les symptômes par un traitement médicamenteux. La critique est régulièrement faite, à l’encontre de l’approche médicamenteuse, de n’être que superficielle. Elle négligerait les causes sous-jacentes et, pire, elle contribuerait à pérenniser le mal en masquant ses manifestations.
Les controverses et l’hostilité encore largement répandues à l’encontre du traitement pharmacologique ont donc pour toile de fond la question de la guérison. En l’état actuel, aucun des traitements médicamenteux connu ne revendique une action curative définitive sur le TDA/H, et leur prescription ne vise effectivement qu’un effet palliatif, de suspension ou d’atténuation des symptômes.
DIAGNOSTIC ET ÉVALUATION
Un diagnostic bien étayé est indispensable avant l’instauration d’un traitement médicamenteux. L’observation d’un retentissement marqué des troubles est également une condition impérative. Les moyens de poser le diagnostic et d’évaluer le retentissement doivent donc être rappelés succinctement.
DIAGNOSTIC
Deux systèmes de critères, périodiquement révisés, se sont imposés dans la recherche scientifique consacrée au syndrome, notamment en pharmacologie; en pratique clinique quotidienne, le diagnostic se fonde sur eux. À l’heure actuelle, le TDA/H, défini par le DSM-IV-TR [1], et le trouble hyperkinétique, décrit dans la CIM-10 par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) [31], proposent des tableaux voisins de symptômes dans les trois registres de l’inattention, de l’impulsivité et de l’agitation motrice, mais chacun avec un algorithme propre pour le diagnostic.
Le traitement médicamenteux est donc instauré chez les patients répondant à ces critères qui ont de nombreux points en commun, parmi lesquels l’âge d’apparition des premiers signes, avant 6 ans, l’évolution continue de ceux-ci, l’existence des symptômes dans au moins deux contextes différents. Il est d’ailleurs recommandé que les informations soient rassemblées auprès d’adultes connaissant séparément l’enfant dans des environnements distincts (maison et école, par exemple).
Dans les deux systèmes également (DSM-IV-TR et CIM-10), le diagnostic nécessite l’existence clinique indubitable d’un retentissement négatif marqué. L’intensité et la fréquence des symptômes ne sont pas les seuls points qui comptent. Il s’impose de prendre en compte la gêne dans les principaux domaines de la vie de l’enfant, le retentissement sur sa vie en famille, avec ses amis et dans ses jeux, autant qu’à l’école. La gêne importante et la souffrance psychologique engendrées par le syndrome constituent une caractéristique essentielle pour le distinguer des variations normales du comportement, par exemple de la simple exubérance habituelle d’un jeune enfant.
Malgré ces nombreux points communs, les différences entre les deux systèmes diagnostiques doivent être soulignées. Les critères du TDA/H sont plus larges que ceux proposés pour le trouble hyperkinétique. Le DSM-IV-TR admet l’existence de sous-types, où prédominent les symptômes d’un seul registre, par exemple ceux de l’inattention, alors que selon la CIM-10, l’enfant doit présenter des symptômes dans chacun des trois registres (agitation, impulsivité et déficit de l’attention). De plus, cette dernière est plus exigeante sur le caractère envahissant des symptômes. Enfin, la présence d’autres troubles chez l’enfant, comme par exemple l’anxiété, constitue un critère d’exclusion pour celle-ci.
Pour ces raisons, le diagnostic est plus fréquent avec le DSM-IV-TR, alors qu’avec la CIM-10, les patients sont plus jeunes et plus sévèrement atteints. Chacun de ces algorithmes présente donc avantages et inconvénients. Les autorités françaises exerçant la tutelle ont retenu la CIM-10 pour mesurer les coûts liés à cette pathologie en pédopsychiatrie. Mais beaucoup de cliniciens, en Europe, préfèrent utiliser le DSM-IV-TR, notamment parce qu’il prend en compte les nombreux patients souffrant d’inattention sévère, sans agitation ou impulsivité invalidante. En pratique, si les symptômes ne remplissent pas tous les critères du trouble hyperkinétique, il faut donc rechercher s’ils répondent à la définition moins restrictive du TDA/H. Pour cette raison et par commodité, le sigle TDA/H est utilisé dans les développements suivants pour désigner le syndrome, sauf en cas de contradiction avec ce qui vaut spécifiquement pour le trouble hyperkinétique.
MOYENS D’ÉVALUATION
Le diagnostic et l’évaluation du retentissement des troubles nécessitent des entretiens avec les parents et avec l’enfant, le recueil d’informations auprès des enseignants, l’utilisation d’échelles, et la réalisation de tests psychométriques.
Intérêt des échelles d’évaluation
Les échelles d’évaluation constituent une aide pour le recueil des symptômes et l’appréciation de leur intensité, selon les parents et les enseignants. Chez les adolescents, il est utile d’utiliser en outre des échelles d’autoévaluation. Les échelles sont également employées pour évaluer l’effet du traitement.
Mais ces instruments ne se substituent aucunement au jugement clinique: aucun score ne peut suffire à établir ou réfuter le diagnostic, encore moins l’indication au traitement.
Évaluation avec les parents
L’entretien avec les parents permet de recenser et d’évaluer les symptômes actuels, qui ne sont pas tous présents en consultation. L’histoire des troubles est également établie avec les parents. Elle est d’une importance capitale pour le diagnostic car dans cette affection au développement continu, on cherche l’apparition des premiers symptômes généralement avant l’entrée à l’école primaire. Cela écarte certains diagnostics différentiels, où manque cette longue histoire.
L’observation du fonctionnement familial influe, en outre, sur les stratégies thérapeutiques. De nombreux facteurs liés à la famille vont peser sur les choix thérapeutiques comme les conflits entre les parents sur les stratégies éducatives, ou l’existence de problèmes psychopathologiques chez les ascendants ou les collatéraux. Entrent en compte également le degré de tolérance des parents vis-à-vis des troubles de l’enfant, leurs convictions sur l’origine des difficultés de celui-ci et les façons d’y remédier, leur adhésion aux conseils éducatifs, leur coopération ou leurs conflits avec l’institution scolaire ainsi que les institutions sociales. Cette liste non exhaustive illustre la variété des questions que le prescripteur d’un traitement médicamenteux doit s’efforcer d’examiner pour orienter ses décisions.
Évaluation avec l’enfant
L’examen de l’enfant vise plus à établir son degré général d’adaptation et à rechercher l’existence de troubles comorbides qu’à observer ses symptômes d’hyperactivité en consultation, ou qu’à l’interroger sur leur existence, ce qui n’est fructueux qu’à un certain âge et à l’adolescence. D’une part, les traits cardinaux de l’hyperactivité (agitation, impulsivité, inattention) sont parfois masqués en consultation, certains enfants réussissant fort bien à les contrôler transitoirement. D’autre part, les enfants les plus jeunes n’ont pas tous une conscience suffisante de leur comportement ni de son retentissement pour que leur anamnèse soit décisive.
En revanche, l’examen de l’enfant doit rechercher parmi les troubles comorbides les éléments psychopathologiques internalisés (anxiété, mauvaise estime de soi, démoralisation…) souvent associés au TDA/H, mais négligés par l’entourage surtout lorsque les symptômes externalisés (agitation, impulsivité) sont marqués.
Évaluation auprès des enseignants et des tiers
L’avis des enseignants, obtenu avec l’accord des parents, révèle le comportement en classe, les capacités d’attention, les relations avec les pairs, y compris les années précédentes. La succession des bulletins scolaires depuis les débuts de la scolarité contribue au diagnostic en livrant des informations sur l’histoire des troubles en dehors du contexte familial.
Les symptômes de l’hyperactivité sont également souvent rapportés par d’autres adultes en contact fréquent avec l’enfant, orthophoniste, psychomotricien, membres encadrants des activités de loisirs. Leur témoignage aide à évaluer la gêne dans des situations qui ne sont ni scolaires ni familiales.
Tests psychométriques
Établir le quotient intellectuel de l’enfant revêt une importance particulière, en révélant un décalage éventuel entre ses performances académiques et son potentiel, élément d’appréciation de la gêne suscitée par le TDA/H.
À juste titre, l’utilisation de tests spécialisés, mesurant l’attention ou l’impulsivité, s’est beaucoup répandue dans la recherche. Mais aucun test neuropsychologique, ni aucune batterie de tests, n’a démontré un pouvoir prédictif positif ou négatif suffisant pour affirmer ou rejeter le diagnostic chez un enfant donné. Il reste donc uniquement clinique, et les tests n’y participent qu’à titre d’appoint, sans valeur décisive [24].
PLACE DES TRAITEMENTS MÉDICAMENTEUX PARMI LES DIFFÉRENTES APPROCHES THÉRAPEUTIQUES
Le diagnostic du TDA/H, souvent aisé à évoquer lorsque ce trouble est bruyant et spectaculaire, et séduisant parce qu’un traitement médicamenteux est disponible, ne doit pas se faire aux dépens d’autres troubles psychiatriques. Certains lui sont d’ailleurs fréquemment associés: le trouble oppositionnel avec provocation, les troubles des conduites, les troubles anxieux, les troubles de l’humeur, les tics, etc. Ils pèsent parfois lourdement sur la stratégie thérapeutique, nécessitant une prise en charge appropriée, parfois prioritaire. Les troubles spécifiques des apprentissages, eux aussi, notamment ceux du langage écrit et de la coordination motrice, exigent des rééducations spécialisées.
La définition d’une stratégie thérapeutique implique de prendre en compte ces troubles comorbides avec des mesures spécifiques, rééducations, psychothérapie ou soutien éducatif. De plus, le traitement médicamenteux du TDA/H rentre dans une palette comportant d’autres mesures qui lui sont propres. La mise en place d’un volet psychoéducatif est indispensable. Elle consiste à informer l’entourage sur la nature des troubles comportementaux et les méthodes palliatives, non médicamenteuses, applicables dans la vie quotidienne de l’enfant, en famille, à l’école et dans ses loisirs. Il s’agit d’aider les adultes en leur présentant des stratégies susceptibles d’atténuer les comportements préjudiciables de l’enfant, d’aider à la mise en place de celles-ci et à leur systématisation. Il faut aussi informer l’entourage sur les attitudes éducatives parfois très répandues qui risquent d’aggraver les troubles, et qui sont souvent favorisées par le désarroi des adultes. Il s’agit enfin de permettre à l’enfant de prendre conscience de ses troubles sans le culpabiliser, et de l’aider à restaurer les relations avec autrui, particulièrement avec ses pairs, qui sont souvent compromises.
Dans notre pays, encore actuellement, seules les mesures d’ordre psychothérapeutique, souvent peu spécifiques, sont proposées à la grande majorité des enfants pendant plusieurs années. Un travail psychoéducatif selon des programmes éprouvés est rarement entrepris. Pourtant, ces derniers comme les traitements pharmacologiques ont fait la démonstration de leur efficacité sous certaines conditions. Des travaux menés avec une méthodologie rigoureuse ont comparé l’efficacité entre les traitements pharmacologiques et des programmes de thérapies cognitives et comportementales. Mais aucune étude ne montre que ces dernières puissent être supérieures aux traitements psychostimulants dans les symptômes clés du TDA/H [5]. C’est donc souvent vers une prise en charge combinée (pharmacothérapie et mesures psychoéducatives) qu’il faut orienter les soins.
L’étude MTA est la plus ample de ces études comparatives menée entre différentes stratégies thérapeutiques. Chez 579 enfants répartis dans quatre groupes, elle montre que ceux bénéficiant d’une approche combinée (psychostimulants et thérapie comportementale intensive) connaissent une évolution meilleure que dans une approche uniquement médicamenteuse, sur certains symptômes spécifiques mais non sur l’ensemble du syndrome. L’approche combinée permet aussi aux parents de modifier leurs pratiques éducatives, et ils en sont plus satisfaits que de l’approche purement médicamenteuse [45].
Cette étude aide donc à cerner les bénéfices thérapeutiques respectifs de plusieurs modèles de prise en charge, et souligne l’intérêt majeur des psychostimulants dans le traitement du TDA/H.
Les principes du traitement de l’hyperactivité sont périodiquement revus lors de conférences de consensus entre experts s’appuyant sur la littérature scientifique internationale, et offrant des références solides et aisément accessibles pour la prescription [12]. Les règles d’utilisation des psychostimulants ont été mises à jour dans le traitement du TDA/H chez l’enfant et l’adolescent [16]. Sur le continent européen, l’ESCAP (European Society for Child and Adolescent Psychiatry) a publié ses recommandations sous formes de guidelines[41]. Enfin, une conférence de consensus a actualisé un algorithme incluant les nouvelles molécules disponibles [32].
De l’avis unanime, le traitement psychostimulant est le traitement médicamenteux de première intention, indifféremment méthylphénidate ou amphétamines, dans les pays où ces dernières sont disponibles. Mais il existe d’autres molécules utilisables dans le traitement du TDA/H chez l’enfant et l’adolescent dont la place doit être discutée (tableau 12.1).
Psychostimulants | Méthylphénidate | Seule molécule ayant l’AMM en France | Action brève | Ritaline® | |
Action prolongée | Ritaline® LP | ||||
Concerta® LP | |||||
Dextroamphétamine Sels mixtes d’amphétamines | Efficacité comparable à celle du méthylphénidate | ||||
Pémoline | Toxicité hépatique | ||||
Non psychostimulants | Antidépresseurs | Tricycliques | Effets secondaires, cardiotoxicité éventuelle | ||
Bupropion | Intérêt si abus de substance et troubles de l’humeur | ||||
α-agonistes | Clonidine | Surveillance cardiovasculaire | |||
Guanfacine | |||||
Autres | Atomoxétine | Seule molécule non psychostimulante ayant l’approbation de la FDA pour le TDA/H chez l’enfant | |||
Modafinil | Toxicité cutanée |
PSYCHOSTIMULANTS
Il existe plusieurs psychostimulants indiqués dans le traitement du TDA/H. Le méthylphénidate et les amphétamines (dextroamphétamine et sels mixtes d’amphétamines) sont de loin les plus largement prescrits à travers le monde, la pémoline étant d’utilisation marginale en raison de risques d’insuffisance hépatique gravissime. En France, seul le méthylphénidate dispose d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) à partir de 6 ans, les autres psychostimulants ne pouvant être prescrits que dans des conditions exceptionnelles.
Efficacité des psychostimulants
Les études sur l’efficacité à court terme de ces molécules dans le TDA/H constituent le corpus le plus abondant de toute la littérature sur les traitements médicamenteux en pédopsychiatrie. En 1996, 161 essais contrôlés et randomisés impliquant plus de 5 000 enfants ont été recensés, dont 133 concernent le méthylphénidate [16]. Une vingtaine ont duré plus de 3 mois.
Ces molécules sont efficaces et sûres, entraînant une réponse favorable chez 70% des patients quand un seul médicament est utilisé, et 90% si le méthylphénidate et les amphétamines sont utilisés successivement en cas d’échec de l’un d’entre eux [33]. Dans les pays où les deux sont disponibles, rien ne permet de préconiser a priori méthylphénidate ou amphétamine en première intention.
L’existence de facteurs favorisant une bonne réponse au méthylphénidate (jeune âge, faible anxiété, TDA/H peu sévère, quotient intellectuel élevé), suggérée par une étude, reste sujette à discussion [7]. Filles et garçons ont une réponse comparable [27].
Les études randomisées contrôlées contre placebo détaillent les bénéfices du traitement par méthylphénidate, à court terme. Cette molécule, tant qu’elle est prise, réduit rapidement et de façon marquée les symptômes les plus marquants et les plus invalidants d’agitation, d’impulsivité et d’inattention. Elle améliore la qualité des interactions entre parents et enfants, et les relations de l’enfant avec ses pairs dans les jeux et les activités sportives, notamment par la diminution de l’impulsivité, et des manifestations ouvertes d’agressivité. Des études montrent une efficacité supérieure sur les troubles comportementaux que sur les difficultés attentionnelles.
La réponse varie d’un enfant à l’autre; environ une moitié d’entre eux connaissent une quasi-normalisation. Beaucoup d’enfants continuent donc à avoir des problèmes comportementaux malgré le traitement.
Seuls les patients ayant une gêne marquée dans au moins deux contextes différents sont susceptibles de recevoir un traitement psychostimulant. Cependant, beaucoup d’experts recommandent que les enfants ayant un TDA/H avec inattention prédominante entraînant des difficultés importantes à l’école et dans les devoirs à la maison puissent recevoir ce traitement, même si le fonctionnement dans la vie familiale et les relations avec les pairs ne sont pas affectés par ailleurs [16].
Beaucoup d’études ont montré une amélioration dans les performances académiques à court terme, mais il n’existe aucune étude prospective contrôlée évaluant sur le long terme la réussite académique et les aptitudes sociales des enfants avec un TDA/H traités par psychostimulants. Des études ont cependant une durée nettement supérieure à 3 mois, et vont jusqu’à 24 mois (MTA). Ces dernières montrent la persistance de l’efficacité des psychostimulants, sans effet d’accoutumance et sans nécessité d’augmenter les doses dans le temps, ce qui corrobore les observations quotidiennes des cliniciens.
Complications et effets indésirables des psychostimulants
Les effets indésirables des psychostimulants dans le traitement de l’hyperactivité chez l’enfant sont bénins. Les études contrôlées rapportent leur présence avec une intensité modérée chez 4 à 10% des enfants traités [16]. Les plus fréquents, concernant le sommeil et les troubles digestifs, les céphalées et la nervosité, sont transitoires et répondent à des ajustements de dose ou d’horaire de la prescription, au choix d’un médicament avec une cinétique différente, ou bien disparaissent avec l’arrêt du traitement.
Quelques enfants voient apparaître des tics. Rarement a été signalée une gêne cognitive et des comportements de persévérations, ou bien des troubles de l’humeur, exceptionnellement des phénomènes psychotiques et des hallucinations. Les mouvements anormaux sévères, les ruminations obsédantes sont très rares et cèdent à l’arrêt de la prescription.
Il faut éviter de confondre certains symptômes préexistants avec des effets indésirables des médicaments, et ne pas revoir la posologie à la baisse sur cette interprétation erronée. Il faut au contraire parfois l’augmenter si des symptômes s’interprètent en réalité comme une réponse insuffisante au traitement [16].
Certains effets indésirables obéissent à un déterminisme complexe comme les troubles de l’endormissement, où peuvent s’ajouter à l’effet pharmacologique une opposition liée au TDA/H lui-même et une anxiété de séparation, relevant chacune de mesures spécifiques.
Des préoccupations ont été formulées sur la croissance en taille des enfants avec un TDA/H traités par psychostimulant, sans qu’il soit clairement établi si le retard de croissance était imputable au traitement ou au syndrome lui-même. Les enquêtes menées à l’âge adulte n’étayent pas ces craintes. L’étude MTA atteste d’un retard significatif dans la croissance pondérale et d’un retard léger pour la croissance staturale [28]. Une étude de la croissance staturale après traitement prolongé par Concerta ® rapporte un retard de croissance insignifiant (0,23cm), et l’absence de bénéfices des fenêtres thérapeutiques à cet égard [38].
En cas d’intoxication, des anomalies du système nerveux central et du système cardiovasculaire avec une hypertension artérielle peuvent survenir, pour des doses extrêmement élevées, de l’ordre de 50 fois la dose normale [30].
Avec plus de 3 millions d’enfants recevant quotidiennement des psychostimulants aux États-Unis, il est certain que les effets indésirables sérieux sont très rares (< 1 cas sur 10 000), ce qui rend d’ailleurs difficile de les imputer avec certitude au traitement chronique. Une polémique a éclaté en février 2006, lors d’un comité de la Food and Drug Administration (FDA), à propos des cas de mort subite chez des patients sous psychostimulants (sept enfants sous méthylphénidate), alors que les enquêtes de la FDA ne montrent aucune augmentation de ce risque chez ces patients comparé à celui existant dans la population générale, excepté pour ceux ayant une malformation cardiaque et placés sous amphétamines [4].
La survenue de ces événements tragiques implique de renforcer les méthodes de surveillance des effets indésirables rares mais sérieux imputables aux traitements chroniques.
Risques d’abus
Les psychostimulants sont classés parmi les stupéfiants et doivent être administrés avec précaution chez les patients ayant des antécédents de troubles liés à l’usage des psychotropes. Une mise en garde est formulée contre les risques d’accoutumance et de dépendance psychique marquée pouvant survenir en cas d’utilisation chronique abusive.
Le traitement psychostimulant est contre-indiqué chez les patients ayant des antécédents d’abus de ces substances, à moins que le patient ne soit suivi dans un centre spécialisé pour cette pathologie, et avec une surveillance renforcée. Si un membre de l’entourage du patient a de tels antécédents, des mesures de précaution doivent également être prises.
Les antécédents d’abus pour les autres substances psychoactives, licites et illicites (tabac, alcool, opiacés, benzodiazépines ou sédatifs) ne constituent pas des contreindications absolues au traitement du TDA/H par les psychostimulants, mais imposent des précautions particulières [16].
Il existe des détournements de prescriptions, visant notamment à la revente, particulièrement chez les adolescents ayant un trouble des conduites ou un trouble lié à l’usage des psychotropes [47]. Les détournements de prescriptions semblent concerner des étudiants cherchant une amélioration de leurs performances plutôt qu’un usage récréatif euphorisant [16]. Dans une enquête sur l’abus de méthylphénidate, conduite chez 450 adolescents traités pour abus de substance, il apparaît beaucoup moins courant que celui des autres substances (moins de 5% des adolescents), mais il existe et doit être surveillé[48]. Les réseaux de surveillance de la toxicomanie aux États-Unis n’ont pas observé d’augmentation de l’abus ou de l’usage détourné de méthylphénidate malgré la multiplication par cinq de la production de ce médicament entre 1986 et 1996. Selon ces réseaux, les salles d’urgence mettent en cause 40 fois moins souvent le méthylphénidate que la cocaïne, bien que son accès soit beaucoup plus aisé[15]. En France, une étude datant de 2002 rapporte un nombre très limité de cas d’abus [14]. Cela incite néanmoins à prendre toutes les mesures pour contrôler chez un adolescent à risque la prise d’un traitement régulièrement prescrit.
La crainte est diffuse que le traitement des enfants et des adolescents par psychostimulants serve de porte d’entrée à toutes formes de toxicomanie. Une étude non contrôlée a suggéré que le traitement au long cours par méthylphénidate pourrait prédisposer les enfants à l’usage ultérieur du tabac, voire de la cocaïne [21]. Ces préoccupations sont atténuées par les conclusions d’une méta-analyse des travaux existants sur les risques de toxicomanie chez les sujets dont le TDA/H a été traité par médicaments. Elle conclut que le risque est diminué chez eux par comparaison avec ceux qui n’ont pas reçu un tel traitement [46].
UTILISATION DU MÉTHYLPHÉNIDATE
Le méthylphénidate, le seul psychostimulant aisément accessible en France, est utilisé en thérapeutique depuis environ 50 ans. La prescription de cette molécule nécessite des choix entre plusieurs posologies et plusieurs galéniques disponibles dans notre pays.
Déterminer la posologie
La posologie doit être adaptée à chaque patient, mais il n’existe pas de méthode indiscutable pour le faire. Dans la plupart des études scientifiques, elle est liée au poids du patient.