7. La responsabilité juridique de la sage-femme
Dans le cadre de l’exercice de sa profession, la sage-femme encourt plusieurs responsabilités juridiques : une responsabilité civile ou administrative, une responsabilité pénale, une responsabilité disciplinaire et une responsabilité déontologique.
Pour ne pas voir sa responsabilité engagée, il est donc important que la sage-femme connaisse le cadre juridique de l’exercice de son activité.
La sage-femme dispose d’une autonomie d’action dans le cadre de l’eutocie. En revanche, dès que la situation devient dystocique, la sage-femme n’est plus habilitée à intervenir et elle se doit de faire appel au médecin compétent. Si elle ne le fait pas, elle est en situation de dépassement de compétence et commet donc une faute susceptible d’engager sa responsabilité.
Une seule circonstance lui permet d’agir en cas de dystocie, celle de l’urgence vitale, si elle intervient comme l’aurait fait le médecin conformément aux données acquises de la science.
Notion de responsabilité juridique
Assumer les conséquences de ces actes
En droit, être responsable signifie assumer les conséquences de ses actes. Lors de son activité professionnelle, le soignant prend des décisions, effectue des actes, administre des produits actifs ; or, il peut arriver qu’à la suite d’un acte ou d’une décision, des conséquences dommageables se produisent pour un patient. Dans ce cas, il sera demandé au professionnel de s’expliquer et il devra assumer les éventuelles erreurs commises. C’est ce que l’on appelle la responsabilité.
Le monde du soin ne diffère pas en cela de la vie de tous les jours. En effet, chaque citoyen est responsable de ses actes et de ceux des personnes ou objets dont il a la garde.
Articles 1382 et 1384 du Code civil
Ces notions de responsabilité sont retrouvées dans deux articles majeurs du Code civil, les articles 1382 et 1384.
Article 1382 : « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. » Cette phrase en apparence compliquée pose un principe fondamental pour la vie en société : n’importe quel fait, quel acte d’une personne, qui a des conséquences néfastes pour une autre personne, engendre une obligation pour celui qui a agi, dès lors que l’on considère que son comportement est fautif, anormal. Cette obligation est celle de la réparation.
De nombreuses situations de la vie quotidienne peuvent déboucher sur un engagement de responsabilité : une personne qui emprunte un objet à son voisin et le lui rend endommagé ou l’égare ; une personne qui effectue une manœuvre en voiture et endommage une voiture stationnée ; un skieur qui percute un autre skieur sur une piste et le blesse ; etc.
Grâce aux mécanismes d’assurance, les conséquences d’un acte fautif qui engendre un dommage sont souvent « indolores » pour le responsable, puisque c’est son assurance qui va indemniser celui qui subit le dommage ; néanmoins, il s’agit bien d’un engagement de responsabilité de l’auteur de l’acte, qui à terme peut conduire à une hausse de la prime d’assurance.
Article 1384 : « On est responsable du dommage que l’on cause non seulement par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l’on a sous sa garde. » La responsabilité principale est bien entendu associée aux actes que l’on fait, mais il est des situations où l’on sera responsable des actes d’autres personnes. C’est le cas des parents vis-à-vis de leurs enfants, ou encore des propriétaires d’animaux ou d’objets (voitures, maisons, etc.).
Ainsi, lorsqu’un enfant en jouant au ballon casse la vitre de la maison voisine, il appartiendra à ses parents d’assumer et de réparer le dommage subi.
Si le chien d’une personne mord un passant lors d’une balade, là encore, la responsabilité du propriétaire du chien sera engagée
Un pot de fleur qui tombe du balcon d’une personne et qui blesse une personne engagera la responsabilité du propriétaire de l’objet en question.
Responsabilité et sentiment de responsabilité
Le cadre professionnel est bien entendu propice aux engagements de responsabilité : d’une part parce que l’on y passe un temps important et d’autre part parce que l’on est amené à agir pour d’autres et qu’il est donc plus fréquent d’engendrer des dommages que si l’on est chez soi.
Cependant, il est essentiel de ne pas se croire responsable de tout ce qui pourrait se produire. En effet, il n’est pas rare que les soignants « se sentent responsables » du moindre événement qui survient dans un établissement de santé, comme si leur présence devait suffire à empêcher que des événements dommageables se produisent.
Cette sensation, si elle se comprend aisément, ne doit pas être prise comme une réalité juridique. Ce n’est pas parce que l’on se sent responsable qu’on le sera sur un plan juridique. La perception morale de l’individu est souvent en décalage avec la qualification juridique de la situation.
Un engagement de responsabilité répond à des conditions précises, et ce justement pour ne pas qu’elle soit intempestive et génératrice d’un sentiment d’injustice. Lorsque la responsabilité juridique est engagée, c’est que le juge estime que l’acte commis n’aurait jamais dû l’être et que, par conséquent, il appartient à son auteur de l’assumer.
Il existe donc différentes responsabilités juridiques qui peuvent être encourues et leurs conditions d’engagement sont définies de manière précise.
Les différentes responsabilités juridiques encourues et leurs modalités d’engagement
Plusieurs responsabilités juridiques peuvent être engagées par celui qui a subi des conséquences dommageables suite à l’intervention de quelqu’un. Chacune de ces responsabilités poursuit un objectif particulier et fonctionne de manière autonome.
Il existe aujourd’hui quatre responsabilités encourues par la sage-femme : la responsabilité civile ou administrative, la responsabilité pénale, la responsabilité disciplinaire et la responsabilité déontologique.
Responsabilité civile ou administrative
On regroupe la responsabilité civile et la responsabilité administrative parce qu’elles fonctionnent de la même manière et obéissent au même objectif. On parle cependant de responsabilité civile pour les soignants exerçant dans le secteur privé, et de responsabilité administrative pour les soignants exerçant dans le secteur public.
L’objectif poursuivi par ces deux responsabilités est la réparation du préjudice subi par le patient. On parle donc de responsabilité réparatrice.
En cherchant à engager la responsabilité civile ou administrative de la sage-femme, le patient souhaite obtenir une compensation financière par rapport à un dommage qu’il estime avoir subi. Cette compensation se fera sous la forme de dommages et intérêts.
Évolution de la jurisprudence en matière de responsabilité « médicale »1
Le raisonnement suivi par les juges n’a pas toujours été le même en matière de responsabilité liée à un acte de soins.
On est ainsi passé d’une irresponsabilité générale des professionnels de santé et notamment du médecin, l’aléa de la pratique médicale justifiant l’exclusion de la faute, à une responsabilité pour faute lourde (c’est-à-dire une faute grave et inexcusable) en 1835, puis à une responsabilité pour faute simple (sans qu’un degré de gravité ne soit exigé), qui constitue le régime actuel.
Le véritable tournant historique de la responsabilité médicale a été réalisé avec l’arrêt Mercier, rendu par la chambre civile de la Cour de cassation le 20 mai 1936, qui pose un principe fondamental à l’exercice de la profession de soignant : celui de l’obligation de moyens. Le professionnel de santé doit tout mettre en œuvre, doit mobiliser tous les moyens nécessaires, au regard des données acquises de la science, pour tenter de guérir ou soulager la douleur du patient. En opposition à l’obligation de moyens, on trouve ce que l’on appelle l’obligation de résultat, qui signifie l’obligation d’atteindre un objectif déterminé. En matière de soin, cela signifierait l’obligation de guérison quelles que soient les circonstances, ce qui, au-delà du non-sens, constitue un objectif inatteignable.
Conditions d’engagement de la responsabilité civile ou administrative
Pour que la responsabilité civile ou administrative de la sage-femme soit engagée, trois conditions sont nécessaires :
■ la première condition est l’existence d’une faute commise par la sage-femme. La faute peut se définir comme un comportement anormal. Elle peut être volontaire ou involontaire, sachant que dans la majorité des cas on ne peut reprocher aux soignants que des fautes involontaires ;
■ la deuxième condition est l’existence d’un préjudice subi par le patient. Ce préjudice peut être moral, physique, financier, d’agrément, sexuel, etc. ;
■ la troisième et dernière condition est l’existence d’un lien de causalité, un lien de cause à effet entre la faute commise par la sage-femme et le préjudice subi par le patient. Pour que la responsabilité soit engagée, il faut en effet que ce soit la faute commise par la sage-femme qui soit bien à l’origine du préjudice subi par le patient.
Si les trois conditions (faute-préjudice-lien de causalité) sont réunies, la responsabilité civile ou administrative (selon le lieu d’exercice de la sage-femme) sera engagée (voir Fiche 8).
Un soignant fait une erreur dans la dose du traitement à injecter à un patient. La surdose entraîne un arrêt cardiaque et le décès du patient. Dans cette situation, il y a une faute (erreur dans le dosage), un préjudice (le décès) et un lien de causalité (le surdosage a entraîné l’arrêt cardiaque à l’origine du décès).
La responsabilité civile du professionnel de santé ne peut s’entendre que dans le cadre d’une obligation de moyens. En effet, on ne va pas reprocher à un soignant de ne pas avoir obtenu la guérison d’un patient, mais de ne pas avoir tout mis en œuvre pour que cela puisse se produire. Si tout a été mis en œuvre et que malgré tout le patient ne guérit pas de sa pathologie, aucune responsabilité ne pourra être mise en cause car il n’y a pas de faute imputable à un professionnel.
Tribunaux concernés
Ce ne sont pas les mêmes tribunaux qui sont amenés à juger de l’existence d’une responsabilité civile ou administrative.
Pour la responsabilité civile, ce sont les tribunaux d’instance ou de grande instance qui sont concernés. La répartition des litiges entre ces deux juridictions se fait selon le montant des dommages et intérêts demandés : pour des montants de moins de 10 000 euros, c’est le tribunal d’instance qui va être impliqué, pour des montants supérieurs à 10 000 euros, c’est le tribunal de grande instance qui devra être saisi.

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