3. La personnalité histrionique
• les « symptômes de conversions somatiques » ;
• les « personnalités émotionnellement labiles ».
Transitoirement réapparue dans le DSM-II (1968) sous forme de « névrose hystérique » et de « personnalité hystérique », elle disparut définitivement en 1980 du DSM-III qui la démembra en plusieurs catégories : « troubles somatoformes (syndrome de Briquet), troubles dissociatifs, troubles de la personnalité histrionique », démembrement entériné par le DSM-IV-TR.
À l’instar de son mythe originaire égyptien, l’utérus errant, telle la nef dépourvue d’amarres au gré des flots et touchant des organes cibles producteurs de symptômes, l’hystérie avait traversé des siècles de savoir médical et engendré de multiples théories. Son naufrage définitif est certes consécutif à la houle des ligues féministes nord-américaines qui dénonçaient sa connotation sexiste, mais doit également beaucoup à l’action résolue d’un homme tel que Samuel GuzeGuze “A (1975) au sein de l’APA. Chertok (1976) a signalé que c’est lui qui eut finalement raison de la recommandation de Pierre JanetJanet (Pierre) “A (1894) aux générations futures : « Le mot hystérie doit être conservé, quoique sa signification primitive ait bien changé, il serait très difficile de le modifier et, vraiment, il a une si grande et si belle histoire qu’il serait pénible d’y renoncer. Mais puisque chaque époque lui a donné un sens différent, cherchons la signification qu’il a aujourd’hui. »
Ce répit fut mis à profit par la psychanalyse, qui fonda son existence puis sa prospérité future sur un nouvel avatar théorique de l’hystérie, jusqu’au signal de détresse émis par le psychanalyste britannique Masud R. Khan (1974) : « Si l’hystérique a initié le processus analytique, il l’a aussi acculé à ses dernières limites. Ces dix dernières années de nombreux analystes ont mis en cause son analysabilité. » Le mode particulier de communication de l’hystérique, par la formation toujours renouvelée de symptômes, ne résulte pas d’un quelconque processus mystérieux de « déplacement », mais d’un simple processus de renforcement positif par l’attention qu’y porte le psychanalyste. L’hystérique n’est inanalysable que parce qu’elle « joue à l’analyse » en produisant indéfiniment des symptômes comme autant de leurres qui déclenchent des interprétations se voulant porteuses de sens. Ce processus de renforcement réciproque (Van Rillaer, 1980) ne peut déboucher sur rien d’autre que d’insensé, car l’offre de sens répond à une demande inextinguible d’attention, flottante ou pas. Masud Khan propose une explication à cet échec et rattache la psychogenèse de l’hystérie à la tendance antisociale. Il rejoint, par l’intuition clinique et quasiment la même année, la parenté établie entre les personnalités antisociales et histrioniques par Cloninger et Guze (1975), puis confirmée par Lillienfeld et coll. (1986) grâce à des études d’épidémiologie clinique.
Selon la définition du Larousse, un histrion est un mauvais acteur, un cabotin qui en fait trop pour s’attirer les grâces du public. Il est probable que cette nouvelle appellation aura un destin aussi médiocre que les précédentes et rejoindra les nombreux diagnostics psychiatriques tombés dans le domaine public des labels péjoratifs. Dans sa neutralité descriptive, le vocable « personnalité en quête d’attention » (attention seeking), proposé en 1923 par Kurt SchneiderSchneider “A, eut mieux convenu, de même que « personnalité à conduite d’échec » avait remplacé « personnalité masochiste » dans le DSM-III-R.
La « belle histoire » de l’Hystériehystérie est dorénavant terminée. L’absence de théorie valable n’empêche pas les Conversionconversions d’exister isolément dans les services de médecine des hôpitaux généraux et collectivement dans les épidémies de « personnalités multiples » qui épargnent pour le moment l’Europe. Quant aux personnalités histrioniques, elles ont désormais rejoint le « cluster B » ou groupe II des personnalités pathologiques dont les traits communs sont la dramatisation, l’émotivité excessive ou les conduites excentriques, aux côtés des personnalités antisociales, limites et narcissiques.
Apparence comportementale
La séduction par des appâts d’allure sexuelle est la stratégie centrale et constante des personnalités histrioniques. Elles ne peuvent vivre qu’au point de convergence de tous les regards. Toute leur apparence comportementale est régie par ce besoin impérieux qui s’adresse à tous et toutes, indifféremment et quelles que soient les circonstances. Elles se doivent de maintenir une pression constante sur leur entourage, qu’il soit familier ou non, pour rester au centre de l’attention. Ne plus être le point de mire déclenche l’angoisse. Toutes les techniques de séduction peuvent faire l’affaire, avec une prédilection pour les sexuelles qui offrent une infinité de variantes, y compris celles qui ne semblent pas revêtir d’apparence sexuelle au premier regard, telles qu’une relation thérapeutique.
L’expression exagérée et versatile des émotions, le caractère inapproprié, voire saugrenu, de leur objet, l’excès de familiarité avec des tiers à peine connus, l’impression d’inauthenticité et de snobisme qui en découle sont à l’origine de son appellation. Tel l’histrion, à force de trop forcer le trait, elles finiraient par lasser leur public si elles n’avaient la ressource de susciter sa colère, autre façon de rester sous les projecteurs. Après avoir épuisé les ressources de la séduction physique par leurs dérobades décourageantes, établi une fausse intimité bientôt envahissante, s’être pliées aux désirs supposés d’autrui, y compris les plus pervers, s’être mises à l’unisson de ses opinions avec un mimétisme inquiétant, les personnalités histrioniques recourent aux scènes, à la dramatisation pour échapper à l’ennui.
La recherche de stimulations toujours renouvelées, de gratifications immédiates, l’intolérance à la frustration, les conduisent à multiplier les entreprises amoureuses, professionnelles et thérapeutiques. Toutes sont commencées dans l’enthousiasme et l’espoir, mais s’achèvent rapidement dans la rancune de l’incompréhension réciproque des « réactions thérapeutiques négatives ».
Relations interpersonnelles
L’essence des personnalités histrioniques réside dans le jeu de dupes perpétuel de relations interpersonnelles fortement sexualisées. Pour elles, il ne saurait y avoir de liaison sans passion, d’amours sans tourments qui seuls peuvent leur donner un sceau d’authenticité. Mais celles-ci tournent court dans l’acrimonie de la déception réciproque.
Le terme deceiving personality revient souvent dans les écrits anglo-saxons : ce faux ami signifie personnalité trompeuse. La tendance à enjoliver la réalité, l’aptitude au mensonge compulsif par nécessité, plaisir ou habitude constituent en effet un autre trait des personnalités histrioniques mais n’ont pas été prises en compte dans les classifications internationales, car trop peu spécificiques.
Contrairement aux personnalités dépressives qui s’enferment et s’autostimulent dans leurs ruminations moroses ou aux personnalités dépendantes qui attendent passivement l’aide d’autrui, les personnalités histrioniques sont dépendantes-actives : elles recherchent activement l’attention et l’aide d’autrui.