Pied inflammatoire
Introduction
Un certain nombre de situations inflammatoires sont à l’origine d’une pathologie articulaire susceptible d’en altérer la fonction, voire de nécessiter une solution chirurgicale. Les atteintes du pied et de la cheville sont fréquentes [1]. À chaque étiologie et quel que soit l’âge, l’arrière-pied et la cheville peuvent être touchés. C’est bien sûr la polyarthrite rhumatoïde qui est le plus souvent rencontrée chez l’adulte ; chez l’enfant, c’est l’arthrite juvénile idiopathique qui regroupe des affections dont la présentation clinique et l’évolution sont très diverses.
Les grands syndromes
Arthrite juvénile idiopathique
Les atteintes inflammatoires rhumatismales survenant chez les enfants âgés de moins de 16 ans sont dénommées arthrites juvéniles idiopathiques, ou juvenile idiopathic arthritis (JIA) dans la littérature internationale [2]. Cette dénomination regroupe des pathologies hétérogènes dans leurs manifestations articulaires et les symptômes généraux qui peuvent être associés (JIA à forme systémique). La prévalence de cette pathologie varie de 0,07 à 4,01 pour 1000 enfants en fonction de l’origine géographique [3]. Ces pathologies sont plus fréquentes chez les jeunes filles avec un pic d’incidence entre 1 et 3 ans. Différentes formes sont décrites : les formes mono-, oligo- et polyarticulaires et les formes systémiques, en fonction du nombre d’articulations atteintes et du tableau clinique. Ces pathologies sont fréquemment compliquées d’une atteinte oculaire avec une uvéite qu’il faut rechercher systématiquement.
Polyarthrite rhumatoïde
Ce rhumatisme inflammatoire, qui est classiquement symétrique chez l’adulte, touche très fréquemment le membre supérieur aux poignets et aux mains, et s’accompagne d’une raideur matinale. Les déformations articulaires sont absentes au début de la maladie puis s’observent suite aux érosions articulaires. L’atteinte du pied est particulièrement fréquente, qu’il s’agisse de formes précoces révélatrices (30 %) ou d’atteinte au cours de l’évolution de la maladie. Soixante-dix pour cent des patients présentent des invalidités douloureuses liées à la localisation au pied de leur maladie [4,5]. Elle est grave sur le plan fonctionnel et un tiers des patients atteignent une invalidité suffisante pour justifier un geste chirurgical.
Lupus érythémateux disséminé
Le lupus à début pédiatrique est considéré comme une maladie rare, mais 10 à 17 % des cas sont diagnostiqués avant l’âge de 16 ans. Dans cette forme, il est sévère [6]. L’atteinte de l’appareil locomoteur est fréquente et se manifeste par une atteinte polyarticulaire non érosive. Ces arthrites sont rarement destructrices. Dans sa forme adulte, il présente en général des manifestations polyarticulaires. Il est moins destructeur sur le plan articulaire que la polyarthrite rhumatoïde. L’interrogatoire doit rechercher d’autres signes fréquemment associés comme des anomalies cutanées, un syndrome de Raynaud, une photosensibilisation, une synovite, une atteinte rénale ou hématologique. Le lupus est caractérisé par la mise en évidence d’anticorps antinucléaires (anti-DNA).
Spondylarthropathies
Les spondylarthropathies représentent environ 15 à 20 % de l’ensemble des JIA. Les antécédents familiaux sont retrouvés dans 30 % des cas. La présentation initiale de l’atteinte articulaire n’a pas de particularité notable. Dans les formes sévères, après plusieurs années d’évolution, une atteinte ankylosante peut survenir, réalisant l’image de tarsite fusionnante (figure 1).
Pour le rhumatisme psoriasique, on retrouve des lésions cutanées (zone de flexion, cuir chevelu, nombril), actuelles ou dans les antécédents personnels ou familiaux du patient. Ces signes cutanés peuvent apparaître secondairement (rhumatisme psoriasique sans psoriasis). Les atteintes articulaires sont caractérisées par l’érosion hyperostosante, la périostite, l’ankylose des petites articulations du pied. L’imagerie par résonance magnétique (IRM) permet de visualiser l’œdème des enthèses et la prise du contraste. Le cartilage est moins atteint que dans la polyarthrite [7].
Arthrites métaboliques
Les arthropathies microcristallines sont principalement représentées par la goutte et la chondrocalcinose (dépôts de pyrophosphate de calcium). L’hyperlipidémie (xanthome intratendineux) [figure 2], l’hémochromatose et d’autres maladies héréditaires d’accumulation peuvent générer des pathologies de l’arrière-pied.
Goutte
Elle est exceptionnelle chez l’enfant mais peut se retrouver dans le syndrome de Lesch-Nyhan qui y associe un retard mental, en cas de déficit enzymatique ou lors d’une chimiothérapie [8]. La goutte est évidente dans sa forme typique ; cependant, la présentation de l’arthrite goutteuse semble changer particulièrement chez les sujets âgés. On rapporte de plus en plus des formes polyarticulaires chroniques qui peuvent ne pas avoir été précédées d’épisode aigu, peut-être parce que ces derniers ont été masqués par l’usage très répandu des AINS. Cette arthropathie microcristalline est caractérisée par des dépôts intra-articulaires ou périarticulaires de cristaux d’urate de sodium. C’est le rhumatisme inflammatoire le plus fréquent dans nos pays industrialisés (prévalence > 1 %), en particulier chez l’homme adulte.
La goutte chronique se définit par la présence de tophus, par l’atteinte rénale et articulaire. Les arthropathies chroniques uratiques montrent à la radiographie : des géodes à l’emporte-pièce, un pincement de l’interligne articulaire, une condensation sous-chondrale, des érosions (tophus) et des ostéophytes (figures 3 et 4). Au niveau du pied en particulier, on retrouve à la radiographie un aspect hérissé dû aux ostéophytes. Le traitement est avant tout médical, la chirurgie s’adresse aux destructions articulaires sévères et douloureuses.
Hémochromatose
L’atteinte articulaire de cette maladie génétique caractérisée par des dépôts de fer est retrouvée au niveau de la cheville où le processus peut être destructif. Son traitement de base reste la saignée, mais influence peu l’évolution de cette arthropathie [9].
Évaluation clinique et paraclinique
Aspect clinique
Chez l’enfant et dans la polyarthrite juvénile, les déformations sont associées à l’atteinte synoviale des articulations de l’arrière-pied. L’évolution se fait progressivement vers l’ankylose articulaire et la fusion osseuse. Les déformations de l’arrière-pied sont le plus souvent rencontrées en cas d’atteinte systémique (80 % des patients, pour 40 % des patients dans les autres formes) [10]. Mavidrou et al. ont montré que les déformations de l’arrière-pied étaient plus fréquentes que celles de l’avant-pied [11]. Rauflaub et al. ont rapporté une série de 100 patients ayant une JIA avec une atteinte de l’arrière-pied ; 38 % des patients présentaient une déformation en varus (figure 5) et 62 % des patients en valgus [12].