Biomécanique et anatomie fonctionnelle de l’arrière-pied et du médio-pied
L’organisation simplifiée du pied en un arrière-pied qui reçoit la charge verticale et un médio-pied suspendu et arqué qui la distribue sur un avant-pied horizontal laisse bien apparaître l’interdépendance de ces parties. La biomécanique et l’anatomie fonctionnelle de l’arrière- et du médio-pied répondent aux nécessités de l’ensemble : résistance à la charge, mobilité et marche.
Résistance à la charge
Le pied statique résiste à la charge et maintient un creux médial à sa partie moyenne (figure 1).

Figure 1 Répartition de pressions en charge statique : 60 % sur l’appui calcanéen, 8 % au médio-pied.
Sa stabilité intrinsèque tient à son squelette soutenu par les éléments capsuloligamentaires.
Squelette
Le tissu osseux résiste aux contraintes et s’adapte à leur orientation. Chez l’enfant dont seulement 25 % du squelette du pied sont ossifiés à la naissance, l’adéquation entre maturation squelettique et charge est ajustée par une croissance qui devance largement la progression de la courbe de poids : à 1 an, le pied a déjà atteint 44 % de sa taille finale et à 11 ans, 81 %.
Le squelette est organisé en une architecture spécifique. À la différence des animaux plantigrades dont le talon est relevé vers l’arrière, le talon humain s’abaisse au sol, élevant le talus et une partie du médio-pied. Ainsi est constitué un système d’arche à sommet talien et naviculaire et à base latérale depuis l’appui calcanéen en arrière jusqu’aux orteils en avant.
Arrière-pied
Talus
Le talus reçoit la charge qu’il répartit avec un relais articulaire sur l’appui calcanéen et avec de multiples relais sur le métatarse à partir du naviculaire.
Aucun muscle ne s’y insère, sa stabilité est purement passive. Au cours du développement, la trochlée subit une rotation latérale tandis que la tête du talus se dirige en médioplantaire [1]. La divergence talocalcanéenne transversale ainsi créée aboutit à un porte-à-faux de la charge (figure 2). Tout défaut anatomique du talus modifie le réglage précis de la transmission des forces, notamment vers la sous-talienne antérieure et la talonaviculaire [2].

Figure 2 Porte-à-faux de la charge entre la trochlée et le talus alignée sur l’appui calcanéen et la tête du talus dirigée en médioplantaire (pied droit, vue antérieure).
a. Tête du talus en appui sur la sous-talienne antérieure. b. Surface calcanéenne de l’articulation calcanéocuboïdienne. Le ligament calcanéonaviculaire prévient la plongée plantaire et médiale de la tête du talus (voir la figure 3).
Calcaneus
Le calcaneus est en léger valgus (3,5 à 7°), son positionnement détermine le porte-à-faux de la charge et il existe un lien direct entre valgus du talon et hauteur de l’arche. Le positionnement adulte est acquis vers 6 ans ; quant aux nourrissons, leur arche est abaissée et non pas masquée par le coussin adipeux plantaire.
Médio-pied
Le médio-pied (naviculaire, cuboïde et trois cunéiformes) transmet les contraintes sans contact avec le sol et, la force transmise au naviculaire via la tête du talus est plus importante qu’au cuboïde via le calcaneus. Une partie du médio-pied appartient au pied dit « calcanéen » (calcaneus, cuboïde, 4e et 5e métatarsiens) au plus près du sol, une autre au pied dit « talien » (talus, naviculaire, cunéiformes, trois métatarsiens médiaux) en suspension.
Le concept de l’arche fait du médio-pied la clé de voûte du système, dont la rigidité est assurée en compression par l’encastrement squelettique du médiotarse et de la jonction tarsométatarsienne. En revanche, la jonction transverse du tarse (talonaviculaire et calcanéocuboïdienne), très mobile, donne toute leur importance aux systèmes de stabilisation en traction.
Stabilisation par les parties molles
L’arche s’abaisse sous la charge avec un réarrangement squelettique stabilisé à deux niveaux : l’un capsuloligamentaire au contact de chaque segment, l’autre à distance qui sous-tend l’ensemble tout en protégeant le jeu adaptatif intersegmentaire.
Ligament calcanéonaviculaire plantaire et aponévrose plantaire
Le ligament calcanéonaviculaire plantaire (figure 3) maintient les connexions tibio-calcanéo-naviculaires et prévient la plongée plantaire et médiale de la tête du talus. Formé de deux faisceaux divergeant du sustentaculum tali au bord inférieur et à l’extrémité médiale du naviculaire, son faisceau médial, couvert de fibrocartilage bien avant la marche [2], constitue la face médiale de la coxa pedis qui reçoit la tête et le col du talus. Le système est complété en une véritable nacelle par le composant tibioligamentaire du ligament collatéral médial qui le relie à la malléole tibiale.

Figure 3 Coxa pedis et ligament calcanéonaviculaire plantaire (pied droit, vue supérieure).
La tête du talus est contenue dans un acétabulum.
: naviculaire ; O : facettes antérieure et moyenne de la sous-talienne ; • : facette postérieure de la sous-talienne ; Δ : ligament calcanéonaviculaire plantaire;
: tibial postérieur; * : faisceau vertical du ligament en Y de Chopart ; ↓ : composant tibioligamentaire du ligament collatéral médial.
Dénommé « spring ligament » par les Anglo-Saxons du fait de ses capacités de déformation mais aussi de retour dynamique à l’état initial, il faut donc souligner son soutien médial du tendon du tibial postérieur.
L’aponévrose plantaire, comme un câble tendu depuis la tubérosité du calcaneus jusqu’aux orteils, ponte les articulations tarsiennes et verrouille l’ensemble en fonction de son enroulement métatarsophalangien. Sans fascia, sous la charge, le déplacement vertical augmenterait de 17 % et l’allongement horizontal de 15 % [3].
Autres structures de stabilisation passive
On ne peut ignorer les structures stabilisant l’ensemble calcaneus-talus : le ligament interosseux talocalcanéen dont la section entraîne une instabilité postérolatérale, les ligaments latéraux, notamment leur composante calcanéofibulaire ou tibiale, les sangles latérales que constituent gaines et tendons engagés dans les poulies de réflexion malléolaires tant médiale (tibial postérieur, long fléchisseur de l’hallux, long fléchisseur des orteils) que latérale (long et court fibulaires).
Par ailleurs, la tension verticale du tendon d’Achille et horizontale de l’aponévrose plantaire fournissent une résultante de stabilisation talocalcanéenne antéropostérieure.
La colonne latérale est stabilisée par le ligament calcanéocuboïdien plantaire.
Au médio-pied, le ligament en Y de Chopart comporte un faisceau calcanéocuboïdien horizontal, et un faisceau vertical calcanéonaviculaire qui complète latéralement le verrouillage de la coxa pedis. En plantaire, le cuboïde est stabilisé par le ligament calcanéo-cuboïdo-plantaire doublé du ligament plantaire long mais, surtout, l’entrecroisement plantaire des tendons du tibial postérieur et du long fibulaire soutient globalement la concavité du médio-pied (figure 4).

Figure 4 Section transversale passant par l’articulation tarsométatarsienne (pied gauche, vue antérieure) : l’arrière-pied vertical est prolongé du médio-pied oblique, suspendu et arqué.
C1, C2 et C3 : cunéiformes ; C : cuboïde ; : sanglage latéral et soutien plantaire du médio-pied par le long fibulaire ; Δ : sanglage médial et soutien plantaire du médio-pied par le tibial postérieur.

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