16. Éléments de dermatologie pédiatrique
De très nombreuses lésions peuvent être observées sur la peau des nouveau-nés et des nourrissons ; leur énumération exhaustive dépasse le cadre de ce guide. Dans ce chapitre nous évoquerons quelques problèmes particuliers :
– la pathologie cutanée courante du nouveau-né ;
– les dermites du siège, observées à l’âge des couches ;
– les angiomes, fréquents et qui posent des problèmes particuliers chez les nourrissons ;
– les mastocytoses et les histiocytoses, qui certes peuvent s’observer à tout âge, mais sont plus fréquentes chez l’enfant ;
– les épidermolyses bulleuses et les ichtyoses, génodermatoses qui durent toute la vie, mais posent de nombreux spécifiques problèmes dans la petite enfance ;
– l’orientation diagnostique devant une « tache de naissance ».
Rappelons aussi que la dermatite atopique, l’acné, les verrues et les molluscums contagiosum, traités dans d’autres chapitres, appartiennent aussi au champ de la dermatologie pédiatrique.
DERMATOLOGIE COURANTE DU NOUVEAU-NÉ
L’aspect de la peau à la naissance dépend de la durée de la gestation et constitue un des critères de maturation fœtale. À terme, la peau est rosée, veloutée, opaque, et desquame finement après quelques jours de vie. Le lanugo (duvet) est surtout visible chez le prématuré ; le vernix caseosa, fait de lipides épidermiques et qui recouvre le fœtus in utero, est abondant chez le nouveau-né à terme.
Un certain nombre de particularités doivent être connues car elles sont bénignes et ne doivent donner lieu à aucune inquiétude :
• desquamation physiologique : surtout nette chez les nouveau-nés au-delà de 40 semaines, elle dure quelques jours ;
• grains de milium : petits kystes épidermiques du visage, qui s’élimineront spontanément ;
• sébacée sur le nez, témoignant des perturbations hormonales de la naissance (tout comme la « pseudopuberté » et la crise mammaire néonatales) ;
• acné néonatale. Plus durable, elle comporte de petits comédons et peut nécessiter un traitement local ;
• cutis marmorata simple : peau transitoirement marbrée en cas de refroidissement ;
• érythème toxique, ou toxi-allergique : plaques rouges parfois centrées par une petite pustule, réparties sur le corps, entre 2 et 8 jours de vie (figure 16-1) ;
Figure 16-1 |
• pustulose à Malassezia furfur : fines petites pustules du visage, entre 10 et 30 jours de vie environ (figure 16-2) ; un traitement antifongique local est indiqué ;
Figure 16-2 |
• cytostéatonécrose : nodule de densification de la graisse sous-cutanée, souvent au niveau du dos.
Soins de peau des nouveau-nés et nourrissons normaux
On recommande un bain quotidien à 37 °C, une toilette douce avec un pain dermatologique (syndet, à préférer aux savons irritants) ou un nettoyant liquide doux, l’utilisation d’un shampooing pour bébés (ne piquant pas les yeux), suivis de rinçage. Certaines mères aiment masser leur bébé avec une crème hydratante ; cette pratique est probablement bénéfique, à la fois d’un point de vue psychologique et de préservation de l’intégrité de la barrière cutanée. Il convient d’éviter tout produit potentiellement allergisant ou irritant.
Les soins du cordon à la naissance ne sont pas réellement codifiés ; l’utilisation de chlorhexidine aqueuse (Diaseptyl) peut être conseillée.
Les soins de siège sont détaillés ci-dessous.
DERMITES DU SIÈGE
Prévention
À chaque change, on lave avec un pain de toilette ou un lait de toilette doux, on rince doucement le siège à l’eau tiède et à la main (pas de gant de toilette), on essuie en tamponnant avec un linge propre. On peut ensuite appliquer sur la peau saine une crème à effet « protecteur » (formant un film barrière).
Aspects cliniques des dermites du siège
Dermite d’irritation, ou érythème fessier
C’est la plus fréquente. Elle est due à l’irritation par les urines et selles.
La topographie de l’érythème est très évocatrice : il atteint les parties convexes de la région du siège, celles qui sont en contact avec les couches, épargnant les plis. Ceci dessine approximativement un W (figure 16-3).
Figure 16-3 |
Sur la face interne des cuisses, le scrotum ou les grandes lèvres, le pubis, la peau est rouge, fripée, abrasée.
En l’absence de traitement, des érosions, des surinfections, peuvent survenir.
Dermites des plis
Les dermites à début péri-anal sont en général dues au Candida albicans en provenance des selles ; il existe aussi des anites streptococciques (figure 4-8, p. 91).
Les intertrigos inguinocruraux sont candidosiques ou bactériens ou mixtes.
Dermite séborrhéique infantile
Encore appelée « maladie de Leiner-Moussous », elle est assimilable à des intertrigos et dermo-épidermites infectieuses, guérissant rapidement grâce à des soins antiseptiques.
La maladie débute par des intertrigos érythématosquameux, vaguement psoriasiformes, au niveau des plis cervicaux, axillaires, inguinaux. Ensuite elle affecte une topographie bipolaire, avec :
• une atteinte du cuir chevelu et du front, érythémateux et recouverts de squames grasses ;
• une atteinte du siège, globalement érythémateux, lisse, squameux ou suintant (figure 16-4).
Figure 16-4 |
Rarement, la dermite séborrhéique infantile se généralise ou s’associe à une diarrhée. Un bilan général est alors nécessaire, recherchant notamment des anomalies immunologiques.
Autres aspects cliniques
• Autres dermatoses : toute dermatose peut atteindre le siège. Mentionnons deux raretés :
– les histiocytoses, qui se manifestent par des papules croûteuses ou des intertrigos atypiques,
– les épidermolyses bulleuses : bulles mécaniques provoquées par les traumatismes minimes (frottements des couches).
Traitement des érythèmes fessiers, des intertrigos, de la dermite séborrhéique infantile
Le traitement préventif consiste en la correction des procédures de change, comme indiqué plus haut.
En présence d’un érythème fessier, on conseille de remplacer transitoirement la crème barrière par un antifongique topique, dans le but de prévenir une candidose.
Si les soins sont correctement effectués, tout rentre dans l’ordre en quelques jours.
ANGIOMES
Deux types de lésions, tout à fait différentes, appartiennent au groupe des angiomes :
• les hémangiomes, anciennement appelés angiomes immatures, qui sont des tumeurs vasculaires du nourrisson d’évolution régressive ;
• les malformations vasculaires, qui peuvent être présentes dès la naissance, et sont soit stables soit progressives.
Hémangiomes des nourrissons
Ils peuvent être présents dès la naissance mais en général apparaissent dans les jours ou semaines qui suivent. Le tout premier signe peut être une tache blanche, puis l’hémangiome lui-même se développe :
• tuméfaction rouge vif, « en fraise », correspondant à la composante dermique (figure 16-5) ;
Figure 16-5 |
• masse sous-cutanée surélevant une peau normale ou bleutée ;