Correction du pectus excavatum de l’enfant et de l’adolescent par la technique de Nuss
Minimal invasive repair of pectus excavatum in children and adolescents: Surgical technique
Introduction
Un grand nombre de techniques ont été décrites concernant la correction du pectus excavatum ou thorax en entonnoir. Celles-ci comprennent le grand retournement du plastron sternocostal [2,41], les sternochondroplasties plus ou moins extensives [4,12,14,38] et, à l’opposé, les techniques de comblement par endoprothèses [11].
Depuis sa première description en 1998 [33], la technique de Nuss a bénéficié de nombreux développements. Elle représente aujourd’hui un compromis chirurgical intéressant. Cependant elle ne prétend pas apporter une solution à toutes les déformations thoraciques, notamment les formes asymétriques. Son efficacité est également discutable dans les formes de l’adulte confirmé. Il ne s’agit donc pas d’une méthode universelle et il est important d’en connaître les limites, ainsi que les pièges qui peuvent se produire lors de sa réalisation.
Base anatomique et principe
La physiopathologie du pectus excavatum est discutée. Il semble qu’il s’agisse d’une anomalie de croissance des cartilages costaux. Ceux-ci ont une croissance excessive et parfois asymétrique. Il peut s’y associer un certain degré d’hypertrophie. Ces perturbations vont provoquer soit un pectus excavatum, soit un pectus carinatum, soit les deux associés, induisant des formes complexes avec une rotation du sternum dans le plan transversal. Les techniques visant à corriger la déformation à son origine vont donc nécessairement passer par une résection plus ou moins importante des cartilages costaux, parfois associée à une correction du sternum par ostéotomie [4,12,38]. La technique de Nuss est loin d’un tel cahier des charges et ne prétend pas s’attaquer à la cause originelle du pectus excavatum. Elle se contente de profiter de la souplesse du thorax chez le sujet jeune : après la correction extemporanée de la déformation, des phénomènes de remodelage secondaire des côtes et des cartilages compléteront et pérenniseront ce résultat. En effet, plus le sujet est jeune et plus la zone cartilagineuse est importante (figure 1). En jouant sur l’élasticité du thorax en croissance, le sternum va être repositionné en force dans le prolongement des deux hémithorax (figure 2). Le principe est de ramener dans le prolongement des deux hémithorax le sternum déplacé en arrière en le soulevant au moyen d’une plaque rétrosternale qui prend appui latéralement sur les deux hémithorax. Ainsi, les forces engendrées sont réparties sur les parties antérieures et latérales du thorax, ce qui permet une bonne tolérance de la plaque (figure 3). Ce principe chirurgical, discutable, ne doit son succès et son intérêt qu’à la qualité des résultats qu’il prodigue, pour une rançon cicatricielle faible. À partir de ce principe de base, de nombreuses variantes ont été publiées. Nous décrirons dans un premier temps la technique initiale telle qu’elle a été décrite par Nuss et adaptée par nos soins aux particularités de l’enfant [16,26]. Nous évoquerons ensuite les principales variantes que l’on peut y apporter en fonction de la pathologie, du type de déformation, de l’âge du patient.
Technique de base
Il s’agit de la plaque rétrosternale par voie endoscopique pour pectus excavatum symétrique. Il est difficile d’effectuer une planification préopératoire précise de l’intervention. Plusieurs classifications ont été proposées, notamment par les auteurs de la technique [9]. Cependant, elles conditionnent peu la stratégie opératoire. Une tomodensitométrie est demandée régulièrement en préopératoire. Elle permet le calcul de l’index de Haller [23] qui est le rapport entre le plus grand diamètre thoracique et la distance entre le sternum et le corps vertébral (figure 4). Pour nous, cet index a surtout un intérêt d’évaluation prospectif. Le scanner reste cependant intéressant, car il permet de mieux appréhender le passage entre le sternum et le corps vertébral, et surtout la composante rotatoire du sternum. Une distance sternovertébrale faible associée à une rotation sternale représente pour nous une contre-indication à la technique dans sa forme classique. Plutôt que l’index de Haller, nous considérons qu’une distance sternovertébrale minimale de 5 cm est nécessaire pour effectuer une technique de Nuss classique dans de bonnes conditions. En deçà de cette valeur, nous y ajoutons un contrôle par voie subxyphoïdienne.
Installation
L’intervention se fait sous contrôle thoracoscopique droit. Il est tout à fait possible d’effectuer cette intervention sans exclusion pulmonaire ou avec une insufflation modérée. Cependant, dans les formes importantes et au début de l’expérience du chirurgien, nous recommandons une exclusion pulmonaire droite. Celle-ci peut se faire chez l’adolescent et l’adulte jeune par une sonde double lumière, type sonde de Carlens. Chez les enfants de moins de 10 ans, l’alternative est l’utilisation de bloqueur bronchique d’Arndt (Cook Medical) [figure 5]. Bird et al. ont parfaitement décrit cette technique [6]. Le bloqueur est positionné dans la bronche souche à exclure sous contrôle fibroscopique, le tout dans la sonde d’intubation (figure 6). Chez le tout-petit, il est possible de positionner le bloqueur en dehors de la sonde et de réaliser la fibroscopie par la sonde [3].
Le patient a été installé sur une table ordinaire. Il est important qu’il ait les deux membres supérieurs à 90° par rapport à l’axe du corps (figure 7). Il ne faut pas dépasser cet angle, car des parésies transitoires du plexus brachial ont été décrites [17]. Le champ opératoire doit être vaste. Il est important de pouvoir aborder la partie latérale du thorax jusqu’à la ligne axillaire moyenne. Il faut également exposer la totalité du sternum dans le champ opératoire de la fourchette sternale jusqu’à la xiphoïde. Cette précaution est indispensable pour avoir une vision globale de l’ensemble du thorax et juger ainsi de la qualité de la correction. Elle est importante aussi en cas de complication majeure afin d’autoriser une sternotomie.
Préparation de la plaque
Plusieurs fantômes souples permettent de se mouler facilement au thorax exposé. Ceci permet de choisir la longueur et la forme idéales (figure 8). La longueur va être une plaque allant d’une ligne axillaire moyenne à l’autre. Entre deux tailles, il est préférable de choisir la plus courte. En effet, la pression du sternum sur la plaque a tendance le plus souvent à la ramener légèrement vers l’arrière et à lui faire déborder cette ligne moyenne. La forme de la plaque ne doit pas être strictement arciforme, comme cela est schématisé dans la plupart des publications. Il nous paraît important que la partie moyenne de la plaque soit horizontale, voire, dans certains cas, très légèrement concave. Lorsque la partie moyenne de la plaque est convexe, une tendance à l’hypercorrection est fréquente. Cette hypercorrection se fait non seulement aux dépens du sternum, mais va parfois également avoir tendance à majorer la surélévation des auvents costaux sous-jacents, ce qui obère de manière significative le résultat cosmétique.
La plaque, une fois sa longueur choisie, sera cintrée au moyen d’un cintreur à trois points (figure 9) en se guidant sur le fantôme préalablement modelé. Il ne faut pas hésiter à majorer le cintrage aux extrémités afin d’éviter que la plaque ne fasse saillie sur les bords latéraux du thorax et n’entre en conflit avec le grand dorsal lors des mouvements de grande amplitude (figure 10). En fin de cintrage, la plaque est posée sur le thorax et elle doit se mouler très harmonieusement sur lui, à l’aplomb du maximum de déformation. Cette étape du cintrage de la plaque est importante et doit être minutieuse.
Incisions
Le point le plus profond du pectus excavatum va correspondre au niveau souhaité de la plaque dans le plan transversal. L’introduction de la plaque doit se faire de manière idéale à l’aplomb du bord droit de la déformation au moment où se fait la plongée de l’excavation. Théoriquement, la sortie doit se faire de manière symétrique sur l’hémithorax gauche, ce qui n’est pas toujours réalisable de manière parfaite. Les points d’entrée et de sortie sont marqués, ce qui permet de choisir l’espace intercostal où vont se faire l’introduction et la sortie théorique (figure 11).
Une fois les plans cutanés et sous-cutanés franchis, il convient d’effectuer un décollement à la surface du grand pectoral, en prenant garde de ne pas faire d’effraction de la glande mammaire chez la fille. Le décollement doit être large, allant jusqu’au point d’entrée présumé de la plaque et même au-delà ; de la même manière, il doit être étendu assez largement sur les côtés, décrivant une zone circulaire d’un diamètre d’environ 10 cm (figure 12). Ce décollement est la clé d’un bon positionnement de la plaque et d’une chirurgie aisée lorsqu’il faudra mobiliser les différents instruments intrathoraciques. Une fois les deux voies d’abord effectuées, le thoracoscope droit doit être mis en place.
Mise en place du thoracoscope
L’introduction se fait dans un espace intercostal situé au minimum deux espaces en dessous de l’introduction présumée de la plaque. Il s’agit donc d’une introduction basse pour laquelle on doit se souvenir que la coupole diaphragmatique est très proche de la paroi thoracique. Nous avons pour habitude d’ouvrir l’espace intercostal et de glisser le 5e doigt à l’intérieur de l’orifice afin de bien sentir la coupole diaphragmatique et d’éviter sa blessure. Le trocart doit être positionné très ascendant pour les mêmes raisons. Une blessure hépatique a été décrite dans la littérature au moment de l’introduction du thoracoscope. Il s’agissait d’un patient antérieurement opéré, présentant des adhérences et un cul-de-sac pleural fermé [10]. C’est à l’introduction du thoracoscope que l’exclusion pulmonaire est demandée. Le thoracoscope est introduit de manière à se positionner au-dessus de la coupole diaphragmatique droite, permettant de voir le rostre sternal s’appuyant sur le péricarde. On repère également de manière assez aisée le nerf phrénique et l’artère mammaire interne droite (figure 13).
Passage du guide rétrosternal
L’orifice d’entrée est pratiqué à la partie culminante de l’excavation sur le point préalablement choisi. L’introduction d’une pince hémostatique se fait aisément sous contrôle endoscopique (figure 14). L’orifice d’introduction doit être élargi avec la pince hémostatique de manière à laisser passer le guide de 1 cm de large. Le guide de passage rétrosternal va alors être introduit. C’est le moment le plus délicat de l’intervention. Il exige la présence de l’anesthésiste en salle d’opération afin de vérifier l’absence de retentissement cardiaque au moment du passage. Il existe des guides de formes variables dont certains peuvent être cintrés à volonté. Le guide est introduit dans l’orifice confectionné par la pince hémostatique sous contrôle endoscopique (figure 15). Dans un premier temps, sa portion arciforme est approchée de l’espace sternopéricardique. Par des petits mouvements latéraux, un passage est effectué à travers les tissus graisseux médiastinaux. Il est fondamental que le contact osseux soit toujours maintenu entre le guide et le sternum. La manœuvre idéale va consister à « enrouler » le guide arciforme autour du rostre sternal afin de le faire émerger dans un espace intercostal controlatéral sur l’hémithorax gauche (figure 16). L’aide situé en face du chirurgien va surveiller l’arrivée du guide dans cet espace intercostal en déplaçant l’incision avec un écarteur de Farabeuf. Dans les cas idéaux, le guide va rapidement faire saillie dans l’espace intercostal gauche souhaité. L’aide va disciser au moyen de ciseaux les fibres musculaires de l’espace correspondant et visualiser son extrémité. Un orifice situé à cette extrémité permet d’y glisser une pince hémostatique et ainsi de l’extérioriser de plusieurs centimètres à travers l’incision thoracique gauche.