26. Demande de Soins et Consultation Thérapeutique
De même l’enfant, ce d’autant plus qu’il est jeune, ne raconte pas ses difficultés à la manière objectivante comme peut le faire un adulte. Le clinicien est pris d’emblée dans un processus transférentiel dont la particularité par rapport au transfert de l’adulte est de se situer dans l’actualité des images parentales: cette actualité du transfert a d’ailleurs été à l’origine du débat passionné entre A. Freud et M. Klein sur la possibilité et les modes de début de la psychanalyse appliquée aux jeunes enfants.
Ainsi chez l’enfant sont étroitement mêlés les plans du diagnostic, de l’évaluation psychodynamique et du choix thérapeutique. La démarche diagnostique dans son acception médicale traditionnelle se réfère au recueil des conduites symptomatiques, à leur regroupement syndromique et à leur classement nosographique. On a eu plusieurs fois l’occasion de voir qu’il était toujours nécessaire de tenir compte du facteur temps pour juger de la validité de certains regroupements, donc d’apporter un éclairage développementale.
L’évaluation psychodynamique renvoie au problème de la structure psychique et des lignées maturatives de développement. Elle tente en outre d’apprécier le degré de liaison entre les diverses conduites observées (organisation très coercitive ou au contraire fluide) et l’importance des secteurs d’activité psychique préservés. D’autre part, le fonctionnement cognitif doit être aussi apprécié, en particulier les troubles spécifiques des apprentissages qui ne relèvent souvent d’une symptomatologie spécifique discrète, voire explicite, qu’au travers de tests. En fonction de ces données le choix d’une thérapeutique est possible, mais ce choix implique aussi l’évaluation des capacités de mobilisation de l’enfant et de son environnement, c’est-à-dire une attitude qui est déjà de l’ordre d’un traitement.
LE SENS DU SYMPTÔME
Le repérage de la conduite symptomatique est habituellement aisé: les parents, l’enseignant, l’enfant lui-même parfois, la mettent en avant. Il n’est pas rare cependant que déjà, un décalage existe entre ce qui est motif de la démarche parentale et ce que le consultant tient pour inquiétant. Une instabilité peut paraître secondaire à côté de l’inhibition relationnelle — ou dans d’autre cas du trouble cognitif — qui l’accompagne: seule la première conduite a suscité la consultation, tandis que le pédopsychiatre se préoccupe plus de la seconde.
Toutefois il faut aussi préciser l’importance quantitative des conduites symptomatiques, le degré de leur retentissement sur les autres secteurs d’activité de l’enfant. Comme le précise A. Freud, la lignée de développement incriminée est-elle bloquée dans son évolution, ce blocage entrave-t-il le développement des autres lignées? Observe-t-on alors un retard, une dysharmonie ou une simple variation de la normale? Il importe aussi de savoir s’il existe des perturbations dans les autres lignées, le degré de liaison entre cette perturbation et le symptôme principal.
FONCTION DE LA CONDUITE SYMPTOMATIQUE
Elle dépend du degré d’intériorisation du conflit. Évaluer cette fonction revient à apprécier le lieu où siège réellement l’origine du symptôme. On peut ainsi distinguer:
– des manifestations d’inadéquation entre l’enfant et les exigences extérieures: ce sont des conflits externes dus à des pressions inadéquates de l’environnement, soit parce qu’elles sont en discordance avec le niveau maturatif atteint par l’enfant, soit parce qu’elles atteignent une intensité excessive ou insuffisante (conflit externe de A. Freud et Nagera). Cette compréhension renvoie à la notion de trouble de l’adaptation dans l’ICD-10 ou le DSM;
– des manifestations dues à un conflit naturel, inhérent au développement de l’enfant lui-même, conflit transitoire, souvent spontanément régressif, mais qui par sa nature peut entrer en résonance avec un conflit externe et menace ainsi de perdurer (cf.fig. 15-1 pour les symptômes obsessionnels compulsifs);
– des manifestations qui témoignent d’un réel conflit interne où le symptôme prend ici, comme chez l’adulte, la signification d’un compromis mais qui, en plus, par sa seule présence peut entraver le développement;
– des manifestations qu’on pourrait dire «séquellaires»: conduites qui à un stade précédent furent l’expression d’un conflit particulier, puis qui ont perdu ce sens premier quand ce niveau conflictuel a été dépassé grâce à la maturation. Dans certains cas elles persistent sous forme d’habitude ou de trait de comportement, sont intégrées et syntones au Moi de l’enfant, sont reconnues et acceptées par la famille. Il n’est pas rare que ces conduites servent alors de point de fixation pour l’expression de tout nouveau conflit et deviennent de ce fait largement surdéterminées;
– des manifestations secondaires à une difficulté méconnue de l’entourage et de l’enfant lui-même. Certains troubles du comportement ou situation de refus scolaire peuvent clairement être la conséquence d’un trouble méconnu de l’apprentissage du langage écrit ou de la coordination motrice.
LE LIEU DE LA SOUFFRANCE
Il est rare que l’enfant exprime lui-même un état de souffrance psychologique, sauf dans le cas de quelques manifestations particulières comme les crises d’angoisses aiguës ou certaines phobies. Dans la grande majorité des cas l’enfant, quelle que soit la gravité apparente de ses conduites pathologiques, n’en souffre pas ou ne l’exprime pas. Il n’en faudrait pas croire pour autant que la souffrance psychologique n’existe pas, simplement ce n’est pas le meilleur indice, ni de gravité pathologique ni de motivation au traitement chez un enfant.
En revanche la souffrance existe toujours dans l’entourage de l’enfant: chez les parents, à l’école. Toutefois le degré et la qualité de cette souffrance sont très variables d’un cas à l’autre. Cette analyse déterminera en grande partie les indications thérapeutiques. Elle représente, exprimée en termes différents, ce qu’on appelle la «demande thérapeutique», sa nature, son origine.
La souffrance des parents face aux difficultés de leur enfant peut traduire leur profonde empathie à son égard: certains parents ressentent avec acuité ces difficultés, souhaitent aider leur enfant au mieux de leurs possibilités. Cette souffrance qui représente une capacité d’identification à l’enfant, à sa situation, donnera aux parents la motivation nécessaire et leur permettra de l’accompagner dans la démarche thérapeutique.
Enfin la souffrance parentale peut simplement refléter le rejet: certains parents semblent plus soucieux de leur propre confort et veulent avant tout être «débarrassés» d’une conduite chez leur enfant qui les gêne, les importune. Ils ne cherchent pas à comprendre l’enfant, et à leur manière externalisent le conflit (c’est le système nerveux, les glandes de l’enfant, ou l’école, la société, etc.). Les conduites symptomatiques de l’enfant ne sont souvent que la traduction d’un désir de relation avec ses parents ou d’un renoncement abandonnique à cette même relation.

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