Chirurgie unguéale

25 Chirurgie unguéale





Introduction


La tablette unguéale est une plaque de kératine rectangulaire constituée de plusieurs couches de cellules cornées et située au-dessus du périoste de la phalange distale. On parle d’appareil unguéal lorsque l’on considère la tablette ou lame unguéale et ses structures adjacentes (Figure 25.1) : la matrice qui produit l’ongle et qui est partiellement recouverte par le repli sus-unguéal, le lit unguéal sous la tablette auquel elle adhère fortement, l’hyponychium qui correspond à la partie distale du lit unguéal d’où l’ongle se détache et les replis latéraux qui enserrent les parties latérales de la tablette.



La pathologie unguéale quelle que soit son origine (tumorale, inflammatoire, infectieuse, mécanique ou traumatique, génétique ou malformative) est un motif fréquent de consultation en dermatologie. Son traitement nécessite de maîtriser des techniques chirurgicales spécifiques liées notamment à l’absence de tissu sous-cutané et au manque de laxité de l’appareil unguéal. L’objectif de ce chapitre est de rapporter pour les différentes sous-unités de l’ongle et pour les principales pathologies les procédures chirurgicales diagnostiques et/ou thérapeutiques les plus adaptées en précisant, pour chacune d’entre elles, les contraintes anatomiques, les difficultés et les enjeux. Les principes généraux adaptés à la chirurgie unguéale seront rappelés en préambule. Les techniques utilisées en traumatologie ne seront pas abordées car elles ne concernent pas directement l’activité dermatologique.



Consultation préopératoire


Le cadre médicolégal impose une consultation préopératoire et un délai de réflexion comme avant tout acte de chirurgie dermatologique. Elle recherche des contre-indications et aborde les différents aspects de l’intervention, les suites habituelles, les complications et les séquelles éventuelles. Il faut aussi évaluer l’incapacité de travail selon l’activité professionnelle du patient et il est recommandé de réaliser des photographies préopératoires qui seront intégrées au dossier médical.


Les contre-indications à la chirurgie unguéale sont en général exceptionnelles. Il faut néanmoins s’assurer de l’absence d’artériopathie sévère. Le diabète et le phénomène de Raynaud avec ou sans sclérodermie ne contre-indiquent pas une intervention indispensable mais doivent inciter à la prudence pour des indications moins impératives. Dans ces deux cas, la lidocaïne adrénalinée ne doit pas être utilisée et il est recommandé de réaliser le geste sans garrot [1]. On veillera à assurer un suivi postopératoire particulièrement attentif chez ces patients. En cas d’infection, il est souhaitable de différer l’intervention. Il faut par ailleurs évaluer le risque hémorragique potentiel en précisant les antécédents médicaux du patient (insuffisance hépatocellulaire) et ses prises médicamenteuses (anticoagulants, antiagrégants plaquettaires). On rappelle que ces traitements ne doivent pas être arrêtés, le risque hémorragique étant relativement faible.


Le risque dystrophique doit être apprécié et discuté avec le patient. Celui-ci concerne essentiellement les gestes en regard de la matrice proximale (Figure 25.2). Les biopsies de petite taille effectuées sur la matrice distale qui produit les couches profondes de la tablette unguéale ne se traduisent que par un amincissement localisé de la face ventrale, peu visible, de la tablette. Les gestes effectués sur le lit unguéal n’induisent qu’exceptionnellement des séquelles en dehors parfois d’une onycholyse distale lorsque le prélèvement dépasse 4 mm. Une exérèse latéro-longitudinale est responsable d’un rétrécissement de la largeur de la tablette en général harmonieux mais entraînant souvent une légère désaxation de la lame unguéale en direction du côté opéré (Figure 25.3).




L’antibioprophylaxie n’a pas démontré son intérêt en chirurgie unguéale. Une préparation du champ opératoire par un savonnage antiseptique (chlorhexidine moussante, polyvidone iodée) la veille et 1 heure avant l’intervention doit être réalisée par le patient. Les fumeurs doivent stopper le tabac avant le geste notamment en cas de greffe de l’appareil unguéal.



Anesthésie


La plupart des interventions sur l’appareil unguéal sont pratiquées sous anesthésie locale et parfois locorégionale. Chez les patients très anxieux, chez l’enfant et pour des interventions plus complexes, il peut être utile d’avoir recours à une courte sédation voire à une anesthésie générale. L’usage du protoxyde d’azote pendant la durée du geste d’anesthésie locale peut être également proposé dans ces cas. Le choix du type d’anesthésie va dépendre de la nature et de la durée de l’intervention, de son siège et des habitudes de l’opérateur.






Techniques [3]


Dans tous les cas, il est préférable d’utiliser des seringues vissées Luer-Lock ou des seringues dentaires à carpules car l’injection se fait contre résistance. Les aiguilles utilisées doivent être fines (27 G aux orteils, 30 G aux doigts) pour diminuer la douleur de la pénétration dans le derme et limiter le débit du liquide anesthésique. L’injection est toujours très lente. Le produit anesthésique doit être à température ambiante.








Instrumentation






Garrot – Hémostase


Le champ opératoire doit être parfaitement exsangue pour tous les actes de chirurgie unguéale. Celui-ci est obtenu le plus souvent à l’aide d’un garrot digital (drain en caoutchouc) placé à la base du doigt ou de l’orteil après réalisation de l’anesthésie locale. Une autre façon astucieuse pour la chirurgie des ongles des doigts est de glisser la main dans un gant chirurgical stérile et de percer le doigt de gant puis de le retrousser jusqu’à la base du doigt (Figure 25.6). La pression serait plus homogène qu’avec un drain qui délivre une pression variable [4]. Pour des interventions excédant 30 minutes (rares en pratique dermatologique), il est préférable d’utiliser un garrot pneumatique sous bloc régional ou anesthésie générale. L’hémostase au bistouri électrique n’est pas recommandée car le saignement s’arrête spontanément en l’absence de troubles de la coagulation grâce à un pansement légèrement compressif et la surélévation du membre. En cas de greffe en unité de l’appareil unguéal, un bourdonnet compressif est réalisé.





Avulsion de la lame unguéale


Une avulsion unguéale consiste à désolidariser la tablette unguéale de ses attaches [5]. Elle permet d’explorer et/ou de traiter une lésion sous-unguéale ou supprimer une zone de tablette pathologique. On rappelle que la tablette adhère fortement à son lit en distalité mais de façon plus réduite sur ses bords latéraux et au niveau de la matrice distale et du lit proximal, ce qui permet après avoir décollé la cuticule de pratiquer une avulsion par voie postérieure.


L’avulsion est un geste douloureux qui doit être effectué sous anesthésie locale sauf en cas d’onycholyse distale préexistante. Il faut privilégier autant que possible les avulsions partielles à l’avulsion unguéale complète qui expose au risque d’incarnation antérieure ou de ptérygion dorsal lorsque l’ongle n’est pas reposé sur son lit.


Pour des avulsions partielles, il est aussi recommandé de repositionner la tablette :






Au contraire, cette tablette n’est pas repositionnée en cas d’infection ou si l’on souhaite effectuer un drainage matriciel (panaris, paronychie, botryomycome) ou du lit unguéal (botryomycome) ou s’il s’agit d’une avulsion d’une onychomycose.




Avulsion distale






Biopsies unguéales


Les biopsies unguéales sont finalement assez peu réalisées car les éléments cliniques, dermoscopiques et éventuellement d’imagerie (radiographie standard, IRM) vont permettre de préciser le diagnostic. Lorsqu’ils ne sont pas probants, ou pour justifier un geste chirurgical plus large aux conséquences fonctionnelles importantes, il faudra pratiquer une biopsie dont la technique est fonction du siège de la lésion [6]. Une onychopathie polydactylique isolée avec des altérations de la surface de l’ongle ou de plusieurs sous-unités justifiera plutôt d’une biopsie latéro-longitudinale alors que devant une onycholyse ou une hyperkératose sous-unguéale inexpliquée, après avoir éliminé une onychomycose, on réalisera plutôt une biopsie du lit unguéal.


Il est toujours souhaitable de travailler avec un anatomopathologiste expérimenté en pathologie unguéale et d’orienter les prélèvements notamment les biopsies latéro-longitudinales (le prélèvement peut être encré et positionné dans des cassettes par l’opérateur lui-même).


Trois types de biopsie peuvent être réalisés facilement sans risque dystrophique majeur.




Biopsie de matrice distale


Elle peut être réalisée au punch de 3 mm. Le repli proximal est incisé à 45°. L’incision doit être assez superficielle sur le repli proximal pour ne pas risquer de léser la matrice sous-jacente. Le repli est détaché de la face dorsale de la tablette à l’aide du décolleur. L’incision est réalisée des deux côtés si la lésion est médiane pour bien le récliner et exposer la matrice ou d’un seul côté si la lésion est latéralisée. Le repli est maintenu à l’aide d’un crochet de Gillis ou d’une pince à griffe. La lésion est prélevée au punch de 3 mm en étant finalement assez superficielle car la matrice n’est pas, à ce niveau, très adhérente à la phalange sous-jacente et se soulève très facilement. Le prélèvement est manipulé avec précaution si possible à l’aide d’une aiguille sous-cutanée, coupé de ses attaches avec des ciseaux à iridectomie. La suture n’est pas indispensable lorsque la perte de substance matricielle mesure moins de 3 mm. Le repli proximal est suturé au fil à peau 3/0. Il faut toujours penser à pratiquer une avulsion postérieure en cas de mélanonychie pour rechercher un débordement pigmentaire sur la jonction matrice distale – lit unguéal (Figure 25.12).



Lorsque la lésion est plus large, on peut opter pour une exérèse transversale ou un shaving de la matrice (cf. Chirurgie matricielle page 266).





Chirurgie du repli sus-unguéal





Lecture chirurgicale


La chirurgie du repli sus-unguéal doit s’attacher à ne pas léser le fond du cul-de-sac postérieur sous peine de ptérygion et doit rétablir la forme du repli et la cuticule qui assure l’étanchéité du cul-de-sac.



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Apr 23, 2017 | Posted by in DERMATOLOGIE | Comments Off on Chirurgie unguéale

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