Introduction

La joue est l’unité topographique faciale la plus étendue. Les différentes possibilités de réparation doivent tenir compte des sous-unités anatomiques, afin d’obtenir un résultat esthétique satisfaisant. La très grande laxité cutanée au niveau de la joue permet le plus souvent de fermer une perte de substance, même conséquente, par simple rapprochement et suture directe. En cas d’impossibilité, il faut alors privilégier les lambeaux. La cicatrisation dirigée et la greffe de peau totale doivent être évitées au maximum. Les indications de la cicatrisation dirigée peuvent se limiter à des PDS étendues mais superficielles chez un sujet très âgé. La greffe dont le résultat esthétique est souvent médiocre ne se justifie également que si l’on ne peut pas recourir aisément à une autoplastie, ou en cas d’incertitude évolutive carcinologique.

Lecture anatomique

Téguments

Au niveau de la joue, on distingue classiquement trois plans tégumentaires [1] :

la peau qui est d’aspect très variable selon les sous-unités anatomiques : épaisse et glabre en zone médiojugale, plus fine, et pileuse chez l’homme, en région pré-auriculaire ;

le système musculoaponévrotique superficiel, émanant du fascia préparotidien. Ce plan tégumentaire rejoint la couche musculaire superficielle. Il est juste au-dessus des branches du nerf facial ;

le plan profond est musculaire, avec le masséter et le buccinateur.

Pièges anatomiques

Il s’agit essentiellement des branches du nerf facial, dont la branche mandibulaire beaucoup moins superficielle que la branche frontale, protégée par le peaucier au niveau de son croisement avec la branche horizontale de la mandibule. Elle doit être respectée, compte tenu des conséquences sur la mimique en cas de section accidentelle.

Le canal de Sténon (conduit parotidien) est un rapport profond exceptionnellement exposé sauf en cas de lésion tumorale très invasive. Sa ligature, décidée pour des raisons carcinologiques, peut induire une rétention salivaire ; de même, son effraction est à l’origine d’une incontinence salivaire, le plus souvent transitoire (Figure 21.2).

Fig. 21.2 Carcinome basocellulaire évolué qui sera à l’origine d’une lésion du conduit parotidien en postopératoire.

La parotide est relativement superficielle dans la zone préauriculaire, en avant du lobule de l’oreille, protégeant en son sein le nerf facial.

Lecture chirurgicale

La réserve de laxité cutanée au niveau de la joue est particulièrement propice à l’exérèse suture fusiforme et ses variantes (fuseau oblique, fuseau asymétrique, fuseau en S italique) qui représentent l’essentiel des réparations des PDS de la joue, même de grande taille [2]. La réalisation d’une exérèse fusiforme nécessite une analyse théorique et peut globalement répondre sur une surface plane au schéma suivant : rapport longueur/largeur voisin de 3/1 ou 4/1, angles apicaux proches de 30°, positionnement judicieux du grand axe du fuseau par rapport aux lignes de moindre tension cutanée.

Les lignes de Kraissl (Figure 21.3), bien objectivées par les rides d’expression chez le sujet âgé [3], sont à préférer aux lignes de Langer, lignes fictives analysées sur cadavre [4] et qui ne tiennent pas compte de l’action musculaire des peauciers, source de la mimique chez le sujet vivant. Après ces considérations théoriques, dans la pratique : plus la cicatrice du fuseau se raccourcit, plus les angles apicaux sont ouverts, et plus l’excédent tissulaire à chaque extrémité devient important. Ainsi, sur une surface convexe comme la joue, et plus particulièrement au niveau des régions médiojugale et malaire, le phénomène se majore. Un fuseau dessiné de façon à ce que les angles latéraux soient de 30° voit donc ses angles considérablement s’élargir après l’exérèse de la lésion (> 45°), ce qui accentue l’importance des excès tissulaires aux extrémités de la PDS (Figure 21.4).

Fig. 21.3 Les lignes de moindre tension cutanée selon Kraissl.

D’après Martin D, Barthélémy I, Mondie JM et al. Facial epitheliomas : general considerations, surgical techniques and indications. Ann Chir Plast Esthet 1998 ; 43 : 311-64.